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immédiatement aux dissidents tous leurs anciens privilèges sans exception. Beaucoup de personnes qui connaissent bien et l'esprit et le gouvernement de la Nation polonaise m'ont assuré que rien ne pouvait être moins judicieux que cette conduite. Le Roi de Pologne a fait déclarer par son ministre à M. Panin, il y a cinq mois de cela, que si la Russie agissait avec modération, il entreprendrait d'obtenir pour les dissidents le libre exercice de leur religion dans cette Diète, et qu'il pouvait promettre de leur faire accorder, non seulement la capacité de posséder des starosties avec juridiction, mais aussi le droit d'être nonces, à la Diète suivante. Malheureusement cela n'a pas satisfait la Cour de Saint-Pétersbourg. Comme c'est le premier échec que la Russie a éprouvé depuis longtemps, elle le souffre avec beaucoup d'impatience, et l'on croit généralement qu'elle fera confédérer les dissidents sous la protection d'une armée considérable et forcera les catholiques romains à lui céder sur le champ de bataille ce qu'ils ont refusé dans le cabinet. La question des frontières entre la Russie et la Pologne n'est pas encore réglée. La Russie peut tirer une ligne de démarcation à son gré, car elle a la force. Je crois qu'elle réserve cette question, comme une nouvelle flèche à son arc, pour le temps où elle jugera nécessaire de chercher querelle à la Pologne. Le Roi de Prusse s'efforce par son ministre ici d'irriter cette Cour contre les Polonais par tous les moyens, per fas et nefas; et comme un zèle inconsidéré pour la religion ne compte point parmi les faibles de ce monarque, on peut lui prêter à juste titre des motifs d'agir beaucoup plus profonds qu'il ne l'avoue. Si les dissidents sont expulsés de la Pologne, il gagnera à cette occasion de nouveaux sujets; s'ils triomphent avec son assistance, il est possible que cela lui vaudra une acquisition de territoire, car on ne pense guère qu'il les appuie pour rien.

Signé: G. MACARTNEY.

N° 15.

1767, 14 février, Berlin.

Dépêche du ministre anglais, caractérisant la protection accordée aux dissidents par la Russie et la Prusse comme prétexte pour couvrir des vues plus étendues.

(EXTRAIT)

On pense que la cause des dissidents ne sert que de prétexte pour couvrir les vues ambitieuses de la Czarine qui a besoin de changer la constitution de Pologne et d'obtenir certaines cessions territoriales, tant pour elle que pour le Roi de Prusse. En supposant que ces conjectures sont bien fondées, je ne saurais prendre sur moi de déterminer à quel point un partage du Royaume de Pologne serait agréable aux autres Puissances de l'Europe.

A CONWAY, Londres.

Signé: MITCHELL.

N° 16.

1767, 21 février, Berlin.

Dépêche du ministre anglais au cabinet de Londres sur la politique de l'Autriche.

(EXTRAIT)

Le ministre autrichien à Berlin ne paraît nullement alarmé, et pense que, si la Czarine et le Roi de Prusse ne se proposent autre chose que de procurer quelques avantages aux dissidents en Pologne, sa Cour n'y prendra aucune part, selon toute probabilité; mais elle ne pourrait rester spectatrice indifférente, si leurs intentions tendaient à altérer la constitution de Pologne ou à un projet de démembrement de ce pays.

Signé MITCHELL.

1767, mars.

De nouvelles troupes russes envahissent le territoire de la Pologne sous le commandement des généraux Saltykoff, Nummersen, Apraxin.

N° 17.

1767, 26 mars, Varsovie.

Déclaration russe menaçant de poursuivre à main armée les opposants à la confédération des dissidents, et intervenant contre les récentes réformes qu'elle désigne comme contraires à la liberté.

« S. M. Impériale n'a épargné aucun soin pour remédier au fâcheux état où se trouve actuellement la << République de Pologne, à l'occasion des tristes effets de l'oppression que les dissidents souffrent depuis si long« temps de la part de leurs concitoyens. L'inutilité de Ses représentations a donné lieu à S. M. de ne plus douter, << depuis la dernière Diète, que tôt ou tard Elle ne fût obligée de s'intéresser efficacement à une affaire qui menace << la Nation polonaise d'un désordre général. Ce n'est pas avec moins de douleur qu'Elle se représente que ce n'est « pas là le seul point qui divise la Nation polonaise, et qu'Elle couve depuis quelque temps dans Son sein des

« semences de discorde qui menacent à tout moment la tranquillité publique. A la suite du dernier interrègne, « des esprits qui s'étaient bien trouvés du gouvernement, sous le lien d'une confédération, ont mis tout en œuvre << pour prolonger cet état extraordinaire, toujours à charge aux lois fondamentales.

