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l'inférieur aient des insignes de service, un hausse-col, une épée ou un sabre; un fusil, une giberne, un outil de corvée, ou qu'ils n'en aient aucun ; « 2o Par occasion du service, toute cause, toute circonstance de nature à motiver, de la part du supérieur, des commandements à l'inférieur pour le bien du service ou pour l'exécution d'un règlement militaire;

«< 3o Par militaire sous les armes, la situation du militaire exécutant un service armé, un service qui exige, pour l'officier, l'épée ou le sabre; pour le sousofficier ou soldat, le fusil ou le sabre selon l'arme tels que une garde, un piquet, une manoeuvre, une marche, etc.

Cela posé, pour mieux analyser nos deux articles, dédoublons, de la manière suivante, les dispositions que contient l'article 223.

La première est celle-ci :

Les voies de fait exercées pendant le service, par un militaire envers son supérieur, sont punies de mort. »

« La seconde est :

Les voies de fait exercées, à l'occasion du service, par un militaire envers ⚫ son supérieur, sont punies de mort. »

«Vient ensuite le § 2, posant la sanction du respect dû par l'inférieur au supérieur, en dehors de toute circonstance aggravante.

Si les voies de fait, etc. »

Ainsi, deux cas de voies de fait: voies de fait en dehors de toute circonstance de service; voies de fait aggravées par la circonstance du service. Ce dernier cas lui-même présente deux hypothèses :

1° Voies de fait pendant le service;

<< 2. Voies de fait en dehors du service, mais à l'occasion du service.

«En d'autres termes, il y a deux causes d'aggravation l'une prenant sa source dans cette situation que les militaires sont de service, quel que soit d'ailleurs le motif qui l'a fait naître, ce motif fût-il étranger au service; l'autre dans l'occasion du service, indépendamment de la position des militaires, tant du supérieur que de l'inférieur. Il est clair que ces deux causes se trouveront souvent dans une même affaire, mais elles peuvent très-bien aussi ne pas s'y présenter à la fois.

«Notons immédiatement comme ne présentant aucune difficulté d'interprétation législative la disposition de l'article 223 relative à l'occasion du service. «En effet, pour répondre à une question ainsi posée : Les voies de fait dont le nommé X...est accusé, ont-elles été commises à l'occasion du service? Les juges n'ont pas à tenir compte de la position des deux parties dans le service ou hors du service; ils n'ont qu'à décider en leur conscience si les voies de fait ont eu, ou non, le service pour cause. Sans doute, les appréciations pourront être très-variables, car il est bien clair que tel officier préoccupé surtout du maintien, à tout prix, d'une discipline inflexible dans l'armée, sera bien plus disposé à voir un fait de service dans certains rapports du supérieur à l'inférieur, que tel autre qui, par légèreté d'esprit et peut-être aussi par une intelligence insuffisante de la nécessité des situations, sera plus touché de la triste position du malheureux sur le sort de qui il a à prononcer, que de l'importance immense du principe à sauvegarder. Mais, d'un autre côté, il n'est pas possible au législateur de déterminer, pour tous les cas, la limite où le service commence ni celle où. il finit. Et il est évident qu'à part certaines espèces où le doute ne saurait surgir, chaque juge sera tout naturel

lement porté à les étendre ou à les restreindre, suivant certaines préoccupations personnelles auxquelles il obéira à son insu.

« Ce n'est pas de cette difficulté d'appréciation qu'il s'agit ici, mais bien de la difficulté d'interprétation de la première disposition de l'article 223, relative aux voies de fait commises pendant le service.

« Dans quels cas peut-on dire que des voies de fait ont été commises pendant le service? Ou autrement, dans quelle situation relative doivent se trouver le supérieur et l'inférieur, pour que la condition pendant le service soit remplie ? pour que l'aggravation puisse être mise à la charge de l'inférieur? « Faut-il qu'ils soient de service l'un et l'autre, ou l'un d'eux seulement ? Quand ils étaient de service l'un et l'autre, au moment où les voies de fait ont été commises, il n'y a pas de doute possible. Tous les juges sont forcés de convenir que l'aggravation a lieu : elle est dans les termes de la loi.

