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Le crime prévu par l'article 253 entraînera contre les complices, même non militaires, la même peine que contre les auteurs.

La question principale posée sur la culpabilité sera ainsi formulée : « N... a-t-il détruit ou fait détruire, dans un but coupable, etc. »

Rappelons, pour mémoire, les trois articles suivants de la loi du 27 juillet 1793:

Art. 1er. Tout individu qui, dans les armées françaises, sera convaincu d'avoir mis sous les caissons de l'artillerie des mèches artificielles pour produire une explosion destinée à servir en même temps de signal aux ennemis et à répandre la terreur dans l'armée de la République, sera soumis à la peine de mort portée par la loi, et fusillé à la tête de l'armée, d'après la déclaration d'un jury civil nommé à cet effet. ›

«

Art. 2. La même peine sera appliquée contre ceux qui se seront rendus coupables de viol ou de pillage sur les propriétés des citoyens. »

Art. 3. Les conducteurs d'artillerie, de charrois, de vivres, d'hôpitaux ambulants et autres, qui, pouvant sauver leurs voitures et leurs chevaux, seront convaincus d'avoir abandonné ces mêmes voitures, leurs canons et leurs caissons, et d'avoir coupé les traits de leurs chevaux pour fuir ou de les avoir vendus ou livrés à l'ennemi, seront punis de la même peine.

ART. 254.

D

Est puni de deux à cinq ans de travaux publics tout militaire qui volontairement détruit ou brise des armes, des effets de campement, de casernement, d'équipement ou d'habillement appartenant à l'État, soit que ces objets lui eussent été confiés pour le service, soit qu'ils fussent à l'usage d'autres militaires; ou qui estropie ou tue un cheval ou une bête de trait ou de somme employée au service de l'armée.

Si le coupable est officier, la peine est celle de la destitution ou d'un emprisonnement de deux à cinq ans.

S'il existe des circonstances atténuantes, la peine est réduite à un emprisonnement de deux mois à cinq ans (1).

L'article 254 prévoit des actes de destruction commis par les militaires sur un objet déterminé, et qui n'ont point la portée des actes punis par les articles 251, 252 et 253.

Il s'agit ici de bris et de lacération d'armes et d'effets remis au militaire pour son service. M. Foucher fait remarquer que le fait du militaire qui brise son arme, déchire ses vêtements, estropie son cheval, est un acte de révolte qu'il importe de réprimer sévèrement. Seulement, ajoute-t-il, en autorisant l'admission des circonstances atténuantes, le législateur a voulu tenir compte des actes qui ne seraient que le résultat d'un premier mouvement d'emportement, toujours coupable, toujours condamnable, mais dont

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(4) Combiner cet article avec les articles 253 et 245.

les bons antécédents du coupable ou son repentir peuvent, jusqu'à un certain point, autoriser à mitiger le châtiment (1). ».

Il convient donc de bien se renseigner sur le caractère et les antécédents du prévenu, ainsi que sur le mobile qui a pu le pousser à commettre le délit; on pourra d'autant mieux graduer la peine et admettre les circonstances atténuantes en connaissance de cause.

L'article 254 se sert des termes : qui volontairement détruit ou brise, tandis que l'article 252 se sert de ceux-ci : qui détruit ou dévaste; le mot dévaster a un sens très-large et peut se prendre pour dégrader, au lieu que les mots : « détruit ou brise » ont un sens parfaitement défini.

L'article 254 semble donc ne pas prévoir la simple dégradation, cas qui se présente 'souvent, lorsque, par exemple, un homme ivre ou en colère dégrade les murs d'une chambre ou ceux d'une salle de police. C'est ce qui a lieu également pour l'article 456 du Code pénal, qui se sert seulement des mots : « détruit des clôtures, d'où la conséquence que, dans le cas d'un homme ivre ou en colère qui aurait dégradé les murs de sa chambre ou ceux de la salle de police, il serait rationnel d'appliquer, par analogie à ce qui se passe dans le droit commun, l'article 17 de la loi du 6 octobre 1791, qui punit la dégradation des clôtures et qui est toujours en vigueur (2).

Les complices non militaires sont punis de la même peine que les auteurs (3).

ART. 255.

Est puni de la reclusion tout militaire qui volontairement détruit, brûle ou lacère des registres, minutes ou actes originaux de l'autorité militaire.

S'il existe des circonstances atténuantes, la peine est celle d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et, en outre, de la destitution, si le coupable est officier.

