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peuvent y avoir pris part directement ou indirectement. Ces instruments de la rébellion méritent une punition sévère et exemplaire, tant dans leurs personnes que dans leurs biens; et il convient d'enjoindre de nouveau à tous les tribunaux de redoubler d'active vigilance pour parvenir à découvrir les auteurs secrets et les promoteurs des troubles, de les dénoncer, eux et leurs partisans, et de leur faire aussi éprouver la sévérité des lois.

En remémorant ici la sollicitude, assez connue et constante, que S. M. l'Impératrice, mon auguste souveraine, manifeste pour le repos et la paix de la Pologne, le soussigné réitère l'offre qu'il a faite plus d'une fois, d'employer de son côté tous les moyens qu'il a en mains à assurer la justice en coopérant à la force et à l'exécution des lois.

Des insurgés dont la rage insensée pourrait appeler la vengeance, mais qui n'inspirent que du mépris, dès qu'on les sait dénués des moyens de soutenir leur insurrection, ne peuvent pas injurier. Aussi les raisons sur lesquelles sont fondées les demandes faites par le soussigné, n'ontelles point d'autre but que d'assurer à la Pologne cet état de repos dont elle a tant besoin et qui est le seul moyen d'assurer son existence.

Signé: BARON OTHON D'IGELSTROEM.

N° 133.

1794, 31 mars, Varsovie.

Déclaration de la Prusse, publiée par son envoyé à Varsovie, contre le manifeste insurrectionnel polonais du 24 mars.

(EXTRAIT)

Tout méprisable que soit le manifeste publié à Cracovie, le 24 mars courant, tout insensées et ridicules que soient ses vanteries, il est néanmoins temps d'arrêter les desseins criminels des chefs de cette rebellion. Les deux Cours alliées de Berlin et de Pétersbourg ont toujours été d'accord dans le but d'employer les mesures et les moyens capables de mettre un terme aux rapines et à l'esprit de la démagogie jacobine, qui désolent la Pologne, qui troublent la tranquillité de ses habitants paisibles et qui insultent à l'honneur et à la dignité des Puissances voisines; en conséquence, l'entrée des troupes prussiennes et leur jonction avec celles de S. M. l'Impératrice de toutes les Russies ne doivent exercer aucune inquiétude chez la Sérénissime République de Pologne.

En outre, le soussigné se flatte que le Roi et la République, en publiant leurs universaux, donneront l'ordre aux armées polonaises de ne voir dans les troupes prussiennes que des amis appartenant à un État ami; que ces universaux inviteront les palatinats à accorder aux Prussiens et aux Russes toutes les fournitures nécessaires, afin de mieux combiner leurs opérations militaires dans le but de réprimer l'audace des conjurés qui désolent les plus belles provinces de la Pologne et qui veulent transporter l'esprit infernal d'anarchie et de désordre chez les Puissances voisines.

Signé: LOUIS DE BUCHHOLTZ.

ACTES ET DOCUMENTS 24

N° 134.

1794, 3 avril, Varsovie.

Note de l'envoyé autrichien à Varsovie, protestant contre les bruits d'une intelligence de la Cour de Vienne avec les insurgés de Cracovie.

Le soussigné, chargé d'affaires de S. M. l'Empereur et Roi, venant d'apprendre avec la plus grande surprise que parmi les bruits semés ici pour égarer les esprits il y en a un qu'on s'efforce d'accréditer dans le public, et qui met à la charge de la Cour de Vienne une sorte d'intelligence avec l'entreprise récente des insurgents à Cracovie, ne balance point, à la demande des ministres des Cours alliées à la sienne, pour la rectification de tous ceux qui pourraient avoir été induits en erreur là-dessus, de faire connaître à S. A. M. le prince Sulkowski, grand-chancelier de la Couronne et président des affaires étrangères, que rien ne saurait être moins vrai ni plus opposé aux sentiments connus de sa Cour envers les Puissances contre lesquelles, ainsi que contre le gouvernement subsistant de la Pologne, les insurgents en question viennent de se permettre une levée de bouclier, que la seule idée d'approuver leur entreprise dont les premières émanations semblent d'ailleurs annoncer une imitation des maximes actuelles de la France, abhorrées de l'Europe entière.

Signé: DE CACHÉ.

1794, 4 avril, Raçlawice.

Kosciuszko remporte la victoire de Raçlawice.

A la tête des armées insurrectionnelles et de paysans armés de faux, le généralissime polonais bat les Russes commandés par Tormasow et Denisow.

1794, 17 avril, Varsovie.

L'insurrection éclate à Varsovie.

