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En cas de condamnation, l'officier coupable est, en outre, puni de la destitution (1).

Avant de s'engager dans le commentaire de cet article, il convient de préciser les principes consacrés par la doctrine et par la jurisprudence, en matière de faux.

Il y a trois sortes de faux: le faux par paroles, le faux par écrit et le faux par faits.

Les faux par paroles sont compris sous la qualification de faux serment, faux témoignage.

Les faux qui se commettent par des faits matériels sont principalement la contrefaçon ou altération des monnaies, la contrefaçon ou altération des sceaux de l'État.

Mais c'est surtout aux faux en écritures que s'applique, dans la langue du Droit criminel, la qualification de faux.

Eléments constitutifs. Le faux a été ainsi défini par la Cour de cassation: « Altération de la vérité dans une intention criminelle, qui a porté ou a pu porter préjudice à un tiers. » Il y a donc trois éléments constitutifs du faux en écritures: 1° altération de la vérité; 2o intention frauduleuse; 3o préjudice réel ou possible pour un tiers.

Altération de la vérité. Le faux est matériel ou intellectuel.

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1° Faux matériel. Il consiste dans une altération matérielle de la vérité: fausses signatures, altération des actes, écritures ou signatures; écritures faites ou intercalées; contrefaçon ou altération d'écritures, fabrication de conventions, etc.; addition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits, etc.

20 Faux intellectuel. Il consiste dans un moyen de fraude qui, sans contrefaçon ni altération matérielle d'une écriture quelconque, substitue, dans un écrit, une stipulation fictive à celle que l'écrit devait constater: suppositions de personnes; faits faux constatés comme vrais; mention sur les rôles, contrôles, états de situation d'hommes ou de journées de présence au delà de l'effectif réel; exagération du montant des consommations. - On conçoit, d'après ce qui précède, que le faux intellectuel ne peut être commis que par un fonctionnaire ou officier public.

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Intention frauduleuse. L'intention frauduleuse est une question de fait. L'examen et la solution en appartiennent donc entièrement au conseil de guerre. L'intention criminelle est, d'ailleurs, suffisamment constatée par la déclaration de culpabilité, lorsque l'on a posé la question de savoir, non si l'accusé a commis le faux, mais bien s'il est coupable de l'avoir commis.

(4) LOI DU 24 BRUMAIRE AN V, TITRE VII. Art. 1er. « Tout militaire ou employé à la suite de l'armée, qui, pour faire payer à sa troupe ou à ses subordonnés ce que la loi leur accorde, sera convaincu d'avoir porté son état de situation au-dessus du nombre effectif présent, sera puni de trois ans de fers, et condamné à restituer ce qu'il aura touché au delà de ce qui revenait à sa troupe ou à ses subordonnés. >>

Art. 2. Tout commissaire des guerres convaincu de connivence avec le militaire ou l'employé qui aurait fait un état de paye ou de distribution, porté au-dessus du nombre effectif présent, sera puni de cinq ans de fers, et condamné à restituer les sommes payées ou les fournitures délivrées sur son ordonnance au delà de ce qui revenait de droit à la troupe comprise audit état. »

Ainsi: Le nommé.............. est-il coupable d'avoir commis le crime de faux? et non : Le nommé...... a-t-il commis le crime de faux?

Préjudice réel ou possible. Tout préjudice, soit matériel, soit moral, peut engendrer ce troisième élément constitutif du crime de faux. Le faux est donc punissable toutes les fois qu'il a été commis avec l'intention de nuire, soit à la fortune, soit à la réputation d'autrui; toutes les fois, en un mot, qu'il a eu pour but et pour effet réel ou possible de compromettre un intérêt public ou un intérêt privé. Ainsi, par exemple, devrait être puni comme faussaire celui qui, dans le but de compromettre la réputation d'une personne quelconque, fabriquerait, sous le nom de cette personne, des lettres qui lui feraient perdre l'estime dont elle jouissait; - celui qui fabriquerait une lettre sous le nom d'un fonctionnaire et la communiquerait au supérieur de ce fonctionnaire pour compromettre ce dernier.

