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définis et classés soit parmi les crimes, soit parmi les délits, soit parmi les contraventions de police, mais ne saurait avoir compétence pour connaître d'infractions à de simples règlements disciplinaires, c'est-à-dire pour statuer sur des fautes que la loi pénale n'a pas rangées au nombre de celles qu'elle a entendu faire réprimer par les tribunaux. C'est donc à tort, — dit M. Foucher, que certains conseils de guerre ont cru pouvoir recourir à l'article 271 pour punir des infractions qui autrement échappaient à l'action de la justice répressive.

L'article 272 confirme la disposition de l'article 54 (1). Ainsi, par exemple,

(4) Voir, plus haut, cet article et son commentaire.

Nous trouvons dans la Gazette des tribunaux, du 3 août 1873, le compte rendu d'une affaire jugée par le conseil de guerre de la 2 diivsion militaire siégeant à Rouen, et qui se rapporte à l'article 274 du Code de justice militaire.

a Deux prévenus comparaissent devant le conseil de guerre pour avoir contrevenu à la loi du 7 janvier 1873 sur l'ivresse; ce sont les soldats Beaucourt et Serbouse.

«L'avocat du prévenu Beaucourt, a posé des conclusions tendant en principe à ce que le conseil se déclarât incompétent pour appliquer la nouvelle loi aux militaires.

« Ces conclusions distinguaient les militaires des citoyens civils. L'ivresse, disaient-elles, ne peut être réprimée de la part des simples citoyens qu'en l'atteignant par une loi qui fasse comparaître les contrevenants devant un tribunal. Au contraire, les militaires sont sous l'autorité disciplinaire directe et continue de leurs supérieurs ceux-ci ont le pouvoir et le devoir de les punir pour ce fait; à quoi bon, par conséquent, faire intervenir la loi civile pour réprimer des abus qui sont tout naturellement atteints par l'autorité militaire ?

« Et, d'ailleurs, le Code militaire ne dit-il pas que les contraventions de police, commises par les soldats, sont laissées à la répression de l'autorité militaire? or, l'ivresse manifeste se produisant une première fois est maintenant une contravention de police; par conséquent, elle doit être laissée à la répression de l'autorité militaire, qui statue par voie disciplinaire et non par voie judiciaire, distinction bien importante pour le prévenu, puisque la répression disciplinaire est une punition dont l'effet ne se fait plus sentir au delà de la vie de soldat, et que la répression judiciaire crée un élément de casier judiciaire qui reste toute la vie.

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Ajoutez que, le juge militaire ne pouvant pas prononcer d'amende et étant obligé de remplacer celle-ci par plus ou moins de jours de prison, il y a inégalité flagrante entre un civil et un militaire punis pour le même fait le premier encourant de 4 franc à 5 francs d'amende; le second, de un jour à soixante jours de prison.

« Le conseil n'a pas admis ces conclusions, et les a rejetées par un jugement qui reconnaît que l'article 274 laisse à la répression de l'autorité militaire les contraventions de police commises par les militaires; mais ce même article ajoute : « Toutefois, l'autorité militaire peut toujours, suivant la gravité des faits, déférer le jugement des contraventions de police au conseil de guerre, qui applique la peine déterminée par le présent article, » c'est-à-dire un emprisonnement dont la durée ne peut excéder deux mois.

Or, puisque l'ivresse manifeste est une contravention, l'autorité militaire, si elle le juge convenable, peut en déférer la connaissance à un conseil de guerre.

« Celui-ci en est alors régulièrement saisi, et dès lors est compétent.

«Il ne pourra pas appliquer, il est vrai, l'amende de 4 franc à 5 francs édictée par la loi civile de 1872, mais il transformera, comme le veut la loi militaire, cette amende en prison, sans pouvoir infliger plus de deux mois de cette peine, et en proportionnant la durée de la prison à la gravité du fait réprimé.

«En résumé, le conseil a jugé que la loi sur l'ivresse était parfaitement applicable aux militaires et qu'il était incompétent pour en faire l'application.

Restait donc à savoir, en fait, dans cette première affaire comme dans la seconde, celle du nommé Serbouse, si l'ivresse avait été manifesté et si elle s'était produite dans un lieu public. Dans l'espèce, Serbouse avait été trouvé ivre dans la caserne; il s'agissait donc de savoir si la caserne est un lieu public.

a L'avocat de Serbouse soutenait que la caserne ne pouvait avoir ce caractère.

