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DON PEDRE.

Comment! coquin...

HALI.

Nous l'aurons, dis-je, en dépit de vos dents.

Si je prends...

DON PEDRE.

HALI.

Vous ayez beau faire la garde, j'en ai jurẻ, elle

sera à nous.

DON PEDRE.

Laisse-moi faire, je t'attraperai sans courir.

HALI.

C'est nous qui vous attraperons. Elle sera notre femme; la chosé est résolue.

(seul.)

Il faut que j'y périsse, ou que j'en vienne à bout.

SCENE X.

ADRASTE, HALI, DEUX LAQUAIS.

- ADRASTE.

Hé bien! Hali, nos affaires s'avancent-elles?

HALI.

Monsieur, j'ai déja fait quelque petițe tentative; mais je...

ADRASTE.

Ne te mets point en peine, j'ai trouvé par hasard tout ce que je voulois; et je vais jouir du bonheur de voir chez elle cette belle. Je me suis rencontré chez le peintre Damon, qui m'a dit qu'aujourd'hui il venoit faire le portrait de cette adorable personne; et comme il est depuis long-temps de mes plus intimes amis, il a voulu servir mes feux, et m'envoie à sa place avec un petit mot de lettre pour me faire accepter. Tu sais que de tout temps je me suis plu à la pein

tare, et que par fois je manie le pinceau, contre la coutume de France, qui ne veut pas qu'un gentilhomme sache rien faire; ainsi j'aurai la liberté de voir cette belle à mon aise. Mais je ne doute pas que mon jaloux fâcheux ne soit toujours présent, et n'empêche tous les propos que nous pourrions avoir ensemble; et, pour te dire vrai, j'ai par le moyen d'une jeune esclave un stratagême prêt pour tirer cette belle Grecque des mains de son jaloux, si je puis obtenir d'elle qu'elle y consente.

HALI.

Laissez-moi faire, je veux vous faire un peu de jour à la pouvoir entretenir. Il ne sera pas dit que je ne serve de rien dans cette affaire-là. Quand y allezvous ?

ADRASTE.

Tout de ce pas, et j'ai déja préparé toutes choses.

HALI.

Je vais de mon côté me préparer aussi,

ADRASTE, seul.

Je ne veux point perdre de temps. Holà! Il me tarde que je ne goûte le plaisir de la voir!

SCENE

XI.

DON PEDRE, ADRASTE, DEUX LAQUAIS.

DON PEDRE.

Que cherchez-vous, cavalier, dans cette maison?

ADRASTE.

J'y cherche le seigneur don Pedre.

DON PEDRE.

Vous l'avez devant vous.

ADRASTE.

Il prendra, s'il lui plaît, la peine de lire cette

lettre.

DON PEDRE lit.

« Je vous envoie au lieu de moi, pour le portrait • que vous savez, ce gentilhomme françois, qui, «< comme curieux d'obliger les honnêtes gens, a bien « voulu prendre ce soin, sur la proposition que je lui en ai faite. Il est, sans contredit, le premier homme du monde pour ces sortes d'ouvrages, et j'ai cru « que je ne vous pouvois rendre un service plus agréable que de vous l'envoyer, dans le dessein « que vous avez d'avoir un portrait achevé de la personne que vous aimez. Gardez vous bien sur-tout de lui parler d'aucune récompense; car c'est un « homme qui s'en offenseroit, et qui ne fait les choses que pour la gloire et la réputation.

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Seigneur François, c'est une grande grace que vous me voulez faire; et je vous suis fort obligé.

ADRASTE.

Toute mon ambition est de rendre service aux gens de nom et de mérite.

DON PEDRE.

Je vais faire venir la personne dont il s'agit.

SCENE XII.

ISIDORE, DON PEDRE, ADRASTE, DEUX LAQUAIS.

DON PEDRE, à Isidore.

Voici un gentilhomme que Damon nous envoie, qui se veut bien donner la peine de vous peindre. (à Adraste qui embrasse Isidore en la saluant.) Hola! seigneur François, cette façon de saluer n'est point d'usage en ce pays.

ADRASTE.

C'est la maniere de France.

DON PEDRE.

La maniere de France est bonne pour vos femmes; mais pour les nôtres elle est un peu trop familiere.

ISIDORE,

Je reçois cet honneur avec beaucoup de joie. L'aventure me surprend fort; et, pour dire le vrai, je ne m'attendois pas d'avoir un peintre si illustre,

ADRASTE.

Il n'y a personne, sans doute, qui ne tînt à beaucoup de gloire de toucher à un tel ouvrage. Je n'ai pas grande habileté; mais le sujet ici ne fournit que trop de lui-même, et il y a moyen de faire quelque chose de beau sur un original fait comme celui-là.

ISIDORE.

L'original est peu de chose, mais l'adresse du peintre en saura couvrir les défauts.

ADRASTE.

Le peintre n'y en voit aucun; et tout ce qu'il souhaite est d'en pouvoir représenter les graces aux yeux de tout le monde, anssi grandes qu'il les peut

voir.

ISIDORE,

Si votre pinceau flatte autant que votre langue, vous allez me faire un portrait qui ne me ressemblera pas.

ADRASTE.

Le ciel, qui fit l'original, nous ôte le moyen d'en faire un portrait qui puisse flatter.

ISIDOR E.

Le ciel, quoi que vous en disiez, ne...

DON PEDRE.

Finissons cela, de grace. Laissons les compliments,

et songeons au portrait.

ADRASTE, aux laquais.

Allons, apportez tout.

(On apporte tout ce qu'il faut pour peindre Isidore.)

ISIDORE, à Adraste.

Où voulez-vous que je me place?

ADRASTE..

Ici. Voici le lieu le plus avantageux, et qui reçoit le mieux les vues favorables de la lumiere

cherchons.

ISIDORE, après s'être assise.

Suis-je bien ainsi?

ADRASTE.

que nous

Oui. Levez-vous un peu, s'il vous plaît. Un peu plus de ce côté-là. Le corps tourné ainsi. La tête un peu levée, afin que la beauté du col paroisse. Ceci un peu plus découvert. ( Il découvre un peu plus sa gorge.) Bon là. Un peu davantage : encore tant soit peu.

DON PEDRE, à Isidore.

Il y a bien de la peine à vous mettre: ne sauriezVous vous tenir comme il faut?

ISIDORE.

Ce sont ici des choses toutes neuves pour moi; et c'est à monsieur à me mettre de la façon qu'il veut. ADRASTE, assis.

Voilà qui va le mieux du monde, et vous vous tenez à merveille. (la faisant tourner un peu devers lui.) Comme cela, s'il vous plaît. Le tout dépend des attitudes qu'on donne aux personnes qu'on peint.

Fort bien.

DON PEDRE.

ADRASTE.

Un peu plus de ce côté. Vos yeux toujours tournés vers moi, je vous en prie; vos regards attachés aux miens.

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