Images de page
PDF
ePub

Et croit-on qu'un grand chapitre, compofé d'an-empreffement à tout envahir, les paifibles habiciens curés & d'anciens vicaires, ne contribue- tans des bords de la Seine. roit pas à l'ornement de cette ville, à donner de nouvelles facilités pour le miniftère de la pénitence auquel les chapitres actuels font fi étrangers?

Le diocèfe de Paris contient, hors de la capitale, fept collégiales répandues dans chacun des fept doyennés du diocèfe; ils font encore à la nomination du roi, & fur- tout de l'archevêque. Quels avantages ils offriroient aux anciens eccléfiaftiques, fi, en totalité ou en partie, ils leur fervoient de retraite !

La manière la plus fimple & la plus propre à fervir de point d'appui au clergé ouvrier, feroit de lui affecter ces bénéfices de la même manière qu'ils font acceffibles à l'expectative des grades, c'eft à-dire, que le plus ancien curé auroit le droit de requérir, & de l'emporter fur tous fes concurrens; ou, fi l'on aime mieux, & cette difpofi tion fembleroit conferver davantage les droits des collateurs fur les intentions bienfaifantes defquels on a tant de raifons de fe repofer, ils s'obligeroient à choisir parmi les curés qui auroient au moins douze ans de fervice dans le diocèfe, ou parmi les autres eccléfiaftiques qui exerceroient le faint ministère depuis au moins vingt ans.

[ocr errors]

Il eft inutile d'obferver ici qu'on devroit finguliérement adoucir, en faveur de ces vieux prétres, l'exercice fi monotone & même, quoi qu'on en dife, fi gênant de la vie canoniale; que, par exemple, il ne faudroit les affujettir qu'à un office par jour, dont même ils pourroient facilement fe difpenfer; qu'il fuffiroit peutêtre de les obliger à l'office public des dimanches & fêtes ; qu'il feroit convenable de leur tre des vacances affez longues, &c.

(Cet article eft de M. DES BOIS DE ROCHEFORT, docteur de la maifon & fociété de Sorbonne, vin caire général de la Rochelle, curé de S. Andrédes-Arcs, &c.)

PRETTIGEU, une des contrées de la république des grifons: elle comprend les hocgerichts Klofter, Caftels & Schiers. C'est une vallée de huit lieues de longueur fur quatre de largeur ; elle eft très-peuplée : elle ett très-peuplée on croit que c'étoit le fiège des rucantii. Les habitans font de la religion réformée, & très-jaloux de leur liberté. Le terrein eft fertile, fur-tout en pâturages. Cette feigneurie a changé fouvent de maître. La maifon d'Autriche a renoncé à tous fes droits en 1469: Ferdinand III a confirmé cette ceflion. Voyez l'article GRISONS.

PRIMOGÉNITURE (droit de). Voyez l'article DECADENCE DES ETATS.

PRISONNIER DE GUERRE. Voyez le dictionnaire de l'Art militaire.

PRIVILEGE EXCLUSIF. On appelle ainfi le droit que le prince accorde à une compagnie ou à un particulier, de faire un certain commerce, ou de fabriquer & de débiter une certaine forte de marchandifes à l'exclufion de tout autre. Un fage gouvernement doit-il accorder des privilèges exclufifs?

Cette intéreffante queftion demande beaucoup de détails. On fe trouve obligé d'examiner avec attention quel eft l'ordre le plus évidemment permet-avatageux à la chofe publique, & on fent combien il est néceffaire d'établir les principes de cette étude qui doit occuper les hommes éclairés & bienfaifans, chargés de la glorieufe & pénible fonction de travailler au plus grand bonheur poffible de leurs femblables?

