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taine fomme d'argent dans la caiffe publique., déclarant fous ferment que c'eft le quatre pour cent de tout ce qu'il poffède, fans déclarer à quoi fe monte fon bien, ni être expofé à aucune recherche fur ce fujer. On croit que cet impôt eft généralement payé avec une grande fidélité. On peut quelquefois s'attendre à ce paiement volontaire & fcrupuleux, dans une petite république où le peuple a une pleine confiance dans fes magiftrats, & où, convaincu de la néceffité de foutenir l'état, il eft bien perfuadé que ce qu'il donne fera fidelement appliqué aux befoins de l'état. Cette méthode n'eft point particulière au peuple de Hambourg.

Le canton d'Undervald en Suiffe eft fouvent ravagé par des ouragans & des inondations, qui l'expofent à des dépenses extraordinaires. Dans ces occafions, le peuple s'affemble, & on dit que chacun déclare avec la plus grande franchife la valeur de fes biens, afin d'être taxé en conféquence. A Zurich la loi veut que, dans les cas de néceffité, chacun foit taxé au prorata de fon re. venu, qu'il eft obligé de déclarer fous ferment. On ne foupçonne pas, dit-on, qu'aucun citoyen s'avife de tromper. A Bâle, le principal revenu de l'état vient d'un petit droit fur les marchandifes exportées. On s'en rapporte aux marchands, & même aux aubergiftes, pour l'état de ce qu'ils vendent au dedans & au-dehors du territoire. Tous les trois mois, ils envoient cet état au tréforier avec la taxe comptée au bas du mémoire. On ne croit pas que le revenu fouffre de cette confiance.

Il paroît que, dans ces cantons fuiffes, on ne regarde pas comme une rigueur d'obliger chaque citoyen à déclarer publiquement fous ferment le montant de fa fortune. A Hambourg, on le regarderoit comme la plus grande oppreffion. Des marchands engagés dans les projets hafardeux du tremblent tous à l'idée d'être forcés de publier l'état réel de leurs affaires. Ils prévoient que la ruine de leur crédit & le mauvais fuccès de leurs entreprises en feroient bientôt la fuite. Des gens fimples, vivans de peu, & à qui ces fortes de projets font fort étrangers, ne fentent aucune néceffité de cacher ce qu'ils ont.

En Hollande, auffi-tôt après l'élévation du dernier prince d'Orange au ftathouderat, il fut impofé fur tous les biens de chaque citoyen une taxe de deux pour cent ou d'un cinquantième denier. Chaque citoyen s'impofa lui-même & paya comme à Hambourg, & on fuppofe qu'il le fit généralement avec la même fidélité. Le peuple avoit alors la plus grande affection pour le nouveau gouvernement qu'il venoit d'établir par une infurrection générale. La taxe ne devoit être payée qu'une fois pour le befoin de l'état dans une occafion particulière. Permanente, elle eût été trop lourde. Dans un pays où le taux courant de l'in

térêt excède rarement trois pour cent, elle fe monte à treize fchelings quatre pences par livre fur le plus grand revenu net qu'on tire commu nement des capitaux; & peu de gens pourroient la payer, fans écorner plus ou moins leurs capi taux. Dans une néceflité extraordinaire, un zèle ardent pour le bien public peut engager le peuple à faire un grand effort, & à facrifier même une partie de fon capital pour fecourir l'état ; mais il eft impoffible qu'il continue de le faire long tems; & s'il continuoit, l'impôt le ruineroit bientôt de manière que l'état ne pourroit plus tirer de lui aucun fecours.

Quoique la contribution impofée en Angleterre. par le bill de la taxe fur les terres foit proportionnée au capital, elle n'entend ni diminuer, ni ôter aucune partie de ce capital. Elle ne porte que fur l'intérêt de l'argent, qu'elle impofe en proportion de ce qu'eft impofée la rente des terres; de manière que quand la dernière taxe eft à quatre fchelings par livre, la première y eft auffi. La taxe à Hambourg & les taxes encore plus modérées d'Undervald & de Zurich ne portent pas non plus fur le capital, mais fur l'intérêt du revenu net des capitaux. Celle de Hollande étoit une taxe fur le capital.

