Images de page
PDF
ePub

c'est que toute notre piété, tous nos efforts pour servir le Seigneur, n'ont pas été de bon aloi, que Dieu ne pourra jamais rien faire de nous et qu'il ne nous connaît plus. C'est dans ces heures de tentation que le Seigneur nous vient en aide, en mettant sous nos yeux un témoignage de fait de sa fidélité et de sa mansuétude, je veux dire les expériences de ses serviteurs dans les siècles passés. Il bénit la sincérité; il est assez puissant et assez bon pour réparer même les conséquences de nos fautes, quand nous nous en repentons de tout notre cœur; il nous donne libéralement la nouvelle mesure de sagesse que nous lui demandons, sans nous reprocher d'avoir déjà reçu tant de grâces et de l'avoir pourtant si imparfaitement servi. « C'est une grâce de l'Eternel que nous ne soyons pas anéantis, que ses compassions ne soient pas épuisées. Elles se renouvellent chaque matin; grande est ta fidélité! L'Eternel est ma part; c'est pourquoi je m'attendrai à lui (Lament. II, 22-24).

[ocr errors]

III. Saint Paul nous montre en Sara un type de la Jérusalem d'en-haut, de l'Eglise de Dieu (Gal. IV, 24-31). Il sera donc permis de voir dans Abraham, auquel Sara est confiée, le type de Jésus-Christ et du pouvoir qu'il exerce par ses ministres sur son Eglise, et dans les rois d'Egypte et de Guérar celui des souverains de ce monde qui ne font pas volontairement la guerre à Dieu et ont encore du respect pour lui. L'Eglise, pareille à Sara en Egypte, ne put autrement, lorsqu'elle parut en ce monde, que d'attirer l'attention des puissants. Ils comprirent l'avantage qu'il y aurait pour eux à la dominer; et lorsque Constantin en fit une Eglise d'Etat, on peut dire que Sara fut conduite dans la maison de Pharaon. Qu'ont dit à cela ceux auxquels le Seigneur avait confié le gouvernement de son Eglise? Ils ont été faibles, ils ont renié leur dignité, oublié leur responsabilité envers le Seigneur,

livré une partie de leurs prérogatives aux pouvoirs politiques et permis qu'ils dominassent sur l'Eglise du Christ; ils l'ont exposée ainsi au danger d'être mondanisée et profanée, et ils se sont imaginé qu'ils travaillaient à la fois pour son bien et pour celui des princes et des peuples. Pharaon, il est vrai, « fit du bien à Abraham à cause de Sara; » les serviteurs du Christ eurent les honneurs et la puissance et devinrent les égaux des princes et des rois. Mais ce changement n'a été béni ni pour les peuples ni pour l'Eglise; celle-ci s'est trouvée dans une situation fausse et en danger de périr; l'intrusion de la puissance politique dans le domaine spirituel a été une source continuelle d'injustices et de confusion. Dieu frappa Pharaon et sa maison à cause de Sara. » La fausseté de cette situation est aujourd'hui si évidente, que les princes eux-mêmes aspirent à se décharger du gouvernement de l'Eglise et à le remettre à qui de droit. Ils pourraient dire aux chefs de l'Eglise Pourquoi avez-vous renié votre devoir et votre droit, et avez-vous agi comme si l'Eglise n'avait point de gouvernement établi de Dieu? Il est temps, si l'on veut épargner à l'Eglise les plus grands maux, de la rendre à la direction de ceux auxquels le Seigneur l'avait lui-même confiée.

Le péril était grand; Dieu a veillé sur Sara, même dans la maison de Pharaon. Quoique dominée par les princes, l'Eglise a été maintenue, elle n'a point fait naufrage; l'assemblée des croyants, dans laquelle l'Esprit de Christ habite, subsiste encore. Conservée par la fidélité de Dieu, elle doit recouvrer un jour sa vraie position; elle pourra alors entrer en possession de l'héritage céleste qui lui est promis.

XVII

ABRAHAM ET LOT

(Chap. XIII.)

Lorsqu'Abraham, obéissant à l'appel de Dieu, quitta sa patrie, Lot, fils de son frère Haran, partit avec lui et l'accompagna dans ses premières pérégrinations à travers le pays de la promesse. Il descendit avec lui en Egypte et revint de même en Canaan. Tous deux se rendirent ensuite à Béthel, où Abraham avait construit un autel avant son voyage d'Egypte. Abraham inaugura son nouveau séjour en Canaan en invoquant solennellement le nom de l'Eternel. Il n'est pas douteux que Lot ne partageât sa foi et ses espérances, et ne se joignit de coeur au culte qu'il venait de rétablir.

