D'un zele qui m'attache à tous vos intérêts. i CÉLIMENE. Madame, j'ai beaucoup de graces à vous rendre, Un tel avis m'oblige; et, loin de le mal prendre, J'en prétends reconnoître à l'instant la faveur Par un avis aussi qui touche votre honneur: Et comme je vous vois vous montrer mon amie En m'apprenant les bruits que de moi l'on pnblie, Je veux suivre à mon tour un exemple si doux En vous avertissant de ce qu'on dit de vous. En un lieu, l'autre jour, où je faisois visite, Je trouvai quelques gens d'un très rare mérite, Qui, parlant des vrais soins d'une ame qui vit bien, Firent tomber sur vous, madame, l'entretien. Là, votre pruderie et vos éclats de zele Ne furent pas cités comme un fort bon modele; Cette affectation d'un grave extérieur, d. Vos discours éternels de sagesse et d'honneur, Vos mines et vos cris aux ombres d'indécenice Que d'un mot ambigu peut avoir l'innocence, Cette hauteur d'estime où vous êtes de vous, Et ces yeux de pitié que vous jetez sur tous, Vos fréquentes lecons et vos aigres censures Sur des choses qui sont innocentes et pures; Tout cela, si je puis vous parler franchement, Madame, fut blamé d'un commun sentiment. « A qnoi bon, disoient-ils, cette mine modeste, « Et ce sage dehors, que dément tout le reste? « Elle est à bien prier exacte au dernier point; « Mais elle bat ses gens, et ne les paye point. « Dans tous les lieux dévots elle étale un grand zele; « Mais elle met du blanc, et veut paroître belle, « Elle fait des tableaux couvrir les nudités; « Mais elle a de l'amour pour les réalités.» Pour moi, contre chacun je pris votre défense, Et leur assuraj fort que c'étoit médisance: Mais tous les sentiments combattirent le mien, ARSIN O É. CÉLIMENE. An contraire, madame; et, si l'on étoit sage, Ces avis mutuels seroient mis en usage. On détruiroit par-là, traitant de bonne foi, Ce grand avenglement où chacun est pour soi. Il ne tiendra qu'à vous qu'avec le même zcle Nous ne contiunions cet office fidele, Et ne prenions grand soin de nous dire entre nous Ce que nous entendrons, vous de moi, moi de vous. ARSIN OÉ. Ah! madame, de vous je ne puis rien entendre; C'est en moi que l'on peut trouver fort à reprendre. CÉLIMINE. Madame, on peut, je crois , louer et blâmer tout; Et chacun a raison, suivant l'âge ou le gout. Il est une saison pour la galanterie, Il en est une aussi propre à la pruderie. On peut, par politique, en prendre le parti, ARSINO É. CÉLIMENE. Et moi, je ne sais pas, madame, aussi pourquoi On vous voit en tous lieux vous déchainer sur moi. Faut-il de vos chagrins sans cesse à moi vous prendre? Et puis-je mais des soins qu'on ne va pas vous rendre! Si ma personne aux gens inspire de l'amour, Et si l'on continue à m'offrir chaque jour Des væux que votre cæur peut souhaiter qu'on m'ote, Je n'y saurois que faire, et ce n'est pas ma faute; Vous avez le champ libre, et je n'enipêche pas Que, pour les attirer, vous n'ayez des appas. ARSIN OÉ. Hélas ! et croyez-vous que l'on se mette en peine. De ce nombre d'amants dont vous faites la vaine, Et qu'il ne nous soit pas fort aisé de juger A quel prix aujourd'hui l'on peut les engager? Pensez-vous faire croire, à voir comme tout roule, Que votre seul mérite attire cette foule, Qu'ils ne brûlent pour vous que d'un honnête amour, Et que pour vos vertus ils vous font tous la cour? On ne s'aveugle point par de vaines défaites; Le monde n'est point dupe; et j'en vois qui sont faites A pouvoir inspirer de tendres sentiments, Qui chez elles pourtant ne fixent point d'amants: avances; Qu'aucun, pour nos beaux yeux, n'est notre soupi rant, CÉLIME N E. ARSINO É. CÉ LIME NE. Autant qu'il vous plaira vous pouvez arrêter, Madame, et là-dessus rien ne doit vous hâter. Mais, sans vous fatiguer de ma cérémonie, Je m'en vais vous donner meilleure compagnie; ! Et monsieur, qu'à propos le hasard fait venir, Remplira mieux ma place à vous entretenir. SCENE V I. ALCESTE, CÉLIMENE, ARSINO É. CÉLIMENE. SCENE VII. ARSINO É. ALCESTE. Moi, madame ? Et sur quoi pourrois-je en rien pré tendre? ARSINO É. |