« Les vrais patriotes ont gémi de cette contrainte : ils se sont aperçus, par les innovations proposées dans le « cours de la dernière Diète, que le but de cette prolongation n'était que pour faciliter l'altération des principes du << gouvernement et donner des entraves à la liberté des voix, en introduisant la pluralité dans des points aussi essen«< tiels que la disposition des biens des particuliers et des forces de la Nation. S. M. Impériale ne veut point être « soupçonnée d'agir par ressentiment, quand l'amitié seule et l'humanité guident l'usage qu'Elle veut faire de la << puissance que Dieu Lui a confiée. S. M. Impériale déclare donc qu'affligée sincèrement des troubles auxquels la << Pologne est en proie, et compatissant aux malheurs des dissidents, Elle prend sous Sa protection la confédération « par laquelle ils viennent de s'unir pour obtenir justice de leurs concitoyens. L'Impératrice propose au Roi, à la « République et à tout noble Polonais en particulier, d'entrer avec une candeur égale à la Sienne, et avec ce zèle << patriotique qui caractérisa dans tous les temps la Nation polonaise, malgré toutes les vissicitudes qui auraient pu « lasser la patience d'un peuple moins constant, dans une confédération sérieuse et réfléchie de l'état actuel de la « patrie. S. M. Impériale invite en même temps la Nation polonaise à réfléchir sur la perspective des maux à venir, « si l'on n'ôte l'espérance du succès à ceux qui veulent élever leur puissance sur les ruines de la liberté publique. << Intimement persuadée que l'Illustre Nation polonaise donnera à ces objets l'attention qu'ils méritent, S. M. Impé<< riale Lui propose, avec cette assurance inséparable d'une amitié aussi constante, aussi pure et aussi désintéressée la Sienne, et comme le seul moyen de les régler d'une manière qui assure Son bonheur sur un fondement << solide, de s'assembler extraordinairement en Diète, pour pacifier les troubles de l'État, rendre justice à chacun et << tarir la source de tout mécontentement.

<< que

« Les traités qui assurent à ceux de la communion de S. M. l'exercice de leur religion sont une loi de « protection qu'Elle accorde à la confédération des dissidents, et c'est pour la remplir qu'Elle a ordonné de ren« forcer le corps de Ses troupes qui est resté en Pologne depuis l'interrègne, et où il a servi si utilement pour le « maintien du bon ordre, afin de prévenir les désordres auxquels le moyen qu'ils viennent d'employer pour empêcher <<< leur ruine pourrait les exposer. S. M. Impériale déclare que tout Polonais qui, en haine de la confédération des « dissidents et des secours qu'ils obtiennent de Sa générosité, les attaquerait dans leurs biens ou leurs personnes, « sera regardé par Elle comme celui qui provoque sa patrie à une guerre intestine, et que Ses troupes ont ordre non << seulement de repousser toute violence, mais encore de poursuivre les agresseurs et de les forcer à une réparation << complète de tous torts et dommages qu'ils auraient pu causer. L'Impératrice attend de la sagesse du Roi et de « celle des principaux de la Nation, chargés sous Ses ordres des différentes parties du gouvernement, qu'ils prévien<< dront une guerre civile, si funeste pour la Pologne, en recommandant la paix et en disposant une partie de la << Nation à traiter avec l'autre sur les points qui les divisent.

« Le parti que S.M. Impériale propose est le plus convenable à Sa dignité et aux intérêts de la République, « Elle ne doute point que tout bon patriote n'entre dans Ses vues; mais afin que la crainte ne l'empêche pas de le « manifester, Elle déclare que Sa protection n'est pas bornée aux seuls dissidents, et que tout Polonais qui accédera « à ce plan doit, dès le moment même, en jouir de fait et de droit. La Nation polonaise ne saurait le rejeter, sans « blesser la confiance qu'Elle doit à l'Impératrice qui ne balancera pas, dans cette occasion, à proposer Sa géné« rosité pour exemple à ceux pour qui l'amour de la Pologne est un devoir. Elle rapporte Ses désirs à voir la Répu

«<blique libre, heureuse et tranquille, et Elle ne doute point d'y réussir, si la Nation polonaise accepte l'offre qu'Elle << fait d'une conciliation par les bons offices et sous les auspices d'un secours qui ne saurait Lui être suspect, après « l'exemple récent de ce qu'Elle a fait pour Elle.