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« Mais si l'un d'eux seulement était de service (supposons que ce soit le supérieur), quand les voies de fait ont été commises, l'aggravation a-t-elle lieu également? Ici, doute, hésitation, les opinions se partagent. Les uns disent oui, les autres non. - Que dit la loi ? rien de précis dans l'article 223, et, quelle que soit la décision des juges, elle lui est conforme. En sorte que dans cette hypothèse du supérieur de service vis-à-vis de l'inférieur non de service, elle n'assure expressément au supérieur de service aucune protection de plus qu'à celui qui ne l'est pas. Cependant, disent ceux qui admettent en ce cas l'aggravation, il est inadmissible que la loi n'ait pas protégé davantage le supérieur dans l'exercice de ses fonctions que hors cet exercice. Ainsi, il est impossible d'accorder qu'un colonel donnant des ordres à la tête de son régiment ne soit pas plus inviolable que le même colonel se trouvant en dehors de tout service, sur une place publique ou au spectacle. - C'est très-vrai, répondent les opposants, mais vous n'avez aucun droit de mettre une aggravation spéciale là où la loi ne l'exprime pas formellement. Or, dans ce cas, elle l'exprime si peu qu'elle y est même contraire par la disposition de l'article 222.

« Cet argument amène à l'hypothèse de l'inférieur de service, le supérieur ne l'étant pas.

« Ici, même controverse : les uns prétendent que l'aggravation est encourue parce que l'inférieur doit être plus rigoureusement tenu dans le service que hors du service.

« D'accord; mais la loi ne l'a assujetti à une pénalité plus rigoureuse que dans un seul cas prévu par cet article 222 invoqué plus haut: c'est celui où le militaire accusé de voies de fait envers son supérieur, était sous les armes lorsqu'il les a commises. A cet égard la loi ne distingue pas; quelle que soit la situation du supérieur, dans le service ou hors le service, les voies de fait sont punies de mort (Art. 222). Or, si la loi règle ce cas spécial par une disposition expresse, elle exclut forcément tous les autres. Si elle avait admis la circonstance aggravante pendant le service dans l'hypothèse où nous nous sommes placés du supérieur hors du service, l'inférieur étant de service, l'article 222 était inutile et se trouvait compris dans l'article 223, car le militaire sous les armes est de service.

Le cas prévu par l'article 222 est tout spécial. Il ne règle que le fait de l'inférieur sous les armes. En sorte, par exemple, que si un homme en corvée (la corvée est un service), s'était porté, envers son supérieur non de service, à

des voies de fait, il n'aurait pas encouru, aux termes de la loi, une peine plus grave que s'il n'eût pas été de service.

« On objectera, peut-être encore, que l'article 115 : 1° dispose qu'un militaire assistant comme simple spectateur à une audience de conseil de guerre, s'il commet une voie de fait envers un des membres du conseil, sera considéré comme ayant agi pendant le service, bien que lui ne fût certainement pas de service.

Mais cet argument se retourne évidemment contre ceux-là même qui le présentent, car personne n'a jamais mis en doute que des officiers siégeant comme juges ne fussent en service. Ils n'avaient dès lors pas besoin d'une protection spéciale. Si donc le législateur a cru devoir, dans cette occasion, sévir d'une manière exceptionnellement rigoureuse contre l'inférieur qui n'étant pas de service, se rend coupable de voies de fait, c'est que la même aggravation ne saurait lui être appliquée dans tous les autres cas : l'exception confirme la règle.