Ainfi fe rétabliroit d'une manière folide,' dans le clergé du diocèfe, l'attachement aux fonctions pénibles du ministère: ainfi fe diffiperoient les craintès pénibles & humiliantes, qui enveloppent les eccléfiaftiques dès leur entrée dans cette car- On peut réduire à un très-petit nombre les rière ainfi on épargneroit à la religion la dou- principes qu'on doit regarder comme immuables leur de voir fes anciens miniftres, affoiblis par entre les hommes réunis, par le defir & l'efpél'âge & la douleur, fans afyle & fans reffource.rance d'augmenter leur bonheur & leur fûreté. Ainfi, les diocéfains commenceroient à reprendre leur pente vers l'état eccléfiaftique qu'ils paroiffent abandonner, & qui rebute tant de citoyens honnêtes par l'affreufe perfpective de manquer un jour, je ne dis pas de récompenfe, mais de pain: ainfi on diminueroit peut-être cette révoltante & dangereufe émigration des prêtres de tous les diocèles dans celui de Paris concours favorifé par les deux derniers archevêques, qui ont amené à leur fuite une multitude d'eccléfiaftiques d'outre Loire qui effraient, par leur

Peut-être fe convaincroit-on, par l'obfervation & la méditation, que les maximes les plus avantageufes aux fociétés fe réduifent au trois principes fuivans, ou qu'ils en découlent: 1°. les droits de la propriété doivent être inviolables, excepté dans le cas unique où l'intérêt de tous exige le facrifice des intérêts particuliers: 2o. les privilèges exclufifs, fur-tout en fait de culture & de commerce, ne peuvent prefque jamais appartenir à aucun particulier, à aucun corps, parce qu'ils attaquent les droits conftitutifs de la fociété &

de la propriété : 3. les richeffes nationales dé-heures qui eft aifé; ou en une heure d'applicapendant du commerce intérieur & extérieur de ce qui eft dans l'état, l'intérêt général demande que le commerce acquière toute l'étendue dont left fufceptible, par des facilités accordées à la circulation & à l'exportation: mais nous avons traité cette question avec beaucoup d'étendue aux articles INDUSTRIE & MONOPOLES. Voyez ces articles.

PRIX ou VALEUR. La question d'économie politique qu'on peut traiter fous ces mots eft intérellante; & nous allons l'analyser en ce détail.

Du prix réel & nominal des marchandifes, ou de leur prix en travail & en argent.

Chaque homme eft riche ou pauvre felon qu'il eft plus ou moins en état de fe procurer les néceffités, les commodités & les amusemens de la vie. Mais, il ne peut s'en procurer que fort peu par fon propre travail dans une fociété dont les membres fe livrent à des occupations différentes, & il faut qu'il en tire la plus grande partie du travail d'autrui. Par conféquent il fera riche ou pauvre felon la quantité du travail d'autrui dont il pourra difpofer ou qu'il aura le moyen d'acheter. Le travail eft donc la mesure de la valeur relative & échangeable de toutes les marchandifes.

Le prix réel de chaque chofe, ce qu'elle coûte réellement à celui qui veut l'avoir, ett la peine & l'embarras de l'acquérir. Ce qu'une chofe vaut pour vous qui l'avez acquife, & qui avez befoin de l'echanger contre quelqu'autre chofe, eft la peine, & l'embarras qu'elle vous épargne, & qu'elle peut coûter à d'autres. Ce qu'on achete avec de l'argent ou des marchandifes, n'eft pas moins acheté par le travail, que ce qu'on acquiert par la peine & la fatigue de fon propre corps. I eft vrai que cet argent & ces marchandifes nous épargnent cette peine : ils contiennent la valeur d'une certaine quantité de travail que nous échangeons pour ce qu'on fuppofe en contenir, en même-temps, la valeur d'une égale quantité. Le travail a été le premier prix qu'on a payé par-tout; c'est à lui, & non pas à l'or & à l'argent que le monde eft redevable de toutes fes richeffes,

