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d'un conseil de guerre qui avait reconnu en sa faveur l'existence de circonstances atténuantes, a été annulé, le second conseil de guerre a pu, sans excès de pouvoir, ne point reconnaître l'existence de ces mêmes circonstances, et aggraver la peine prononcée contre le condamné (1). L'annulation des débats. prononcée par le conseil de révision rend, en effet, aux juges toute leur liberté d'appréciation des faits de la cause; dès l'instant où le jugement est annulé, l'accusation doit être de nouveau débattue devant le conseil de guerre de renvoi, sans que celui-ci ait à se préoccuper de la première peine prononcée.

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Les lois militaires ne contenant aucune disposition contraire au principe de droit commun qui ne permet pas qu'un accusé, légalement acquitté sur un chef, puisse être poursuivi de nouveau, il s'ensuit que lorsqu'un militaire, prévenu de plusieurs délits distincts, n'a été condamné par jugement du conseil de guerre que sur un seul chef de l'accusation, et que, sur le pourvoi en révision, ce jugement a été annulé, le nouveau conseil de guerre saisi doit juger sur ce chef unique. Il ne peut connaître des chefs d'accusation purgés par l'acquittement, et surtout il ne peut en faire l'objet d'une condamnation (2).

S'il existe plusieurs chefs d'accusation sur lesquels il soit intervenu des déclarations de culpabilité, dans une affaire, et s'il y a eu irrégularité dans la solution des questions sur un ou quelques-uns de ces chefs d'accusation, pourvu que la peine appliquée soit justifiée par une réponse claire et complète sur les autres chefs, il n'y a pas lieu à annulation: la condition essentielle, c'est que la peine soit justifiée (3).

Si l'annulation n'est prononcée que sur une circonstance aggravante, comme cette circonstance se rattache au fait principal auquel elle se rapporte, il y a lieu d'annuler les réponses, même régulières, faites sur ce chef, fussent-elles favorables à l'accusé (4).

(4) Cass. crim., 19 janvier 4844, affaire Otero.

(2) Cass. crim., 26 novembre 1842, affaire Fabus. « Attendu, disait la Cour de cassation dans cet arrêt que la législation militaire n'a pas dérogé aux principes du droit commun, qui ne permettent pas de remettre en jugement les personnes acquittées des accusations portées contre elles; Attendu que les chefs d'accusation qui ne sont pas unis entre eux par le lien de l'indivisibilité constituent des chefs de jugement indépendants les uns des autres, et dont la solution peut être l'acquittement sur les uns et la condamnation sur les autres..... etc. »

(3) C'est de jurisprudence, à la Cour de cassation. Mais il ne faut pas que les chefs d'accusation soient indivisibles ou connexes entre eux; car, dans ce cas, il y aurait lieu d'annuler sur tous les chefs indivisibles ou connexes, même pour les questions résolues en faveur de l'accusé. C'est ce que la Cour de cassation a jugé, notamment, le 14 février 1835 (affaire Mosne et Boisnier) et le 49 juin 1845 (affaire Altauzen) : « Attendu, disait-elle, que les deux accusations ont leur base dans un fait simultané, et que, par suite, elles ne sont que des modifications du mème fait, elles ne peuvent être divisées, et doivent être fournies en entier à l'appréciation du jury..... »

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 499 et 500.-Cet auteur cite l'arrêt suivant, rendu par la Cour de cassation, le 6 février 4827, affaire Delair:

«Attendu que, par l'arrêt de renvoi et le résumé de l'acte d'accusation, Fidèle-Amand Delair était accusé de vol commis la nuit, avec escalade et dans une maison habitée; que, sur des questions conformes, le jury a répondu affirmativement sur la circonstance de la nuit, négativement sur celle de l'escalade, et qu'il a omis de répondre sur celle de la maison habitée;

«Attendu que cette omission de la part du jury ne pouvait être réparée que par la Cour d'assises, qui aurait dû enjoindre aux jurés de se retirer dans leur chambre pour faire connaître les motifs de leur silence;

« Qu'en ne le faisant pas, elle a laissé incomplète la déclaration du jury sur une des circonstances qui constituaient, dans l'espèce, le crime dont le demandeur était accusé;

« Qu'il suit de là que la déclaration du jury ne saurait être maintenue, et qu'en prononçant la peine qui lui aurait clé applicable si cette déclaration avait été complete, et si la réponse du jury

Devant le conseil de guerre de renvoi, l'accusé devra être assisté d'un défenseur, et il lui en sera désigné un nouveau, si celui qui l'a assisté, lors des premiers débats, est empêché de le défendre.

