ALCESTE. Je ne dis pas cela. Mais, pour ne point écrire, ORONTE. Est-ce que j'écris mal? et leur ressemblerois-je ? ALCESTE. Je ne dis pas cela. Mais enfin, lui disois-je, vivre. Croyez-moi, résistez à vos tentations. Dérobez au public ces occupations; Et n'allez point quitter, de quoi que l'on vous somme, Le nom que, dans la cour, vous avez d'honnête hom. me, Pour prendre de la main d'un avide imprimeur C'est ce que je tâchai de lui faire comprendre. ORONTE. Voilà qui va fort bien, et je crois vous entendre. ALCESTE. Franchement, il est bon à mettre au cabinet. Qu'est-ce que nous berce un temps notre ennui ? Ce style figuré dont on fait vanité Sort du bon caractere et de la vérité; Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure, Paris sa grand'ville, Je dirois au roi Henri : J'aime mieux ma mie, oh gay! La rime n'est pas riche, et le style en est vieux: Et Si le roi m'avoit donné L'amour de ma mie, Je dirois au roi Henri : J'aime mieux ma mie, oh gay! J'aime mieux ma mie. Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris. (à Philinte qui rit.) Oui, monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits, J'estime plus cela que la pompe fleurie De tous ces faux brillants où chacun se récrie. ORONTE. Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons, ALCESTE. Pour les trouver ainsi vous avez vos raisons: Mais vous trouverez bon que j'en puisse avoir d'autres Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres. ORONTE. Il me suffit de voir que d'autres en font cas. ALCESTE. C'est qu'ils ont l'art de feindre; et moi, je ne l'ai pas. ORONTE. Croyez-vous donc avoir tant d'esprit en partage? ALCESTE. Si je louois vos vers, j'en aurois davantage. ORONTE. Je me passerai fort que vous les approuviez. ALCESTE. Il faut bien, s'il vous plaît, que vous vous en passiez. ORONTE. Je voudrois bien, pour voir, que de votre maniere Vous en composassiez sur la même matiere. ALCESTE. J'en pourrois, par malheur, faire d'aussi méchants; Mais je me garderois de les montrer aux gens. ORONTE. Vous me parlez bien ferme; et cette suffisance... ALCESTE. Autre part que chez moi cherchez qui vous encense. ORONTE. Mais, mon petit monsieur, prenez-le un peu moins haut. ALCESTE. Ma foi, mon grand monsieur, je le prends comme il faut. PHILINTE, se mettant entre deux. Hé! messieurs, c'en est trop. Laissez cela, de grace. ORONT E. Ah! j'ai tort, je l'avoue, et je quitte la place. ALCESTE. Et moi, je suis, monsieur, votre humble serviteur. SCENE III. PHILINTE, ALCESTE. PHILINTE Hé bien! vous le voyez: pour être trop sincere, Ah! parbleu ! c'en est trop. Ne suivez point mes pas, PHILINTM. Vous vous moquez de moi; je ne vous quitte pas. FIN DU PREMIER ACTE. ACTE SECOND. SCENE 1. ALCESTE, CÉLIMENE. ALCESTE. MADAME, Voulez-vous que je vous parle net? De vos façons d'agir je suis mal satisfait; CÉLIMEN E. C'est pour me quereller donc, à ce que je voi, ALCESTE. Je ne querelle point. Mais votre humeur, madame, Ouvre au premier venu trop d'accès dans votre ame; Vous avez trop d'amants qu'on voit vous obséder; Et mon cœur de cela ne peut s'accommoder. CÉLIMENE. Des amants que je fais me rendez-vous coupable? Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable? Et lorsque pour me voir ils font de doux efforts, Dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors? Non, ce n'est pas, madame, un bâton qu'il faut prendre, Mais un cœur à leurs vœux moins facile et moins tendre. |