Mais quoique le travail foit la véritable mefure de la valeur échangeable de toutes les marchandifes, ce n'eft point par le travail qu'on eftime communément ce qu'elles valent. Il eft difficile de s'affurer de la proportion entre deux quantités de travail. Le temps qu'on met à deux fortes d'ouvrages, ne fuffit pas toujours pour déterminer cette proportion. Il faut calculer les différens degrés de peine & de talent. Il peut y avoir plus de travail dans l'ouvrage d'une heure, qui eft difficile, que dans un ouvrage de deux

tion dans un métier qui a coûté dix ans d'apprentiffage, qu'en un mois d'induftrie donné à une occupation triviale dont tout le monde eft capable. Mais il eft mal aifé de trouver une mesure exacte de la peine & du talent. Auffi ne les apprécie-t-on point à la rigueur quand on échange les productions des divers travaux. On fe règle alors, non fur une mefure exacte, mais fur les offres & les propofitions du marché faites d'après cette forte d'égalité imparfaite, qui, fans avoir de précifion, ne laiffe pas de fuffire pour les affaires de la vie commune.

Les marchandifes d'ailleurs font plus fouvent échangées entr'elles, & par-là même, plus fouvent comparées les unes avec les autres, qu'avec le travail, Il eft donc plus naturel d'eftimer leur valeur refpective ou échangeable par la quantité d'autres marchandifes, que par celle du travail qu'elles peuvent fervir à acheter.

Lorfque les échanges n'ont plus lieu, & que l'argent eft devenu le moyen ou l'inftrument commun du commerce, chaque marchandise particulière eft plus fouvent échangée pour de l'argent que pour toute autre marchandise. Le boucher porte rarement fon boeuf ou fon mouton au boulanger ou au braffeur, pour avoir du pain. ou de la bierre; il les porte au marché où il les échange contre de l'argent, & enfuite il échange cet argent, contre du pain & de la bière. La quantité d'argent qu'il rapporte du marché règle ainfi la quantité de pain & de bière qu'il peut acheter enfuite.

Mais la valeur de l'or & de l'argent varie comme celle de toute autre marchandise. Ils font quelquefois plus chers, quelquefois à meilleur marché, & il y a tel temps où il eft plus aifé, & tel autre temps où il eft plus difficile d'en acheter. La quantité de travail qu'une quantité donnée de ces métaux peut acheter ou mettre à notre disposition, & là quantité d'autres marchandifes que nous pouvons nous procurer en échange, dépendent toujours de la fécondité ou de la stérilité des mines, qui fe trouvent connues vers le temps où fe font ces échanges. La découverte des mines abondantes de l'Amérique a réduit l'or & l'argent en Europe environ au tiers de ce qu'ils valoient auparavant. Moins il falloit de travail pour qu'ils vinffent de la mine au marché, moins ils en pouvoient commander ou acheter quand ils y étoient arrivés; & cette révolution dans leur valeur, quoique peut-être la plus grande, n'eft point du tout la feule dont parle l'hiftoire. Mais comme une mesure de quantité telle que le pied naturel, la poignée, qui varient continuellement, ne peut jamais être une mesure exacte de la quantité des autres chofes; de même une marchandise dont la valeur n'eft jamais fixe; ne peut être une mefure exacte de la valeur des autres marchandifes. Il n'en eft pas ainfi des

quantités

PRI

quantités du travail qui, en tout temps & en tout lieu, eft néceffairement d'une valeur égale pour celui qui travaille. Il faut qu'il facrifie toujours la même portion de fes aifes, de fa liberté & de fon bonheur. Le prix qu'il paie est toujours le même, quelle que foit la quantité de marchandifes qu'il reçoit en échange. Il peut en recevoir tantôt plus, tantôt moins; mais c'eft leur valeur qui change, & non le travail qui les achète. En tout temps & en tout lieu ce qu'il eft difficile de fe procurer, ou ce qui coûte beaucoup de peine à acquérir, eft cher, & ce qu'on peut avoir aifément ou ce dont l'acquifition ne coûte guère de peine, est à bon marché. Le travail feul ne variant jamais dans fa valeur, eft donc l'unique, la dernière & la véritable mefure par laquelle on peut eftimer & comparer en tout temps & en tout lieu la valeur de toutes les marchandises. Il eft leur prix réel, l'argent n'eft que leur prix nominal.