Taxes fur le profit de quelques emplois particuliers de capitaux.

On met, en certains pays, des impôts extraordinaires fur les profits des capitaux employés dans des branches particulières de commerce, ou dans l'agriculture.

mifes en Angleterre fur les colporteurs & petits Il faut rapporter à la première espèce les taxes.

merciers, fur les carroffes & les chaifes de louage, & fur ce que paient les cabaretiers pour la permiffion de vendre de la bierre & des liqueurs fpiritueufes en détail. Durant la guerre de 1756, on propofa de mettre un pareil impôt fur les boutiques. La guerre ayant été entreprife, difoiton, pour la défenfe du commerce, il étoit jufte que les marchands qui devoient en profiter, contribuaffent à la foutenir.

Cependant un impôt fur les profits des capitaux employés dans une branche particulière de commerce, ne peut retomber fur les marchands, il retombe fur les confommateurs.

n'eft

Une taxe de cette efpèce, quand elle eft proportionnée au commerce du marchand, point oppreffive pour lui. Quand elle n'eft pas proportionnée, & qu'elle eft la même fur tous les marchands, quoique ce foit le confommateur qui la paye finalement, elle ne laiffe pas de favorifer les gros marchands & de nuire aux petits. La taxe de cinq fchelings par femaine fur chaque carroffe de place, & celle de dix fchelings par an fur chaque chaife de louage, devant être avancées par les maîtres de ces voitures, font, à cet égard,

affez exactement proportionnées à l'étendue du commerce qu'ils font. La taxe de vingt fchelings par an pour la permiffion de vendre de la petite bierre, de quarante, pour celle de vendre des liqueurs fpiritueufes, & de cent pour vendre du vin, étant la même fur tous les détailleurs, doit néceffairement donner quelque avantage à ceux qui vendent beaucoup, & accabler quelques petits vendeurs. Il eft plus facile aux premiers qu'aux autres de rejetter la taxe fur le prix de leurs marchandifes. Cependant la modicité de la taxe rend cette inégalité moins fenfible. M. Pitt a établi la même taxe fur toutes les boutiques, & l'on fait quelles réclamations il a excité: il y a lieu de croire que cette taxe va être abolie. Il eft impoffible de la proportionner avec quelque exactitude à l'étendue du commerce de chaque bou tique, fans une inquifition qui ne feroit pas fupportable dans un pays libre. On dit que cet impot opprime tous les petits marchands, & qu'il met entre les mains des gros tout le commerce de détail. Il avoit été question autrefois de cette taxe; mais on fentit que la concurrence des petits marchands écartée, les gros auroient joui d'une espèce de monopole; & qu'à l'exemple de tous les autres monopoleurs, ils fe feroient bientôt ligués pour faire monter leurs profits bien au-delà de ce qu'il auroit fallu pour payer l'impôt. Le paiement final, au lieu de tomber fur les gens tenant boutique, feroit tombé fur le confommateur avec une furcharge confidérable à leur profit. Ces raifons firent abandonner alors le projet d'un impôt fur les boutiques, & on lui fubftitua le fubfide de 1759.

Ce qu'on appelle en France la taille perfonnelle, eft peut-être l'impôt le plus confidérable qui fe lève en Europe fur les profits des capitaux employés à l'agriculture.

