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jugemens rendus, l'office de Pair cessait. C'étaient les Leudes, les Ducs, les Comtes, les Gouverneurs de province, les premiers officiers du monarque qui composaient la cour du Roi, qui était le premier tribunal du royaume. Cela eut lieu jusque vers le milieu de la seconde race.

Mais l'usurpation des fiefs par les grands vassaux, qui n'en avaient joui qu'à titres de bénéfices militaires ou de gouvernemens, s'étant manifestée vers la fin de la seconde race, l'état de la Pairie changea tout-à-fait; elle devint héréditaire et réelle, parce que les possesseurs de ces grands fiefs, généralement compris sous le titre de Hauts-Barons, les transmettant à leurs enfans, ceux-ci, avec les terres, devinrent propriétaires des droits, rangs, honneurs et prérogatives de leurs prédécesseurs, de leurs ancêtres, et par conséquent de la Pairie, qui était attachée aux domaines de leurs héritages.

Cet établissement des fiefs introduisit donc une nouvelle forme dans un gouvernement dont la valeur militaire fut toujours la base politique. La distribution des terres et des possessions, l'ordre de la transmission des biens, tout fut réglé sur le plan d'un systême de guerre; les titres militaires furent attachés aux terres mêmes, et devinrent avec ces terres la récompense de la valeur.

Mais malgré tout, l'ancienne maxime des Francs prévalut encore, que chacun devait être jugé par ses Pairs, et les possesseurs d'un fief ne purent être jugés que par les seigneurs de fief du même degré, c'est-à-dire, par ses Pairs, ses égaux en fiefs.

La possession d'un fief donnait droit d'exercer la justice conjointement avec ses Pairs ou pareils, dans les assises du fief dominant, soit pour les affaires contentieuses, soit par rapport à la féodalité, ou pour tout autre objet qui concernait la localité.

Tout fief avait ses Pairies, c'est-à-dire, d'autres fiefs mouvans de lui; et les possesseurs de ces fiefs servans, qui étaient égaux entre eux, composaient la cour du seigneur dominant, et jugeaient avec ou sans lui, toutes les causes dans son fief.

Il fallait quatre Pairs pour rendre un jugement.

Si le Seigneur en avait moins, il en empruntait de son seigneur suzerain.

Dans les causes où le seigneur était intéressé, il ne pouvait être juge.

Cette Pairie provenant des fiefs, forma le second âge, ou la seconde période de la Pairie.

Nos Rois de la première et de la seconde race avaient leur cour ou conseil particulier, qui était composé de plusieurs grands du royaume, principaux officiers de la couronne et prélats; en quoi ils se conformaient à ce qui se pratiquait chez les Francs dès avant leur établis sement dans les Gaules. On voit en effet, par la loi salique, qu'il se faisait un travail particulier par les grands et les personnes choisies dans les assemblées mêmes de la nation, soit pendant qu'elles se tenaient, soit dans l'intervalle qu'il y avait de l'une à l'autre.

Cette assemblée particulière ne différait de l'assemblée générale, qu'en ce qu'elle était moins nombreuse; c'était le conseil ordinaire du prince, et sa justice capitale pour les affaires les plus urgentes, pour celles qui

demandaient du secret, ou pour les matières qu'il fallait préparer avant de les porter à l'assemblée générale.

La différence qu'il y avait alors entre la cour du Roi et le parlement général, ou assemblée de la nation, se trouve marquée en plusieurs occasions, notamment sous Pépin, en 754 et 767, où il est dit que ce prince assembla la nation, et qu'il tint son conseil avec les grands.

Mais, vers la fin de la seconde race, les parlemens généraux étant réduits aux seuls barons ou vassaux immédiats de la couronne, aux grands prélats et autres notables choisis parmi les clercs et les nobles, qui étaient les mêmes personnes dont était composée la cour du Roi, ces deux assemblées furent insensiblement confondues ensemble, et ne firent plus qu'une seule et même assemblée, qu'on appelait la cour du Roi, ou le Conseil, où l'on porta depuis ce temps toutes les affaires qui se portaient auparavant, tant aux assemblées générales de la nation, qu'à la cour du Roi.

