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cial qu'aussitôt sa politique, ses alliances et ses traités, et même le génie de ses guerres, affectent un caractère nouveau. L'histoire est là pour le montrer.

Tous les peuples qui, à des époques reculées, trafiquèrent avec d'autres nations, prirent un rang spécial dans les annales de leur temps et, à mesure que le négoce se développa en Europe, ce furent les États commerçants qui acquirent parmi les autres une importance politique, déterminée par le degré de civilisation auquel ils attinrent.

Dès que l'usage de la mer se révéla aux peuples de l'antiquité, comme un élément indispensable au développement du commerce, ils regardèrent comme nécessaire, malgré l'état primitif de la navigation, de la soumettre à des règles spéciales et d'établir les conditions de leurs relations maritimes. Dans la Grèce ancienne, les Rhodiens, en conséquence de leur activité commerciale, établirent, les premiers, des lois de jurisprudence navale; ces lois constituèrent le droit maritime parmi les peuples voisins de la mer Egée et, soit par la valeur qu'elles reflétaient, soit par le crédit de la nation qui les promulgua, elles méritèrent dans la suite d'être adoptées par les Romains qui en incorporèrent de nombreuses dispositions dans les Codes de leur jurisprudence. C'est ainsi qu'a pu arriver jusqu'à nous la réputation des lois Rhodiennes, dont quelques auteurs font remonter l'origine à plus de 900 ans

avant notre ère.

Les Phéniciens offrent un autre exemple de la fécondité d'un pays commerçant et d'un peuple navigateur. Remarquables parmi les nations de l'antiquité par l'audace de leurs expéditions, par l'étendue de leurs entreprises maritimes et par la fondation de leurs colonies, ils établirent Carthage, qui a inscrit son nom dans l'histoire. L'opulence et le développement que cette colonie acquit par son commerce, et la force qu'elle déploya sur mer lui firent surpasser ceux à qui elle devait son existence.

Mais aucun vestige de sa législation maritime nous est resté il est cependant probable que les Carthaginois ont possédé un recueil de lois, mais la destruction de leurs républiques par Alexandre-le-Grand et par les Romains en a fait disparaître la trace, sans pouvoir éteindre ni obscurcir la mémoire du génie aventureux, des entreprises hardies, et des voyages pleins de dangers auxquels ils se livrèrent.

C'est un fait historique que les Romains, au temps de la première guerre punique, 260 ans avant notre ère, et plus de 400 ans après la fondation de Rome, étaient encore arriérés en matière de navigation; pour eux, il n'y avait d'honorable que la charrue et l'épée, et leur esprit guerrier était contraire à la profession commerciale.

Les richesses de Rome provenaient des conquêtes, des dépouilles des vaincus et des impôts levés sur les pays réduits en vasselage; mais elles n'étaient pas dues à une activité commerciale ou maritime. Après la destruction de Carthage, à la suite de la troisième guerre punique, 150 ans avant Jésus-Christ, les Romains commencèrent à s'appliquer sérieusement à la navigation, et leur commerce maritime prit un grand développement avec le transport des céréales qu'ils tiraient des greniers de la Sicile, de l'Egypte et de la côte de Syrie et dont ils approvisionnaient la métropole. Ce fut alors que, reconnaissant la nécessité d'établir une législation spéciale, ils recoururent aux lois rhodiennes pour décider des questions relatives à la navigation, chaque fois que la loi romaine était insuffisante.

Durant l'Empire, un grand nombre des dispositions de ces lois furent successivement adoptées et, même, après la division de l'Empire, quand le siège du pouvoir fut transporté à Constantinople, la nécessité de défendre leurs domaines sur un littoral étendu porta les Romains à promulguer de nouvelles règles, modelées sur ces antiques lois. C'est à cette raison que l'on doit de retrouver dans les Codes Justinien et Théodosien, aussi bien que dans les basilicates,

un certain nombre de prescriptions concernant la manière d'exercer la pêche, en certaines localités, la division des profits, la procédure à suivre en cas de mésintelligence entre marins et passagers, les obligations des propriétaires de ces navires, les cas d'allégement de charge, la punition des vols, et d'autres cas encore.

Quoique les Romains se fussent agrandis par les armes et eussent fait de remarquables progrès dans les lettres et dans l'industrie, il est certain qu'ils commençaient à décliner visiblement quand l'empire fut attaqué par les barbares du Nord au v° siècle. On peut même affirmer qu'ils succombèrent sous le poids de l'immense puissance qui les avait rendus auparavant l'objet de l'admiration et du respect du monde.

