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N° 1.

1763, 15 juin, Varsovie.

Dépêche du ministre anglais adressée au cabinet de Londres sur les bruits d'un partage de la Pologne.

(EXTRAIT)

On pense ici qu'il y a certainement une entente entre le Roi de Prusse et l'Impératrice de Russie pour le partage de la plus grande partie des possessions polonaises.

N° 2.

Signé M. WROUGHTON.

1763, 27 (15) décembre, Saint-Pétersbourg.

Déclaration de la Czarine russe, protestant contre les accusations de vouloir s'approprier quelques provinces de la République et appuyant l'élection au trône d'un Polonais de naissance.

Si jamais la malice, de concert avec le mensonge, a pu controuver un bruit absolument faux, c'est assurément celui qu'on a osé répandre dans le public, comme si Nous n'étions résolus d'appuyer l'élection d'un Piast qu'afin que, par son secours et connivence, Nous puissions ensuite Nous faciliter les moyens d'envahir quelques provinces du Royaume de Pologne et du Grand-Duché de Lithuanie, de les démembrer et de les approprier ensuite à Nous et à Notre Empire.

Le seul début de Notre règne suffit pour détruire dans leur principe ces sortes d'inventions, et pour les dénuer de toute probabilité et fondement. Nous sentons que la prospérité d'un peuple ne consiste pas dans la conquête des pays étrangers.

Nous sommes intimement convaincus qu'un prince n'est grand qu'autant qu'il dirige les ressorts du gouvernement au bien et à la félicité de son peuple; Nous voulons que la justice,

l'équité et l'humanité règnent près de Nous sur Notre trône; ainsi en nous reposant sur une gloire si bien établie, Nous pourrions sans doute n'écouter que Notre magnanimité et ensevelir ces fausses insinuations dans le silence et le mépris.

Mais pour que la vérité et la pureté de Nos vues ne demeurent pas inconnues à la Sérénissime République, et que l'erreur et le doute soient bannis à jamais des esprits peu éclairés, Nous n'avons pu Nous dispenser de faire connaître, de la manière la plus solennelle, que nous sommes sincèrement et inaltérablement résolus de maintenir la Sérénissime République dans l'état actuel de Ses droits, libertés et constitutions, ainsi que de Ses possessions, conformément au traité de 1686; et autant que Nous avons à cœur la conservation de ce qui appartient à la Couronne de Pologne et au Grand-Duché de Lithuanie, autant sommes-Nous éloignés de souffrir que qui que ce soit y porte jamais des atteintes.

En même temps, Nous ferons connaître à tous que, par suite d'une véritable amitié et d'un bon voisinage avec la Sérénissime République, Nous souhaiterions qu'à la future élection de Son Roi, Elle plaçât sur Son trône un Piast, né en Pologne, de père et de mère, et d'une véritable noblesse polonaise. Eh! quel Roi conviendrait mieux à la République et la gouvernerait mieux selon Ses droits et Ses maximes qu'un Polonais qui, ayant reçu, pour ainsi dire, avec la vie la connaissance des lois sous lesquelles il est né, élevé, s'y trouve accoutumé par une suite de devoir, de respect et d'obéissance? Dans un pareil choix, l'intérêt véritable et naturel du pays se trouverait, sans être altéré par aucun mélange d'influence, de maximes et de liaisons étrangères qui ne saurait qu'apporter du préjudice à la République. Un Roi choisi et pris dans le cœur de la Nation ne saurait prudemment se proposer d'autre but que celui de rendre Son Royaume tranquille et heureux; alors les soupçons et toutes les inquiétudes que peut causer aux Puissances voisines un prince étranger, régnant sur les Polonais, n'auraient plus lieu, et la confiance parfaite, l'amitié et le bon voisinage seraient assis sur les fondements les plus inébranlables.

N° 3.

Signé H. CH. KEYSERLING.

PRINCE N. REPNIN.

1764, 22 janvier, Varsovie.

Déclaration de S. M. Prussienne, protestant contre les accusations de vouloir s'approprier quelques provinces de la République et appuyant l'élection au trône d'un Polonais de naissance.