Cependant Lot était, dans l'intervalle, devenu riche en troupeaux, en tentes et en serviteurs. Rien de surprenant à ce que la place manque et que des disputes s'élèvent entre les bergers d'Abraham et les siens, dans un pays où ils n'étaient que tolérés par les anciens habitants et ne possédaient aucun territoire. Cette dispute des bergers fait éclater une différence jusque-là inaperçue entre ces deux hommes : les sentiments de l'un sont terrestres, ceux de l'autre célestes; leurs voies vont se séparer. La foi d'Abraham grandit et se fortifie;

celle de Lot, déjà affaiblie, dépérit de plus en plus. Leur exemple est instructif pour les croyants, sans cesse exposés à laisser, comme Lot, s'émousser leur foi et à retomber comme lui dans la mondanité.

[ocr errors]

I. Les bergers se disputaient au sujet des pâturages dont chacun des deux camps réclamait l'usage pour ses propres troupeaux. Ces querelles se renouvelèrent plus d'une fois. Lot ne paraît pas avoir rien fait pour les apaiser; les paroles qu'Abraham lui adresse, prouvent bien plutôt qu'il y avait été mêlé lui-même, signe certain des sentiments terrestres qui l'avaient envahi. Quand les croyants sont divisés et aigris les uns contre les autres, pour des divergences de foi, ou pour des questions de tien et de mien, ou pour des offenses personnelles, il n'en faut pas chercher la cause seulement dans les circonstances extérieures, mais dans l'esprit terrestre qui les anime, dans les convoitises qui s'agitent dans les cœurs, l'avarice, l'esprit de domination, la soif de jouissance, l'ambition et l'orgueil, qui étouffent dans les âmes tout sentiment céleste (Jacq. IV, 1, 2).

Ce n'est pas d'être riche ou noble qui est mauvais; le péché n'est pas dans les biens de ce monde, qui sont encore tels que Dieu les a créés; le péché est dans les cœurs, qui ne sont plus tels que Dieu les a'faits. Le cœur humain, égoïste et idolâtre, abuse des dons de Dieu, et ce qui en soi-même est bon, sert ainsi à le corrompre de plus en plus. De là le danger des richesses, des fréquentes occasions de jouir, d'une position élevée, pour l'homme, pour le chrétien surtout, dont elles nourrissent les sentiments terrestres (1 Tim. vi, 9). Il n'est pas impossible, mais il est difficile d'acquérir et de posséder des trésors et des honneurs en ce monde, sans dommage pour son âme; cela n'est possible que par l'Esprit de Christ. Il est difficile qu'un riche entre dans le royaume

de Dieu; mais d'aucun on n'a le droit de dire que cela lui est impossible. Par la grâce de Dieu, qui n'est pas loin de chacun de nous, nous pouvons obéir au commandement divin: Quand les richesses abonderont, n'y mettez point votre cœur » (Ps. LXII, 11). « Le temps est court; que ceux qui sont dans la joie, soient comme s'ils n'étaient pas dans la joie; ceux qui achètent, comme s'ils ne possédaient rien, et ceux qui usent de ce monde, comme s'ils n'en usaient point; car la figure de ce monde passe» (1 Cor. vII, 29-31).

Abraham est lui-même la preuve que la richesse n'étouffe pas nécessairement dans une âme les sentiments célestes: « Je te prie, qu'il n'y ait point de dispute entre moi et toi.... Si tu vas à gauche, j'irai à droite; si tu vas à droite, j'irai à gauche. Il eût pu faire valoir vis-à-vis de Lot les droits de l'âge et de la position, choisir lui-même, et exiger que Lot se contentât de ce qu'il lui laissait. Il renonce à cet avantage et cherche à gagner Lot à force de désintéressement, de prévenances, de générosité. Il ne recherche ni honneur ni profit; à ses yeux, la paix entre frères a plus de valeur que le meilleur pâturage, et les querelles entre eux, la division des cœurs, la perte de la bénédiction divine, le scandale causé par les disputes des croyants, sont un mal pire que toute perte matérielle. Il croyait à des biens invisibles, à l'approbation et à la bénédiction de Dieu, et il y attachait plus de prix qu'aux choses visibles. C'est là ce que nous appelons le sens céleste. Nous le reconnaissons partout où Dieu est aimé, où tout est subordonné à son approbation, où règne l'ardent désir de ressembler à Christ, de croître dans la vie spirituelle, dé manifester ses vertus et de posséder les dons du Saint-Esprit; partout où l'on regarde à lui et cherche force et consolation en son amour, où Dieu est dans les cœurs quand bien même la tête et les mains sont accablées de travaux terrestres, où les promesses de Dieu sont jugées dignes qu'on s'y attache,

« PrécédentContinuer »