Sous les ordres du général Stanislas Mokronoski et du cordonnier Jean Kilinski, le peuple de Varsovie s'empare de l'arsenal, chasse les Russes de la ville et leur fait éprouver des pertes sanglantes. Le 19 avril est publié l'acte d'accession des Varsoviens à la lutte pour l'indépendance.

1794, 23 avril, Wilno.

L'insurrection éclate à Wilno.

L'insurrection dans la capitale de la Lithuanie, sous le commandement de Jacques Iasinski, en quelques heures écrase les Russes et les expulse de la ville. Le 24 avril est publié l'acte d'adhésion des Lithuaniens à la guerre de l'indépendance nationale sous la dictature de Kosciuszko, acte où on lit:

«Nous, citoyens de la province du Grand-Duché de Lithuanie et habitants de la ville de Wilno, rendons grâces à la Suprême Providence qui nous a permis d'arriver à l'heureux moment de voir éclater l'insurrection nationale, de nous voir délivrés du joug oppressif et des armées étrangères des Puissances voisines, amenées ici par la trahison et par l'ambition insatiable de l'infime minorité de compatriotes, indignes du nom polonais.

Zélés et dévoués tout autant que les citoyens de la Couronne de Pologne, animés par le même désir de recouvrer les droits de liberté et d'égalité, ainsi que de réaliser tous les avantages et desseins qui sont consignés dans le manifeste de Cracovie du 24 mars 1794, nous déclarons qu'en donnant notre solennelle adhésion, au nom de toute la Lithuanie, nous sommes prêts à faire le sacrifice de nos fortunes et de notre vie, afin de rendre plus efficaces notre délivrance et celle de notre Patrie commune; nous déclarons que quiconque n'est pas avec nous devient notre adversaire, et, prenant pour mot d'ordre: la mort ou la victoire sur nos ennemis quels qu'ils soient, nous dressons l'acte présent.

Avant que d'autres universaux annoncent la formation des magistratures gouvernementales sous la direction du Conseil national provincial, nous désignons plusieurs citoyens qui choisiront entre eux au moins cinq membres pour gérer ultérieurement les affaires publiques. En attendant, conservant momentanément les magistratures actuelles, nous prêtons serment devant le peuple réuni sur la place publique et apposons nos signatures à cet acte d'adhésion.» ·

1794, 25 avril, Saint-Pétersbourg.

N° 135.

Dépêche du vice-chancelier, comte d'Ostermann, à l'ambassadeur russe à Vienne, comte de Rasoumowski, justifiant l'appel de la Russie à la coopération prussienne contre l'insurrection polonaise.

(EXTRAIT)

Les soulèvements effectués dans le palatinat de Cracovie, Sandomir, la terre de Chelm et la Samogitie, et enfin l'attentat inouï et perfide commis à Varsovie, le 17 de ce mois, et dont sans doute la Cour de Vienne est déjà instruite, ne justifient que trop l'appel que le général Igelström a

fait aux Puissances pour l'aider à apaiser des mouvements aussi alarmants. Il est malheureux que ce général, sans doute trompé par les fausses protestations de la clique qui a tramé cette trahison horrible, n'ait pas su se prévaloir des moyens qu'il avait en mains pour la réprimer et la faire retomber sur ses auteurs. Mais il n'en est pas moins vrai que, depuis sa réussite, l'insurrection polonaise se présente sous une face bien différente de ce qu'elle paraissait auparavant. Quelque considérable que soit le nombre des troupes de l'Impératrice en Pologne, il ne sera point suffisant pour étouffer la révolte, si elle devient générale, avec cette célérité que prescrit par-dessus tout la nature de la circonstance. Il est donc indispensable que la Prusse partage et seconde les efforts de l'Impératrice à cet effet, et, en conséquence, loin d'écarter la Cour de Berlin d'une coopération aussi utile et aussi salutaire, S. M. Impériale l'y a fait inviter de la manière la plus pressante. Elle a eu là-dessus des offres et des prévenances de la part de cette Cour, qui, en répondant, d'un côté, parfaitement à Ses intentions, La rassuraient pleinement, de l'autre, sur ce qui semble faire l'objet de l'alarme et de l'inquiétude de la Cour Impériale de Vienne; car, en offrant l'emploi de ses troupes pour réduire les rebelles, Kosciuszko et ses autres adhérents, dans le palatinat de Cracovie, la Cour de Berlin a nommément demandé d'être dispensée de laisser une garnison dans cette ville, pour ne donner aucun ombrage à l'Autriche. Cette délicatesse semble devoir tranquilliser parfaitement sur les vues ultérieures de la Prusse; mais enfin, quelque tournure que prennent les événements et quel que soit l'arrangement auquel il en faudra venir à la suite d'un vertige du nouveau genre, qui vient de saisir les esprits en Pologne, l'Impératrice ne perdra jamais de vue dans cette occurrence ce qu'Elle doit à Son propre intérêt et à celui de Son allié, l'Empereur, et à la loi d'un parfait équilibre à garder entre les trois Puissances voisines de cette inquiète et turbulente République. En un mot, il ne sera rien statué ni réglé à cet égard que dans le concert le plus intime et le plus parfait avec la Cour Impériale de Vienne, et nous espérons que les assurances que vous êtes autorisé, Monsieur, à lui en donner, jointes à celles que l'ambassadeur, comte de Cobenzl, est chargé de lui en transmettre, lui inspireront là-dessus la sécurité complète. En attendant, Sa Majesté vous enjoint, Monsieur, d'ajouter à l'offre, que vous avez ordre de faire à la Cour de Vienne, du secours de nos troupes pour défendre la Galicie, la demande d'un libre passage par cette province, toutes les fois qu'elles en auront besoin, soit pour poursuivre les rebelles, soit pour les tourner et les envelopper; vous l'inviterez également à se concerter avec les Prussiens sur les moyens les plus efficaces d'éteindre au plus tôt cet incendie, si propre à causer un embrasement général et surtout à allumer une guerre avec les Turcs que cette Cour semble appréhender si fort et avec tant de raison, ainsi que nous avons été à même d'en juger par les dépêches que le dernier courrier a apportées à M. le comte de Cobenzl, et que celui-ci nous a communiquées.

