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base de la négociation entre la République française et l'Autriche;

2° Que S. M. l'empereur et roi obtienne en Italie l'équivalent qui lui avait été promis en Allemagne par le traité de Campo-Formio, et que les compensations ultérieures que pourrait désirer S. M. I. soient pareillement fixées en Italie, de manière cependant à ne pas nuire à la solidité de la paix et à l'équilibre politique de l'Europe;

3° Qu'il soit établi, pour les petits États de l'Europe, un système de garanties propre à rétablir dans toute sa force ce droit des gens sur lequel reposent essentiellement la sûreté et le bonheur des nations.

Si ces bases sont agréées par S. M. I., il lui restera à faire connaître de quelle manière elle désire que la négociation soit conduite, et sans doute elle sera portée à choisir la voie qui devra mener à une fin plus prompte. Peut-être le meilleur moyen de terminer toute contestation, serait de remettre purement et simplement le traité de Campo-Formio en vigueur, en déterminant par un traité additionnel les modifications qu'il devrait recevoir.

Dans tous les cas, V. Exc. jugera s'il ne serait pas nécessaire de convenir d'abord d'une suspension d'armes entre les armées respectives; car ce n'est qu'en arrêtant le cours des hostilités qu'on peut éviter que les chances d'une nouvelle campagne ne viennent compliquer davantage la question de la paix.

En faisant connaître à V. Exc. ces propositions du premier Consul, et en vous priant, Monsieur le baron, de les porter à la connaissance de S. M. I., il

me reste à vous exprimer que le premier Consul a vu avec plaisir l'assurance de votre empressement personnel pour le rétablissement de la paix, et que je m'estimerai heureux de pouvoir y travailler avec

vous. »

Par cette lettre, M. de Talleyrand sortait des propositions générales et fixait la base première du traité à conclure. Les motifs sur lesquels reposait la proposition d'un armistice, méritaient surtout d'obtenir la faveur du gouvernement autrichien, puisqu'il s'agissait d'empêcher la reprise des hostilités suspendues par l'hiver.

Mais la cour de Vienne sembla vouloir éluder tout engagement direct et positif; elle louvoya pour gagner du temps. Pleine de confiance dans la position de son armée en Italie, se flattant de grands succès pour la campagne suivante, désireuse d'effacer les revers que, si souvent, ses troupes avaient essuyés en combattant contre la France, elle répondit, sans toucher au point capital de la lettre de M. de Talleyrand, à la proposition de l'armistice.

Le 24 mars, M. de Thugut écrivit :

. Monsieur, j'ai rendu compte à l'Empereur de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 9 ventôse, et S. M. m'a ordonné d'y répondre par les observations suivantes :

1° L'Empereur fie saurait admettre désormais pour base de négociation le traité de Campo-Formio, que l'expérience a déjà prouvé n'être nullement propre à

servir de fondements à une pacification solide, et dont tous les engagements, d'ailleurs, immédiatement après sa conclusion, ont été méconnus et contestés par la France elle-même. Le seul point dont on est toujours parti dans des cas semblables, est celui de la situation respective des puissances belligérantes sous les différents rapports de leurs affaires; or, l'on ne saurait disconvenir qu'à cet égard il ne soit survenu plus d'un changement depuis l'époque des conférences d'Udine. Ces considérations seront donc suffisantes pour convaincre le gouvernement français de l'impossibilité de trouver dans le traité de Campo-Formio les bases durables d'un véritable rapprochement, et une insistance de sa part, sur une telle prétention, serait pour S. M. un préjugé peu rassurant de la sincérité des intentions pacifiques de la France.

2o Votre lettre du 9 ventôse, Monsieur, ne contient point la solution d'une question des plus essentielles, celle de savoir si les dispositions pacifiques du gouvernement français s'accordent avec celles de S. M., telles que je les ai indiquées dans ma première lettre relativement à une paix générale. C'est la seule, en effet, qui paraisse propre, tout à la fois, à remplir le vœu de l'humanité après tant de malheurs, et à faciliter des arrangements d'une nature stable et solide, au lieu qu'une paix particulière n'aurait aucune base certaine, tant que la guerre, continuant à ravager d'autres parties de l'Europe, pourrait amener des évènements assez inattendus pour faire naître, à chaque instant, de nouveaux sujets de mésintelligence et de contestation.

Ce point important et préalable exige donc une explication plus précise; mais, lorsque S. M. aura obtenu ces éclaircissements indispensables sur les véritables intentions du gouvernement français, il ne tiendra pas à elle que la paix ne soit accélérée autant que possible, l'Empereur étant disposé à employer avec zèle, à l'acheminement d'un ouvrage aussi salutaire, tous les moyens en son pouvoir, d'après les rapports dans lesquels l'a placé vis-à-vis de ses alliés la dernière agression de la France, vu que S. M. ne désire rien plus vivement, ainsi qu'elle l'a toujours manifesté, que de faire cesser l'effusion de tant de sang humain aussitôt que les circonstances, d'accord avec ses vœux, lui en montreront la possibilité.

Ce refus de la cour de Vienne de prendre le traité de Campo-Formio comme base du nouveau traité, cette affectation à demander des éclaircissements sur les intentions de la République, et, surtout, à ne vouloir admettre qu'une négociation pour la paix générale, dénotait l'influence à Vienne, d'un parti décidé à se rapprocher de l'Angleterre et à pousser la guerre à outrance. D'ailleurs, dans le même instant, la disgrâce de l'archiduc Charles, le meilleur général de l'Empereur, partisan de la paix, était un indice auquel il n'était pas permis de se méprendre.

Le premier Consul, cependant, ne voulut rien avoir à se reprocher; il ne voulut pas qu'il fût possible de dire qu'il avait négligé une voie quelconque, refusé une explication, reculé devant aucune avance honorable pour empêcher la reprise des hostilités. Tandis

qu'il préparait dans le plus profond secret l'admirable plan dont l'application devait bientôt étonner l'Europe et confondre les ennemis de la France, il autorisait M. de Talleyrand à répliquer de nouveau à M. de Thugut pour réfuter ses objections, discuter la prétention du gouvernement autrichien relativement à la proposition de prendre pour base la situation respective des deux puissances. En outre, il le chargea de demander que la cour de Vienne fixât elle-même le lieu et le mode de négociations.

M. de Talleyrand écrivit donc le 7 avril :

« Monsieur le Baron, je suis chargé par le premier Consul de répondre sur-le-champ à la lettre en date du 24 mars que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire.

La proposition qui a été faite de prendre le traité de Campo-Formio pour base des négociations, est conforme à l'usage établi depuis le traité de Westphalie, parmi les nations européennes chez qui le traité qui termine une guerre se trouve le plus ordinairement basé sur celui qui, entre les mêmes États, a terminé la guerre précédente.

Les chances de la guerre ont été, la campagne dernière favorables, en Italie, aux armées impériales.

Plus d'un changement est survenu en Europe depuis les négociations d'Udine; cela est vrai, et n'avait pu échapper au gouvernement français, qui, comme le cabinet de Vienne, sait qu'en dernière analyse, l'élément véritable d'un traité est dans la situation respective des puissances belligérantes, aussi

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