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Dans le défordre du gouvernement féodal, le fouverain étoit réduit à impofer ceux qui fe trouvoient trop foibles pour refufer de payer l'impôt. Les grands feigneurs, quoique difpofés à l'affifter dans des occafions particulières, ne vouloient le foumettre à aucun impôt conftant, & il n'étoit pas affez fort pour les y contraindre. Ceux qui cultivoient la terre, étoient prefque tous originairement des ferfs. Ils furent affranchis par degrés, dans la plus grande partie de l'Europe. Quelques-uns acquirent en propriété des terres qu'ils tenoient en roture, & qui relevoient quel quefois du roi, quelquefois d'un grand feigneur, comme les anciens vaffaux qui, en Angleterre, n'avoient d'autre titre à produire de leur tenure, que la copie des rôles faits par les maîtres-d'hôtel de la cour de leur feigneur, & qu'on appelloit par cette raison copy holders. D'autres, fans acquérir

de propriété, obtenoient pour tant d'années le bail des terres qu'ils faifoient valoir, & devenoient ainfi moins dépendans de leur feigneur. Il paroît que les grands barons virent avec un œil d'envie & d'indignation méprifante le degré de profpérité & de liberté, dont cette claffe d'hommes commençoit à jouir, & qu'ils confentirent volontiers à ce qu'ils fuffent impofés par le fouverain. Dans quelques pays, cet impói ne regardoit que les terres poffédées en roture; &, dans ce cas, on difoit que la taille étoit réelle. La taxe établie fur les terres par le dernier roi de Sardaigne, & dans les provinces du Languedoc, ae la Provence, du Dauphiné & de la Bretagne, dans la généralité de Montauban, dans les élections d'Agen & de Condom, auffi-bien que dans quelques autres cantons de la France, font des taxes fur les terres poffédées en propriété & en roture. Ailleurs, la taxe fut mife fur les profits fuppofés de ceux qui tenoient à ferme ou à bail les terres appartenant à d'autres, soit en roture, foit en fiefs nobles; & c'eft ce qu'on appelle la taille perfonnelle. La taille eft de ce genre dans la plupart des provinces de France, qu'on nomme pays d'élections. Comme la taille réelle n'eft impofée que fur une partie des terres du pays, elle eft néceffairement inégale, mais elle n'eft pas toujours arbitraire, quoiqu'elle le foit quelquefois. La taille perfonnelle devant être, par l'ef prit de fon inftitution, proportionnée aux profits d'une certaine claffe d'hommes, qu'on ne peut connoître exactement & qu'il faut deviner, eft néceffairement inégale & arbitraire.

La taille perfonnelle annuellement impofée en France fur les vingt généralités, appellées pays d'élection, fe montoient en 1775 à 40,107,239 liv. 16 f. (1) La proportion dans laquelle cette taxe eft affife fur ces différentes provinces, varie d'une année à l'autre, felon les rapports faits au confeil du roi de la récolte bonne ou mauvaise, & felon les circonstances qui augmentent ou diminuent la faculté qu'elles ont de payer. Chaque généralité eft divifée en un certain nombre d'élections, & la proportion felon laquelle la fomme impofée fur toute la généralité eft répartie fur ces élections, varie pareillement d'une année à l'autre, felon le rapport fait au confeil, de leurs facultés refpectives. Il paroît impoffible que le confeil, avec les meilleures intentions, proportionne jamais avec quelque exactitude la répartition de ces deux tailles aux facultés réelles des provinces ou cantons impofés. L'ignorance & les informations fauffes doivent l'égarer, quand il auroit les vues les plus droites. La proportion dans laquelle chaque paroiffe doit contribuer à la fomme impofée fur toute l'élection, & ce que

(1) M. Necker a évalué depuis, le produit de la taille réelle & de la taille perfonnelle à 91 millions; mais it indique pas le produit particulier de la taille perfonnelle.

