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dans les affaires politiques, et contribuèrent ainsi au perfectionnement des sciences du droit, dans un État et dans une société où l'on réputait indigne de certaines classes élevées toute carrière qui n'était pas celle des armes ou des lettres.

Aussi, le droit public et la jurisprudence qui, à ce qu'il semble, n'étaient pas considérés, comme une science dans les républiques grecques, vinrent-ils à en constituer une chez les Romains.

Ne faut-il pas admirer les destinées de ce peuple dont le nom n'est pas encore effacé de l'histoire moderne des sociétés! Sa gloire militaire a passé, comme passent les grandeurs des empires du monde ; mais longtemps encore, et jusqu'à nos jours, l'influence de ses lois s'est fait sentir dans la jurisprudence des peuples civilisés ; les dispositions du droit romain ne se sont pas effondrées avec l'empire qui les avait promulguées; si celui-ci succomba sous les coups des barbares du Nord qui, au vr° siècle, le réduisirent au vasselage, les envahisseurs du moins se soumirent aux lois des envahis, et les codes «< Justinien » et «< Théodosien », qui consacrent ce droit, ont continué à être considérés comme l'arsenal de jurisprudence le mieux approprié à la constitution civile et au droit public des nations durant le moyen-âge.

La difficulté de fixer la vérité philosophique dans des sciences telles que la jurisprudence, sujette à varier dans ses règles, selon que varient les exigences sociales des peuples, a de tous temps été la cause de modifications. successivement apportées aux principes du droit par les progrès de la civilisation, par le génie des temps et des peuples. Ainsi, aux temps modernes, les principes de droit public établissent que la loi du lieu régit également, sans distinction d'origines ou de races, tous les individus qui habitent un même pays; mais telle n'était pas la règle à d'autres époques. Après l'invasion de tant de peuples dans l'Occident de l'Europe, Francs, Goths, Bur

gondes, Lombards et Romains même, vivaient côte à côte dans les mêmes pays, chacun, cependant, suivant ses propres lois et gouverné par des magistrats de sa nationalité.

Dans les villes cependant, le droit romain et ses institutions judiciaires survécurent à l'empire; et il arriva que, la tendance manifeste des peuples à ne pas abandonner leur législation particulière et à conserver l'administration de la justice et le droit privé, indépendamment de la volonté d'un législateur commun et despotique, fut plus tard contrariée par l'influence des classes privilégiées; lorsque Charlemagne, au Ix° siècle, établit l'Empire d'Occident, il trouva les peuples de l'Europe destinés à former cet empire, déjà liés, non seulement par la communauté des lois, par l'unité de la religion et des institutions ecclésiastiques, mais encore par l'usage de la langue latine, alliance que couronna la majesté du nom impérial.

A partir de cette époque, le droit romain fut considéré comme le droit commun de tous les États qui avaient été des provinces romaines. Dans les questions internationales, on en appelait à son autorité. Ce mouvement, n'aida pas seul au rapprochement entre les différents peuples; la civilisation subit aussi la douce influence du clergé qui, adoptant dans ses constitutions l'esprit du droit romain, contribua à atténuer les aspérités des coutumes et la grossièreté des sociétés du moyen-âge; enfin, il ne faut pas oublier, parmi les causes déterminantes de cet heureux résultat, le prestige et la suprématie de l'autorité des pontifes romains; et cet ensemble de circonstances sauva l'Europe de l'imminent péril d'une nouvelle barbarie et du plus atroce despotisme.

Produit de cette époque d'enthousiasme religieux et de foi ardente, un évènement extraordinaire devint, à la fin du XIe siècle, la source de nouvelles influences sur la civilisation et sur les relations entre les différents peuples.

La Palestine ou Terre-Sainte avait été envahie au vir

siècle par les Arabes sous le calife Omar, et ensuite par les Turcs au xr siècle. Les premiers avaient toléré les chrétiens qui affluaient en pieux pélerinages pour visiter le SaintSépulcre. Les nouveaux dominateurs, peuple féroce et intolérant, n'eurent pas les mêmes ménagements.

Emu des lamentations des chrétiens, le pape Grégoire VII jeta un cri d'appel vers les souverains de la chrétienté, leur demandant de revendiquer par la force la possession des Lieux saints et de les délivrer du pouvoir des Sarrazins.

Pierre l'Ermite, envoyé par le patriarche de Jérusalem, parcourt l'Europe prêchant la guerre sainte. Le pape Urbain II vient à son aide en sanctionnant l'entreprise au Concile de Clermont; à la voix du pontife accourent, des États chrétiens, princes, vassaux et peuples sur le chemin de l'Orient; une armée cosmopolite de 600,000 hommes se forme ainsi en Macédoine. Godefroid de Bouillon en prend le commandement, s'empare de Jérusalem, la Ville sainte, dont la souveraineté lui est donnée avec la couronne royale.