Il est bien entendu que les effets du recours en révision doivent être limités à l'accusé qui l'a formé. et que le conseil ne saurait les étendre à un autre condamné, frappé par le même jugement, et qui ne se serait pas pourvu devant lui (1). Lors donc qu'un jugement rendu par le conseil de guerre contre plusieurs coaccusés n'a été attaqué devant le conseil de révision que par l'un d'entre eux, ce conseil ne peut étendre aux autres coaccusés les effets de sa décision, s'il n'y a pas eu de recours formé par le commissaire du gouvernement (2); et par suite, si la décision du conseil de révision a annulé à tort le jugement à l'égard de tous pour insuffisante application de la peine, il y a lieu d'en prononcer la cassation dans l'intérêt de la loi, et de faire profiter de cette cassation ceux des condamnés qui n'avaient pas formé de recours, et auxquels il importe de n'être pas soumis à une nouvelle application de la peine.

La règle, on ne saurait trop insister sur ce point, est que les conseils de révision ne peuvent statuer que sur les jugements qui leur sont déférés, et que leurs décisions ne produisent d'effet qu'à l'égard de ceux qui se sont pourvus. Ils sont absolument incompétents pour statuer sur des procédures et des jugements qui ne leur ont pas été déférés par le pourvoi spécial de la partie publique ou privée. Par application de cette règle, la Cour de cassation a jugé que si, de deux accusés du même crime, traduits devant le conseil de guerre, l'un a été acquitté, l'autre condamné, le conseil de révision saisi par le pourvoi de ce dernier seulement, ne peut, sous prétexte d'une nullité de procédure commise à l'égard de l'individu acquitté, annuler le jugement du conseil de guerre en ce qui concerne cet individu, et renvoyer tous les prévenus devant un autre conseil de guerre. Aucun motif d'indivisibilité de procédures ou de poursuites de délits, ni aucune raison fondée sur l'intérêt présumé du demandeur en révision, ne peut autoriser le conseil de révision à faire porter son examen sur la procédure relative à l'accusé acquitté, dès que, en ce qui le concerne, le jugement n'avait pas été attaqué par le ministère public (3).

Le Code de justice militaire ne s'est pas expliqué, dans le second paragraphe de l'article 170, sur ce qu'il faut entendre par ces mots : « la fausse application de la peine; mais comme les dispositions de cet article sont

sur la circonstance de la maison habitée avait été affirmative, l'arrêt a manifestement violé toutes les règles établies par le Code d'instruction criminelle pour l'application de la peine;

a Attendu que, l'acte d'accusation n'étant point purgé, il y a lieu de renvoyer devant une Cour d'assises, et à une nouvelle déclaration du jury, tant sur le fait principal que sur toutes les circonstances aggravantes résultant de l'acte d'accusation, même sur celle de l'escalade, que le jury précédent avait résolue en faveur de l'accusé, puisqu'on ne saurait maintenir en ce chef sa déclaration sans la maintenir également au chef qui a résolu contre lui la partie de la question relative à la circonstance de la nuit, et sans géner la liberté des nouveaux jurés, et les obliger d'admettre comme constants des faits ou des circonstances que de nouveaux débats pourraient infirmer. »

(4) Cass. crim., 20 juin 1854, affaire Doubleau. Dalloz P., 1854, 4, 213; et 45 juillet 4858, affaire Teissier. Dalloz P., 4858, 4, 430.

(2) Voir, plus haut, l'article 72 et son commentaire.

(3) Cass. crim., 24 messidor an II. L'arrêt se trouve dans Dalloz, Répertoire de législation, T. XXXIV, vo Organisation militaire, p. 2074.

empruntées aux principes généraux du droit commun, il est évident qu'il s'en est référé, à cet égard, aux dispositions corrélatives du Code d'instruction criminelle. Or, suivant les articles 410 et 434 de ce Code, faire une fausse application de la peine, c'est prononcer une peine autre que celle que la loi applique à la nature du crime (1).

ART. 171.

Si le deuxième jugement est annulé, l'affaire doit être renvoyée devant un conseil de guerre qui n'en ait point connu (2).

Quel que soit le motif de l'annulation du jugement du deuxième conseil de guerre, le renvoi sur la seconde annulation doit toujours avoir lieu devant un troisième conseil de guerre, sauf à ce conseil à se conformer aux dispositions de l'article 181.

Le gouvernement aura toutefois la faculté, dans le cas où il le jugerait opportun ou nécessaire pour la bonne administration de la justice, d'en référer, soit à la Cour de cassation, soit au pouvoir législatif.

M. Foucher fait remarquer, à ce propos, que l'interprétation donnée, dans ce cas, par la Cour de cassation, ne sera que doctrinale, mais il ajoute que telle est l'autorité de ses arrêts, que les juridictions militaires s'y conforment généralement (3).

ART. 172.

