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MOLIERE, riant.
Ah, ah, ah! Cela est bouffon. »

LA GRANGE.

Quoi! tu veux soutenir que ce n'est pas toi qu'on «joue dans le marquis de la critique?»

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MOLIER E.

<< Il est vrai : c'est moi. Détestable, morbleu! détestable; tarte à la créme. C'est moi, c'est assurément, c'est moi. >>

moi;

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LA GRANGE.

Oui, parbleu! c'est toi, tu n'as que faire de « railler; et, si tu veux, nous gagerons, et verrons qui a raison des deux.

«

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MOLIERE.

• Et que veux-tu gager encore? »

LA GRANGE.

« Je gage cent pistoles que c'est toi. »

MOLIERE.

<< Et moi, cent pistoles que c'est toi. »

LA GRANGE.

« Cent pistoles comptant.

MOLIER E.

Comptant. Quatre-vingt-dix pistoles sur Amyntas, et dix pistoles comptant. »

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<< Voici un homme qui nous jugera. (à Bréconrt.) - Chevalier. »

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Bon! voilà l'autre qui prend le ton de marquis! Vous ai-je pas dit que vous faites un rôle où l'on doit parler naturellement?

BRÉCOURT.

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Juge-nous un peu sur une gageure que nous

avons faite. >>

« Et quelle ? »

BRÉ COURT.

MOLIERE.

Nous disputons qui est le marquis de la Critique de Moliere: il gage que c'est moi; et moi je gage que c'est lui. »

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BRÉ COURT.

« Et moi, je juge que ce n'est ni l'un ni l'autre. Vous êtes fous tous deux de vouloir vous appli« quer ces sortes de choses; et voilà de quoi j'ouis l'autre jour se plaindre Moliere, parlant à des per«sonnes qui le chargeoient de même chose que vous. « Il disoit que rien ne lui donnoit du déplaisir comme d'être accusé de regarder quelqu'un dans les portraits qu'il fait; que son dessein est de peindre les « mœurs sans vouloir toucher aux personnes, et que « tous les personnages qu'il représente sont des per«sonnages en l'air, et des fantômes proprement, qu'il habille à sa fantaisie pour réjouir les spectateurs; qu'il seroit bien fâché d'y avoir jamais marqué qui que ce soit ; et que, si quelque chose étoit

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capable de le dégoûter de faire des comédies, c'étoit les ressemblances qu'on y vouloit toujours trouver, << et dont ses ennemis tâchoient malicieusement d'ap<< puyer la pensée pour lui rendre de mauvais offices auprès de certaines personnes à qui il n'a jamais pensé. En effet, je trouve qu'il a raison; car pourquoi vouloir, je vous prie, appliquer tous ses gestes « et toutes ses paroles, et chercher à lui faire des affaires, en disant hautement, Il joue un tel, lors« que ce sont des choses qui peuvent convenir à cent personnes? Comme l'affaire de la comédie est de « représenter en général tous les défauts des hommes, «<et principalement des hommes de notre siecle, il « est impossible à Moliere de faire auqua caractere qui ne rencontre quelqu'un dans le monde; et, s'il « faut qu'on l'accuse d'avoir songé à toutes les per<< sonnes où l'on peut trouver les défauts qu'il peint, « il faut, sans doute, qu'il ne fasse plus de comédies. »

α

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MOLIERE.

«Ma foi, chevalier, tu veux justifier Moliere, et épargner notre ami que voilà. »

LA GRANGE.

« Point du tout, c'est toi qu'il épargne; et nous << trouverons d'autres juges.

MOLIERE.

Soit. Mais dis-moi, chevalier, crois-tu pas que ton Moliere est épuisé maintenant, et qu'il ne trou« vera plus de matiere pour...? »

«

BRÉCOURT.

Plus de matiere! Hé! mon pauvre marquis, << nous lui en fournirons toujours assez; et nous ne « prenons guere le chemin de nous rendre sages, << pour tout ce qu'il fait et tout ce qu'il dit. »

MOLIERE.

Attendez. Il faut marquer davantage tout cet endroit. Ecoutez-le moi dire un peu... « et qu'il ne trou

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vera plus de matiere pour... Plus de matiere! Hé! « mon pauvre marquis, nous lui en fournirons tou«jours assez ; et nous ne prenons guere le chemin de « nous rendre sages, pour tout ce qu'il fait et tout ce 'qu'il dit. Crois-tu qu'il ait épuisé dans ses comédies tout le ridicule des hommes? Eh! sans sortir de la « cour, n'a-t-il pas encore vingt caracteres de gens où il n'a point touché? N'a-t-il pas, par exemple, ceux qui se font les plus grandes amitiés du monde, et «qui, le dos tourné, font galanterie de se déchirer « l'un l'autre ? N'a-t-il pas ces adulateurs à outrance, « ces flatteurs insipides qui n'assaisonnent d'aucun « sel les louanges qu'ils donnent, et dont toutes les flatteries ont une douceur fade qui fait mal au cœur à ceux qui les écoutent ? N'a-t-il pas ces lâches cour⚫tisans de la faveur, ces perfides adorateurs de la fortune, qui vous encensent dans la prospérité, et « vous accablent dans la disgrace ? N'a-t-il pas ceux qui sont toujours mécontents de la cour, ces sui« vants inutiles, ces incommodes assidus, ces gens, dis-je, qui, pour services, ne peuvent compter que « des importunités, et qui veulent qu'on les récompense d'avoir obsédé le prince dix ans durant ? N'at-il pas ceux qui caressent également tout le monde, qui promenent leurs civilités à droite et à gauche, « et courent à tous ceux qu'ils voient avec les mêmes « embrassades et les mêmes protestations d'amitiés ? Monsieur, votre très humble serviteur. Monsieur, je suis tout à votre service. Tenez-moi des vôtres, mon cher. Faites état de moi, monsieur, comme « du plus chaud de vos amis. Monsieur, je suis ravi « de vous embrasser. Ah! monsieur, je ne vous voyois pas. Faites-moi la grace de m'employer; « soyez persuadé que je suis entièrement à vous. Vous êtes l'homme du monde que je révere le plus. Il n'y a personne que j'honore à l'égal de vous. Je

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« vous conjure de le croire. Je vous supplie de n'en point douter. Serviteur. Très humble valet. Va, va, marquis, Moliere aura toujours plus de sujets qu'il << n'en voudra; et tout ce qu'il a touché jusqu'ici · «< n'est rien que bagatelle au prix de ce qui reste, »> Voilà à-peu-près comme cela doit être joué. BRÉ COURT.

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(à mesdemoiselles du Parc et Moliere.) Là-dessus, vous arriverez toutes deux.

(à mademoiselle du Parc.)

Prenez bien garde, vous, à vous déhancher comme il faut et à faire bien des facons. Cela vous contraindra un peu; mais qu'y faire? Il faut par fois se faire violence.

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MADEMOISELLE MOLIERE.

Certes, madame, je vous ai reconnue de loin; et « j'ai bien vu, à votre air, que ce ne pouvoit être une

« autre que vous. »

MADEMOISELLE DU PARC.

« Vous voyez, je viens attendre ici la sortie d'un « homme avec qui j'ai une affaire à démêler. »

MADEMOISELLE MOLIERE.

Et moi de même. >>

MOLIERE.

Mesdames, voilà des coffres qui vous serviront de fauteuils.

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MADEMOISELLE DU PAR C.

Allons, madame, prenez płace, s'il vous plaît. »

MADEMOISELLE MOLIER E.

« Après vous, madame.

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