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mens incomplets sur les établissemens de charité de ces royaumes, presque tous, au reste, fondés par le clergé.

Quant à l'Italie, on sait que, vers la moitié du onzième siècle, des mariniers, qui pêchaient dans le Tibre, ramenèrent, en tirant leurs filets, les corps de plusieurs enfans nouveau-nés qu'on y avait jetés pour soustraire leur naissance à tous les yeux. En 1212, le pape Innocent III, saisi de pitié à la nouvelle de cet événement, consacra sur-le-champ, dans l'hôpital du Saint-Esprit, qu'il faisait réparer alors, un local pour y recevoir six cents enfans. Il prit le nom de Conservatoire de la Ruota (du tour sur lequel on venait déposer ces infortunés), et fut confié à la confrérie dite du Saint-Esprit, confirmée par le pape Urbain IV. Il existe aujourd'hui à Rome, à Viterbe et à Narni, dans les états romains, de très beaux hospices d'enfans-trouvés; il y a, de plus, à Rome, un magnifique hospice de femmes indigentes en couche. Venise possède un semblable hospice d'enfans-trouvés. En 1580, et dès 1321, ils furent admis dans le magnifique hôpital dit des Innocens, bâti à Florence en 1516. Ce ne fut qu'en 1750 que Naples vit s'élever, par les soins de Charles III, la maison des orphelins et enfans-trouvés, connue sous le nom d'Albergo Dei Poveri.

On croit que, dès l'an 1274, la ville d'Einbeck, en Hanovre, avait un hospice d'enfans-trouvés. En 1596, la ville d'Amsterdam avait procuré un asile public à ces infortunés.

En Angleterre, au commencement du dix-huitième siècle (1715), le sage Addisson réclamait encore en vain, dans ses feuilles journalières, un asile pour les enfanstrouvés le premier hospice qui leur fut consacré n'a été fondé qu'en 1759 (1).

(1) « En Angleterre, l'administration des hospices affectés aux enfans abandonnés est plus défectueuse que celle des autres établissemens. Sous quelques rapports, même, elle pourrait paraître immorale. Entretenues par

Stockholm doit l'hospice qu'il a vu s'élever en 1755, en faveur des enfans-trouvés, à la société des francs

maçons.

Berlin est également redevable du même avantage aux francs-maçons et à la générosité de plusieurs riches particuliers, qui soutiennent seuls l'établissement, sans que l'état s'en mêle en rien.

En Russie, l'impératrice Catherine II fut la première qui consacra dans Moscou, en 1765, un même hospice aux femmes enceintes et aux enfans abandonnés.

L'hôpital des Enfans-Trouvés de Hambourg ne date que de 1795.

En 1780, Vienne n'avait pas encore de maison pour les enfans-trouvés, lorsque Joseph II leur destina, ainsi qu'aux femmes enceintes, un asile particulier dans le grand et magnifique hôpital qu'il faisait construire alors, et auquel l'admirable établissement pour les femmes en couche, à Rome, a servi en partie de modèle. Sa prévoyance à cet égard est digne de remarque. Il voulut que le pavillon destiné aux femmes en couches fût disposé de manière à ce que l'on pût y arriver par l'une des portes donnant sur la campagne. Au moyen de cette sage précaution, toute femme pauvre, toute fille séduite, s'y présente voilée, et sous le nom qu'il lui convient d'adopter, pourvu que le véritable nom soit consigné dans les paroisses, et au moyen de souscriptions volontaires, ces maisons ne s'ouvrent qu'avec de très grandes difficultés, et seulement après que l'impossibilité de découvrir les parens de l'enfant est démontrée. La mère est ordinairement la première que les enquêtes font reconnaître. On la presse, on la menace, jusqu'à ce qu'elle ait déclaré le complice de sa faute. Souvent elle indique un homme riche qu'elle n'a jamais vu. Le serment dont elle accompagne sa déclaration suffit pour lui faire obtenir une indemnité et les moyens d'élever son enfant, à moins que la partie adverse ne fournisse la preuve, si difficile à établir, de la fausseté de l'accusation. Les tribunaux anglais prononcent chaque jour sur des faits de ce genre, et leurs jugemens paraissent basés sur une bien étrange jurisprudence, » ( Le baron d'Haussez : la Grande-Bretagne en 1833. )

un billet cacheté, qui lui est fidèlement remis, et toujours intact, au moment de sa sortie. Ce billet n'a jamais été ouvert qu'en cas de mort, et les morts sont bien rares.

