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SCENE XV.

ZAIDE, DON PEDRE,

ZAÏDE.

ISIDORE.

Ah! seigneur cavalier, sauvez-moi, s'il vous plaît, des mains d'un mari furieux dont je suis poursuivie. Sa jalousie est incroyable, et passe dans ses mouvements tout ce qu'on peut imaginer. Il va jusqu'à vouloir que je sois toujours voilée; et pour m'avoir trouvé le visage un peu découvert, il a mis l'épée à la main, et m'a réduite à me jeter chez vous pour vous demander votre appui contre son injustice. Mais je le vois paroître. De grace, seigneur cavalier, sauvez-moi de sa fureur.

DON PEDRE, à Zaïde, lui montrant Isidore. Entrez là-dedans avec elle, et n'appréhendez rien.

SCENE XVI.

ADRASTE, DON PEDRE.

DON PEDRE.

Hé quoi! seigneur, c'est vous! Tant de jalousie pour un François! je pensois qu'il n'y eût que nous qui en fussions capables.

ADRASTE.

Les François excellent toujours dans toutes les choses qu'ils font; et quand nous nous mêlons d'être jaloux, nous le sommes vingt fois plus qu'un Sicilien. L'infâme croit avoir trouvé chez vous un assuré refuge; mais vous êtes trop raisonnable pour blâmer mon ressentiment. Laissez-moi, je vous prie, la traiter comme elle mérite.

DON PEDRE.

Ah! de grace, arrêtez. L'offense est trop petite pour un courroux

grand.

ADRASTE.

La grandeur d'une telle offense n'est pas dans l'importance des choses que l'on fait; elle est à transgresser les ordres qu'on nous donne : et, sur de pareilles matieres, ce qui n'est qu'une bagatelle devient fort criminel lorsqu'il est défendu.

DON PEDRE.

De la façon qu'elle a parlé, tout ce qu'elle en a fait a été sans dessein; et je vous prie enfin de vous remettre bien ensemble.

ADRASTE.

Hé quoi! vous prenez son parti, vous qui êtes ri délicat sur ces sortes de choses!

DON PEDRE.

Oui, je prends son parti; et, si vous voulez m'obliger, vous oublierez votre colere, et vous vous réconcilierez tous deux. C'est une grace que je vous demande; et je la recevrai comme un essai de l'amitié que je veux qui soit entre nous.

ADRASTE.

Il ne m'est pas permis, à ces conditions, de vous rien refuser. Je ferai ce que vous voudrez.

SCENE XVII.

ZAIDE, DON PEDRE; ADRASTE,
dans un coin du théâtre.

DON PEDRE, à Zaïde.

Holà! venez. Vous n'avez qu'à me suivre, et j'ai fait votre paix. Vous ne pouviez jamais mieux tomber que chez moi.

ZAÏDE,

Je vous suis obligée plus qu'on ne sauroit croire. Mais je m'en vais prendre mon voile; je n'ai garde, sans lui, de paroître à ses yeux.

SCENE XVIII.

DON PEDRE, ADRASTE.

DON PEDRE.

La voici qui s'en va venir; et son ame, je vous assure, a paru toute réjouie lorsque je lui ai dit que j'avois raccommodé tout.

SCENE XIX.

ISIDORE, sous le voile de Zaïde;
ADRASTE, DON PEDRE.

DON PEDRE, à Adraste.

Puisque vous m'avez bien voulu abandonner votre ressentiment, trouvez bon qu'en ce lieu je vous fasse toucher dans la main l'un de l'autre, et que tous deux je vous conjure de vivre, pour l'amour de moi, dans une parfaite union.

ADRASTE.

Oui, je vous promets que, pour l'amour de vous, je m'en vais, avec elle, vivre le mieux du monde.

DON PEDRE.

Vous m'obligez sensiblement, et j'en garderai la mémoire.

ADRASTE.

Je vous donne ma parole, seigneur don Pedre, qu'à votre considération je m'en vais la traiter du mieux qu'il me sera possible.

DON PEDRE.

C'est trop de grace que vous me faites. (seul.) II est bon de pacifier et d'adoucir toujours les choses. Holà! Isidore, venez.

SCENE XX.

ZAIDE, DON PEDRE.

DON PEDRE.

Comment! que veut dire cela?

ZAIDE, sans voile....

Ce que cela veut dire ? Qu'un jaloux est un monstre haï de tout le monde, et qu'il n'y a personne qui ne soit ravi de lui nuire, n'y eût-il point d'autre intérêt; que toutes les serrures et les verroux du monde ne retiennent point les personnes, et que c'est le cœur qu'il faut arrêter par la douceur et par la complaisance; qu'Isidore est entre les mains du cavalier qu'elle aime, et que vous êtes pris pour dupe.

DON PEDRE.

Don Pedre souffrira cette injure mortelle ! non, non, j'ai trop de cœur, et je vais demander l'appui de la justice pour pousser le perfide à bout. C'est ici le logis d'un sénateur, Holà!

SCENE XXI.

UN SÉNATEUR, DON PEDRE.

LE SÉNATEUR.

Serviteur, seigneur don Pedre. Que vous venez à

propos!

DON PEDRE.

Je viens me plaindre à vous d'un affront qu'on m'a fait.

LE SÉNATEUR.

J'ai fait une mascarade la plus belle du monde.

DON PEDRE.

Un traître de François m'a joué une piece...!
LE SÉNATEUR.

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Vous n'avez, dans votre vie, jamais rien vu de si beau.

DON PEDRE.

Il m'a enlevé une fille que j'avois affranchie.'

LE SÉNATEUR.

Ce sont gens vêtus en Maures, qui dansent admi rablement.

DON PEDRE.

Vous voyez si c'est une injure qui se doive souffrir. LE SÉNATEUR..

Des habits merveilleux, et qui sont faits exprès.

DON PEDRE.

Je demande l'appui de la justice contre cette action. LE SÉNATEUR.

Je veux que vous voyiez cela. On la va répéter pour en donner le divertissement au peuple.

DON PEDRE.

Comment! de quoi parlez-vous là?

LE S SÉNATEUK.

Je parle de ma mascarade.

DON PEDRE.

Je vous parle de mon affaire.

LE SÉNATEUR.

Je ne veux point aujourd'hui d'autres affaires que de plaisir. Allons, messieurs, venez. Voyons si cela ira bien.

DON PEDRE.

La peste soit du fou, avec sa mascarade'

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