Les bruits qui se sont répandus dans le Royaume et que les ennemis de la tranquillité publique ont cherché à accréditer de plus en plus, savoir, que les Cours de Prusse et de Russie voulaient profiter des circonstances présentes pour démembrer la Pologne ou la Lithuanie, et que

le concert de ces deux Cours tendaient uniquement à faire des acquisitions aux dépens de la République; ces bruits, dis-je, également destitués de vraisemblance et de fondement, ont engagé le soussigné, résident de S. M. le Roi de Prusse près la Sérénissime République de Pologne, à les démentir non seulement de vive voix, mais encore par une note préliminaire qu'il a remise à S. A. le prince Primat. 1)

Le soussigné en ayant fait sur-le-champ son rapport au Roi son Maître, S. M. justement indignée de ces imputations, si contraires à Sa façon de penser, a non seulement approuvé tout le contenu de la susdite note, mais encore Elle a chargé le soussigné de la renouveler et de la confirmer par une déclaration solennelle faite en Son nom. En conséquence de ces ordres exprès de S. M. le Roi de Prusse, Son soussigné résident déclare de nouveau par la présente que l'amitié intime et la bonne harmonie qui subsistent si heureusement entre les deux Cours de Prusse et de Russie sont fondées sur un principe trop juste et trop équitable pour qu'on doive seulement présumer que ces Cours aient jamais conçu un pareil dessein; loin de songer à s'agrandir, S. M. le Roi de Prusse ne travaille au contraire et ne travaillera constamment qu'à maintenir en leur entier les États de la République et à conserver les constitutions et les libertés de la Nation polonaise. S. M. l'Impératrice de toutes les Russies se propose le même objet et ce n'est que pour y parvenir que le Roi s'est concerté avec cette Souveraine: ces deux Puissances étant guidées par un principe si salutaire, on ne doit pas douter que leur union ne contribue à procurer à la Pologne une sûreté et une tranquillité parfaites.

Et comme, en vertu du voisinage et de la bonne harmonie qui, par une alliance inaltérable, unissent depuis un temps immémorial les États du Roi de Prusse et ceux de la Sérénissime République, S. M. Prussienne doit naturellement prendre beaucoup de part à tout ce qui peut arriver d'avantageux à la Pologne, le soussigné ne saurait se dispenser, en vertu des ordres qu'il a reçus, de faire connaître, à l'occasion du présent interrègne, que le Roi n'entrevoit pas que la République puisse se procurer de plus grands avantages qu'en profitant de cette époque pour se choisir un Roi tiré du corps de la Nation polonaise, issu, du côté du père et de la mère, du sang de la noblesse nationale, ainsi que S. M. Impériale de Russie l'a fait connaître par Sa dernière déclaration faite dans les mêmes vues que celle-ci. La splendeur de la République sous les règnes des Rois Piasts peut faire juger du bonheur qu'Elle se prépare pour l'avenir si dans la future élection Elle tourne Ses vues du côté de la noblesse nationale. S. M. l'Impératrice de Russie étant animée des mêmes sentiments à cet égard, et reconnaissant également tout le bien que la Nation retirera d'une démarche aussi louable que digne des beaux privilèges dont Elle jouit, il sera aisé à chaque citoyen d'entrevoir qu'il ne pouvait rien arriver de plus heureux pour la Pologne, dans les circonstances présentes, que le parfait concert qui règne encore sur ce point entre ces deux Puissances voisines.

Le soussigné, en exposant dans cette déclaration formelle les sentiments sincères et invariables du Roi son maître, s'est conformé aux ordres exprès et précis qu'il vient de recevoir de S. M.

Signé : BENOÎT.

1) La note préliminaire fut présentée au prince Primat de Pologne par le ministre prussien Benoît, le 27 décembre 1763, simultanément avec la déclaration russe susdite.

1764, 16 mars, Varsovie.

N° 4.

Déclaration de S. M. l'Impératrice-Reine de Hongrie et Bohême, sur l'intérêt qu'Elle prend à la conservation des domaines de la République et à la liberté d'élection du Roi de Pologne.

Dès le commencement de cet interrègne, l'Impératrice-Reine de Hongrie et de Bohême s'est fait une espèce d'obligation de faire connaître l'intérêt qu'Elle prend, comme voisine et alliée de la République, au maintien de tous Ses droits, à la conservation de Ses domaines, à la pleine jouissance de Ses prérogatives en général, et surtout de celle qu'Elle a de nommer au trône vacant par une élection libre et volontaire. Mais S. M. étant informée des bruits qui se sont répandus en Pologne, comme si l'on avait raison d'y douter de la réalité et de la fermeté de ces intentions, Elle a jugé nécessaire de les manifester par une déclaration authentique.