Signé COMTE D'OSTERMANN.

N° 136.

1794, 3 mai, Cateau.

Ordre de l'Empereur à l'archiduc Léopold, prescrivant de commencer les préparatifs pour l'occupation des territoires polonais par les armées autrichiennes, de désarmer les corps polonais qui franchiraient la frontière autrichienne, et, par contre, de prêter secours aux corps russes et prussiens.

(EXTRAIT)

La crise actuelle des affaires en Pologne exige des mesures de prévoyance pour préparer d'avance l'exécution des résolutions que, selon les circonstances, je pourrais être dans le cas d'adopter. Mon intention est, en conséquence, que vous fassiez immédiatement donner l'ordre par le conseil de guerre au capitaine Lanfrey, avec trois ou quatre autres officiers du corps du génie, de se rendre en poste auprès du général d'Harnoncourt; l'on chargera ce dernier de faire examiner s'il y a possibilité, avec ce qu'il a de troupes et d'artillerie et ce qui pourrait sans délai lui être fourni d'ailleurs, de tenter d'occuper Cracovie de vive force, par un coup de main ou autrement, avec ou sans le concours des Russes. Le général d'Harnoncourt fera aussi prendre des informations nécessaires sur l'état des choses dans les palatinats de Sandomir et de Lublin, sur les moyens d'y faciliter l'entrée de mes troupes et sur les positions les plus avantageuses pour s'y maintenir contre les insurgents polonais. Le général d'Harnoncourt fera dresser sur ces objets un court mémoire pour m'être envoyé le plus tôt possible, il fera cependant en même temps et dès à présent toutes les dispositions nécessaires pour l'exécution immédiate des ordres que je pourrais lui faire parvenir dans l'intervalle pour faire avancer mes troupes sur le territoire de Pologne.

J'ai encore à ajouter ici que, si, comme on paraît le craindre en Galicie, les insurgents des différents palatinats, pour se joindre les uns aux autres, tentaient de pénétrer sur mon territoire, aucune considération quelconque, même celle d'une grande supériorité de leur nombre, ne doit empêcher d'employer la force pour les repousser et d'opposer une résistance assez vigoureuse pour éloigner toute possibilité d'un soupçon de connivence ou de collusion de notre part. Si quelques-unes des troupes russes par quelque événement étaient obligées de chercher un asile en Galicie, elles y seraient admises sans difficulté, traitées favorablement comme des troupes d'une Puissance étroitement alliée avec moi, et on leur fournirait toutes les facilités requises pour rejoindre leurs corps respectifs. Il n'est pas probable que des troupes prussiennes viennent se réfugier en Galicie; si toutefois, dans quelque défaite, pareil cas arrivait, l'on ne pourrait guère se dispenser de les y admettre pour les soustraire à la poursuite de l'ennemi, en tâchant cependant de les renvoyer au plus tôt. L'on n'insisterait pas sur le désarmement des troupes russes, si, en cas de malheur, il s'en présentait pour demander asile; il est essentiel que vous fassiez munir par le conseil de guerre le général d'Harnoncourt d'ordres précis sur ces objets, et que ces ordres lui soient transmis sans aucun retard.

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