<< L'envie ferait des efforts inutiles pour prêter à l'Impératrice aucune vue particulière contre l'indépendance << et les intérêts de la République. Elle se croit au-dessus de tout soupçon, et ce n'est que par un surcroît d'atten<«<tion et pour se prêter à la délicatesse d'un gouvernement républicain (délicatesse qu'on Lui verra toujours res<< pecter), qu'Elle déclare: qu'Elle ne demande rien à la Pologne; qu'Elle ne forme aucune prétention sur Elle; << que loin de chercher son agrandissement dans les troubles qui l'agitent, Elle n'a en vue que de les arrêter encore «< au moment même où l'éclat en paraît inévitable; que si, malgré Ses soins, malgré l'invitation qu'Elle fait par la << présente, à la Nation polonaise, pour une pacification si nécessaire et si avantageuse, l'esprit de parti et de dis<< corde venait La précipiter dans les malheurs et les embarras d'une guerre civile, et si à cette guerre il s'en joi« gnait une étrangère qui fît craindre pour Ses possessions, S. M. lui en garantit l'intégrité; qu'Elle ne consentira à << aucune paix au dehors que sur ce pied-là, comme Elle ne cessera de faire tous Ses efforts pour que dans l'inté<«< rieur les choses soient amenées au point que le désire le bonheur de tous les citoyens d'un État libre et indé<< pendant. >>

N° 18.

1767, 26 mars, Varsovie.

et du

peu

Déclaration de M. Benoît, ministre prussien, appuyant l'intervention russe dans les affaires intérieures de la Pologne à propos des dissidents.

S. M. le Roi de Prusse, surprise du contenu de la décision de la dernière Diète en matière des dissidents d'égard qu'on a eu pour Sa représentation, «< croit entrevoir qu'il subsiste encore dans l'intérieur de la << Pologne un germe de dissension et de troubles, et Elle est convaincue qu'il est nécessaire de prendre des moyens << propres à y à y remédier. »

En conséquence, «< S. M. se trouve engagée à applaudir à la puissante protection que S. M. l'Impératrice << de Russie » a accordée à la confédération des dissidents. « S. M. ayant agi jusqu'à présent de concert avec cette << Souveraine dans tout ce qui concerne les affaires de Pologne, Elle déclare qu'Elle ne saurait s'empêcher de « prendre des mesures avec S.M. Impériale pour prévenir toutes les suites fâcheuses qui ne pourraient que résulter «< d'une plus longue continuation de troubles en Pologne. S. M. croit devoir conseiller à l'Illustre Nation polonaise « de s'assembler dans une Diète extraordinaire pour la pacification générale entre tous ses membres, et Elle se flatte

«< que ce conseil sera regardé comme une nouvelle preuve de l'amitié invariable qu'Elle a pour la République de << Pologne et de l'intérêt sincère qu'Elle prend à Son bien-être. »

1767, 23 (12) avril, Moscou.

N° 19.

Convention secrète entre la Russie et la Prusse, concernant la résolution de sou

tenir à main armée les dissidents en Pologne contre les entreprises des Puissances catholiques.

LL. MM. ayant déjà pris la résolution de soutenir à main armée les luthériens et les grecs non-unis en Pologne, sont convenues « dès à présent des mesures à prendre afin de s'opposer aux entreprises que les Puis<< sances catholiques pourraient former des vues » de Leurs dites Majestés.

Et par suite, si «< S. M. l'Impératrice-Reine voulait prendre fait et cause en faveur du parti catholique de « Pologne, et que Ses troupes commençassent effectivement à exercer des hostilités contre les troupes russiennes », S. M. le Roi de Prusse se déclarera ouvertement et agira avec Ses forces (Art. II). S. M. l'Impératrice de toutes les Russies promet aussi de Son côté de l'assister avec toutes Ses forces s'il en est besoin, « et s'engage à procurer « à S. M. le Roi de Prusse lors de la conclusion de la paix un dédommagement convenable pour les frais de << cette guerre >> (Art. III).

1767, 5 octobre

1768, 5 mars, Varsovie.

Diète extraordinaire.

1767, 13 octobre, Varsovie.

Les troupes russes enlèvent des membres de la Diète.

Gaétan Soltyk, évêque de Cracovie, Venceslas Rzewuski, palatin de Cracovie, général de camp de la Couronne, Joseph Zaluski, évêque de Kïovie, et Sévérin Rzewuski, nonce de Podolie, membres les plus en vue de l'opposition contre la politique russe, furent arrêtés, pendant la nuit du 13 au 14 octobre, par l'ordre de l'ambassadeur russe, et déportés séparément à Kalouga sous

une escorte russe.

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