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Lorsqu'elles sont attrapées,
Les ailes leur sont coupées,
Et leurs larcins confisqués :
Et, pour finir cette histoire,
Tels oiseaux sont relégués
Delà les rives de Loire.

C'est où Furetière relègue leur général Galimatias; et il est bien juste qu'elles lui tiennent compagnie. Mais je ne songe pas que vous me condamnerez peut-être à y demeurer comme elles. En effet, j'ai bien peur que ceci n'approche fort de leur style, et que vous n'y reconnoissiez plutôt le caquet importun des pics que l'agréable facilité des Muses. Renvoyez-moi cette bagatelle des Bains de Vénus, et me mandez ce qu'en pense votre académie de Château - Thierry, surtout mademoiselle de La Fontaine : je ne lui demande aucune grace pour mes vers; qu'elle les traite rigoureusement, mais qu'elle me fasse au moins la grace d'agréer mes -respects.

LETTRE XXVI.

AU MEME.

Usez, 25 juillet 1662.

VOTRE dernière lettre m'a extrêmement consolé, voyant que vous preniez quelque part à l'affliction où j'étois de la trahison de dom Côme. Je ne lui

écrirai plus de ma vie, ct je ne parlerai plus à mon oncle de résignation, parceque j'ai peur qu'il ne me croie intéressé. Cependant il doit bien s'imaginer que je ne suis pas venu de si loin pour ne rien gagner. Je lui ai jusqu'ici tant témoigné de soumission et d'ouverture de cœur, qu'il a cru que je voudrois vivre avec lui long-temps de la sorte, sans aucune intention sur son bénéfice : je voudrois bien qu'il eût toujours cette bonne opinion de moi. Il n'y a rien à faire auprès de M. l'évêque; il donne à ses gens le peu de bénéfices qui vaquent

ici.

Je suis fort alarmé de votre refroidissement avec le pauvre abbé Le Vasseur; cela m'affligeroit au dernier point, si je ne savois que votre amitié est trop forte pour être si long-temps refroidie, et que vous êtes trop généreux l'un et l'autre pour ne pas passer par-dessus de petites choses qui peuvent avoir causé cette mésintelligence. Je souhaite que cet accord se fasse au plus tôt : ayez la bonté de m'en mander aussitôt la nouvelle; car je mourrois de déplaisir si vous rompiez tout-à-fait, et pourrois bien dire comme Chimène,

La moitié de ma vie a mis l'autre au tombeau.

Mais vous n'en viendrez pas jusqu'à cette extrémité; vous êtes trop pacifiques tous deux.

J'ai peine à croire que mademoiselle Vitart ait la moindre curiosité de voir quelque chose de moi, puisqu'elle ne m'en a rien témoigné. Vous

savez bien vous-même que les meilleurs esprits se trouveroient embarrassés s'il leur falloit toujours écrire sans recevoir de réponse. Écrivez-moi souvent; vos lettres me donnent courage, et m'aident à pousser le temps par l'épaule, comme on dit dans ce pays-ci.

M. le prince de Conti est à trois lieues de cette ville, et se fait furieusement craindre dans la province: il fait rechercher les vieux crimes, qui sont en fort grand nombre; il a fait emprisonner plusieurs gentilshommes, et en a écarté beaucoup d'autres. Une troupe de comédiens s'étoit venue établir dans une petite ville proche d'ici; il les a chassés, et ils ont repassé le Rhône. Les gens du Languedoc ne sont pas accoutumés à pareille réforme; il faut pourtant plier.

Je ne saurois écrire à d'autres qu'à vous aujourd'hui; j'ai l'esprit embarrassé; je ne suis en état que de parler procès, ce qui scandaliseroit ceux à qui j'ai coutume d'écrire : tout le monde n'a pas la patience que vous avez pour souffrir mes folies. Outre que mon oncle est au lit, et que je suis fort assidu auprès de lui, il est tout-à-fait bon, et je crois que c'est le seul de sa communauté qui ait l'ame tendre et généreuse. Je souhaite qu'il fasse quelque chose pour moi. Je puis cependant vous ardent pas protester que je ne suis fices; je n'en souhaite que pour vous payer quelque méchante partie de tout ce que je vous dois. Je meurs d'envie de voir vos deux infantes.

Racine. 5.

pour

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les béné

Un gentilhomme voisin de cette ville annonçoit avec tant de confiance que l'enfant dont sa femme devoit accoucher seroit quelque chose de grand, que je m'attendois à voir naître dans le château quelque géant; et il n'est venu qu'une fille. Ce n'est pas qu'une fille soit peu de chose; mais le père parloit bien plus haut: cela lui apprend à s'humilier. J'ai ouï dire à un prédicateur que Dieu changeroit plutôt un garçon en fille avant qu'il fût né, que de ne point humilier un homme qui s'en fait accroire. Ce n'est pas qu'il y ait du miracle dans l'affaire de ce gentilhomme, et je crois fort bonnement qu'il n'a eu que ce qu'il a fait. Adieu.

LETTRE XXVII.

A M. LE VASSEUR.

Paris, 1664.

LA RENOMMÉE I a été assez heureuse. M. le comte de Saint-Aignan la trouve fort belle; il a demandé mes autres ouvrages, et m'a demandé

I Dans ce billet écrit de Paris, Racine parle de son ode intitulée la Renommée aux Muses. Il paroît qu'il avoit déjà des protecteurs, et qu'il étoit connu à la cour. Il se préparoit à faire jouer les Frères Ennemis, qu'il avoit composés en Languedoc.

moi-même je le dois aller saluer demain. Je ne l'ai pas trouvé au lever du roi; mais j'y ai trouvé Molière, à qui le roi a donné assez de louanges, et j'en ai été bien aise pour lui; il a été bien aise aussi que j'y fusse présent.

Les Suisses iront dimanche à Notre-Dame, et le roi a demandé la comédie pour eux à Molière ; sur quoi M. le duc a dit qu'il suffiroit de leur donner Gros-René bien enfariné, parcequ'ils n'entendoient point le françois.

Adieu vous voyez que je suis à demi courtisan; mais c'est, à mon gré, un métier assez ennuyeux.

Pour ce qui regarde les Frères, ils sont avancés : le quatrième acte étoit fait, mais je ne goûtois point toutes ces épées tirées. Ainsi il a fallu les faire rengaîner, et pour cela ôter plus de deux cents vers; ce qui n'est pas aisé.

LETTRE XXVIII.

AU MÊME.

Paris, 1664.

Ne vous attendez pas à apprendre de moi aucune nouvelle; car quoique j'aie vu tout ce qui s'est

1 Racine parle de la tragédie des Frères Ennemis.

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