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aussi bien que M. Thiers, M. Taine et M. Sardou l'histoire de la Révolution française. Sa nouvelle les Deux Réves en contient tout le principe. L'Étude sur Catherine de Médicis a été longuement analysée. Là, malgré son admiration pour l'écrivain, l'auteur s'est séparé de lui; il a condamné son principe d'autorité absolue en politique, par lequel il veut excuser tous les crimes d'État, admettant ainsi, bien avant M. Nisard, la fatale obligation de deux morales : celle de l'homme privé et celle de l'homme d'État.

Après la Comédie humaine, il a été quelque peu parlé des Contes drolatiques, où éclate le naturel vrai du chroniqueur, plus rabelaisien et plus optimiste qu'on ne pense. Balzac, bien qu'ayant souffert de la vie plus que personne, n'était pas un rêveur; il avait l'esprit positif et le puissant vouloir de tous les vrais ambitieux. Trouvant que la vie a du bon, il savait, comme Bonaparte, rire et s'amuser joyeusement à certaines heures; et, du reste, il excellait à dompter, par un travail assidu, toutes les causes possibles de découragement. Aussi la haute moralité de son œuvre n'est point douteuse, quoi qu'en disent certains détracteurs moroses qui, impuissants à découvrir le but que se propose un écrivain, trouvent partout en lui le pessimisme, et l'inventeraient au besoin pour donner un prétexte à leur morale étroite ou stérile.

A l'article Théâtre, il est démontré que Balzac n'a été qu'un auteur dramatique médiocre; son esprit littéraire n'avait pas assez de précision, de clarté, de vivacité. Dans ses pièces, Balzac s'attarde trop aux grandes tirades philosophiques, excellentes pour le roman, mais qui, sur la scène, ne franchissent pas la rampe, étant incomprises du gros public. Néanmoins, l'auteur met en fait que tout le

théâtre d'Émile Augier, d'Alexandre Dumas fils et de Sardou, procède du tempérament dramatique de Balzac. La Comédie humaine a eu une influence capitale sur le théâtre contemporain; la chose est indéniable. Après une étude sommaire des quelques pièces de Balzac et des principes qu'il a émis sur le théâtre, principes qui ont fait école, la série des analyses se trouve épuisée.

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Pour terminer le livre, l'auteur a écrit ce qu'il appelle le « Chapitre des conclusions ». Là, il a étudié dans Balzac le caractère général de l'écrivain, sa méthode de composition et son style; il a cherché à montrer que l'intérêt de ses romans gît dans les portraits, les caractères, plutôt que dans l'intrigue, faible en bien des endroits. Deux choses. sont capitales dans les romans de Balzac : l'action, le dialogue des personnages; puis les digressions philosophiques venant confirmer la vérité des faits observés. A propos de la manière de concevoir et d'exécuter une œuvre, on doit accorder à Balzac le double talent d'écrivain romanesque et réaliste. L'imagination de Balzac est aussi puissante et aussi saine que son talent d'observation. Le réel est toutefois la base, le point de départ de ses romans; mais, par son imagination, l'écrivain tend constamment à reproduire l'idéal même de ce réel. Dans les Études de mœurs, Balzac montre des types, des individualités ayant telle passion ou tel sentiment, dont il généralise l'étude. Dans les Études philosophiques, ce sont à leur tour ces mêmes passions et sentiments qui se trouvent individualisés. Le père Grandet, par exemple, est un type d'avare, tandis que maître Cornélius représente l'avarice même. En parlant du style de Balzac, l'auteur n'a pas caché que le romancier écrivait mal; selon le mot de Gautier, l'auteur de la

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Comédie humaine n'avait que le style fatal et mathématique de son idée, d'où une grande force d'expression, dépourvue d'élégance. Balzac avait trop peu souci de la forme. Flaubert, si amoureux de cette forme, s'est dit plus ou moins élève de Balzac; mais il avait sans doute oublié que la Comédie humaine est, en bien des points, la négation de la fameuse formule de « l'art pour l'art », que professent actuellement la plupart des naturalistes.

Après certaines comparaisons entre Balzac et plusieurs contemporains, l'auteur a résumé les principales critiques écrites sur la Comédie humaine, et il en a préparé, si nous pouvons nous exprimer ainsi, la contre-critique. On a fait toutes sortes de reproches à Balzac : à l'homme, à l'écrivain, au penseur; il faut reconnaître la justesse de certains d'entre eux; mais aucun de ces reproches ne peut diminuer en rien la valeur exceptionnelle du romancier. Le « Chapitre des conclusions » se termine enfin par un coup d'œil rétrospectif sur l'œuvre et l'historique des débuts de Balzac. L'auteur indique l'impression générale qu'on doit recevoir de la lecture de la Comédie humaine, que Balzac a écrite, selon lui, plus avec son cœur qu'avec son esprit. La dernière conclusion est que Balzac, ayant fait atteindre au roman la valeur philosophique de l'histoire, peut être appelé, jusqu'à un certain point le Tacite de son demi-siècle. Disons enfin que dans cette longue péroraison, se trouve indiquée l'analogie qui existe entre le génie de Balzac et celui de Juvénal, Rabelais, Lesage, Molière, La Bruyère, Shakespeare, et particulièrement Saint-Simon. Inutile d'ajouter que ce n'est pas pour le vain plaisir de faire personnellement de l'érudition que l'auteur a semé çà et là tous ces rappro

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chements. Son travail est avant tout une étude littéraire et philosophique, à laquelle il a cherché à donner un sens vrai et la plus grande portée possible, malgré son cadre peut-être étroit, aux yeux de bien des gens qui ne connaissent pas Balzac ou qui s'en moquent.

On a certes beaucoup écrit sur Balzac. L'auteur venant après les autres, son but a été de faire une étude aussi complète que possible, où rien n'est omis, où Balzac se trouve montré sous tous les différentsaspects de sa personnalité et de son génie littéraires.

MARCEL BARRIÈRE.

L'OEUVRE

DE H. DE BALZAC

INTRODUCTION GÉNÉRALE

INFLUENCE DE L'OEUVRE DE BALZAC

SES RAPPORTS AVEC LE ROMAN CONTEMPORAIN

Balzac Que, devant ce nom, la pléiade des romanciers modernes s'incline et salue son maître!

Grâce aux évolutions de l'ordre social, les formes et les conditions de la lutte pour l'existence se sont multipliées à l'infini, offrant aux romanciers, en ce temps plus qu'en aucun autre, un champ d'observation sans limites. De tous, Balzac est, sans conteste, celui qui a le plus contribué à donner au roman, dans la littérature, la place maîtresse qu'il y occupe aujourd'hui. Ce genre de composition littéraire fut pour lui le moyen d'établir l'histoire du cœur humain, dont l'importance et la poésie échappent aux enregistreurs de faits.

Chaque siècle a eu ses grands hommes et ses grandes œuvres; le XIX, que l'on peut appeler un géant parmi les siècles, a eu Napoléon et ses victoires, il a enfanté Victor Hugo, le roi des

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