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APPLICATION DES TRAITÉS DE VIENNE

AUX TERRITOIRES POLONAIS

1815-1830.

Galicie.

Dans ce qu'on appelait le Royaume de Galicie et de Lodomerie, on en vint relativement assez vite à l'exécution des décisions du Congrès de Vienne, en ce qui concernait la représentation nationale. Par lettres patentes du 13 avril 1817, fut rétablie la « Diète postulataire » que Joseph II avait instituée, et qui plus tard avait été suspendue. Y appartenaient des représentants des magnats, de la noblesse, du clergé, de la bourgeoisie, à l'exclusion des paysans. Ces représentants étaient nommés par le gouvernement même, ils devaient s'assembler chaque année, en grande cérémonie, pour entendre les ordres de l'Empereur, surtout en ce qui touchait les impositions; tous débats étaient défendus. La fonction principale de la Diète se réduisait à élire une députation « chargée de porter au pied du trône l'expression de sa reconnaissance pour les bienfaits dont le règne auguste de Sa Majesté fait jouir le pays », ainsi qu'à nommer un comité des états à l'effet de surveiller la répartition des impôts. La Diète avait le droit de soumettre des pétitions qui d'ailleurs restaient la plupart du temps sans réponse, ou qu'on écartait par l'assurance « qu'une décision sera prise en temps voulu ». Ces pétitions jettent une vive lumière sur la situation de la Galicie à cette époque. C'est ainsi par exemple que, vu les charges fiscales démesurées, en 1830, la Diète fait les humbles représentations suivantes : « Les arriérés croissant sans cesse ont révélé notre véritable état; il est en effet impossible de comprendre que ces arriérés soient dus à l'indulgence des autorités gouvernementales qui, avec la plus grande sévérité, ont veillé sur leur perception, mais n'ont jamais pu les percevoir en totalité, même des propriétaires les plus ordonnés et les plus économes ». « Nous sommes menacés d'une famine d'autant plus terrible que le pays est dépourvu de provisions, car, et le villageois et le propriétaire foncier, ont dû, pour subvenir à leur entretien et payer les impôts, vendre leurs récoltes à vil prix... Ceux d'entre nous, qui sont obérés de dettes ou d'arriérés d'impositions, ne peuvent, ni pourvoir à leur propre existence, ni payer les impôts, ni, à plus forte raison, prêter secours à leurs vassaux ou se procurer du crédit pour leur venir en aide. Nous supplions donc Votre Majesté Impériale-Royale, pour nous-mêmes, pour nos enfants, à l'éducation convenable desquels notre indigence porte préjudice, et à qui nous craignons de ne laisser pour tout héritage que notre triste pauvreté, nous La supplions particulièrement pour notre

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laborieuse population des campagnes, de daigner prendre les mesures qu'exige nécessairement la situation tout exceptionnelle de notre pays. »

Inutile d'ajouter que ces plaintes restaient vaines; on ne réussit à obtenir, ni la création d'une banque du pays, ni celle d'une faculté de médecine à Léopol, ni la réduction du prix du sel monopolisé, ni l'abrogation de la limitation du nombre des élèves dans les collèges et les universités. En guise d'améliorations, le gouvernement construisait des casernes et des prisons.

Le respect de la nationalité polonaise, prévu par les traités de Vienne, se bornait à admettre et à nommer quelques Polonais à des postes subalternes. On restaura l'université de Léopol, mais sans langue polonaise; on y faisait exclusivement usage du latin; seuls les cours de polonais - non obligatoires du reste avaient lieu en polonais.

Il ne fut apporté quelque adoucissement aux procédés de la bureaucratie allemande qu'à l'époque de la guerre russo-turque (1829), où la situation internationale était devenue fort incertaine.

1815-1830.

République de Cracovie, ville libre.

La création de la République de Cracovie avait été le résultat d'un compromis entre la Russie et l'Autriche; celle-ci, pour des considérations stratégiques, n'avait pas voulu consentir à ce que Cracovie fût placée sous la souveraineté de l'Empereur de Russie; en vertu de la convention austro-russe, il n'était pas permis à la Russie d'avoir des troupes à moins de 14 milles (près de 100 kilomètres) de Cracovie; cette clause fut observée jusqu'en 1831.

L'organisation politique de Cracovie fut dotée de garanties spéciales. Les articles princi paux du traité complémentaire du 3 mai 1815, concernant Cracovie, furent insérés dans l'acte du traité général du 9 juin 1815; de plus, le traité même, ainsi que la constitution de Cracovie, furent adjoints, à titre de parties intégrantes, au traité général, et ratifiés par la sanction de toutes les Puissances représentées au Congrès. Ni la nouvelle structure de l'Allemagne, ni la constitution du Royaume de Pologne, faisant aussi l'objet des délibérations du Congrès, n'obtinrent de semblables garanties.

L'Autriche, la Prusse et la Russie étaient reconnues comme protectrices particulières de l'intégrité de Cracovie et de sa constitution. De là résultait sans aucun doute l'obligation de défendre le nouvel État contre tout danger en menaçant l'existence et auquel il était incapable de parer par ses propres forces défensives. En réalité les protecteurs s'arrogèrent tout pouvoir sur la petite République et en rendirent l'indépendance illusoire en lui dictant sa législation, en destituant les fonctionnaires, en opposant leur veto aux mesures intérieures prises par les autorités de Cracovie. Loin de remplir le rôle de protecteurs, ils usurpèrent celui de dominateurs.

Dès les premières années de l'existence de la République se révèle cette domination. Les traités de Vienne, afin d'assurer l'existence et la prospérité de Cracovie, lui avaient accordé la liberté du commerce avec tous les territoires de la Pologne d'avant les partages. Or, effectivement, les États protecteurs ne permirent jamais l'exécution de ces clauses des traités, n’abrogèrent jamais pour Cracovie les droits de douane exigibles à leurs autres frontières.

L'article X du traité additionnel attribuait à Cracovie le privilège de libre introduction des marchandises de première nécessité; mais le gouvernement autrichien refusa d'étendre cette

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