droiture de sens, et à plus d'une reprise cette éloquence, un peu accusée, mais sincère, ont laissé dans l'esprit des auteurs. C'est en ces termes que chacun en parlait tout haut en scrtant. Le public n'avait jamais été plus nombreux ni plus empressé. Jeudi soir, 5 février 1857. ACADÉMIE FRANÇAISE RÉCEPTION DE M. BIOT. Jamais séance n'avait été plus recherchée et convoitée que celle à laquelle nous avons assisté aujourd'hui. On devait recevoir au sein de l'Académie française M. Biot, le doyen de tout l'Institut, dont il fait partie depuis plus de cinquante ans ; et celui qui devait lui répondre était M. Guizot. L'académicien que M. Biot remplaçait était le vénérable M. Lacretelle, mort à près de quatre-vingt-dix ans, et longtemps doyen de l'Académie française. Tous les genres d'intérêt avaient appelé et convié à cette séance l'auditoire le plus curieux, le plus varié et le plus élégant; la fête a répondu en grande partie à l'attente. M. Biot a voulu lire lui-même son discours; il a pensé que la personne même donnait un intérêt de plus aux paroles, qu'elles n'avaient tout leur sens et tout leur accent que sur les lèvres de celui qui les disait comme il les avait trouvées; et en effet, si la physionomie avec sa finesse, si le geste dans son naturel et sa bonhomie pouvaient suppléer au timbre et à l'organe, on aurait eu un plaisir complet. Ce plaisir, nous devons le dire, a été mêlé de regret pour une nombreuse partie de l'auditoire; on écoutait, on saisissait quelques mots, on sentait que quantité de choses justes, délicates et tines passaient tout près de là; on les devinait au sourire même de celui qui parlait, et à la satisfaction de tous ceux qui se trouvaient assez voisins pour en jouir; on était bien sûr de ne pas se tromper en joignant ses applaudissements aux leurs; mais on éprouvait, en réalité, un peu du supplice de Tantale. Les lecteurs vont se dédommager à présent, et ils goûteront ce discours net, ingénieux et sensé, nourri de conseils, aiguisé d'une douce malice, et qui, vers la fin, présente un portrait si noble et si élevé du savant pur. M. Biot n'a eu, pour le tracer, qu'à se souvenir de sa propre vie, et à proposer pour idéal un exemplaire dont tous ceux qui le connaissent savaient déjà bien des traits. M. Guizot a pris ensuite la parole, et, dès les premiers mots, on a senti vibrer l'arc et les flèches sonores: on a retrouvé un orateur. En commençant, il a rendu au premier Empereur une justice à quelques égards éclatante, et il est impossible de ne pas remarquer combien cette grande figure de Napoléon gagne chaque jour dans la perspective: ceux qui l'on combattu à l'origine n'ont plus, même quand ils le jugent, que le langage magnifique de l'histoire. Pareil honneur arrivera un jour à tous ceux qui ont le génie du souverain, et aux mains de qui ne dépérissent point les destinées de la Patrie. Les réserves que l'orateur a cru devoir apporter à ses éloges ne sauraient surprendre; les hommes de l'ordre de M. Guizot se doivent sans doute de rester les mêmes. Ce n'est pas à eux, d'ailleurs, à ces hommes d'État qui ont senti à leur jour tout le poids du gouvernement, qu'il est besoin de rappeler la gravité et la mesure. Une réflexion toutefois qu'on ne pouvait s'empêcher de faire en assistant aujourd'hui à cette fête de l'esprit, c'est que si pareil intérêt est excité par une réunion académique, si des hommes qui autrefois se sont combattus dans l'arène parlementaire, et qui n'ont certes pas été exempts d'injustices les uns envers les autres, étaient as-is là sur le même banc, tout prêts à écouter et à applaudir une parole élevée, à jouir d'un noble talent; si bien des préventions, des colères ont complétement disparu, et si les esprits, délivrés des craintes et comme désintéressés de leurs propres passions, s'étaient donné là rendez-vous dans un concours d'admiration et de bienveillance, on le devait à quelqu'un et à quelque chose. Ce qui est si facile et, j'ajouterai, si agréable aujourd'hui, était-il possible il y a quelques années? Ne disons donc pas, éternels ingrats, qu'il est inutile ou indifférent au développement de l'esprit, cet ordre stable et ce gouvernement qui seul rend possibles ce que j'appelais tout à l'heure les fêtes de l'esprit; car je n'y vois et n'y veux voir que cela. M. Guizot a raconté d'un tour piquant, et même avec grâce, les premières missions scientifiques de M. Biot. Dans ce qu'il a dit de ses longs et patients travaux pour la mesure d'un arc du méridien, il a insisté sur les diversions littéraires que s'accordait le savant, et sur l'attention tout humaine qu'il ne cessait d'apporter à travers ses mesures et ses calculs, aux mœurs des populations parmi lesquelles il vivait. En retraçant avec cette netteté vigoureuse qui est le cachet de sa parole les traits du caractère scientifique de M. Biot, il n'a jamais oublié d'y joindre le côté social, orné, ce soin de culture littéraire, qui faisait de lui depuis si longtemps un membre désigné de l'Académie française. M. Lacretelle a également obtenu de M. Guizot la part d'éloge et d'hommage que lui devait doublement un ancien collègue de la Faculté des lettres et un historien. M. Lacretelle était une des plus aimables figures d'écrivain que la fin du dernier siècle ait données à celui-ci. Témoin ému et acteur courageux dans les scènes de la Révolution, journaliste éloquent, il a toujours mis sa plume et toute sa personne au service des bonnes causes, de celles qui lui paraissaient telles dans son amour du bien et son indulgence pour l'humanité. Les histoires de M. Lacretelle qui traitent des différentes époques de la Révolution ont l'intérêt de Mémoires; elles rendent les impressions d'un honnête homme, sympathique, mobile, toujours sincère, et dont la plume conserve la vivacité et le coulant de la parole. Il a été trop bien loué dans les deux discours qu'on va lire pour que je me permette d'y rien ajouter en ce moment. Bien vieux, dans sa retraite de Mâçon, séparé à regret de ses confrères de l'Académie, il aimait à correspondre avec eux par lettres; il suivait leurs travaux, il s'intéressait à tout. Combien de fois, lorsqu'il m'arrivait d'écrire sur des hommes de la fin du XVIIIe siècle qu'il avait connus, ne m'adressa-t-il point, par la main de sa respectable compagne, des souvenirs à lui personnels, des particularités qui lui revenaient a l'esprit, des encouragements à poursuivre! Une fois, dans ce qu'il y mêlait d'affectueux et de trop flatteur, il s'interrompit en ajoutant cette touchante parole: « Je m'arrête, car vous pourriez croire que je suis un candidat en nécrologie. » Mais encore une fois, si j'ai contracté envers lui une dette, ce n'est point le moment de la payer. Sa mémoire a obtenu aujourd'hui toutes les Couronnes. La fin du discours de M. Guizot a un cachet d'élévation qu'il a tenu à marquer; il y rend hommage à l'esprit, à la grandeur intellectuelle; il invite les générations à remonter en idée vers les régions sereines de la méditation et de l'étude. Ce n'est pas nous, certes, qui Jes en détournerons. Dans le respect que nous avons pour de nobles pensées rendues avec énergie, il nous |