[ocr errors]

Mais quoique des quantités égales de travail foient toujours d'une valeur égale pour l'ouvrier la perfonne qui l'emploie n'en juge pas toujours de même. Comme elle l'achète quelquefois avec plus, quelquefois avec moins de marchandifes, elle imagine que la valeur du travail eft auffi véritable que celle de toutes les autres chofes. Elle le trouve cher dans un cas, & bon marché dans d'autres. Cependant ce font les marchandifes qui font tantôt chères & tantôt à bon marché.

Dans ce fens populaire on peut donc dire que le travail a un prix réel & un prix nominal, ainfi que les marchandifes. Son prix réel confiftera dans la quantité de chofes néceffaires & commodes qu'on donne en retour; le prix nominal fera en argent. Celui qui travaille eft riche ou pauvre, bien ou mal récompenfé, à proportion du prix réel & non du prix nominal de fon travail.

imaginé qu'il étoit de leur intérêt de diminuer la quantité de métal pur contenue dans leurs monnotes; mais il ne leur eft guère venu dans l'efprit qu'ils euffent un intérêt à l'augmenter. Aufli je pense que chez toutes les nations elle a toujours été en diminuant. Ces fortes de variatrons tendent donc presque toujours à diminuer les rentes en argent.

La diftinction entre le prix réel & le prix nominal n'est pas une matière de pure spéculation: elle peut être quelquefois d'un grand ufage dans la pratique. Le même prix réel eft toujours de la même valeur; mais, à caufe de la variation dans la valeur de l'or & de l'argent, la valeur du même prix nominal n'est pas toujours la même. Ainfi quand on vend une terre avec la réserve d'une rente perpétuelle, fi on veut que cette rente foit toujours de la même valeur, il eft important pour la famille en faveur de laquelle on l'établit, qu'elle ne confifte pas dans une fomme d'argent particulière. Sa valeur en ce cas feroit fujette à des variations de deux espèces; 1°. à celles qui naiffent de ce que les quantités d'or & d'argent contenues dans la monnoie d'une même dénomination ne font pas toujours égales; 2°. à celles qui viennent de ce que des quantités égales d'or & d'argent n'ont pas en tout temps la même

valeur.

La découverte de l'Amérique a fait baiffer en Europe la valeur de l'or & de l'argent. La valeur des rentes doit plutôt diminuer qu'augmenter, quand même elles feroient payables, non en argent monnoyé de telle quantité & de telle dénomination (en tant de livres fterl. par exemple), mais en tant d'onces d'argent pur ou à tel titre. Les rentes ftipulées en bled ont beaucoup mieux confervé leur valeur que celles ftipulées en argent, lors même que la monnoie n'a point été altérée. Un acte parlementaire de la dix-huitième année du règne d'Elifabeth, a ftatué que les fermiers des colièges paieroient le tiers de leur redevance en bled, en nature, & au prix courant du marché le plus proche. Selon le docteur Blackstone, l'argent provenant de cette rente en bled & qui n'étoit originairement que le tiers de la redevance en total, fe monte aujourd'hui à-peu-près au double de celui que rapportent les deux autres tiers. Ainfi les anciennes rentes des collèges en argent font prefque réduites à la quatrième partie de leur valeur, ou ne valent guère mieux que la quatrième partie du bled qu'elles valoient anciennement. Mais depuis le règne de Philippe & de Marie la dénomination de la monnoie n'a fouffert en Angleterre que peu ou point d'altération, & le même nombre de livres, de fchelings & de deniers, a contenu à peu-près la même quantité d'argent pur. La dégradation dans la valeur de ces rentes pécuniaires vient donc de la dégradation dans la valeur de l'ar

Les princes & les états fouverains ont fouvent con. polit. & diplomatique. Tome III.

gent.

La perte eft encore plus grande, quand, à la dégradation dans la valeur de l'argent, il fe joint une diminution dans la quantité qu'en contient la monnoie dont la dénomination ne change pas. En Ecoffe où ces fortes d'altérations ont été plus confidérables qu'en Angleterre; en France où elles ont encore été plus grandes qu'en Ecoffe, d'anciennes rentes qui, dans leur origine avoient une valeur confidérable, ont été ainfi réduites prefqu'à rien.