La loi n'exige point que le préjudice qui pourra résulter de l'altération frauduleuse de la vérité soit actuel et certain: le faux commis est punissable par cela seul que le préjudice a été possible au moment de la perpétration du crime, quels que puissent être les événements ultérieurs, quand même une circonstance imprévue le rendrait désormais impossible. Ainsi le fonctionnaire public qui a commis un faux dans un de ses actes, ne cesse pas d'être punissable par le fait que son acte devient absolument nul ou perd toute espèce de valeur.

Le préjudice réel ou possible étant un élément essentiel du faux, il doit être formellement exprimé dans le jugement, et à titre de circonstance constitutive; il ne doit pas faire l'objet d'une question distincte.

Exemple; question unique: le nommé X..., administrateur ou comptable militaire, est-il coupable d'avoir, pendant l'année 1865, et dans l'exercice de ses fonctions, commis le crime de faux au préjudice de l'État, pour avoir sciemment porté sur tel état de situation ou de revue un nombre de journées de présence au delà de l'effectif réel?

Coupable et sciemment indiquent l'intention criminelle... Journées de présence au delà de l'effectif réel constatent l'altération de la vérité... Au préjudice de l'État indique le préjudice causé. Toutes les circonstances constitutives sont donc formellement exprimées.

Espèces diverses de faux criminels. Il y a quatre espèces de faux criminels:

1o Les faux en écritures authentiques ou publiques;

2o Les faux en écritures de commerce;

3o Les faux en écritures privées;

4° Les faux commis dans les passe-ports, feuilles de route ou certifi

cats.

Le faux en matière d'administration militaire est un véritable faux en écriture publique. Mais il est à remarquer que l'article 257 du Code militaire est spécial à ceux qui le commettraient dans l'exercice de leurs fonctions.

Il semble qu'on doit en conclure que toute autre personne qui commettrait un faux en écriture publique quelconque, fùt-ce en écriture administrative, en fabriquant un faux mandat, par exemple, ou en apposant une fausse signature à un mandat expédié au nom d'une autre personne, se

rendrait coupable du faux en écriture publique, prévu par l'article 147 du Code pénal.

Ainsi, en thèse générale, toute personne qui commet un faux quelconque tombe sous l'application des articles 145 et suivants du Code pénal ordinaire, et il n'est fait d'exception à ce principe que pour les individus fonctionnaires qui ne sont en position de commettre le faux que précisément à cause de leur qualité de fonctionnaires, et dans des actes qu'ils ne peuvent faire qu'en raison de leurs fonctions.

Procédure. La pièce arguée de faux doit être déposée au greffe, signée et parafée par le greffier et le déposant, s'il sait signer.

Le greffier doit, en outre, dresser procès-verbal descriptif de la pièce. Dans le cas où cette pièce n'aurait pu être saisie, l'impossibilité de remplir la formalité voulue n'empêcherait pas la poursuite, qui aurait lieu alors suivant les formes ordinaires, sauf preuve du faux par les moyens d'information usités dans les procédures relatives à tout autre crime.

La pièce arguée de faux sera contre-signée par l'officier de police judiciaire et par le prévenu, lorsqu'elle lui sera représentée à son premier interrogatoire.

Si la pièce arguée de faux se trouve dans un dépôt public, tout détenteur, quel qu'il soit, doit la remettre au greffe, sur simple ordonnance du commissaire du gouvernement ou de l'officier rapporteur. Décharge en est donnée au déposant par l'acte de dépôt rédigé par le greffier.

Dans le cas où la comparaison des écritures est jugée nécessaire, le rapporteur désigne des experts. Les pièces de comparaison qui leur sont remises doivent être signées et parafées comme la pièce principale.

En résumant ce qui vient d'être dit, on trouve donc que le crime de faux consiste:

1o Dans l'altération de la vérité;

2o Dans une altération de la vérité commise avec intention de nuire; intention qui résulte de la déclaration même de culpabilité, puisqu'elle consiste dans la volonté de commettre l'altération de la vérité;

3o Dans une altération de la vérité ayant pu porter préjudice à autrui; mais il n'est pas nécessaire absolument que le préjudice ait été réalisé : ii suffit qu'il soit la conséquence possible de l'acte entaché de faux. Cette présomption résulte toujours des faux commis volontairement par les fonctionnaires publics dans les actes de leur ministère.

