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malade dont il s'agit, et je lui passerai tout ce qu'il voudra pour le premier malade dont il sera question.

M. FILLERIN.

On ne peut pas mieux dire; et voilà se mettre à la raison.

Cela est fait.

M. DESFONANDRÈS.

M. FILLERIN.

Touchez donc là. Adieu. Une autre fois montrez plus de prudence.

SCENE II.

M. TOMÈS, M. DESFONANDRÈS,

LISETTE.

LISETTE.

Quoi! messieurs, vous voilà, et vous ne songez pas à réparer le tort qu'on vient de faire à la médecine! M. TOMÈS.

Comment? Qu'est-ce?

LISETTE.

Un insolent qui a eu l'effronterie d'entreprendre sur votre métier, et, sans votre ordonnance, vient de tuer un homme d'un grand coup dépée au travers du

corps.

M. TOMÈS.

Ecoutez: vous faites la railleuse; mais vous passerez par nos mains quelque jour.

LISETTE.

Je vous permets de me tuer lorsque j'aurai recours

à vous.

SCENE III.

CLITANDRE, en habit de médecin;
LISETTE.

CLITANDRE.

Hé bien! Lisette, que dis-tu de mon équipage? erois-tu qu'avec cet habit je puisse duper le bon homme? me trouves-tu bien ainsi ?

LISETTE.

Le mieux du monde, et je vous attendois avec impatience. Enfin le ciel m'a faite d'un naturel le plus humain du monde, et je ne puis voir deux amants soupirer l'un pour l'autre, qu'il ne me prenne une tendresse charitable et un desir ardent de soulager les maux qu'ils souffrent. Je veux, à quelque prix que ce soit, tirer Lucinde de la tyrannie où elle est, et la mettre en votre pouvoir. Vous m'avez plu d'abord ;je me connois en gens, et elle ne peut pas mieux choisir. L'amour risque des choses extraordinaires, et nous avons concerté ensemble une maniere de stratagême qui pourra peut-être nous réussir. Toutes nos mesures sont déja prises: l'homme à qui nous avons affaire n'est pas des plus fins de ce monde; et si cette aventure nous manqué, nous trouverons mille autres voies pour arriver à notre but. Attendez-moi là seulement, je reviens vous quérir.

(Clitandre se retire dans le fond du théâtre.)

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LISETTE.

Réjouissez-vous.

SGANARELLE.

De quoi?

LISETTE.

Réjouissez-vous, vous dis-je.

SGANARELLE.

Dis-moi donc ce que c'est, et puis je me réjouira peut-être.

LISETTE.

Non. Je veux que vous vous réjouissiez auparavant, que vous chantiez, que vous dansiez.

SGANARELLE.

Sur quoi ?

LISETTE.

Sur ma parole.

SGANARELLE.

(ll chante et danse.)

Allons donc. La lera la la, la lera la. Que diable!

LISETTE.

Monsieur, votre fille est guérie.

SGANARELLE.

Ma fille est guérie !

LISETTE.

Oui. Je vous amene un médecin, mais un médecin d'importance, qui fait des cures merveilleuses, et qui se moque des autres médecins.

Où est-il ?

SGANARELLE,

LISETTE.

Je vais le faire entrer.

SGANARELLE, seul.

Il faut voir si celui-ci fera plus que les autres.

SCENE V.

CLITANDRE, en habit de médecin;
SGANARELLE, LISETTE.

LISETTE, amenant Clitandre.

Le voici.

SGANARELLE.

Voilà un médecin qui a la barbe bien jeune.

LISETTE.

La science ne' se mesure pas à la barbe, et ce n'est pas par le menton qu'il est habile.

SGANARELLE,

Monsieur, on m'a dit que vous aviez des remedes admirables pour faire aller à la selle.

CLITANDRE.

Monsieur, mes remedes sont différents de ceux des autres. Ils ont l'émétique, les saignées, les médecines et les lavements; mais moi je guéris par des paroles, par des sons, par des lettres, par des talismans, et par des anneaux constellés.

LISETTA

Que vous ai-je dit?

SGANARELLE.

Voilà un grand homme !

LISETTE.

Monsieur, comme votre fille est là tout habillée dans une chaise, je vais la faire

Oui. Fais.

passer

ici.

SGANARELLE.

CLITANDRE, tútant le pouls à Sganarelle.

Votre fille est bien malade.

SGANARELLE.

Vous connoissez cela ici?

CLITANDRE.

Oui, par la sympathie qu'il y a entre le pere et

la fille.

SCENE V I.

SGANARELLE, LUCINDE,
CLITANDRE, LISETTE.

LISETTE, à Clitandre.

Tenez, monsieur, voilà une chaise auprès d'elle. (à Sganarelle.) Allons, laissez-les là tous deux.

SGANARELLE.

Pourquoi? Je veux demeurer là.

LISETTE.

Vous moquez-vous? il faut s'éloigner. Un médecin a cent choses à demander qu'il n'est pas honnête qu'un homme entende.

(Sganarelle et Lisette s'éloignent.)

CLITANDRE, bas, à Lucinde.

Ah! madame, que le ravissement où je me trouve est grand! et que je sais peu par où vous commencer mon discours! Tant que je ne vous ai parlé que des yeux, j'avois, ce me sembloit, cent choses à vous dire; et maintenant que j'ai la liberté de vous parler de la façon que je souhaitois, je demeure interdit, et la grande joie où je suis étouffe toutes mes paroles.

LUCINDE.

Je puis vous dire la même chose ; et je sens, comme vous, des mouvements de joie qui m'empêchent de pouvoir parler.

CLITANDRE.

Ah! madame, que je serois heureux s'il étoit vrai que vous sentissiez tout ce que je sens, et qu'il me fût permis de juger de votre ame par la mienne! Mais, madame, puis-je au moins croire que ce soit à vous à

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