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plus rougir devant vous. vous ne me reverrez plus. Et il sortit.

Prenez ces papiers. Adieu,

Le quaker, resté seul, ouvrit les papiers; c'étaient d'abord des effets pour des valeurs considérables sur les premiers banquiers de Londres. Puis une liste où figuraient une grande quantité de noms, et à coté de chaque nom le chiffre d'une somme plus ou moins forte. Un billet y était joint où le quaker lut ce qui suit:

"Ces noms sout ceux des gens qui ont été volés; les chiffres sont ceux des sommes qui doivent être restituées ; touchez l'argent chez les banquiers comme pour me le faire passer à l'étranger puis faites vous-même les restitutions en secret. Ce qui me restera sera ma fortune légitime, et votre fille pourra un jour accepter mon héritage.'

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Le lendemain Weresford avait quitté Londres, et tout le monde assurait qu'il était allé dépenser ses revenus en France.

Le jour du mariage d'Edouard et de Mary, le quaker réunit une société de joyeux amis parmi lesquels on remarquait nombre de gens enchantés des procédés des voleurs de Londres qui, par l'entremise de Toby, leur avaient fait rendre le capital perdu avec les intérêts.

N. Fournier.

(XXXIX.)-LE REMORDS.

JE recontrai, un jour, au bord de la mer, dit le Poëte Sadi, un religieux qu'un tigre avait à demi-dévoré: il était prêt d'expirer, et souffrait des maux inouïs. Cependant son visage était calme et serein; et l'on voyait sur son front les traits de la douleur vaincus par ceux de la joie intérieure de son âme: "Grand Dieu! s'écriait-il, je te rends grâce de n'être accablé que de douleurs, et non de remords."

(XL.)-LE MEUNIER SANS-SOUCI.

SUR le riant coteau par le prince choisi,
S'élevait le moulin du meunier Sans-Souci.
Le vendeur de farine avait pour habitude
D'y vivre au jour le jour, exempt d'inquiétude;
Et de quelque côté que vînt souffler le vent,
Il y tournait son aile et s'endormait content.
Fort bien achalandé, grâce à son caractère,
Le moulin prit le nom de son propriétaire,
Et des hameaux voisins les filles, les garçons
Allaient à sans-souci pour danser aux chansons.
Sans-Souci ! . . . ce doux nom, d'un favorable augure,
Devait plaire aux amis des dogmes d'Epicure;
Frédéric le trouva conforme à ses projets,
Et du nom d'un moulin honora son palais.

Hélas! est-ce une loi, sur notre pauvre terre,
Que toujours deux voisins auront entr'eux la guerre ?
Que la soif d'envahir et d'étendre ses droits
Tourmentera toujours les meuniers et les rois ?
En cette occasion le roi fut le moins sage:
Il lorgna du voisin le modeste héritage.
On avait fait des plans fort beaux sur le pe:,
Où le chétif enclos se perdait tout entier.
Il fallait, sans cela, renoncer à la vue,
Rétrécir les jardins et masquer l'avenue.

Des bâtiments royaux l'ordinaire intendant
Fit venir le meunier, et d'un ton important:

"Il nous faut ton moulin, que veux-tu qu'on t'en donne ?

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Rien du tout; car j'entends ne le vendre à personne. Il vous faut est fort bon. mon moulin est à moi . . . . Tout aussi bien au moins que la Prusse est au roi.

...

-Allons, ton dernier mot, bon homme, et prends-y-garde.

Faut-il vous parler clair?-Oui-c'est que je le garde : Voilà mon dernier mot.' Ce refus effronté,

Avec un grand scandale au prince est raconté.
Il mande auprès de lui le meunier indocile,
Presse, flatte, promet; ce fut peine inutile:
Sans-Souci s'obstinait. ... “Entendez la raison,
Sire, je ne peux pas vous vendre ma maison:
Mon vieux père y mourut, mon fils y vient de naître ;
C'est mon Postdam à moi. Je suis tranchant peut-être;
Ne l'êtes-vous jamais? Tenez, mille ducats,

Au bout de vos discours, ne me tenteraient pas.
Il faut vous en passer; je l'ai dit, j'y persiste.'
Les rois mal aisément souffrent qu'on leur résiste.
Frédéric un moment par l'humeur emporté :
"Parbleu! de ton moulin c'est bien être entêté;
Je suis bon de vouloir t'engager à le vendre!
Sais-tu que, sans payer, je pourrais bien le prendre ?
Je suis le maître,-Vous? de prendre mon moulin ?
Oui, si nous n'avions pas des juges à Berlin.”

