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est-ce à vous seule qu'on voit avoir recours toutes les muses necessitantes; vous estes la grande protectrice du merite incommodé, et tout ce qu'il y a de vertueux indigens au monde va débarquer chez

vous.

CLEONICE.

Si vous n'avez pas envie de les voir, Madame, il ne faut que les laisser là.

ERIPHILE.

Non, non, voyons-les; faites-les venir.

CLEONICE.

Mais peut-estre, Madame, que leur dance sera méchante.

ERIPHILE.

Méchante ou non, il la faut voir ce ne seroit, avec vous, que reculer la chose, et il vaut mieux en estre quitte.

CLEONICE.

Ce ne sera icy, Madame, qu'une dance ordinaire; une autre fois...

ERIPHILE.

Point de preambule, Cleonice; qu'ils dancent.

SECOND INTERMEDE

La confidente de la jeune princesse luy produit trois danceurs, sous le nom de Pantomimes, c'est à dire qui expriment par leurs gestes toutes sortes de choses. La princesse les voit dancer, et les reçoit à son service.

ENTRÉE DE BALLET

DE TROIS PANTOMIMES.

ACTE II

SCENE PREMIERE.

ERIPHILE, CLEONICE, CLITIDAS.

V

ERIPHILE.

OILA qui est admirable! Je ne croy pas qu'on puisse mieux dancer qu'ils dancent, et je suis bien aise de les avoir à moy.

CLEONICE.

Et moy, Madame, je suis bien aise que vous ayez veu que je n'ay pas si méchant goust que vous avez pensé.

ERIPHILE.

Ne triomphez point tant, vous ne tarderez guere à me faire avoir ma revanche. Qu'on me laisse icy. CLEONICE.

Je vous avertis, Clitidas, que la princesse veut estre seule.

CLITIDAS.

Laissez-moy faire, je suis homme qui sçais ma

cour.

SCENE II.

ERIPHILE, CLITIDAS.

CLITIDAS fait semblant de chanter.

La, la, la, la. Ah!

Clitidas.

ERIPHILE.

CLITIDAS.

Je ne vous avois pas veu là, Madame.

ERIPHILE.

Approche. D'où viens-tu?

CLITIDAS.

De laisser la princesse vostre mere qui s'en alloit vers le temple d'Apollon, accompagnée de beaucoup de gens.

ERIPHILE.

Ne trouves-tu pas ces lieux les plus charmans du monde ?

CLITIDAS.

Assurément. Les princes vos amans y estoient. ERIPHILE.

Le fleuve Pénée fait icy d'agreables détours.

CLITIDAS.

Fort agreables. Sostrate y estoit aussi.

ERIPHILE.

D'où vient qu'il n'est pas venu à la promenade? CLITIDAS.

Il a quelque chose dans la teste qui l'empesche

de prendre plaisir à tous ces beaux regales. Il m'a voulu entretenir; mais vous m'avez défendu si expressement de me charger d'aucune affaire auprés. de vous que je n'ay point voulu luy prester l'oreille, et je luy ay dit nettement que je n'avois pas le loisir de l'entendre.

ERIPHILE.

Tu as eu tort de luy dire cela, et tu devois l'é

couter.

CLITIDAS.

Je luy ay dit d'abord que je n'avois pas le loisir de l'entendre, mais aprés je luy ay donné audience. Eriphile.

Tu as bien fait.

CLITIDAS.

En verité, c'est un homme qui me revient, un homme fait comme je veux que les hommes soyent faits ne prenant point des manieres bruyantes et des tons de voix assommans, sage et posé en toutes choses, ne parlant jamais que bien à propos, point prompt à décider, point du tout exagerateur incommode; et, quelques beaux vers que nos poëtes luy ayent recité, je ne luy ay jamais oüy dire : « Voila qui est plus beau que tout ce qu'a jamais fait Homere! >> Enfin, c'est un homme pour qui je me sens de l'inclination; et, si j'estois princesse, il ne seroit pas mal-heureux.

ERIPHILE.

C'est un homme d'un grand merite, assurément; mais dequoy t'a-t-il parlé?

CLITIDAS.

Il m'a demandé si vous aviez témoigné grande

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