En conséquence, S. M. Impériale et Royale déclare de la manière la plus forte et la plus solennelle qu'Elle considère la République de Pologne comme un État souverain et indépendant, dont le droit que Lui assurent les lois et les constitutions du pays, de se choisir un Roi par la liberté des suffrages, ne peut être en aucune manière restreint, que par conséquent l'exclusion d'aucun candidat ne saurait avoir lieu, sans porter atteinte à Son indépendance et à Son entière liberté, qui n'admettent ni exception ni limitation, et que les voies de fait ou les menaces que l'on pourrait employer pour Lui en empêcher l'exercice sont également incompatibles avec Ses prérogatives.

C'est sur ces principes et le dispositif des traités qui depuis longtemps subsistent heureusement entre les États de S. M. et la République, qu'Elle a dessein de régler ses démarches à tout événement; Elle s'engage même, dès ce jour, de reconnaître pour Roi celui qui aura été élu au trône par une élection libre et conforme aux lois. D'ailleurs, S. M. étant résolue de ne point gêner le suffrage de la Nation, directement ni indirectement, Elle ne voit pas quels obstacles on serait fondé d'y apporter

Tels sont les vrais et invariables sentiments de l'Impératrice-Reine envers la République de Pologne, et à l'égard de l'élection d'un Roi, sentiments dont Elle fait donner part aux Puissances voisines et qui justifient la pureté de ses vues. Au reste, S. M. Impériale et Royale a sujet de croire que l'on songe d'autant moins à mettre la violence en usage contre la liberté de la Nation polonaise, qu'en ce cas, toutes les Puissances qui s'intéressent à la conservation des droits de la République se verraient obligées de s'opposer à de pareilles entreprises.

1764, 16 mars, Varsovie.

N° 5.

Déclaration de l'ambassadeur de France, le marquis de Paulmy, sur la prochaine élection d'un Roi de Pologne.

« Comme S. M. souhaite qu'il ne reste pas le moindre doute sur la pureté de Ses vues, Elle a jugé à << propos de les rendre manifestes par une déclaration formelle et authentique.

« En conséquence, le Roi déclare, de la manière la plus précise et la plus solennelle, qu'en cette occa<«<sion Il ne cherche uniquement que l'avantage de la République et qu'll n'a rien de plus à désirer, sinon que la << Nation polonaise continue de jouir de tous Ses droits, Ses domaines, de toutes Ses libertés et surtout de la plus << précieuse de toutes Ses prérogatives qui est celle de se nommer un Roi par une élection libre et volontaire, que « le Roi appuyera la République de tous les moyens qu'll a en Sa puissance, s'il arrive que contre toute attente << Elle soit troublée dans l'exercice de Ses droits incontestables, qu'Elle peut compter sur Ses secours et les récla« mer en toute confiance, au cas que l'on porte atteinte au privilège de la Nation.

« Quant aux différents compétiteurs de la couronne, le Roi n'en propose ni recommande aucun, Il est « même encore plus éloigné d'en exclure un seul de l'élection, ce qui répugne à la disposition des lois fondamen<< tales. >>

N° 6.

1764, 11 avril (31 mars), Saint-Pétersbourg.

Articles du traité d'alliance entre la Russie et la Prusse, concernant les affaires de

1)

Pologne. 1)

ARTICLE SECRET IV

CONTRE L'HÉRÉDITÉ DU TRÔNE.

Comme il est de l'intérêt de S. M. l'Impératrice de toutes.les Russies, et de S. M. le Roi de Prusse, d'employer tous Leurs soins et efforts pour que la République de Pologne soit maintenue

1) Le traité d'alliance statue entre autres :

Les Parties contractantes s'engagent à se conduire l'une envers l'autre comme il convient à des sincères amis (Art. I); à garantir réciproquement toutes leurs provinces (Art. II); au cas d'une attaque ennemie de se donner secours, savoir 10,000 hommes d'infanterie et 2,000 hommes de cavalerie (Art. III); et même d'employer toutes leurs forces à leur défense mutuelle (Art. IX). La durée de ce traité sera de 8 ans (Art. XIII).

LL. MM. s'engagent d'agir en Suède en confidence afin d'affaiblir le parti de réforme et d'assister ceux parmi les Suédois qui osent encore résister à ce parti turbulent. Dans le cas où l'on aurait à craindre un renversement total de la réforme du gouvernement de la Suède, LL. MM. se réservent la liberté de se concerter plus particulièrement sur les moyens de détourner un événement si dangereux, afin de conserver par là la tranquillité générale et principalement celle du Nord (Art. secret II).

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