«En effet, un lieu public est, dit M. Dalloz, celui où le public est admis. « C'est, dit le rapporteur de la loi de 1873, tantôt un lieu essentiellement destiné au passage, à la circulation du public, de n'importe quelle personne, rue, chemin, place; tantôt un lieu où tout le monde n'entre pas sans doute, mais où tout le monde peut entrer, soit en payant, soit gratuitement, cafés, cabarets ou autres lieux publics. >>

« Or, le public n'entre à la caserne ni gratuitement ni en payant, c'est un endroit essentiellement réservé au bataillon ou au régiment qui l'occupe; c'est donc un lieu privé: par conséquent la loi ne saurait être appliquée. Elle le sera lorsque l'ivresse se manifestera dans les rues, places, chemins, cabarets, théâtres, églises, etc., à la porte de la caserne, au vu et au su du public; mais à l'intérieur, c'est le règlement et la discipline militaires qui seuls ont leurs droits.

« Ce système a été admis par le conseil; de plus, l'ivresse du nommé Serbouse n'avait pas, en fait, eu de manifestations graves, et il a été acquitté.

dans le cas où la contravention consistera à avoir élevé une construction sur une voie publique dépendant de la petite voirie, le conseil de guerre, ou le chef de corps, ne pourra pas ordonner la démolition de la construction. La juridiction militaire devra donc se borner à prononcer la peine portée par l'article 271 (deux mois au plus d'emprisonnement), et renvoyer pour le surplus devant la juridiction civile. En effet, on doit considérer la demande en démolition comme une demande en dommages-intérêts qui ne peut être introduite, dans l'hypothèse, que par le maire de la commune (1).

ART. 273.

Ne sont pas soumises à la juridiction des conseils de guerre les infractions commises par des militaires aux lois sur la chasse, la pêche, les douanes, les contributions indirectes, les octrois, les forêts et la grande voirie.

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« On a établi jusqu'ici, disait M. le général Allard, dans l'Exposé des motifs, que la compétence des conseils de guerre comprenait tous les délits communs commis par les militaires, et on n'a excepté de cette règle générale que les délits communs commis par les militaires en congé, en disponibilité ou en non-activité.

Convenait-il d'étendre cette exception aux délits spéciaux, tels que les infractions aux lois sur la chasse, sur la pêche, les douanes, les contributions indirectes, les forêts et la grande voirie?

Le projet s'est prononcé pour l'affirmative, et on a pensé que, dans ces cas particuliers, les militaires devaient être justiciables des tribunaux ordinaires. On n'a fait que se conformer en cela à la jurisprudence constante du Conseil d'État et de la Cour de cassation.

« Le Code militaire est, en effet, une loi générale, qui, sous ce rapport, ne saurait déroger aux lois spéciales faites pour la protection d'intérêts d'un ordre particulier, tels que ceux de la police générale, de la conservation des forêts ou du trésor de l'État. Il pourrait y avoir des inconvénients à laisser l'application de ces lois aux conseils de guerre, et surtout à rompre brusquement avec une jurisprudence qui a été constamment suivie jusqu'ici. C'est par ces motifs que l'on a cru devoir maintenir l'état actuel des choses. De son côté, M. Langlais s'est exprimé ainsi dans son rapport :

Le projet tranche une question qui perpétuerait, si elle n'était pas résolue, les controverses auxquelles a donné lieu la législation antérieure. Le principe général du projet, c'est que, sauf certains cas qui y sont spécifiés, les militaires sont justiciables des tribunaux militaires, même pour les crimes et les délits de droit commun. On pourrait se demander alors, comme on le fait aujourd'hui, si les conseils de guerre seraient compétents pour connaître de certains délits de chasse, de pêche, de contrebande, et autres de la même nature. Le projet résout la question, comme l'a résolue la Cour de cassation; il dispose que les infractions aux lois sur la chasse, la pêche, les douanes, les contributions indirectes, les octrois, les forêts et la grande voirie, ne sont pas soumises à la juridiction des conseils de guerre.

(1) Duvergier, année 1857, p. 426-427, en note.