L'état de grandeur comme celui d'abaissement des peuples a des limites qui rarement sont dépassées. Quand les nations atteignent ces limites, elles prennent naturellement une autre voie, changent totalement de physionomie, ou même, quelquefois, jettent le germe de nouvelles nationalités. Ainsi, ce fut au moment de la décadence la plus complète de l'empire que quelques habitants de Padoue et d'Aquilée, villes voisines de l'Adriatique, voulant se soustraire aux dévastations des barbares et au fléau d'Attila, allèrent chercher un abri dans des îlots jusque-là déserts et qui n'auraient jamais été visités sans une cause extraordinaire. Ces petites îles et lagunes, séparées par d'étroits canaux et protégés par des bancs de sable, rendaient difficiles les attaques des envahisseurs et offraient un abri sûr à leurs nouveaux habitants. Ceux-ci, avec le temps, s'établirent d'une manière permanente, et au VIIIe siècle, formèrent définitivement une société indépendante, sous la forme d'une république. Telle fut l'origine de Venise qui, dans le principe, pauvre et humble, et s'occupant seulement de l'industrie de la pêche, devint plus tard, l'entrepôt du commerce de l'Orient et de l'Europe, grâce au mouvement commercial et maritime qu'elle entretint durant la période d'ignorance et de barbarie des peuples envahisseurs.

Les croisades entreprises au xr° siècle donnèrent une nouvelle impulsion à la navigation et au commerce. Les immenses armées que les chrétiens dirigeaient sur l'Orient, les voyages, les approvisionnements et les transports maritimes le long des côtes de la Méditerranée, enrichirent quelques villes marchandes de l'Italie. Gênes et Venise arrivèrent à un tel degré d'opulence et de force qu'elles se constituèrent en républiques puissantes; maîtresses de territoires dans les îles du Levant, elles durent en grande partie, leur situation aux conquêtes des croisés et aux pactes qu'elles conclurent avec eux.

Vers la fin du XIIe siècle, un fait important vint aider aux progrès de la navigation en facilitant les longs voyages. Ce fut l'invention, ou pour mieux dire, le perfectionnement de la boussole attribuée à Flavio Gioja d'Amalfi, Les cités maritimes de l'Italie qui, déjà, monopolisaient le commerce de la Méditerranée, purent le développer considérablement du côté du Levant, grâce à l'essor dont la navigation devint susceptible, et l'on vit les Amalfites étendre leur trafic au point d'obtenir des kalifes d'Égypte la liberté de faire le commerce sur leurs domaines et d'importer les premiers, de l'Arabie et de l'Inde, les denrées qu'ils avaient échangées contre les produits de leur propre industrie.

L'importance du commerce et du port d'Amalfi explique comment cette ville, après l'antique Rome, vint à promulguer des lois tendant à régler son commerce maritime ; elle y était amenée par sa longue expérience, par les périls auxquels s'exposaient ses navigateurs et par l'opportunité de régler les contestations que soulevait souvent leur trafic spécial.

Aujourd'hui, la date de la publication de ces lois est inconnue et l'on en ignore le texte, mais les historiens en font mention sous la dénomination de Tabula Amalfitana, en ajoutant qu'elles servirent longtemps de règle commune de droit maritime entre les cités commerçantes et les peuples navigateurs de l'Italie,

Parvenues à la richesse, ces villes commencèrent à entrer en rivalité pour l'opulence et pour la grandeur; elles donnèrent libre cours à leurs jalousies et à leurs haines et se virent amenées à fonder des tribunaux spéciaux chargés de trancher les questions relatives au commerce, conformément aux règlements que chacune d'elles promulgua, en s'appuyant toujours sur les lois d'Amalfi.

Il est facile de comprendre que la variété de lois, de règlements et de tribunaux produisait une grande confusion et jetait le trouble dans les décisions relatives à la navigation; aussi toutes ces villes et les autres états de la Méditerranée reconnurent-ils l'utilité de réunir et de coordonner ces lois pour leur usage commun, et c'est ainsi que les règlements acceptés jusqu'alors, établis par l'usage et en vigueur à Marseille, à Pise, à Gênes, à Venise et à Barcelone furent réunis en un code unique sous le titre Consulat de la mer.

On ne peut guère fixer exactement l'époque à laquelle apparut ce code; il date probablement de la fin du xi° siècle ou du commencement du XIV. Les dispositions relatives au droit maritime qu'il renferme, sont établies sur des bases si équitables et si complètes qu'elles ont le mérite de constituer un véritable code, indiquant méthodiquement les décisions applicables aux questions de droit privé et les principes régulateurs du droit international maritime, à cette date. Tous les publicistes s'accordent pour considérer ce remarquable document comme la synthèse de tous les usages généralement pratiqués à cette époque et suivis par les peuples de la Méditerranée; et ils reconnaissent que, par l'intégrité et la sagesse des décisions qu'il renferme, ce code a mérité depuis d'être suivi comme loi, non seulement par les peuples du midi, mais encore par ceux de l'Europe occidentale.

Les dispositions du Consulat de la mer se divisent en trois parties principales: la première se rapporte au droit maritime international durant la paix, règle les droits et

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