Des quantités égales de bled, denrée qui fait la fubfiftance de l'ouvrier, approchent plus, au bout d'un long terme, des quantités égales de travail, que n'en peuvent approcher des quantités égales d'or & d'argent, peut-être même de toute autre marchandise. Ainfi des quantités égales de bled, dans un long efpace de temps, approcheront plus de la même valeur réelle, ou, ce qui revient au même, celui qui en fera le poffeffeur, fera plus près de pouvoir acheter ou

Tttt

mettre à fa difpofition la même quantité du travail d'autrui. Au refte le bled n'y atteindra pas luimême exactement. La fubfiftance de l'ouvrier, ou le prix réel du travail, n'eft pas la même dans tous les cas. Elle eft plus abondante dans une fociété qui fait des progrès, que dans une autre qui n'avance ni ne recule, & plus dans celle ci que dans une qui décline. Cependant toute autre denrée ou marchandife achetera, en quelque temps particulier que ce foit, une plus grande ou une plus petite quantité de travail en proportion de la quantité de fubfiftance que ce travail pourra procurer dans le même temps.

Il faut obferver que fi la valeur réelle d'une rente en bled varie beaucoup moins d'un fiècle à l'autre, que celle d'une rente en argent, elle varie beaucoup plus d'une année à l'autre. Le prix du travail en argent, ne change pas d'une année à l'autre, comme le prix du bled en argent, & il paroît fuivre par tout, non le prix paffager & accidentel, mais le prix moyen ou ordinaire de cette denrée néceffaire à la vie. Le prix moyen ou ordinaire du bled, eft réglé à à fon tour par la valeur de l'argent, par la quantité de travail qu'il faut employer, & conféquemment du bled qu'il faut confommer pour que telle quantité déterminée de ce métal vienne de la mine au marché. Mais quoique la valeur de l'argent varie quelquefois beaucoup d'un fiècle à l'autre, elle ne varie guère d'une année à l'autre, & fouvent elle rette la même, ou à-peuprès la même, l'efpace d'un demi-fiècle ou d'un fiècle de fuite. Le prix moyen ou ordinaire du bled en argent peut donc être le mêine ou à-peuprès durant cette longue période, & le prix du travail en argent auffi fi la fociété refte à d'autres égards dans le même état ou à peu-près. Cependant le prix paffager & accidentel du bled peut fouvent être une année le double de ce qu'il étoit l'année d'auparavant. Il peut aller, par exemple, de vingt-cinq à cinquante fchelings la mesure de huit boiffeaux; mais, quand il eft à ce dernier prix, non-feulement la valeur nominale d'une rente en bled, mais fa valeur réelle eft double de ce qu'elle étoit à vingt cinq fchelings, & avec la même quantité de bled on achetera, ou l'on aura à fa difpofition le double de travail qu'on pourroit acheter avec la plupart des autres marchandifes, le prix du travail en argent & celui de la plupart des autres chofes demeurant le même pendant toutes ces variations. Il paroît donc que le travail eft la feule mefure universelle & exacte, la feule règle par laquelle nous pouvons comparer en tout temps & en tout lieu les valeurs des différentes marchandifes. On convient que nous ne pouvons eftimer leur valeur réelle d'un fiècle à l'autre par les quantités d'argent données pour elles. Nous ne pouvons pas non plus l'eftimer d'une année à l'autre par les quantités de bled; mais nous pouvons le faire

avec la plus grande exactitude, & de fiècle en fiè cle, & d'année en année, par les quantités du travail. D'un fiècle à l'autre le bled eft une meilleure mefure que l'argent, parce qu'à cette diftance, il approche plus près du point où l'on peut difpofer de la même quantité de travail. D'une année à l'autre, c'eft tout le contraire, parce qu'il en approche moins.

puiffe être utile dans l'établiffement d'une rente Quoique la diftinction du prix réel & nominal perpétuelle ou dans celui des redevances ftipulées par un long bail, elle n'eft d'aucun ufage pour vendre ou acheter dans le cours ordinaire de la vie.