Les dispositions des articles 110, 113, 114 et 115 du présent Code, relatifs aux conseils de guerre, sont applicables aux conseils de révision.

Dans les cas prévus par l'article 116, il est procédé comme au dernier paragraphe de cet article.

Dans tous les cas, les décisions sont prises à la majorité indiquée par l'article 165.

L'accusé sera donc assisté, devant le conseil de révision, par un défenseur pris, soit parmi les militaires, soit parmi les avocats et les avoués, à moins que l'accusé n'obtienne du président la permission de prendre pour défenseur un de ses parents ou amis (4). La liberté de la défense doit être entière devant le conseil. Il a été jugé que si, par suite du refus de communiquer les pièces de la procédure et de l'interdiction absolue de communication de l'accusé et de son défenseur, émanés de l'officier rapporteur

(4) Ordre de pourvoi dans l'intérêt de la loi, formulé par le ministre de la justice, M. Baroche, dans l'affaire Gérard. Dalloz P., 1858, 4, 94.

(2) Combiner cette disposition avec l'article 184, et voir, plus loin, ce dernier article avec son commentaire.

Sous l'empire de la loi du 18 vendémiaire an vi, lorsque le second jugement avait été annulé par les mêmes moyens que le premier, la question devait être soumise au Corps législatif qui portait une loi à laquelle le conseil de révision était tenu de se conformer.

(3) V. Foucher, Commentaire, p. 501.

(4) Voir, plus haut, l'article 440 et son commentaire.

immédiatement après la déclaration du recours en révision formé par l'accusé, celui-ci n'a pu fournir aucune défense devant le conseil de révision, il en résulte une violation du droit de la défense, et que la décision intervenue doit être annulée (1).

Le conseil de révision se réunira au jour et à l'heure fixés par l'ordre de convocation.

Des exemplaires du Code de justice militaire, du Code d'instruction criminelle et du Code pénal ordinaire seront déposés sur le bureau.

Les séances seront publiques, à peine de nullité; néanmoins, si cette publicité paraît dangereuse pour l'ordre ou pour les mœurs, le conseil ordonnera que les débats aient lieu à huis clos. Dans tous les cas, le jugement sera prononcé publiquement. Le conseil pourra interdire le compte rendu de l'affaire; cette interdiction ne pourra s'appliquer au jugement (2).

Le président du conseil de révision aura la police de l'audience (3).

Les assistants seront sans armes; ils se tiendront découverts, dans le respect et le silence. Lorsque les assistants donneront des signes d'approbation ou d'improbation, le président les fera expulser. S'ils résistent à ses ordres, le président ordonnera leur arrestation et leur détention, pendant un temps qui ne pourra excéder quinze jours. Les individus justiciables des conseils de guerre seront conduits dans la prison militaire, et les autres individus à la maison d'arrêt civile. Il sera fait mention, dans le procèsverbal, de l'ordre du président; et, sur l'exhibition qui sera faite de cet ordre au gardien de la prison, les perturbateurs y seront reçus.

Si le trouble ou le tumulte a pour but de mettre obstacle au cours de la justice, les perturbateurs, quels qu'ils soient, seront, audience tenante, déclarés coupables de rébellion par le conseil de guerre, et punis d'un emprisonnement qui ne pourra excéder deux ans.

Lorsque les assistants ou les témoins se rendront coupables, envers le conseil de guerre ou l'un de ses membres, de voies de fait ou d'outrages ou menaces par propos ou gestes, ils seront condamnés séance tenante:

1o S'ils sont militaires ou assimilés aux militaires, quels que soient leurs grades ou rangs, aux peines prononcées par le Code de justice militaire, contre ces crimes ou délits, lorsqu'ils auront été commis envers des supérieurs pendant le service;

20 S'ils ne sont ni militaires ni assimilés aux militaires, aux peines portées par le Code pénal ordinaire (4).

Les décisions du conseil de révision, dans ces différents cas, seront prises à la majorité des voix (5), et non à la majorité de cinq voix contre deux (6).

(4) Cass. crim., 26 novembre 1842, affaire Fabus.
(2) Voir, plus haut, l'article 143 et son commentaire.
(3) Voir, plus haut, l'article 444 et son commentaire.
(4) Voir, plus haut, l'article 445 et son commentaire.
(5) Voir, plus haut, l'article 465 et son commentaire.
(6) Voir, plus haut, l'article 134 et son commentaire.

Lorsque des crimes ou des délits ne touchant pas à la majesté de la justice et au respect dû à ceux qui l'appliquent, seront commis dans le lieu des séances du conseil de révision, le président, après avoir fait dresser procèsverbal des faits et des dépositions des témoins, renverra les pièces et l'inculpé devant l'autorité compétente (1).

(1) Voir, plus haut, l'article 146 et son commentaire.

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