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CINQUIÈME INTERMÈDE.

BERGERS ET BERGERES.

QUATRE BERGERS ET DEUX BERGÈRES,
alternativement avec le chœur.

USEZ mieux, ô beautés fières,
Du pouvoir de tout charmer :
Aimez, aimables bergères;
Nos cœurs sont faits pour aimer.
Quelque fort qu'on s'en défende,
Il y faut venir un jour;

Il n'est rien qui ne se rende

Aux doux charmes de l'amour.

SONGEZ de bonne heure à suivre

Le plaisir de s'enflammer :
Un cœur ne commence à vivre

Que du jour qu'il sait aimer.
Quelque fort qu'on s'en défende,
Il y faut venir un jour;

Il n'est rien qui ne se rende

Aux doux charmes de l'amour.

ENTRÉE DE BALLET

Quatre bergers et quatre bergères dansent sur le chant du chœur.

FIN DE LA PRINCESSE D'ÉLIDE.

SUR

LA PRINCESSE D'ÉLIDE.

AUCUNE fête de Louis XIV ne parut plus brillante que celle dont cette pièce fut un des principaux ornements. Molière, pressé par le temps, ne put composer en vers que le premier acte et la moitié de la première scène du second: il fit les autres actes en prose, et se plaignit de ne pouvoir leur donner les développements dont il les croyoit susceptibles.

Le fonds de cette pièce est tiré d'une comédie espagnole d'Agostino Moreto, intitulée : EL Desden con el DeSDEN. Cet auteur fonde son intrigue sur un jeu autrefois en usage en Espagne, et qui n'a jamais été adopté en France. Les réunions où l'on s'amusoit de ce jeu s'appeloient Tertulias: chaque dame avoit sa couleur; et les hommes prenoient au hasard, dans une corbeille, des rubans qui y répondoient. Ils devoient par le sort faire la cour, pendant toute la soirée, à la dame qui leur étoit échue. Dans la pièce espagnole, une dame du caractère de la princesse d'Élide est tombée en partage à un jeune homme dont elle est aimée il feint, comme Euryale, d'en vouloir à une autre; et le dépit la contraint à laisser éclater son inclination. Elle va même jusqu'à la déclarer à son amant. Le dénoûment de Molière est bien plus conforme aux bienséances: la princesse d'Élide n'avoue point son penchant pour Euryale; c'est lui qui raconte au roi le stratagème dont il s'est servi: il cache même avec beaucoup de délicatesse la certitude qu'il a d'être aimé.

:

Le choix du lieu de la scène est très-heureux : l'auteur espagnol ne peint qu'une société particulière, tandis que Molière rappelle les solennités de l'Élide, et toutes les pompes de la Grèce. Aucun sujet ne convenoit mieux pour des fêtes telles celles de Versailles.

que

Il y a des rapports entre le commencement du rôle de la princesse d'Élide et le caractère de Marcelle, peint avec tant de charmes dans la première partie de don Quichotte. Ces deux jeunes personnes, distinguées par une beauté qui enchante tous les hommes, ont la même fierté, le même goût pour l'indépendance, et la même aversion pour l'amour. Marcelle fait mourir son amant de désespoir; et ce malheureux n'ose se plaindre, en expirant, des rigueurs de sa maîtresse. Ce dénoûment est foible et commun. La fable de Molière est bien mieux conduite : l'amour-propre de la princesse d'Élide est piqué par l'indifférence apparente d'Euryale; son dépit lui apprend qu'elle n'est pas insensible; et ce sentiment est gradué avec beaucoup d'art. C'est le premier modèle du genre de Marivaux, dont presque toutes les pièces roulent sur cette idée : mais combien n'a-t-on pas abusé des petites nuances et des raffinements que ce genre semble exiger!

Moron offre un caractère très-comique : son extrême poltronnerie, ses réponses naives et plaisantes rappellent quelquefois les reparties de Sancho Pança. On dit que Molière

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1 On trouve dans ce rôle un trait qui appartient à Pierre Aretin. Dans une lettre à Baptiste Strozzi; il s'exprime ainsi : E meglio per la pelle vostra che si dica: qui fuggi il tale, che qui mori il cotale. Moron dit à la princesse :

Je suis votre valet ; j'aime bien mieux qu'on dise :
C'est ainsi qu'en fuyant sans se faire prier, etc.

avoit une sorte de prédilection pour ce rôle, et qu'il le jouoït parfaitement.

Le personnage de Moron n'est plus dans nos mœurs : c'est un fou de cour, tel qu'il en existoit encore dans le dix-septième siècle. Louis XIV en avoit un à cette époque : il s'appeloit L'Angely, et avoit appartenu au prince de Condé pendant les troubles de la Fronde. Le comte de Grammont observoit, dit M. de Voltaire, que, de tous les fous qui avoient suivi M. le prince, il n'y avoit que L'Angely qui eût fait fortune.

Les intermèdes de LA PRINCESSE D'ÉLIDE sont dans le genre espagnol. Ils composent ordinairement, chez les poëtes de cette nation, une petite pièce indépendante de celle à laquelle ils sont liés ils roulent presque toujours sur des amours populaires, sur des ridicules du moment, et sont en général remplis de sel et de comique : ceux de LA PRINCESSE D'ÉLIDE n'ont pas le même intérêt on voit qu'ils ont été faits trop rapidement.

La relation des fêtes de Versailles pour lesquelles cette pièce fut composée, n'est pas de Molière. Cette relation est placée à la fin du volume: on la rédigea par ordre, afin de transmettre à la postérité la magnificence de Louis XIV : elle est précieuse en ce qu'elle contient les véritables motifs qui firent suspendre LE TARTUFFE.

LE

MARIAGE FORCÉ,

COMÉDIE

EN UN ACTE ET EN PROSE,

Représentée au Louvre, sous le titre de Ballet du Roi, les 29 et 31 janvier 1664; et sur le théâtre du Palais-Royal, le 15 février de la même année.

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