Dans un temps & un lieu donnés le prix réel & le prix nominal de toutes les marchandifes font en proportion l'un avec l'autre. Par exemple, felon

que vous aurez plus ou moins d'argent d'une marchandise au marché de Londres, vous pourrez y acheter ou avoir à votre difpofition plus ou moins du travail d'autrui. Ainfi au même temps & au même endroit donnés, l'argent eft la mefure exacte de la valeur échangeablé de toutes les marchandifes; mais il ne l'eft pas autrement.

Quoiqu'à des endroits éloignés de l'un de l'autre il n'y ait pas de proportion régulière entre le prix réel des marchandifes & leur prix en argent, le marchand qui tranfporte fes marchandifes d'un endroit à l'autre, n'a rien à confidérer que les prix en argent, ou la différence entre la quantité d'argent qu'elles lui coûtent & celle qu'il les vendra. Il peut fe faire qu'avec une demi-once d'argent, on fe procure à Canton le double du travail & le double des befoins & des commodités de la vie qu'on fe procureroit à Londres avec une once. Une marchandise qui fe vendroit une demi-once d'argent à Canton, pourroit y être ainfi réellement plus chère & d'une importance plus réelle pour le poffeffeur que celle qui fe vendroit une once d'argent à Londres ne le feroit pour celui qui la pofféderoit. Si cependant un marchand de Londres peut acheter à Canton pour une demi-once d'argent une marchandise qu'il revende enfuite une once d'argent à Londres, il gagne à ce marché cent pour cent, tout comme fi une once d'argent avoit précisément la même valeur à Londres qu'à Canton. Il lui eft égal qu'une demi-once d'argent lui eût procuré plus du travail d'autrui, & une plus grande quantité des befoins & commodités de la vie à Canton, qu'une once à Londres; avec une once il aura toujours à Londres le double de ce qu'il aura avec une demi-once, & voilà, ce qu'il lui faut.

C'est donc le prix nominal des marchandises, ou leur prix en argent, qui décide en dernier reffort de la prudence ou de l'imprudence de tous les achats & de toutes les ventes, & qui par-là règle toutes les affaires de la vie commune, où il eft queftion de la valeur; & il ne faut pas s'é

tonner fi on y a fait beaucoup plus d'attention qu'au prix réel.

Il peut être utile de comparer les différentes valeurs réelles d'une marchandise particulière dans des temps & des lieux différens, ou de voir les divers degrés de puiffance qu'elles ont donné en diverses occafions à leurs poffeffeurs fur le travail d'autrui. Les quantités d'argent données communément pour la marchandise, font moins à confidérer en ce cas que les quantités de travail qui pouvoient être achetées avec ces quantités d'argent. Mais à peine peut on connoître avec quelqu'exactitude les prix courans du travail à des temps & à des lieux éloignés. Quoiqu'on n'ai pas tenu registre de ceux du bled en beaucoup d'endroits, ils ne laiffent pas d'être généralement mieux connus, parce que les hiftoriens & d'autres écrivains en ont fait inention plus fouvent. En général il faut donc nous en contenter, non qu'ils foient toujours exactement dans la même proportion que les prix du travail, mais parce que communément on n'a pas de meilleure approximation.

Dans les progrès de l'induftrie les nations commerçantes ont trouvé qu'il étoit de leur intérêt de faire de la monnoie de différens métaux. Elles ont fait frapper des pièces de monnoie d'or pour de gros paiemens, d'autres d'argent pour les achats de médiocre valeur, & d'autres de cuivre ou de quelqu'autre métal commun pour ceux d'une valeur inférieure. Cependant elles ont regardé un de ces métaux comme étant plus particuliérement la mefure de valeur ; & il paroît qu'elles ont généralement donné cette préférence au métal qui leur a fervi d'abord d'inftrument de commerce, Elles ont continué par habitude l'ufage qu'elles en avoient fait par néceffité.