« Donc on est forcé d'admettre qu'il résulte des deux articles 222 et 223 combinés, ainsi que de l'article 115 1o (1), que la circonstance aggravante pendant le service, n'est admise par la loi, sauf les exceptions prévues par lesdits articles 115 et 222, que lorsque le supérieur et l'inférieur sont tous deux de service.

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Il est regrettable que dans ces deux dernières hypothèses où l'une des parties seulement, le supérieur ou l'inférieur, est de service, la loi n'ait pas protégé spécialement le supérieur dans l'exercice de ses fonctions, et obligé plus rigoureusement l'inférieur, sauf le cas prévu par l'article 222, où il est sous les armes; mais il ne nous semble pas possible d'y découvrir cette protection. Pour qu'elle s'y trouvât expressément, il faudrait donner à l'article 223 le sens que voici :

1o Tout militaire de service, qui se sera porté à des voies de fait envers son supérieur, sera puni de mort;

2o Tout militaire qui se sera porté à des voies de fait envers son supérieur de service, sera puni de mort ;

3o Toute voie de fait exercée à l'occasion du service, par un militaire envers son supérieur, sera punie de mort;

«

D

4o Dans tout autre cas, le coupable, etc., § 2 de l'article 223. Or, cela est impossible, à moins de faire disparaître du Code l'article 222, qui s'oppose formellement à cette interprétation.

« Ces deux hypothèses n'offrent, du reste, un intérêt pratique véritable, que dans les cas de voies de fait qui ne comporteraient pas l'autre cause d'aggravation, l'occasion du service; car il ne faut pas perdre de vue que nous sommes toujours et uniquement dans l'hypothèse de la première cause d'aggravation pendant le service, l'autre se trouvant réglée par la loi de manière à ne laisser aucun doute et n'admettant aucune distinction entre les situations de service ou hors du service. D'ailleurs, il est bien rare qu'un cas de voies de fait ne comporte pas la cause d'aggravation, l'occasion du service, et il ne peut même guère avoir lieu que par la faute, ou, tout au

(4) Voir, plus haut, l'article 445 et son commentaire.

moins, l'imprudence du supérieur. Ces considérations sont, selon nous, la meilleure raison à donner des dispositions de la loi qui a réservé toute sa rigueur pour la cause d'aggravation, l'occasion du service (1).

Nous avons tenu à reproduire ce développement (2).

ART. 224.

Tout militaire qui, pendant le service ou à l'occasion du service, outrage son supérieur par paroles, gestes ou menaces, est puni de la destitution, avec emprisonnement d'un an à cinq ans, si ce militaire est officier, et de cinq à dix ans de travaux publics, s'il est sous-officier, caporal, brigadier ou soldat.

Si les outrages n'ont pas eu lieu pendant le service ou à l'occasion du service, la peine est de un an à cinq ans d'emprisonnement (3).

Cet article admet la même distinction pour l'outrage par paroles, gestes ou menaces. Lorsque le militaire, qui outrage ainsi son supérieur, pendant le service ou à l'occasion du service, est un officier, la loi prononce la destitution, avec emprisonnement d'un à cinq ans. Tout autre militaire est puni de cinq ans à dix ans de travaux publics. St les outrages n'ont eu lieu ni pendant le service, ni à l'occasion du service, la loi a édicté une peine uniforme dont le minimum est de un an et le maximum de cinq ans d'emprisonnement.

Les mots pendant le service et à l'occasion du service ont une signification nette dans la langue militaire. Le Code pénal ordinaire prévoit aussi les outrages et les violences commis contre les dépositaires de l'autorité publique, soit pendant l'exercice, soit à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions; le juge apprécie, et condamne ou acquitte selon sa conviction.

La Cour de cassation a jugé, le 17 mars 1850 (toutes Chambres réunies), que les dispositions de la loi du 25 mars 1822, qui punissent les outrages faits par parole à des magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions, tendant à inculper leur honneur ou leur délicatesse, comprennent nécessairement toutes les expressions injurieuses qui manifestent le mépris pour le fonctionnaire auquel elles

(4) Conférences du Droit pénal, édition 1867, t. Ier, p. 292 à 298.