Ephémère monarchie qui se maintint moins d'un siècle et fut détruite par l'épée de Saladin entré en vainqueur dans la Cité sainte; le x et le x siècles virent, à différentes dates, se renouveler les entreprises guerrières dénommées Croisades et que l'on disait saintes en raison de leur but purement religieux.

Si les Croisades entraînèrent de grandes calamités aux temps où elles s'accomplirent, on ne peut pas nier qu'elles influèrent efficacement par la suite, sur les progrès de la civilisation.

Les longues et continuelles marches des croisés, mettant en contact intime tant de nationalités qui, toutes, tendaient vers le même but et s'avançaient sous le commun étandard de la croix; le développement de la navigation et du commerce auquel donna lieu ce mouvement furent autant d'éléments qui nouèrent les relations entre les différents peuples.

L'autorité royale y gagna l'abaissement de puissants et inquiets vassaux, et put s'élever comme un rempart contre les envahissements du pouvoir féodal devenu hautain et oppresseur.

Si les compilations des ordonnances de Justinien avaient aidé au progrès et à l'influence du droit romain, les travaux de concentration des canons ordonnés par le pape Grégoire IX et publiés par Raymond de Penafort sous le nom. de Decretales, amenèrent le même résultat et produisirent d'importants avantages. Venant dominer la procédure des tribunaux civils et ecclésiastiques, dès qu'il était devenu la loi générale de l'Église, le droit canonique contribua non seulement à affermir le pouvoir et l'autorité papale, mais aussi à abolir de nombreuses pratiques et formules, telles que le jugement de Dieu, les épreuves judiciaires, les épreuves du duel, les épreuves du feu; et inondé des lumières propres du Christianisme, il vint adoucir les mœurs en supprimant nombre d'usages barbares, en refrénant les abus de la féodalité et en basant sur des principes plus sains et plus corrects le système de l'édifice social. A partir de ce moment, la jurisprudence crût en importance; la judicature devenant une profession spéciale, l'on vit surgir une nouvelle institution, celle des Universités; l'étude de la jurisprudence fut alors cultivée et perfectionnée et l'Université de Bologne créa pour cette branche de sciences des chaires spéciales autour desquelles l'on accourut de toutes les parties de l'Europe.

C'est ainsi que le droit romain et le droit canonique concoururent ensemble au progrès du droit des gens moderne.

On rencontre encore des vestiges de cette double origine dans les écrits des casuistes espagnols et des publicistes italiens qui, dans les questions de droit et les discussions des cas de conscience recouraient au droit canonique et au droit romain.

Les Conciles généraux de l'Eglise latine au Moyen-Age, et encore aux siècles suivants, affectaient aussi, en bien

des cas, indépendamment de leur caractère religieux, l'importance et la forme de congrès européens; on s'y occupait au même titre de régler les affaires ecclésiastiques et d'écarter de graves conflits qui menaçaient les nations chrétiennes. En outre, les discussions et les écrits des casuistes ou théologo-moralistes ouvraient un nouveau champ aux spéculations théoriques des sciences morales, et il en résultait de grands avantages pour la constitution du droit des gens moderne.

Le dominicain Francisco Vittoria, professeur de l'Université de Salamanca dans ses Relectiones theologicæ, et Domingos de Souto, son élève, dans son ouvrage De justitia et jure, désapprouvaient avec une énergique indépendance les guerres cruelles que les Espagnols poursuivaient dans le Nouveau-Monde. Le premier, au cours de ses dissertations De jure belli, discutait également, les cas qui peuvent justifier la guerre, et le second condamnait l'esclavage que les Européens commençaient à établir chez les nègres d'Afrique. Francisco Soares, jésuite espagnol, écrivait un traité De legibus et de Deo legislatore; le premier, il établissait que le droit international est formé non seulement des principes de justice qui dominent dans les rapports des États entre eux, c'est-à-dire, tirant leur origine du droit naturel, mais aussi des usages suivis depuis longtemps dans les relations des peuples, c'est-à-dire, se basant sur le droit coutumier.

Ces différentes discussions amenées par l'étude des questions générales, multiplièrent, au xvr° siècle, les publications et les écrits relatifs au droit public.

Outre les œuvres des théologiens casuistes et des académiciens, divers écrits parurent à cette époque, sur les loist de la guerre.

L'Espagne, sous Charles-Quint et Philippe II, étant la première puissance politique et militaire de l'Europe, entretenant de grandes armées, et soutenant de longues guerres, fut aussi la première qui sentit la nécessité d'une loi commune pour régler cette partie du droit des gens.

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