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La philosophie du sensualisme mène à l'abrutissement, à la dégradation, et à la misère du plus grand nombre. Il faut choisir, car il n'y a pas de moyen terme.

Jusqu'ici nous avons essayé de faire ressortir ces grandes vérités, dans le cours d'un ouvrage qui eût exigé, sinon plus de zèle, du moins une plus grande puissance de talent. D'autres écrivains plus habiles se serviront des matériaux que nous n'avons fait que recueillir et indiquer. D'avance nous applaudissons à leurs succès, heureux de les avoir précédés dans la carrière.

Maintenant, après avoir cherché à présenter les causes et les effets de l'indigence, nous allons examiner les moyens pris jusqu'à ce jour pour y porter quelque remède. Nous puiserons, dans les principes qui ont dirigé nos premiers pas, les idées d'amélioration qui nous paraissent praticables dans les institutions et la législation concernant les pauvres. Ainsi nous entrons dans une sphère nouvelle. Au sombre tableau des funestes résultats des mauvaises passions humaines, nous devons opposer les bienfaits de la première des vertus du christianisme et ceux plus grands qu'elle peut opérer encore. Nous marchons vers une terre promise, que nous apercevons, mais où sans doute il ne nous sera pas donné de pénétrer. Puisse-t-il nous être permis d'espérer, du moins, que nos enfans assisteront à cette grande transformation de la société humaine qui doit, tôt ou tard, se réaliser par la charité, et qui ne saurait s'effectuer que par elle! Transformation simple dans son principe, puisqu'il ne s'agit que de faire pénétrer une seule vertu dans les cœurs, mais prodigieuse dans ses résultats, puisqu'elle devrait n'offrir aux regards du ciel et de la terre qu'un peuple heureux, riche, paisible, où toutes les misères seraient soulagées et consolées, où tous le rangs sociaux seraient regardés sans envie, toutes les jouissances réglées et partagées, où tout tendrait au

progrès du vrai, du bon et du beau, où tout se confondrait dans un espoir commun de félicité éternelle !

C'est là, dira-t-on, une société qui ne peut exister que dans une imagination enthousiaste nous n'avons tracé pourtant que l'image d'une société véritablement et complétement chrétienne.

LIVRE III.

DE LA CHARITÉ ET DE SES APPLICATIONS.

CHAPITRE I.

DE LA CHARITÉ ET DE SA NATURE.

Αυτ

« C'est toi, dont la pitié plus tendre,
Verse l'aumône à pleines mains,
Guide l'aveugle, et vient attendre
Les voyageurs sur les chemins.
C'est toi qui, dans l'asile immonde
Où les déshérités du monde
Viennent pour pleurer et souffrir,
Donne aux vieillards de saintes filles,
A l'enfant sans nom des familles,
Au malade un lit pour mourir. »
(LAMARTINE, Hymne à Jésus-Christ.)

yeux du philosophisme moderne, la sympathie de l'homme pour les souffrances de son semblable n'est, à proprement parler, que l'instinct de sa propre conservation,

une sorte de retour fait sur lui-même, et qui l'oblige à compatir aux maux d'autrui ; la jouissance, attachée à l'exercice de la bienfaisance, participe de cet instinct presque physique. On fait le bien aux autres pour s'en faire à soi-même. La souffrance d'autrui se réfléchissant dans notre esprit, nous éprouvons une sorte de soulage

ment en secourant des malheureux dont la vue importune, afflige ou alarme. Enfin la misère est un mal; la prévenir, la réparer est un bicn: de là, la nécessité et le devoir de la bienfaisance.

<< Mais pourquoi les hommes sont-ils tenus de se prêter secours les uns les autres ? et quelle est, dans l'arrangement de ce monde, la raison dernière de la charité ? Le problème va se perdre dans le grand secret de l'univers, et nous abandonnons ces téméraires recherches aux esprits amoureux de systèmes et d'hypothèses. L'obligation de la bienfaisance est gravée dans le cœur de chaque homme de la main même de la nature. Elle brille de la même manière pour l'ignorant et pour le sage; et, quant à sonder de plus profonds mystères, le philosophe le plus habile et le paysan le plus grossier se trouvent frappés de la même impuissance (1). »

Telle est la conclusion d'un écrivain qui s'est plu, toutefois, à tracer un touchant tableau de la charité et des devoirs qu'elle impose. Ce peu de mots révèle toute la faiblesse de la raison humaine, lorsqu'elle n'est pas guidée par la philosophie religieuse, et ne veut pas recourir aux sources de l'éternelle vérité. On confesse la nécessité de la charité; on avoue que le précepte de la bienfaisance est gravé dans le cœur de tous les hommes. On constate un fait; on néglige d'en connaître la cause, s'il faut la puiser dans la religion; et l'on préfère à cette noble étude le scepticisme, ce doute philosophique si commode, mais si humiliant!

Ce n'est point là que s'arrête la philosophie chrétienne; car celle-ci embrasse l'homme tout entier, et l'envisage non seulement dans sa destinée terrestre, mais dans sa destinée religieuse, la seule digne d'une créature intelligente et en rapport avec la Divinité.

(1) M. T. Duchâtel, de la Charité.

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