chaque individu doit payer de celle qu'on de mande à chaque paroiffe, varient de même tous les ans, felon qu'on fuppofe que les circonftances l'exigent. Dans le premier cas, ce font les officiers de l'élection qui jugent de ces circonftances; dans le fecond, ce font ceux de la paroiffe, & les uns & les autres font plus ou moins fous la direction de l'intendant. Dans les diftricts où il n'y a point encore d'adminiftrations provinciales, on dit que ces affeffeurs font fouvent des injustices non feulement parce qu'ils font ignorans & mal informés, mais parce qu'ils écoutent l'amitié l'animofité de parti & leur reffentiment particulier. Il est évident qu'un homme fujet à un pareil impôt, ne peut jamais être certain de ce qu'il aura à payer, qu'après qu'il eft impofé. Si quelqu'un a été taxé lorsqu'il devoit être exempt, ou fi quelqu'un a été furtaxé, & qu'il ait le bonheur de faire goûter fes plaintes, il faut qu'il commence toujours par payer; mais l'année d'enfuite on réimpofe toxte la paroiffe pour le rembourfer. Si quelqu'un des contribuables fait banqueroute ou devient infolvable, le collecteur eft obligé d'avancer cette taxe, & l'année fuivante on réimpofe toute la paroiffe pour rembourfer le collecteur. Si le collecteur fait lui-même banqueroute, la paroiffe qui le choifit, répond de fa conduite au receveur général de l'élection. Mais comme il pourroit être embarraffant pour le receveur de perfécuter toute la paroiffe, il prend à fon choix cinq ou fix des plus riches contribuables, & les oblige à faire bon des deniers perdus par l'infolvabilité du collecteur. La paroiffe eft enfuite réimpofée pour le remboursement de ces cinq ou fix. Ces réimpofitions font toujours par delà la taille annuelle.

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Lorsqu'on impofe une taxe fur les profits des capitaux dans quelque branche de commerce, les marchands ont prefque tous foin de ne mettre en vente que ce qu'ils peuvent vendre à un prix fuffifant pour fe rembourfer de la taxe qu'ils ont avancée. Quelques uns retirent une partie de leurs fonds du commerce, & le marché fe trouve moins fourni qu'auparavant. Le prix de la marchandife hauffe, & le paiement final de la taxe tombe fur le confommateur. Mais quand une taxe eft impofée fur les profits des capitaux employés dans l'agriculture, il n'eft pas de l'intérêt des fermiers de retirer de cet emploi aucune partie de leurs fonds. Chaque fermier occupe une certaine quantité de terres, dont il paye la rente. Pour cultiver convenablement ces terres, il faut une certaine quantité de capitaux ; & s'il en retire une partie, il n'en fera pas plus en état de payer la xente & la taxe. Pour payer la taxe, il ne peut jamais être de fon intérêt de diminuer la quantité de fon produit, ni de fournit le marché moins abondamment. La taxe ne lui donnera donc jamais le moyen de faire monter le prix de fon produit, ni de fe rembourfer lui-même, en faisant payer

finalement la taxe au confommateur. Cependant il est néceffaire que le fermier ait un profit raifonuable, comme tout autre qui emploie fes capitaux, fans quoi il faut qu'il abandonne le métier. Avec une pareille taxe, il ne peut faire ce profit qu'en payant moirs de rente au propriétaire. Plus il paye en rente, moins il a de quoi payer en impót. Une taxe de cette efpèce, impofée dans le courant d'un bail, peut fans doute gêner ou ruiner le fermier. Au renouvellement du bail, elle tombe fur le propriétaire.

Dans les pays où la taille perfonnelle a lieu, le fermier eit communément impofé en proportion des capitaux qu'il paroît employer dans la culture. Il craint fouvent, par cette raison, d'avoir un bon attelage de chevaux ou de boeufs & il affecte de montrer de mauvais inftrumens de labourage. Il a une telle méfiance de la juftice des affeffeurs, qu'il contrefait le pauvre & tâche de paroître prefque hors d'état de rien payer, de peur d'être obligé de payer trop. Il ne confulte peut-être pas toujours fon propre intérêt, & peut-être qu'il perd plus par la diminution de fon produit, qu'il n'épargne par celle de l'impôt. D'après fa mauvaise culture, le marché n'eft pas. approvifionné ; mais la petite augmentation du prix qu'elle peut occafionner, ne l'indemnife pas de la diminution de fes récoltes; elle peut encore moins le mettre en état de payer plus de rente au propriétaire. Le public, le fermier, le propriétaire, tous fouffrent plus ou moins de cette mauvaife culture. Ainfi la taille perfonnelle tend à décourager de plus d'une manière la culture, à tarir la principale fource de la richeffe d'un grand

pays.