Enfin, le parlement de Paris ayant été rendu sédentaire vers l'an 1302, nos Rois y renvoyèrent toutes les causes qui intéressaient la justice, pour y être jugées par les pairs et les membres de cette cour. Ce titre de parlement n'empêcha pas que cette assemblée ne conservât celui de cour. On disait la cour de parlement; et le Roi, en parlant du parlement, disait notre cour de parlement; et le parlement, en parlant de lui-même, ou dans le prononcé de ses arrêts, disait : la cour; et il ne cessa pas depuis d'être la cour du Roi et la cour des Pairs.

Les hauts-barons (on comprenait sous ce nom les ducs, marquis, comtes, vicomtes, et même les sei

gneurs dont les fiefs relevaient immédiatement de la couronne), étant tous Pairs entre eux, assistaient et opinaient dans les causes commises au parlement, d'après le mandat qu'ils en recevaient du Roi, soit pour les affaires générales, soit pour les causes qui concernaient la police des fiefs, ou pour les causes particulières.

Les évêques et abbés, qu'on appelait tous du nom commun de Prélats, avaient presque tous entrée au parlement, les uns comme Pairs, les autres comme Barons.

La puissance des grands vassaux, devenus presque souverains dans diverses provinces, les porta trop souvent à se révolter contre l'autorité du Roi, et à armer contre elle leurs propres vassaux, qui grossissaient constamment le nombre des rebelles ou des mécontens.

Louis VI, dit le Gros, alarmé et fatigué de ces guerres civiles continuelles, sentit qu'il fallait opposer à ces seigneurs une force réelle, effective, qui les fit rentrer promptement dans le devoir. C'est alors qu'il eut recours à la nation, et qu'il imagina d'établir les milices des communes, en s'adressant aux bourgeois des villes, à l'effet d'obtenir des soldats.

La circonstance était très-favorable, à cause des premières Croisades, qui avaient pris naissance sous Philippe I, son père; d'abord contre les Sarrasins, en Espagne, où le duc de Guyenne, le comte de Toulouse, et quelques autres seigneurs étaient accourus; puis ensuite en Terre-Sainte, où s'engagèrent le duc de Normandie, le comte de Toulouse, les comtes de Chartres et de Blois, et plusieurs autres des plus puissans seigneurs de France. Leur absence, les grandes levées

d'hommes qu'ils faisaient dans leurs domaines, les excessives dépenses qu'il leur fallait faire pour se mettre en équipage, leur ôtaient le moyen d'appuyer et de soutenir la révolte des seigneurs du domaine du Roi, et laissaient à ce prince le pouvoir d'exécuter ses volontés, sans que ceux-ci osassent s'y opposer. On peut dire que ce sont les premières Croisades qui contribuèrent le plus au rétablissement de l'autorité royale, en ruinant tous ces ducs et tous ces comtes, dont quelques-uns mêmes vendaient leurs domaines pour subvenir aux frais du voyage. C'est ainsi que fit Herpin, comte de Bourges, qui, pour se mettre en état d'armer et d'avoir une grande suite de noblesse et de soldats, vendit son comté au Roi.

Ces entreprises portèrent donc ces seigneurs à seconder malgré eux les projets de Louis-le-Gros, qui, en affranchissant, en 1137, certaines communes qui dépendaient du domaine royal, n'avait pu affranchir celles qui dépendaient de ces seigneurs; mais le besoin d'argent qu'ils ressentaient les fit consentir à affranchir les communes de leur circonscription, moyennant certaines sommes. Ce fut la première atteinte portée au régime féodal, et l'on vit alors apparaître les Pairs-bourgeois, ainsi nommés, parce que dans leur ordre ils étaient tous égaux en dignité, pares. Ils eurent le droit et le pouvoir d'élire des mayeurs, des Maires, des Échevins, des Syndics, des Consuls, des Jurés, qui devinrent les juges naturels des autres bourgeois, leurs Pairs dans les affaires civiles et de police, pares communiarum.

On voit par ces détails combien les Français tenaient

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