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et sont encore aussi sincères que ses résolutions sont indépendantes de toute influence étrangère autre que les égards dus aux traités qui lient entre elles les puissances.

D'ailleurs, les engagements de S. M. avec la Grande-Bretagne, qui n'ont leur source que dans l'injuste agression de l'ancien Directoire, ne sont plus un obstacle à la pacification, puisque le gouvernement français vient de consentir à la tenue d'un congrès à Lunéville et à la participation de l'Angleterre au même congrès; mais il résulte de là une raison de plus de s'étonner qu'au moment où la paix est plus rapprochée que jamais, le premier Consul annonce la résolution inattendue de rompre l'armistice, et qu'il en soit donné pour motif qu'en adhérant à la pacification, la cour de Londres ne s'est point encore expliquée sur l'armistice. Mais il y a de quoi être surpris qu'on veuille se faire un grief contre l'Autriche de ce qu'elle n'a pas réglé de son propre mouvement, et même sans connaître à ce sujet les intentions du gouvernement français, une trève qui lui est étrangère, et dont les intérêts, si compliqués par l'étendue du théâtre de la guerre maritime, ne peuvent être démêlés que par les parties belligérantes elles-mêmes; il paraîtrait plus extraordinaire encore, Monsieur, que, par la seule raison qu'il n'existe encore point d'armistice sur les mers, il fallût de nouveau inonder le continent de sang humain, et entraîner dans de nouveaux combats des peuples entiers prêts à se réconcilier.

Quoi qu'il en soit, l'Empereur a communiqué au

gouvernement britannique le choix fait par la France de la ville de Lunéville pour le lieu des conférences, et il a nommé M. le comte de Lehrbach pour intervenir avec tous les pouvoirs requis. Ce plénipotentiaire part dès à présent pour l'armée d'Allemagne, où il sera plus à portée d'être avisé du jour qui aura été fixé pour l'ouverture du congrès, ainsi que de s'y rendre après avoir reçu les passe-ports nécessaires.

Dans cet état des choses, l'Empereur aime à se flatter, Monsieur, que la France renoncera au dessein funeste de reprendre les hostilités, et qu'après avoir montré tant d'aversion pour la continuation d'une guerre aussi destructive, elle abandonnera l'affligeante idée d'en renouveler sans objet toutes les calamités, au moment même où toutes les mesures déjà prises et les dispositions réciproques des parties belligérantes laissaient présager avec fondement le terme prochain de tant de malheurs.

Si cette juste attente de l'Empereur n'était point remplie, il ne lui resterait sans doute, comme dans les précédentes agressions, que la nécessité de repousser une attaque qu'il n'aurait provoquée en aucune manière, et dont la responsabilité assurément ne saurait retomber sur lui; aussi S. M. espère-t-elle encore que les observations qu'elle me charge de vous transmettre rappelleront le premier Consul à ses premiers sentiments, et l'on peut dire à sa véritable gloire. »

Tel était, au commencement de septembre 1800,

l'état des négociations entre la République française et l'Autriche.

De la lettre en date du 5 juillet, adressée par l'Empereur au général Bonaparte, il résultait clairement qu'il y avait peu de fond à faire pour nous, sur une négociation qui viendrait à s'ouvrir sans que l'on eût connaissance, au préalable, des bases sur lesquelles elle devait porter.

Du désaveu donné à M. de Saint-Julien, il était advenu que les intentions de la France étaient connues à l'Autriche et que celles de l'Autriche ne l'étaient pas à la France. Toutes les communications des agents de cette dernière puissance se bornaient à des protestations vagues et même insignifiantes.

Les négociations qui allaient s'ouvrir à Lunéville, portaient donc un cachet d'incertitude qu'il devait être difficile de détruire de prime abord. Pour espérer quelque chose de bon d'une semblable base, il fallait des plénipotentiaires habiles et surtout pleins d'honnêteté et de bonne foi; le premier Consul le comprit; il avait sous la main l'homme qui lui fallait, son frère aîné Joseph; il n'hésita pas et le nomma, en l'investissant de pouvoirs étendus.

TRAITÉ

DE LUNÉVILle.

Dès que, par la lettre du 5 septembre 1800, M. de Thugut eut fait connaître que l'Autriche acceptait Lunéville pour lieu du congrès relatif à la paix, le premier Consul prolongea l'armistice jusqu'au 25 novembre, en Allemagne, et nomma son frère aîné Joseph, ministre plénipotentiaire (1). Il lui fit adresser par M. de Talleyrand, quelques jours plus tard (25 octobre), avec ses pleins pouvoirs, les instructions suivantes :

« 1° La première question qui se présentera dans la négociation dont le citoyen Joseph Bonaparte est chargé, sera de savoir si l'Autriche a l'intention de négocier avec la France, en séparant ses intérêts de ceux de l'Angleterre, cette question sera résolue par l'échange et l'inspection des pouvoirs respectifs.

(1) En même temps, le premier Consul nomma M. de Laforêt, alors commissaire central du gouvernement pour l'administration des Postes, secrétaire-général pour les négociations.

Si dans les pouvoirs de M. de Cobenzl il est exprimé qu'il ne doit traiter que de concert avec les alliés de l'Autriche, le plénipotentiaire français observera qu'il n'a des pouvoirs que pour traiter avec la maison. d'Autriche ;

2o La seconde question sera de savoir si l'Empereur veut traiter simplement, comme roi de Bohême et de Hongrie, ou comme empereur d'Allemagne et pour le corps germanique. Cependant, si l'intention de S. M. n'est de traiter que comme roi de Hongrie et de Bohême, archiduc d'Autriche, la négociation sera ouverte ;

3o Il restera alors à connaître de quelle manière l'Empereur entend que l'on procédera pour la paix de l'Empire. Les protocoles, en spécifiant l'échange des pouvoirs, devront lever toute espèce de doute sur la première et seconde questions; et quant à la troisième, il ne sera rien résolu encore; le projet de traiter avec l'Empire germanique sera communiqué au gouvernement français qui enverra des instructions ultérieures ;

4° Si le plénipotentiaire autrichien demande une prolongation d'armistice, on lui fera connaître avec beaucoup de franchise que la non-ratification des préliminaires signés par M. de Saint-Julien, a nécessairement donné de la méfiance au gouvernement français, et qu'il veut promptement la guerre ou la paix ; qu'il y a encore quinze jours jusqu'à la rupture de l'armistice, et que pendant cet espace de temps, la négociation devra être assez avancée pour que l'on sache si l'on est en voie de s'entendre, d'autant

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