&

Ce qu'on appelle capitation dans les provinces. méridionales de l'Amérique feptentrionale & dans les ifles des Indes occidentales, ou la taxe annuelle de tant partête de nègre, eft proprement un impôt fur les profits d'une certaine efpèce de capitaux employés à l'agriculture. Comme les colons font la plupart fermiers & propriétaires, le paiement final de la taxe tombe fur eux, en leur qualité de propriétaires, fans aucun dédommagement.

Les impôts de tant par tête fur les efclaves. employés à la culture, femblent avoir été communs autrefois dans toute l'Europe. Il y a atijourd'hui un impot de cette efpèce dans l'empire de Ruffie. C'eft probablement fur cela qu'on a repréfenté toutes les fortes de capitations comme des marques d'efclavage. Mais tout impôt eft pour celui qui le paye , une marque non de fervitude, mais de liberté. Il dénote, il eft vrai, fa foumiffion à un gouvernement; mais il dénote auffi qu'ayant quelque propriété, on ne peut être foi-même la propriété d'un autre. Une capitation fur des efclaves eft très différente d'une capitation für des hommes libres. La feconde eft payée par les perfonnes fur qui elle eft impofée, & non pas la première. La feconde eft ou abfolument

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Les taxes fur les profits des capitaux, appliqués à telles branches d'induftrie, ne peuvent jamais affecter l'intérêt de l'argent. On ne prête pas à plus bas intérét à ceux qui exercent une branche d'induftrie chargée d'une taxe, qu'à ceux qui en exercent une qui ne l'eft pas. Il n'en eft pas de même des taxes fur le revenu provenant de tous les capitaux, quelle que foit la manière dont ils font employés. Si le gouvernement effaye de les lever avec un peu d'exactitude, elles tomberont, dans plufieurs cas, fur l'intérêt de l'argent. Le vingtième, denier, en France, eft une taxe de la même espèce que celle qu'on appelle en Angleterre taxe fur les terres, & il eft affis de même fur les revenus des terres, des maifons & des capitaux. Quoiqu'on ne le perçoive pas avec une grande rigueur fur les capitaux, on le perçoit avec beaucoup plus d'exactitude que cette partie de la taxe fur les terres, qui eft impofée en Angleterre fur le même fonds. Dans plufieurs cas, il tombe entiérement fur l'intérêt de l'argent. Le vingtième ne paroît pas avoir fait monter le taux des contrats de rente, (c'est-à-dire, des annuités perpétuelles, rachetables en tout temps par le débiteur, moyennant le remboursement de la fomme originairement avancée, mais dont le rachat n'eft point exigible par le prêteur, fi ce n'eft dans des cas particuliers), quoiqu'il fe lève exactement fur

toutes.

Tant qu'une propriété refle entre les mains d'une même perfonne, quelques taxes qu'on impofe fur cette propriété, on ne prétend rien diminuer ou ôter de fa valeur foncière, mais percevoir quelque chofe fur fon revenu. Quand la propriété change de mains, quand elle paffe du mort au vivant, ou du vivant au vivant, elle eft fouvent impofée par des taxes qui ôtent une partie de fa valeur foncière.

Le tranfport de toutes fortes de propriétés du mort au vivant, & celui des propriétés immobi-. lières des terres & des maifons entre-vifs, font des faits publics & notoires de leur nature, & tels qu'il n'eft pas poffible de les cacher longtems. On peut les impofer d'une manière directe. Le transport d'un capital ou des propriétés mobilières entre-vifs par un prêt, eft fouvent & peut toujours être une affaire fecrette, & il n'eft pas aifé de le taxer d'une manière directe. On l'a

taxé indirectement: 1°. en exigeant que l'acte, contenant l'obligation de rembourfer, foit écrit. fur du papier ou du parchemin qui paye un certain droit de timbre, fous peine de nullité de l'acte 2°. en exigeant, fous la même peine de nullité, qu'il foit configné dans un regiftre public. ou fecret, & en mettant certains droits fur cet enrégiltrement. Les droits de papier timbré & les droits d'infinuation ont été fouvent placés fur les actes qui transfèrent des propriétés de toute ef pèce du mort au vif, & fur ceux qui transfèrent des propriétés immobilières du vivant au vivant, quoiqu'il fût aifé de les taxer, d'une manière directe.

