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rien; et quand j'aurais livré mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela même sert de peu. La charité est patiente; elle est douce, elle est bienfaisante: la charité n'est pas envieuse, elle n'est point téméraire ou précipitée; elle ne s'enfle point d'orgueil, elle n'est point ambitieuse : la charité ne finira jamais. Or, ces trois vertus, la foi, l'espérance et la charité demeurent maintenant; mais la charité est la plus excellente de toutes (1).

(1) Saint Paul, épître aux Corinthiens.

CHAPITRE II.

DE L'AUMÔNE.

Si je demande à chaque obole,
A chaque larme qui console,
A chaque généreux pardon,

A chaque vertu qu'on me nomme,
En quel nom consolez-vous l'homme?
Ils me répondent : En son nom!
(LAMARTINE, hymne à J.-C. )

Le précepte de l'aumône dérive nécessairement de celui de la charité : il est donc divin, sacré, impérieux. Mais l'aumône ne consiste pas à donner quelque secours à l'indigent; elle embrasse toutes les œuvres de miséricorde, tous les égards que les hommes se doivent entre eux; elle est la charité mise en action, et doit nécessairement participer de sa nature et de ses bienfaits.

Saint Augustin définit merveilleusement les caractères de l'aumône telle qu'elle doit être comprise et appliquée : «Donner à manger à celui qui a faim et à boire à celui qui a soif, revêtir un homme nu, loger un voyageur, donner asile à un fugitif, visiter un malade ou un prisonnier, racheter un esclave, soutenir un affligé, panser un blessé, montrer le chemin à celui qui s'égare, donner un conseil à celui qui en a besoin et la subsistance à un pauvre, ne sont pas les seules espèces d'aumônes que l'on

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peut faire; mais pardonner à celui qui pèche, ou le corriger quand on a l'autorité sur lui, en oubliant l'injure que l'on en a reçue et en priant Dieu de lui faire grâce, ce sont des œuvres de miséricorde que l'on peut regarder comme des aumônes (1). »

Il s'ensuit que l'aumône peut et doit s'appliquer diversement suivant les lieux, les hommes, les temps et les circonstances; mais avec cette condition absolue que, dans aucun cas, un malheur ou une souffrance ne peuvent demeurer sans soulagement immédiat et efficace, selon le pouvoir et les facultés de l'homme auquel ils se sont manifestés.

De tous les modes d'exercer la charité, l'aumône simple, c'est-à-dire le don d'une pièce de monnaie ou d'un morceau de pain, fait au pauvre qui le sollicite ou l'attend, est sans doute le plus facile et le plus commode; par cela même il est devenu usuel et général; il n'est pas sans doute le meilleur; mais gardons-nous de le blâmer ni d'en ébranler le principe, car il est souvent le seul à la portée de la plupart des hommes; et tant que l'organisation sociale est encore imparfaite à l'égard de la charité, il est évidemment le plus praticable.

Dans les premiers temps du christianisme, le principe de l'aumône apparut dans toute sa force. La ferveur de l'église primitive engagea les fidèles à vendre leurs biens et à en déposer le prix aux pieds des apôtres pour subvenir aux besoins des indigens. Saint Paul écrivant aux Corinthiens, leur recommande de faire des collectes ou des quêtes tous les dimanches pour assister les pauvres, comme il l'avait prescrit aux églises de Galatie. Saint Justin fait connaître que tous les fidèles de la ville et de la campagne s'assemblaient le dimanche pour assister à la célébration des saints mystères; qu'après la prière, chacun faisait son aumône

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selon son zèle et ses facultés; qu'on en remettait le produit à celui qui présidait, c'est-à-dire à l'évêque, pour le distribuer aux pauvres, aux veuves, aux infirmes, etc. Cet usage s'observait du temps de saint Jérôme, et la quête qui se fait pour les pauvres, à la messe du dimanche dans les paroisses, en est une tradition. Au quatrième siècle, il existait des femmes picuses qui s'occupaient à recueillir des aumônes pour les prisonniers.

Dans l'origine, les ministres de l'église ne subsistaient que d'aumônes : les oblations des fidèles se divisaient en trois parts, l'une pour les pauvres, l'autre pour l'entretien des églises et le service divin; la troisième pour le clergé. Saint Chrorégand, évêque de Metz au huitième siècle, dans la règle qu'il prescrit aux chanoines réguliers, veut qu'un prêtre à qui l'on donne quelque chose, ne le reçoive qu'à titre d'aumône. C'est en ce sens que l'église a toujours considéré les libéralités qu'on lui a faites. Les biens qu'elle a reçus par donation, les fondations par lesquelles eile a été successivement enrichie, tout était regardé comme des aumônes dont les ministres étaient les économes, les dispensateurs, et non les propriétaires.

C'est par ces motifs, d'une part, que les pauvres ont été et sont encore en quelque sorte exclusivement à la charge du clergé et des établissemens ecclésiastiques dans tous les pays catholiques où les biens de l'église n'ont pas été confisqués et aliénés; de l'autre, que le précepte de l'aumône continue d'être pratiqué dans toutes les contrées soumises aux doctrines du catholicisme.

On a beaucoup blâmé les aumônes faites aux portes des couvens et des abbayes, comme celles qu'à l'exemple des corporations religieuses, faisaient de leur côté de charitables propriétaires ; et il faut convenir qu'elles ont pu servir quelquefois d'encouragement à la fainéantise et à la paresse, et surtout d'aliment à la mendicité. Mais il est juste de remarquer que les religieux confinés dans leurs monas

tères n'avaient peut-être pas d'autre moyen d'exercer la charité qu'en faisant des distributions de vivres et d'argent aux pauvres qui venaient les implorer. On oublie qu'il ne leur était guère possible de rendre leur charité plus industrieuse et plus réfléchie.

Quant aux personnes du monde qui pratiquent l'aumône, et qui n'ont ni le temps ni la volonté de rechercher si un indigent, qui s'offre à eux sous l'aspect de la souffrance, est réellement dans le besoin et hors d'état de travailler, il était assez simple qu'elles obéissent à l'inspiration soudaine de la charité. Si, avant d'accomplir une bonne œuvre, on voulait prévoir tous les abus qu'on en · peut faire, les inconvéniens qui peuvent en résulter, le mérite ou l'indignité de ceux qui en profitent, on n'en ferait peut-être jamais aucune. La dépravation humaine trouve toujours plus de moyens pour faire le mal, que la charité la plus prudente ne pourra prendre de précautions pour le prévenir.

L'aumône eût évidemment encouragé la fainéantise, si tous les pauvres étaient en état de travailler. Mais les infirmes, les vieillards, les femmes enceintes, celles qui sont chargées d'enfans, les imbéciles, les enfans en bas âge, les impotens, les voyageurs surpris par des besoins imprévus, ne peuvent être condamnés à mourir de faim. Lorsque l'un de ces malheureux implore la charité, faut-il s'arrêter à examiner s'il n'aurait pas revêtu l'apparence de la faiblesse ou de la misère? Si les pauvres abusent de l'aumône, les riches n'abusent-ils pas davantage des richesses? Vingt pauvres, soulagés mal à propos peut-être, ne sont-ils pas un moindre mal qu'un seul pauvre réduit à souffrir par la dureté des riches?

Or il est à peu près prouvé que, dans le nombre des pauvres qui sollicitent ou attendent les secours de la charité, il en est à peine un sur cinq qui puissent véritablement soutenir leur existence par un travail qu'ils re

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