ALCESTE. Non: mais vous choisirez. C'est trop de patience. CLITANDRE. Parbleu! je viens du Louvre, où Cléonto, au levé, Madame, a bien paru ridicule achevé. N'a-t-il point quelque ami qui pût sur ses manieres Dans le monde, à vrai dire, il se barbouille fort: ACASTE. Parbleu! s'il faut parler de gens extravagants, C'est un parleur étrange, et qui trouve toujours Ce début n'est pas mal; et contre le prochain CLITANDRE. Timanthe encor, madame, est un bon caractere. CÉLIMENE. C'est, de la tête aux pieds, un homme tout mystere, O l'ennuyeux conteur! Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur. Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse, Et ne cite jamais que duc, prince, ou princesse. La qualité l'entête, et tous ses entretiens Ne sont que de chevaux, d'équipage et de chiens: Il tutoie, en parlant, ceux du plus haut étage, Et le nom de monsieur est chez lui hors d'usage. CLITANDRE. On dit qu'avec Bélise il est du dernier bien. CÉLIMENE. Le pauvre esprit de femme, et le sec entretien! Fait mourir à tous coups la conversation. De tous les lieux communs vous prenez l'assistance; Et l'on demande l'heure, et l'on bâille vingt fois, ACASTE. Que vous semble d'Adraste? CÉLIMEN E. Ah! quel orgueil extrême! C'est un homme gonflé de l'amour de soi-même : Son mérite jamais n'est content de la cour; Contre elle il fait métier de pester chaque jour; Et l'on ne donne emploi, charge, ni bénéfice. Qu'à tout ce qu'il se croit on ne fasse injustice. CLITANDRE. Mais le jeune Cléon, chez qui vont aujourd'hui Que de son cuisinier il s'est fait un mérite, Il prend soin d'y servir des mets fort délicats. Oui; mais je voudrois bien qu'il ne s'y servît pas : PHILINTE. On fait assez de cas de son oncle Damis; Qu'en dites-vous, madame ? CÉLIMENE. Il est de mes amis. PHILINTE. Je le trouve honnête homme, et d'un air assez sage. CÉLIMENE. Oui; mais il veut avoir trop d'esprit, dont j'enrage. Il est guindé sans cesse ; et, dans tous ses propos, On voit qu'il se travaille à dire de bons mots. Depuis que dans la tête il s'est mis d'être habile, Rien ne touche son goût, tant il est difficile ! Il veut voir des défauts à tout ce qu'on écrit, Aux conversatious même il trouve à reprendre : A CASTE. Dieu me damne! voilà son portrait véritable. Pour bien peindre les gens vous êtes admirable. ALCESTE. Allons, ferme! poussez, mes bons amis de cour. CLITANDRE. Pourquoi s'en prendre à nous? Si ce qu'on dit vous blesse, Il faut que le reproche à madame s'adresse. ALCESTE. Non, morbleu! c'est à vous; et vos ris complaisants Mais pourquoi pour ces gens un intérêt si grand, Vous qui condamneriez ce qu'en eux on reprend? CÉLIMENE. Et ne faut-il pas bien que monsieur contredise? ALCESTE. Les rieurs sont pour vous, madame, c'est tout dire; Et vous pouvez pousser contre moi la satyre. PHILINTE. Mais il est véritable aussi que votre esprit ALCESTE. C'est que jamais, morbleu! les hommes n'ont raison; Mais... CÉLIMENE. ALCESTE. Non, madame, non, quand j'en devrois mourir, Vous avez des plaisirs que je ne puis souffrir; Et l'on a tort ici de nourrir dans votre ame Ce grand attachement aux défauts qu'on y blâme. CLITANDRE. Pour moi, je ne sais pas; mais j'avouerai tout haut Que j'ai cru jusqu'ici madame sans défaut. |