(2) Il a été jugé que la hiérarchie, avec les conséquences qui en découlent, existe pour les vétérinaires militaires, non-seulement entre eux, mais aussi à l'égard des officiers de troupe; que par suite, un vétérinaire en second, qui, pour le rang, a dans l'armée la position d'un lieutenant de troupe, doit être considéré l'inférieur d'un capitaine instructeur, et est avec raison, dans le cas où il a porté des coups à un officier de ce grade, traduit devant un conseil de guerre sous l'accusation de voies de fait envers son supérieur (Crim. cass., 28 avril 1864, affaire Bergeon, Dall. P., 1864, 1, 401).

(3) L'article 89 du Code militaire prussien est beaucoup moins rigoureux; il est ainsi conçu : Quiconque étant de service ou sur le point d'être commandé, manque au respect dû à son supérieur, et exprime hautement ses griefs ou répond à des observations qui lui sont faites, sera puni des arrêts.

« Si le manque de respect a lieu sous les armes et devant une troupe rassemblée, ou bien encore, s'il y a menace, les arrêts forcés de au moins quatorze jours, ou la prison ou la peine de forteresse jusqu'à trois ans seront applicables. >>

sont adressées, pour ses actes et pour ses fonctions, et qu'en jugeant le contraire, la Cour de Poitiers a violé la loi (1). »

ART. 225.

Tout militaire coupable de rébellion envers la force armée et les agents de l'autorité, est puni de deux mois à six mois d'emprisonnement, et de six mois à deux ans de la même peine, si la rébellion a eu lieu avec

armes.

Si la rébellion a été commise par plus de deux militaires, sans armes, les coupables sont punis de deux à cinq ans d'emprisonnement, et de la reclusion, si la rébellion a eu lieu avec armes.

Toute rébellion commise par des militaires armés, au nombre de huit au moins, est punie conformément aux paragraphes 3 et 5 de l'article 217 du présent Code.

Le maximum de la peine est toujours infligé aux instigateurs ou chefs de rébellion et au militaire le plus élevé en grade.

Le fait de rébellion, avant le Code de justice militaire, était l'objet de prescriptions très-confuses. On ne le punissait que par assimilation à la révolte et en combinant les articles 3, 5, 6, 18 de la loi du 21 frimaire an v, titre vi, avec le Code pénal ordinaire. L'article 225 du Code de 1857, sans le définir d'une manière précise, l'a frappé de peines plus ou moins graves, selon les circonstances et les grades des coupables.

Cet article n'est, du reste, que l'application à la loi militaire des dispositions du Code pénal ordinaire sur la rébellion, mises en harmonie avec la qualité des coupables et avec les prescriptions spéciales sur la révolte; aussi les conseils de guerre doivent-ils se guider d'après la définition de la rébellion, telle qu'elle est donnée par l'article 209 du Code pénal ordinaire.

Pour rendre plus sensibles les légères modifications apportées à ce dernier Code par l'article 225 du Code de justice militaire, nous allons présenter en tableau synoptique les dispositions du Code pénal ordinaire et les changements introduits par le Code de 1857.

CODE PÉNAL ORDINAIRE.

Art. 209. « Toute attaque, toute résistance avec violence et voies de faits envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les préposés à la perception des taxes et des contributions, les porteurs de contraintes, les préposés des douanes, les séquestres, les officiers ou agents de la police administrative où judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres on ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements, est qualifiée, selon les circonstances, crime ou délit de rébellion. »

LOI MILITAIRE.

(4) Les expressions: Je vous emm.... constituent un outrage dans le sens de cet article (C., 17 mars 1850).

Un geste indécent, qui est le signe non équivoque du mépris de l'autorité du supérieur, a toujours été rangé par les conseils de guerre dans la catégorie des outrages par gestes.

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