La vigefima hareditatum, le vingtième denier des fucceffions, impofé par Augufte fur les anciens romains, étoit un impôt fur le tranfpost de propriété du mort au vivant. Dion Caffius, qui en parle le moins confufément, dit qu'on le percevoit fur toutes les fucceffions, legs & donations en cas de mort, excepté fur les actes en faveur des plus proches parens ou des pauvres.

La taxe fur les fucceffions, en Hollande (1), eft de la même espèce. Les fucceffions collaté rales font taxées, felon le degré de parenté, depuis cinq jufqu'à trente pour cent de la valeur de la fucceffion. Les donations teftamentaires ou les. legs à des collatéraux font fujets aux mêmes droits. Celles du mari à la femme, ou de la femme au mari, font taxées au cinquantième denier; la luctuofa hareditas, la fucceffion trifte des afcendans aux defcendans, n'eft taxée qu'au vingtième denier. Les fucceffions directes ou celles des defcendans aux afcendans, ne paient rien. La nort d'un père eft rarement fuivie pour ceux de fes enfans qui vivoient avec lui d'aucun accroiffement, & fouvent elle eft fuivie d'une diminution confidérable de revenu, par la perte de fon induftrie, de fon emploi, ou de quelque bien viager dont il étoit en poffeffion. Il y auroit de la cruauté dans une taxe qui leur enleveroit une partie de fa fucceffion. Mais tout ce qui revient aux enfans qui, dans le langage des loix romaines font appellés emancipés, & dans celui des loix d'Ecoffe foris-familiated, établis hors de la famille c'eft-à-dire, qui ont reçu leur portion, qui font une famille à part, & qui vivent fur des fonds féparés & indépendans de ceux de leur père, est un accroiffement de leur fortune, & peut-être pourroit-on le taxer fans autre inconvénient que les inconvéniens attachés à toutes ces fortes de droits.

Le cafuel, dans les loix féodales, étoit une taxe fur le tranfport des terres, tant du mort au vif que du vivant au vivant. Il faifoit jadis, dans toute l'Europe, une des principales branches du revenu de la couronne.

(1) Mémoires concernant les droits, &c. tom. 1, pag. 225.

proportionnés à leur travail; la couronne n'en tire rien.

- L'héritier de chaque vaffal immédiat de la couronne payoit un certain droit; il payoit en général une année du revenu, lorfqu'il recevoit l'iinveftiture des poffeffions. S'il étoit mineur, tant que duroit la minorité, le revenu des biens paffoit au fupérieur, fans autre charge que l'entretien du mineur & le paiement du douaire, s'il y en avoit un d'hypothéqué fur les terres. Quand le mineur atteignoit l'âge de majorité, il devoit encore une autre taxe au fupérieur. Elle s'appelloit droit de relief, & fe montoit encore à une année de re-jufqu'à trois cents flor., qui équivalent à environ venu. Ainfi une longue minorité, qui libère aujourd'hui de grands biens, & qui remet une famille dans fon ancienne fplendeur, ne faifoit alors que la grever & l'embarraffer.

Par les loix féodales, un vaffal ne pouvoit aliéner fans le confentement de fon fupérieur qui, en général, ne l'accordoit qu'en extorquant de lui un pot de vin ou une compofition. Ce pot de vin, qui étoit d'abord arbitraire, fut fixé dans certains pays, à une certaine portion du prix de la terre. Dans des pays même où la plupart des coutumes féodales font tombées en défuétude, cet impôt fur l'aliénation des terres continue d'être encore une branche confidérable du revenu du fouverain. Dans le canton de Berne, il va jufqu'au fixième du prix d'un fief noble, & au dixième d'un bien en roture (1). Dans le canton de Lucerne, la taxe fur la vente des terres n'eft pas univerfelle, mais particulière à certains diftricts. Mais fi une perfonne vend fa terre pour quitter le territoire, elle paye dix pour cent fur tout le prix de la vente (2). Il y a, dans plufieurs autres contrées, des taxes de cette espèce, ou fur la vente de toutes les terres, ou fur la vente de celles qui font poffédées à une certaine tenure, & le fouverain en tire plus ou moins de re

venu.