Les registres, minutes ou actes originaux dont il est ici question, sont les registres matricules des régiments, des comptables, les minutes des ordres donnés par les chefs, les pièces de comptabilité, les décisions judiciaires ou administratives, etc. Le plus souvent, dit M. Foucher, ces destructions ont pour objet de faire disparaître la preuve des infidélités des comptables, de la violation des instructions, comme la trace des crimes ou des délits commis ou des condamnations encourues; mais, quel que soit le but caché qui ait conduit le coupable à cette mauvaise action, dès l'instant où il l'a faite volontairement, il en est légalement responsable, et cela indépendamment du crime auquel cette lacération ou cette destruction aurait servi de moyen, sauf à combiner l'application de la peine selon le fait emportant la plus grave (4). »

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 814.

(2) Manuel du juge au conseil de guerre, p. 226 et 227.

(3) Voir, plus loin, l'article 268 du Code de justice militaire, et, plus haut, l'article 197, avec leur commentaire.

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 845 et suiv.

L'article 255 du Code de justice militaire a, du reste, pour correspondant, dans l'ordre civil, l'article 439 du Code pénal ordinaire, ainsi conçu:

«

Quiconque aura volontairement brûlé ou détruit, d'une manière quel conque, des registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni ainsi qu'il suit :

Si les pièces détruites sont des actes de l'autorité publique ou des effets de commerce ou de banque, la peine sera la reclusion.

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S'il s'agit de toute autre pièce, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et d'une amende de cent francs à trois cents francs. »

Pour avoir toutefois une complète intelligence de cet article 439, il convient d'observer qu'il ne punit ni l'extorsion, ni le détournement, ni la suppression des actes dans les dépôts; il ne frappe que la destruction de ces actes, hors des dépôts et par toute autre personne que le dépositaire. La destruction « d'une manière quelconque comprend la lacération du titre. Il faut seulement que l'acte détruit, qu'il soit rangé dans la classe des actes de l'autorité publique ou parmi les actes privés, contienne ou opère obligation, disposition ou décharge; s'il ne produit pas cet effet, il n'y a plus de préjudice.

Les complices, même non militaires, seront punis de la même peine que les auteurs du crime ou du délit (1). .

ART. 256.

Tout militaire coupable de meurtre sur l'habitant chez lequel il reçoit le logement, sur sa femme ou sur ses enfants, est puni de mort.

La circonstance de l'hospitalité est une aggravation du crime; mais l'article ne s'applique qu'au militaire logé chez l'habitant à titre de militaire, sur bille de logement, par exemple, et non au militaire reçu à titre d'ami ou amené par un tiers.

L'article est applicable aussi dans le cas où ce ne serait que le cheval du militaire qui serait logé.

Dans l'un et l'autre cas, l'habitant était obligé de recevoir le militaire, et ce dernier a profité de la facilité que lui donnait cette position pour commettre son crime (2).

La peine édictée par l'article 256 ne pourra pas être abaissée, le législateur n'ayant pas admis de circonstances atténuantes.

La question sera ainsi formulée:

10 N...... est-il coupable d'avoir, le...... à...... commis un homicide volontaire sur la personne du sieur D...... habitant à...... (Circonstance aggravante.)

(4) Voir, plus loin, l'article 268, et, plus haut, l'article 497 du Code de justice militaire, avec leur commentaire.

(2) Voir, plus haut, ce que nous avons dit à ce sujet, en commentant l'article 248.

2o« N...... était-il logé chez ledit D...... en vertu d'un billet de logement? »

Si la circonstance aggravante est admise, le militaire reconnu coupable de meurtre sur l'habitant sera puni de mort, conformément à l'article 256 du Code de justice militaire. Si elle est écartée, il y aura lieu de recourir, pour l'application de la peine, aux articles 295 et 304 du Code pénal ordinaire, dont voici le texte (1):

«

Art. 295. L'homicide commis volontairement est qualifié meurtre. » Art. 304. « Le meurtre emportera la peine de mort lorsqu'il aura précédé, accompagné ou suivi un autre crime.

« Le meurtre emportera également la peine de mort lorsqu'il aura eu pour objet, soit de préparer, faciliter ou exécuter un délit, soit de favoriser la fuite ou d'assurer l'impunité des auteurs ou complices de ce délit.

«< En tout autre cas, le coupable de meurtre sera puni des travaux forcés à perpétuité.