M. le comte Napoléon de Champagny a proposé par un amendement que l'exception fût étendue au délit de contrefaçon et à tous les délits pour lesquels l'action publique a besoin d'être sollicitée par la plainte de la partie, comme le délit de diffamation et d'injure. Votre commission n'a point admis cet amendement. La juridiction militaire est une et complète; elle saisit le militaire présent sous le drapeau, pour tous les délits; et si le fait de complicité vient l'en distraire, c'est que, dans le conflit de deux juridictions, dont l'une doit céder à l'autre, il a paru que la préférence était due à la juridiction commune. Votre commission a compris que la juridiction militaire s'effaçât encore, quand elle se trouve en présence de lois protectrices d'un ordre spécial, comme celles qui tiennent à la police de certains intérêts publics, à la conservation des forêts, à la garde du trésor de l'État; mais elle ne verrait aucun motif sérieux pour proclamer son incompétence, quand il s'agit d'intérêts privés, qu'elle est apte à protéger avec non moins d'énergie que les autres juridictions.

Ainsi donc, le délit de contrefaçon commis par un militaire en activité de service, le délit d'emploi d'un faux timbre-poste commis également par un militaire, sont, l'un et l'autre, de la compétence des conseils de guerre (1). Ainsi faut-il ranger parmi les contraventions qui relèvent du pouvoir disciplinaire des chefs de corps ou des conseils de guerre, selon l'appréciation qu'en fera l'autorité militaire, les contraventions de petite voirie. En effet, l'article 273, qui laisse aux tribunaux ordinaires leur juridiction pour les délits spéciaux commis par des militaires, ne parle que des contraventions de grande voirie, et l'article 271, s'exprimant en termes généraux, embrasse toutes les contraventions de police, à l'exception de celles qui se trouvent énumérées dans l'article 273.

Il a été jugé, le 23 août 1860, que l'incompétence du tribunal de police pour connaître d'une contravention imputée à un militaire, est d'ordre. public, et doit, par suite, être relevée en tout état de cause (2). Mais il est admis, malgré le silence du Code de 1857, que les militaires doivent être déclarés justiciables des tribunaux correctionnels, pour les délits qui intéressent la police sanitaire (3).

ART. 274.

Le régime et la police des compagnies de discipline, des établissements pénitentiaires, des ateliers de travaux publics, des lieux de détention militaire, sont réglés par des décrets impériaux.

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(4) << Attendu, porte un arrêt du 44 juin 1852, rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, que, pour les militaires, les tribunaux militaires sont la juridiction de droit commun; que leur compétence est générale; qu'il ne peut y avoir d'exceptions que celles établies par une disposition expresse de la loi, ou qui résulteraient de certains délits spéciaux, à raison de la confusion de l'action publique et de l'action civile entre les mains de l'ageat investi par la loi du droit d'en saisir simultanément les tribunaux, confusion exclusive par elle-même de la juridiction militaire, incompétente pour statuer sur ces réparations civiles; que c'est par application de ces principes que les délits de chasse commis par les militaires ne sont pas de la compétence des conseils de guerre, l'avis du Conseil d'Etat du 4 janvier 1806 contenant, à cet égard, une disposition expresse, et que, d'un autre côté, la jurisprudence a réservé aux tribunaux ordinaires les contraventions commises par des militaires en matière de douanes et de contributions indirectes..... (Affaire Libourel.)

(2) Cass. crim., 23 août 1860, affaire Théron. Dalloz P., 1860, 5, p. 236.

(3) Cass. crim., 45 novembre 4860, affaire Gauthier. Dalloz P., 1864, 4, p. 138.

Les décrets du chef de l'État relatifs à la police des divers établissements pénitentiaires militaires énumérés dans cet article, peuvent ne pas être rendus dans la forme des règlements d'administration publique, c'est-à-dire, le Conseil d'État entendu,

Un règlement général sur l'établissement des punitions militaires a été émis le 23 juillet 1856.

ART. 275.

Sont abrogées, en ce qui concerne l'armée de terre, toutes les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'organisation, à la compétence et à la procédure des tribunaux militaires, ainsi qu'à la pénalité en matière de crimes et de délits militaires.

En abrogeant ainsi toutes les dispositions antérieures relatives à l'organisation, à la compétence et à la procédure des tribunaux militaires, ainsi qu'à la pénalité en matière de crimes et de délits militaires, le Code n'a pas entendu toucher aux autres dispositions des lois et règlements militaires qui ne concernent pas l'administration de la justice militaire proprement dite. Toutes les fois donc, en ce qui concerne les crimes et délits, fraction n'est pas prévue par la loi militaire, il y a lieu de recourir au droit commun, conformément aux prescriptions de l'article 267 (1).