Le faux peut résulter:

1o D'une altération des écritures;

2o D'une intercalation: « Attendu qu'il est reconnu, par l'arrêt attaqué, dit un arrêt de la Cour de cassation, du 5 août 1853, que Fabrègue a fait altérer les écritures qu'il tenait en sa qualité de capitaine d'habillement du 4 régiment de chasseurs d'Afrique, et intercaler après coup des additions sur ses registres; qu'il a agi dans l'intention criminelle de présenter des situations fausses, et d'échapper à la responsabilité du déficit qui existait en magasin, et que ce fait a prolongé la sécurité dans laquelle il maintenait sciemment le contrôle local et facilité l'accroissement de ce déficit; qu'il a été ainsi préjudiciable;

.

<< Attendu que la réunion de ces circonstances renferme tous les éléments du faux punissable (1).....

Il résulte de cet arrêt qu'un capitaine d'habillement est, non pas un simple mandataire privé du conseil d'administration du corps, mais un officier chargé d'un service public, dont les registres ont un caractère public et authentique.

Mais il n'y a pas crime de faux de la part du sous-officier ou soldat employé en qualité de secrétaire dans les bureaux du capitaine-major du régiment, qui, après avoir, à l'insu de cet officier, préparé ou fait préparer en minute, dans ces bureaux, des congés destinés à libérer des militaires n'y ayant pas droit, a glissé ces congés parmi d'autres pièces envoyées à la signature du général, et surpris ainsi l'approbation de ce dernier (2).

3o D'une rature.

Le Code de justice militaire ne s'occupe du crime de faux que dans les rapports avec la comptabilité; mais, dans ces limites, il embrasse tout faux commis dans ses comptes par un des individus qui y sont dénommés; il s'applique non-seulement à tout administrateur ou comptable, mais aussi à tout militaire, expression qui embrasse tout individu assimilé aux militaires.

Commis à propos de tout autre fait que la comptabilité, le faux est puni en vertu des dispositions du Code pénal ordinaire (3).

(4) Affaire Fabrègue. Dalloz P., 1853, 1, p. 264.

(2) Cass. crim., 20 août 1857, affaire Fescourt. Dalloz P., 1857, 4, 5, 444.

(3) Voici les articles du Code pénal qui concernent le faux :

§ III. Des faux en écritures publiques ou authentiques et de commerce ou de banque.

Art. 145. « Tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l'exercice de ses fonctions, aura commis un faux:

« Soit par fausses signatures,

« Soit par altération des actes, écritures ou signatures,

« Soit par supposition de personne,

a Soit par des écritures faites ou intercalées sur des registres ou d'autres actes publics, depuis leur confection ou clôture,

« Sera puni des travaux forcés à perpétuité. »

Art. 446. « Sera aussi puni des travaux forcés à perpétuité, tout fonctionnaire ou officier public qui, en rédigeant des actes de son ministère, en aura frauduleusement dénaturé la substance où les circonstances, soit en écrivant des conventions autres que celles qui auraient été tracées ou dictées par les parties, soit en constatant comme vrais des faits faux qui ne l'étaient

pas. »

Art. 147. « Seront punies des travaux forcés à temps toutes autres personnes qui auront commis un faux en écriture authentique et publique, ou en écriture de commerce ou de banque : «Soit par contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures;

«Soit par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges, ou par leur insertion après coup dans ces actes;

« Soit par addition ou altération de clauses, de déclarations, ou de faits que ces actes avaient pour objet de recevoir et de constater. >>

Art. 148. « Dans tous les cas exprimés au présent paragraphe, celui qui aura fait usage des actes faux sera puni des travaux forcés à temps. >>

Art. 149. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Sont exceptés des dispositions cidessus, les faux commis dans les passe-ports, feuilles de route et permis de chasse, sur lesquels il sera particulièrement statué ci-après. >>

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Art. 150. Tout individu qui aura, de l'une des manières exprimées en l'article 147, commis un faux en écriture privée, sera puni de la reclusion. >>

Art. 154. « Sera puni de la même peine, celui qui aura fait usage de la pièce fausse.» Art. 152. « Sont exceptés des dispositions ci-dessus, les faux certificats dont il sera ci-après parlé. »>

Indépendamment des cas de faux indiqués par l'article 257 et tombant sous son application, sont considérés comme faux commis sur des pièces de comptabilité:

1o Les faux sur des feuilles de route et des quittances d'appointements, attendu que les feuilles de route, le livret, les mandats et les quittances sont évidemment des pièces de comptabilité intéressant le Trésor public »;

-

SV. Des Faux commis dans les passe-ports, permis de chasse, feuilles de route et certificats.