D

Pour qu'il y ait meurtre, il faut : 1o un attentat matériel ayant pour but d'ôter la vie à un être humain: les souffrances purement morales, quelque odieuses qu'elles fussent, ne suffiraient pas;

20 Un acte matériel ayant la puissance de donner la mort; car on ne pourrait qualifier homicide ou du moins tentative d'homicide, un coup porté avec un instrument qui ne pourrait donner la mort, de même qu'on ne qualifierait pas tentative d'empoisonnement le fait d'avoir administré des substances ne pouvant qu'altérer temporairement la santé ;

3o Un acte, un attentat matériel commis sur un être humain;

4o Volonté de tuer, mais volonté coupable, volonté frauduleuse de commettre l'homicide; car on peut avoir la volonté de donner la mort à quelqu'un, sans avoir la pensée d'un crime. Par exemple, si étant l'objet d'une agression, on ne peut sauver sa vie qu'en attaquant celle de ses agresseurs, ou si, faisant partie de la force armée, on a reçu le commandement de faire feu sur l'ennemi ou sur des rebelles.

Que faut-il entendre, dans l'article 304 du Code pénal, par les mots : «Lorsqu'il aura précédé, accompagné ou suivi un autre crime? »

Il faut entendre que les deux crimes ont été commis dans le même trait de temps: c'est cette simultanéité qui en accroît la criminalité, parce qu'il en résulte que les deux crimes se confondent en quelque sorte dans une même action, qu'ils concourent l'un avec l'autre pour constituer en quelque sorte un seul et même crime.

Dans le deuxième paragraphe de l'article 304 du Code pénal, la simultanéité des deux faits existe également, mais il faut en outre que le meurtre ait eu pour objet ou de préparer, faciliter ou exécuter le délit, ou de favoriser la fuite ou d'assurer l'impunité des auteurs de ce délit. Ainsi l'aggravation du meurtre naît ici, non plus seulement de la concordance des deux faits, mais du rapport qui unit l'un avec l'autre, de la corrélation qui existe entre l'un et l'autre. Il est clair qu'il est nécessaire de constater, dans la pre

(4) Nous verrons, plus loin, en expliquant l'article 267 du Code de 4857, que les tribunaux militaires appliquent les peines portées par les lois pénales ordinaires à tous les crimes ou délits non prévus par le Code de justice militaire.

mière hypothèse, la concomitance des deux crimes et, dans la seconde, la corrélation du crime avec le délit : c'est ce seul rapport, en effet, soit de temps, soit de cause qui forme l'élément de l'aggravation. Il est également nécessaire de constater, dans l'un et l'autre cas, les caractères constitutifs, soit du crime, soit du délit, car ce n'est que lorsque le fait concomitant ou corrélatif constitue un crime ou un délit, que la peine peut s'élever (1).

L'article 256 du Code de justice militaire frappe de la peine de mort le militaire coupable de meurtre sur l'habitant chez lequel il reçoit le logement, mais il n'ajoute pas à cette peine la dégradation militaire. Le conseil de guerre ne devra donc pas la prononcer, et la peine de mort n'en aura pas les effets, c'est-à-dire que le meurtrier mourra dans l'intégrité de son état et de ses droits, puisque la dégradation militaire n'est encourue ipso jure, qu'autant que la peine capitale est prononcée en vertu des lois pénales ordinaires. Il y aura à combiner, à cet égard, l'article 256 du Code de 1857, avec les articles 295 et 304 du Code pénal ordinaire.

La loi du 21 brumaire an v, titre V, avait une disposition ainsi conçue: Art. 4.Tout militaire ou autre individu attaché à l'armée et à sa suite, convaincu d'avoir attenté à la vie de l'habitant non armé, à celle de sa femme ou de ses enfants, en quelque pays et lieu que ce soit, sera puni de

mort. »

Cet article était beaucoup plus général, dans ses termes, que l'article 256 du Code de 1857, puisqu'il sauvegardait la vie de l'habitant « en quelque pays et lieu que ce soit, et que l'article 256 n'a pas reproduit cette disposition. à cet égard. Mais il est certain que l'article 256 a été rédigé pour la France et pour l'étranger. Le principe est le même, en temps de paix, sur le territoire national, comme en temps de guerre sur le territoire ennemi. Seulement, en temps de guerre, il y aurait à distinguer, suivant la loi de brumaire, entre l'habitant armé et l'habitant non armé.

CHAPITRE IX.

Faux en matière d'administration militaire.

ART. 257.

Est puni des travaux forcés à temps tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire qui porte sciemment sur les rôles, les états de situation ou de revue, un nombre d'hommes, de chevaux ou de journées de présence au delà de l'effectif réel, qui exagère le montant des consommations, ou commet tout autre faux dans ses comptes.

S'il existe des circonstances atténuantes, la peine est la reclusion ou un emprisonnement de deux à cinq ans.

(1) Boitard, Leçons sur les Codes pénal et d'instruction criminelle, édition 1863, p. 325 et suiv., 335 et suiv.

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