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Voici comment M. le général Allard a justifié cette abrogation dans l'Exposé des motifs :

« L'article 273 abroge, en ce qui concerne l'armée de terre, toutes les dis positions législatives et réglementaires relatives à l'organisation, à la compétence et à la procédure des tribunaux militaires, ainsi qu'à la pénalité en matière de crimes et de délits militaires. Cette disposition, qui implique pour le législateur qui la propose la confiance de n'avoir plus besoin, après la promulgation du projet de Code, de recourir à aucune des lois antérieures qui forment l'arsenal nombreux et confus de la justice militaire, sera un immense service rendu aux conseils de guerre et aux conseils de révision, dont la marche à l'avenir deviendra plus facile et plus assurée. L'amélioration considérable qu'elle réalisera, fût-elle le seul bienfait que l'armée doive recevoir de la codification méthodique dont cet Exposé a indiqué les bases, elle devrait déjà être accueillie comme un changement heureux.

«Il est inutile d'ajouter que certaines lois générales, telles que la loi du 10 juillet 1791, le décret du 24 décembre 1791, et les lois des 21 mars 1832 et 2 août 1849, bien que touchées dans quelques-unes de leurs dispositions, ne sauraient être comprises dans cette abrogation, qui est suffisamment définie pour que la pensée ne soit pas exposée à aller au delà du but. › M. Langlais a developpé, de son côté, en ces termes, dans son rapport au Corps législatif, les avantages et le besoin de cette abrogation:

Le titre III se ferme par une disposition qui sera accueillie avec bonheur par tous ceux qui sont appelés à étudier et à appliquer les lois

(4) Voir, plus haut, cet article et son commentaire.

militaires; elle porte abrogation, en ce qui concerne l'armée de terre, de toutes les dispositions législatives et réglementaires, relatives à l'organisation, à la compétence et à la procédure des tribunaux militaires, ainsi qu'à la pénalité en matière de crimes et délits militaires. La multiplicité et la confusion des lois qui ont régi l'armée, depuis la Révolution, rendaient cette abrogation indispensable. Les controverses se seraient ranimées le lendemain de la loi ; on aurait disputé si telle disposition était contraire à telle autre, et la jurisprudence se fût encore, sur beaucoup de points peut-être, substituée à la loi elle-même. Le Code de justice militaire aura le sort de toutes les lois; quelle que soit l'attention du législateur, sa prévoyance ne saurait tout embrasser, mais il aura toujours épargné à la doctrine et à la jurisprudence une œuvre souvent difficile, celle de concilier deux législations et d'assigner à chacune son domaine véritable. La partie du Code qui offrait le plus grand danger pour cette abrogation, c'était incontestablement la pénalité; elle a été, sous ce rapport, l'objet d'une attention scrupuleuse de la part de votre Commission, comme elle l'avait été auparavant de celle du Conseil d'État; elle a la persuasion que toutes les infractions contre lesquelles il est nécessaire que la société soit armée, ont été prévues; et ce qui la rassure encore, c'est cette disposition générale de la loi qui déclare que, dans le silence du Code actuel, c'est à la loi pénale ordinaire que le juge ira puiser la répression. »

DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

ART. 276.

Lorsque les peines déterminées par le présent Code sont moins rigoureuses que celles portées par les lois antérieures, elles sont appliquées aux crimes et délits encore non jugés au moment de sa promulgation.

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L'article 2 du Code civil pose en principe que les lois n'ont point d'effet rétroactif. Comme application de ce principe en matière pénale, l'article 4 du Code pénal dispose: Nulle contravention, nul délit, nul crime, ne peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'ils fussent commis. Cet article ne fait que confirmer une règle déjà posée au Code d'instruction criminelle dans les articles 229 et 364, à savoir que le prévenu reconnu coupable d'un fait non réprimé par une loi pénale, doit être absous. Cette disposition, qui forme l'un des principes généraux de la pénalité et qui doit, en conséquence, être suivie dans toutes les juridictions, a son analogue dans l'article 136 du Code de justice militaire (1).

Deux cas peuvent se présenter: 1o ou bien aucune pénalité n'est prononcée par la loi au moment où l'acte est commis; 2o ou bien une disposition répressive existait lorsque l'acte a été commis, mais elle a été modifiée depuis sa perpétration et avant le jugement.

Au premier cas, quelque blàmable que soit un acte au point de vue

(1) Voir, plus haut, cet article et son commentaire.

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