Art. 153. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Quiconque fabriquera un faux passeport ou un faux permis de chasse, ou falsifiera un passe-port ou un permis de chasse originairement véritable, ou fera usage d'un passe-port ou d'un permis de chasse fabriqué ou falsifié, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins, et de trois ans au plus. »

Art. 154. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Quiconque prendra, dans un passeport ou dans un permis de chasse, un nom supposé, ou aura concouru comme témoin à faire délivrer le passe-port sous le nom supposé, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an. «La même peine sera applicable à tout individu qui aura fait usage d'un passe-port ou d'un permis de chasse délivré sous un autre nom que le sien.

«Les logeurs et aubergistes qui, sciemment, inseriront sur leurs registres, sous des noms faux ou supposés, les personnes logées chez eux, ou qui, de connivence avec elles, auront omis de les inscrire, seront punis d'un emprisonnement de six jours au moins et de trois mois au plus. »

Art. 155. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Les officiers publics, qui délivreront ou feront délivrer un passe-port à une personne qu'ils ne connaîtront pas personnellement, sans avoir fait attester ses noms et qualités par deux citoyens à eux connus, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois.

« Si l'officier public, instruit de la supposition du nom, a néanmoins délivré ou fait délivrer le passe-port sous le nom supposé, il sera puni d'un emprisonnement d'une année au moins et de quatre ans au plus.

«Le coupable pourra, en outre, être privé des droits mentionnés en l'article 42 du présent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. Art. 456. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Quiconque fabriquera une fausse feuille de route, ou falsifiera une feuille de route originairement véritable, ou fera usage d'une feuille de route fabriquée ou falsifiée, sera puni, savoir :- D'un emprisonnement de six mois au moins et de trois ans au plus, si la fausse feuille de route n'a eu pour objet que de tromper la surveillance de l'autorité publique;

« D'un emprisonnement d'une année au moins, et de quatre ans au plus, si le trésor public a payé au porteur de la fausse feuille des frais de route qui ne lui étaient pas dus ou qui excédaient ceux auxquels il pouvait avoir droit, le tout néanmoins au-dessous de cent francs;

« Et d'un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq ans au plus, si les sommes indûment perçues par le porteur de la feuille s'élèvent à cent francs et au delà.

«Dans ces deux derniers cas, les coupables pourront, en outre, être privés des droits mentionnés en l'article 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine.

Ils pourront aussi être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant le même nombre d'années. >>

Art. 157. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Les peines portées en l'article précédent seront appliquées, selon les distinctions qui y sont établies, à toute personne qui se sera fait délivrer par l'ollicier public une feuille de route sous un nom supposé, ou qui aura fait usage d'une feuille de route délivrée sous un autre nom que le sien. »>

Art. 458. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Si l'officier public était instruit de la supposition de nom lorsqu'il a délivré la feuille de route, il sera puni, savoir :-Dans le premier cas posé par l'article 456, d'un emprisonnement d'une année au moins et de quatre ans au plus. «Dans le second cas du même article, d'un emprisonnement de deux ans au moins et de cinq ans au plus.

« Dans le troisième cas, de la reclusion.

Dans les deux premiers cas, il pourra, en outre, être privé des droits mentionnés en l'article 42 du présent Code pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine. »

Art. 164. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Quiconque fabriquera, sous le nom d'un fonctionnaire ou officier public, un certificat de bonne conduite, indigence ou autres circoustances propres à appeler la bienveillance du gouvernement ou des particuliers sur la personne y désignée, et à lui procurer places, crédit ou secours, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans.

« La même peine sera appliquée : 4° à celui qui falsifiera un certificat de cette espèce, originairement véritable, pour l'approprier à une personne autre que celle à laquelle il a été primiti vement délivré; 2° à tout individu qui se sera servi du certificat ainsi fabriqué ou falsifié.

« Si ce certificat est fabriqué sous le nom d'un simple particulier, la fabrication et l'usage seront punis de quinze jours à six mois d'emprisonnement.

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