A toute heure du jour et de la nuit, l'infortunée est reçue à l'hospice. Après ses couches, elle peut y laisser son enfant, moyennant 24 florins pour son admission, ou bien elle l'emmène avec la constante certitude que le secret, duquel dépend son honneur, n'a point été pénétré.

En Turquie, tout enfant-trouvé est réputé musulman et libre. Si aucun individu ne se charge de lui, il appartient à l'état, et c'est des deniers publics qu'il doit être nourri et élevé (1).

(1) Voir les chapitres V, livre III; XI, livre V ; IV, livre VI.

CHAPITRE XII.

DES MAISONS D'ALIÉNÉS.

Pouvez-vous sans pitié, pour son malheur affreux,
Comme un vil criminel traiter un malheureux?
S'il est infortuné, faut-il être barbares?

(DELILLE.)

PARMI les infirmités qui affligent l'humanité, l'aliénation mentale est celle qui mérite, sans doute, d'exciter au plus haut degré la pitié publique; mais c'est aussi celle qui inspire le plus d'éloignement et d'effroi.

De tous les temps, la folie furieuse a paru ressortir de la juridiction de la police, plutôt que du domaine de la charité et de la religion. On a long-temps regardé l'aliénation mentale comme une maladie incurable, et considéré, comme entièrement perdus pour la société, les individus qui en étaient une fois atteints. On ne s'occupait donc que des moyens de les empêcher de nuire.

On ignore ce qu'ils devenaient chez les peuples anciens. Il est vraisemblable qu'ils n'étaient pas plus épargnés que les enfans infirmes et les vieillards esclaves, et que la prison, l'abandon ou la mort en délivraient les sociétés païennes.

Depuis l'établissement du christianisme, les aliénés fu

rieux demeurèrent long-temps soumis aux mêmes traitemens que les criminels. Ordinairement, ils étaient renfermés dans des cachots ou dans des donjons, et plusieurs même, furent brûlés comme sorciers ou possédés du démon. Des associations charitables, seules, leur apportaient quelques soins compatissans. Les plus tranquilles, les idiots, erraient librement dans les villes, dans les hameaux, dans les campagnes, abandonnés, comme ils le sont encore aujourd'hui dans quelques contrées, à la risée, aux injures, à la pitié ou à la vénération superstitieuse de leurs concitoyens.

En France, plusieurs maisons religieuses accueillirent ces infortunés; mais ce n'est que vers le seizième siècle qu'on s'occupa de leur sort d'une manière spéciale. Lorsque saint Vincent de Paule plaida la cause de l'humanité avec une éloquence si entraînante que partout, à sa voix, s'ouvrirent des asiles pour l'infortune, les aliénés cessèrent en général d'être confondus avec les criminels. On les considéra comme vagabonds, et, à ce titre, on les plaça dans les hôpitaux généraux créés pour l'extinction de la mendicité. Mais comme ils troublaient l'ordre de ces maisons, on les relégua dans un quartier séparé, où on les enchaînait pendant les momens de fureur. Dans quelques provinces, on leur affecta d'anciennes maladreries devenues inutiles. Successivement, on les admit dans la plupart des hospices destinés aux vieillards et aux infirmes. Ils occupaient un quartier à part, divisé en loges ou cellules, et les hospitalières furent chargées d'en prendre soin. Ceux qui ne purent être recueillis dans ces institutions de charité demeurèrent dans les dépôts de mendicité, et quelques-uns, enfin, dans les prisons.

Les congrégations religieuses, et particulièrement celle des moines augustins, s'étaient, les premières, empressées de recueillir un grand nombre de ces malheureux, et il était peu de maisons religieuses qui n'en entretint quelques

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