Le monarque à ce mot revient de son caprice,
Charmé que sous son règne on crût à la justice.
Il rit; et, se tournant vers quelques courtisans:
"Ma foi, Messieurs, je crois qu'il faut changer nos plans.
Voisin, garde ton bien; j'aime fort ta réplique."

Qu'aurait-on fait de mieux dans une république."
Le plus sûr est pourtant de [ne pas s'y fier:
Ce même Frédéric, juste envers un meunier,
Se permit mainte fois telle autre fantaisie,
Témoin ce certain jour qu'il prit la Silésie,
Qu'à peine sur le trône, avide de lauriers,
Epris du beau renom qui séduit les guerriers,
Il mit l'Europe en feu. Ce sont là jeux de prince :
On respecte un moulin, on vole une province.

Andrieux.

(XLI)-LOUIS XV. ET MATHURIN.

LE maréchal de Villeroy, le courtisan le plus plat, le favori le plus incapable de Louis XIV.-celui-là même qui, montrant, du haut d'un balcon des Tuileries au petit roi Louis XV, dont il était le gouverneur, une foule immense du peuple rassemblée dans les cours et sur les quais, lui disait: "Sire, tout cela vous appartient;"-M. de Villeroy avait trouvé un singulier moyen de corriger son élève couronné.

Un roi enfant pèche tout comme un autre-et peutêtre plus souvent qu'un autre. Il arrivait à Louis XV. de ne pas apprendre ses leçons, de jouer au lieu de travailler, de mentir, etc. C'est en vain que son gouverneur lui faisait les plus vifs reproches; les reproches n'avaient pas de prise sur lui.

Il est un âge encore tendre où la raison de l'enfant est, rebelle à tous les conseils, où il ne se montre sensible qu'aux corrections matérielles appliquées avec discernement. -Cela est triste, mais cela est vrai.

M. de Villeroy le comprenait bien-et la fustigation était assez en usage de son temps dans les colléges et dans les familles, pour que la pensée lui fût venue bien souvent d'employer un remède héroïque. Mais il n'avait pas osé s'arrêter à cette idée! Fouetter un roi! laisser un vil laquais lever la main sur Sa Majesté ! Un parfait courtisan tel que lui ne pouvait adopter de tels principes. Il avait beau se dire que ce roi sortait à peine des mains de sa nourrice, que cette Majesté n'avait que six ans !—Vains conseils de la prudence!-M. de Villeroy n'avait-il pas l'habitude d'adorer la royauté, même au maillot !

Le digne gouverneur eut donc recours à la singulière

L

recette curative dont nous parlions tout-à-l'heure et que nous allons définir.

Voici en quoi elle consista.

M. le maréchal choisit parmi les enfants des gens de service qui habitaient Versailles, le plus gentil, le plus espiègle, et le plus intelligent de tous. Il se nommait Mathurin, et était fils d'un jardinier.

M. de Villeroy le plaça auprès du roi, qui était plus jeune que lui de deux ou trois ans, et les deux enfants furent élevés ensemble.

Toutes les fois que le roi avait commis une faute, le gouverneur appelait deux laquais, faisait saisir Mathurin et Lordonnait qu'on le fustigeât d'importance] en présence de son compagnon d'études.

Et pendant que le malheureux poussait des cris épouvantables, M. de Villeroy disait à Louis XV. avec le plus grand sang-froid du monde:

"Sire, vous voyez où conduit la désobéissance, ou la paresse, ou la gourmandise (suivant la faute qu'avait commise le petit roi); j'espère que Votre Majesté ne tombera plus dans le même péché, si elle ne veut pas assister encore à ce triste spectacle."

Vous comprenez très-bien que ces punitions par procuration produisaient fort peu d'effet sur le vrai coupable. Il les trouvait même très-douces, et recommençait [de plus belle.] M. de Villeroy, qui s'était vanté dans tout Versailles d'avoir trouvé un genre de correction qui aurait de l'effet sur le roi sans le faire pleurer, était tout affligé. commençait à douter lui-même de l'excellence de son système et réfléchissait beaucoup.

Mathurin réfléchissait aussi de son côté.

Il

C'était un

petit garçon très-madré. Il avait déjà reçu plusieurs fustigations, et le roi ne changeait pas; il voyait donc devant lui un avenir indéfini de coups d'étrivières. Alors, il se fit à part lui ce raisonnement tout naturel :

"Si le roi ne se corrige pas, c'est qu'il ne reçoit pas les coups lui même. Je suis bien sûr que s'il les recevait

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