Ces ventes peuvent être taxées indirectement, par le droit du timbre ou par des droits fur l'enregistrement, & ces droits peuvent être ou n'être pas proportionnés à la valeur de l'objet aliéné.

Dans la Grande Bretagne, les droits du timbre font plus hauts ou plus bas, moins felon la valeur de la propriété ( dix-huit pences ou un demi écu de droit de timbre fuffifant pour une obligation de la plus grande fomme d'argent ), que felon la nature de l'acte. Les plus hauts n'excèdent pas fix liv. fterl. pour chaque feuille de papier ou chaque morceau de parchemin, & ces gros droits tombent principalement fur les conceflions de la couronne & fur certains actes, fans aucun égard à la valeur de l'objet. Il n'y a point de droits en Angleterre fur l'infinuation des actes ou écrits ; on paye feulement les honoraires des officiers qui tiennent les registres, & ces honoraires font affez

Mémoires, &c, tom, 1, pag,154, (2) Ibid, pag, 157,

En Hollande, il y a des droits de timbre & des droits fur l'enrégiftrement, qui, en certains cas, font & en d'autres ne font pas proportionnés à la valeur de la propriété qu'on transfère. Il faut que tous les teftamens y foient écrits fur du papier timbré, dont le prix eft proportionné à la propriété dont on difpofe. Le papier timbré coûte depuis trois fous (flivers, floeuvres) la feuille, vingt-fept liv. fterling. Si le papier eft d'un prix inférieur à celui dont le teftateur devoit fe fervir fa fucceffion eft confifquée. Cette taxe eft indépendante de toutes les autres qu'on y a établies fur les fucceffions. Excepté les lettres de change. & quelques billets de marchands, tous les actes, obligations & contrats font fujets au droit de timbre. Ce droit cependant n'augmente pas en proportion de la valeur de l'objet. Toutes les ventes de terres & de maifons, & toutes les hypothèques fur ces immeubles doivent être enrégistrées & payer à l'état un droit d'enregistrement de deux & demi pour cent fur le montant du prix ou de l'hypothèque. Ce droit fe perçoit fur la vente de tous les navires & bâtimens de mer de la charge de plus de deux tonneaux, pontés ou non pontés. Il femble qu'on les ait regardés comme des maifons fur l'eau. La vente des biens-meubles eft fujette à un pareil droit, quand elle fe fait par autorité de juftice.

En France, il y a de même des droits de timbre & des droits d'enrégiftrement. Les premiers font confidérés comme une branche des aides & font levés par les commis aux aides dans les provinces qui les paient. Les derniers font regardés comme une branche des domaines de la couronne, & font levés par une autre claffe d'employés.

Ćes manières de taxer par des droits de timbre & d'enrégiftrement, font d'une invention trèsmoderne. Mais, en moins de cent ans, le droit de timbre eft devenu prefque univerfel en Europe, & le droit d'infinuation très commun. L'art de fouiler dans les poches du peuple, eft ce que les gouvernemens apprennent le plutôt.

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Les impôts fur la mutation des propriétés qui paffent des morts aux vivans, retombent finalement & immédiatement fur les perfonnes à qui elles paffent. Les taxes fur la vente des terres retombent fur le vendeur. Il eft prefque toujours dans la néceffité de vendre, & par conféquent de prendre le prix qu'il trouve. L'acheteur n'eft prefque jamais forcé d'acheter, & il ne donne que ce qu'il veut. Plus il eft obligé de payer pour la taxe, moins il voudra donner pour le prix de

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