On dit que les romains n'avoient encore que de la monnoie de cuivre cinq ans avant la dernière guerre punique, temps auquel ils firent frapper de la monnoie d'argent. Auffi le cuivre paroît il avoir toujours confervé dans cette république la qualité de mesure de valeur. On y faifoit tous les comptes, & on y calculoit la valeur de tous les biens en as & en fefterces. L'as y fut toujours la dénomination d'une monnoie de cuivre : le mot fefterce fignifie deux as & demi. Ainfi, quoique le fefterce fut toujours une monnoie d'argent, fa valeur étoit eftimée en cuivre. On difoit à Rome de celui qui devoit de groffes fommes, qu'il avoit beaucoup de cuivre à autrui.

de Jacques I. C'est par cette raison qu'en Angleterre, &, à ce que je crois, chez toutes les nations modernes de l'Europe, les comptes font tenus, & la valeur des marchandifes & des biens énoncée en argent. En Angleterre, quand on veut exprimer à quoi fe monte la fortune de quelqu'un, on ne parle guère du nombre de guinées, mais du nombre de livres qu'on en don neroit.

Dans tous les pays, on n'a pu faire originairement des offres réelles que dans les espèces du feul métal qui étoit confidéré comme mesure de valeur. On a frappé des monnoies d'or en Angleterre, long temps avant que l'or y fût regardé comme paiement légal. La proportion entre les valeurs des monnoies d'or & d'argent n'étoit fixée par aucune loi ou proclamation publique : on laiffoit au marché à l'établir. Si un débiteur offroit de payer en or, le créancier pouvoit ou rejetter le paiement, ou l'accepter à telle évaluation de l'or dont ils convenoient entr'eux. Aujourd'hui le cuivre n'eft point une offre légale de paiement fi ce n'eft dans le change des petites pièces d'argent. Dans cet état de chofes, la diftinction entre le métal, mesure de valeur, & celui qui ne l'étoit pas, étoit quelque chofe de plus qu'une diftinction nominale.

Par la fuite, le peuple s'étant familiarifé avec l'ufage des différens métaux monnoyés, & connoiffant mieux leurs valeurs refpectives, on a jugé, dans la plupart des pays, qu'il falloit conftater cette proportion, & déclarer, par une loi qu'une guinée, par exemple, de tel titre & de tel poids vaudroit vingt-un fchelings, & feroit un paiement légal pour une dette de pareille fomme. Dans cet état de chofes & tant que fubfifte une proportion réglée de cette nature la diftinction entre le métal, mesure de valeur, & celui qui ne l'eft pas, n'eft guère qu'une diftinction nominale.

[ocr errors]

Mais, dès qu'il arrive quelque changement dans cette proportion réglée, cette diftinction redevient, ou femble au moins redevenir quelque chofe de plus qu'une diftinction nominale. Si, par exemple, la valeur fixée ou réglée d'une guinée venoit à être réduite à vingt schelings, ou à monter à vingt-deux, tous les comptes & prefque toutes les obligations pour dette étant articulées en argent, la plus grande partie des paiemens pourroit fe faire, comme auparavant, avec la même quantité d'argent, mais non avec Il femble que les nations du Nord, qui fe font la même quantité d'or. Il faudroit plus d'or dans établies fur les ruines de l'empire romain aient un cas, & moins dans l'autre ; l'argent paroîcu, dès les commencemens de leur établiffe-troit plus invariable que l'or dans fa valeur ; il. ment, de la monnoie d'argent, & qu'elles ne connurent ni celle de l'or, ni celle de cuivre que plufieurs fiècles après. Il y eut des monnoies d'argent en Angleterre du temps des faxons; mais il n'y en eut guère en or jufqu'au temps d'Edouard III, & point en cuivre jufqu'à celui

fembleroit que la valeur du premier de ces métaux mesureroit la valeur du fecond & non le fecond la valeur du premier. La valeur de l'or paroîtroit dépendante de la quantité d'argent. qu'on auroit en échange, & celle de l'argent indépendante de la quantité d'or qu'on donneroit !

« PrécédentContinuer »