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importe à S. M. est que l'on soit bien convaincu à Berlin que jamais elle n'a eu d'intentions nuisibles au Stadhouder; et que jamais sa politique ne lui fera adopter les idées de rancune et de vengeance qu'elle sait qu'on lui suppose, et que S. M. regarde comme indignes d'elle.

La vigilance journalière du sieur de Moustier se portera essentiellement sur les points suivants : 1° sur le système de la cour de Berlin à l'égard des affaires de Liége et de celles des Pays-Bas ; 2o sur les variations que pourra éprouver l'intimité qui règne actuellement entre cette cour et celle de Londres; 3° sur les dispositions actuelles du cabinet prussien à l'égard de la Pologne ; 4° sur l'intention plus ou moins prononcée du roi de Prusse d'imposer sa politique à l'impératrice de Russie, si cette princesse ne fait pas sa paix avec les Turcs dans le cours de cet hiver; 5° sur les dispositions secrètes de Frédéric-Guillaume à l'égard de la cour de Vienne; 6o sur l'état actuel des finances prussiennes et sur leur administration; enfin, 7° (et c'est le point le plus important) sur les sentiments secrets de la cour de Berlin à l'égard de la France et sur les moyens d'influer sur ces dispositions.

Le sieur de Moustier n'entretiendra aucune correspondance politique avec les ambassadeurs et ministres du roi dans les autres cours ces correspondances ont généralement beaucoup d'inconvénients, nommément celui de compromettre le secret des affaires; c'est par cette raison qu'on ne lui remet pas un chiffre général. Quant à celui de la correspondance ordinaire, il le trouvera à Berlin, ainsi que l'instruction sur la manière de s'en servir.

Le sieur de Moustier fera sa cour au prince Henri de Prusse, mais il mettra de la réserve dans son langage vis-à-vis de ce prince, selon qu'il le jugera bien ou mal avec le roi son neveu. Le prince Henri est très-affectionné à la France, et il mérite certainement de la confiance de notre part; mais il ne nous convient de donner de l'ombrage ni au roi ni à son ministère, parce qu'il en résulterait nécessairement de la réserve et de la gêne, peut-être même de la mauvaise volonté envers le sieur de Moustier, ce qui entraverait le succès de sa mission. Sa sagesse et la connaissance qu'il a des hommes et des affaires dirigeront sa conduite.

Le roi de Prusse est pressé entre deux partis très-opposés, et dont l'influence est très-alternante: l'un est le parti ministériel, et l'autre celui des favoris, à la tête desquels est le sieur Bischoffswerder, gentilhomme saxon. On prétend que ce dernier parti fonde son ascendant sur les prétendus mystères de la secte dite des illuminés. Le sieur de Moustier cherchera à démêler la situation actuelle des deux partis, et surtout le plus ou moins de goût que S. M. Prussienne peut encore avoir pour la mysticité. On a cru un instant le comte de Hertzberg en défaveur à cause des embarras qui ont résulté de sa politique tracassière ; mais il semble que l'orage s'est calmé il serait important de savoir s'il est entièrement dissipé, et si M. de Hertzberg se maintiendra au timon des affaires. Il serait sans doute à désirer que ce ministre payât par sa disgrâce tout le tourment qu'il a causé à l'Europe depuis qu'il dirige le cabinet prussien.

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Le sieur de Moustier fera, à la fin de chaque année, le résumé de sa correspondance et de ses observations, et l'adressera au ministre des affaires étrangères, avec lequel seul il correspondra sur tous les objets relatifs à sa mission. Lorsqu'elle sera terminée, il lui remettra un mémoire général. Quant à sa correspondance, il la laissera à son successeur.

Berlin est la ville d'Europe où il se présente le plus de Français les uns s'y rendent par curiosité, les autres pour leur instruction. Le sieur de Moustier ne présentera à la cour que ceux qui seront munis de lettres de recommandation de la part du ministre secrétaire d'État des affaires étrangères, et ayant les qualités requises selon les règles suivies à la cour de Berlin pour jouir de cet avantage. Quant aux autres Français qui lui prouveront qu'ils sont des citoyens honnêtes, il leur accordera la protection la plus efficace dans tous les cas où ils en auront besoin; aux gens sans aveu et qui ne pourront justifier de leur qualité de citoyens français il ne devra ni protection ni appui.

CHAPITRE IV.

CORRESPONDANCE DIPLOMATIQUE.

Mémoires et Mémorandum.

Notes et Lettres diplomatiques.

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Dépêches ou Rapports. Lettres officielles adressées à des souverains. — Offices diplomatiques divers.

Observations générales..

La correspondance diplomatique embrasse les communications officielles de toute nature que les cabinets échangent entre eux par l'intermédiaire de leurs agents au dehors, ou que ces agents entretiennent eux-mêmes soit avec leurs collègues dans les différentes cours, soit avec le gouvernement dont ils sont l'organe. Tout ce qui intéresse le service de l'État dans sa politique étrangère et ses relations internationales, tous les renseignements utiles aux intérêts moraux ou matériels du pays qu'ils représentent, est ou doit être l'objet incessant de leur sollicitude, et donner lieu de leur part à des communications exactes et fréquentes.

Les pièces diplomatiques, qui sont l'expression écrite de ces communications, et dont la forme diffère selon leur importance et leur nature, demeurent ou confidentielles et secrètes toutes les fois que le secret est possible et que leur divulgation pourrait nuire au bien des affaires, ou sont destinées à une publicité

plus ou moins complète, selon que les cabinets ont intérêt à y recourir, ou qu'ils se croient dans l'impossibilité de s'y soustraire par suite du droit qu'ont les assemblées délibérantes, dans les gouvernements représentatifs, de demander le dépôt des actes et offices diplomatiques dont la connaissance peut leur servir à contrôler la politique ministérielle (1).

Indépendamment des mémoires spécialement destinés à l'exposition des faits importants et à la discussion des questions que ces faits soulèvent, c'est par des lettres et des notes que les agents diplomatiques suivent les affaires qui leur sont confiées; qu'ils développent des principes ou protestent contre l'applica

(1) La prévision de la production possible des correspondances diplomatiques à la tribune des chambres législatives met l'agent dans la nécessité de se précautionner contre cette publicité intempestive, et de rédiger ses dépêches avec plus de réserve qu'il ne l'eût fait si elles n'eussent été exposées à cette chance : cette gêne ajoute un inconvénient de plus à ceux qui résultent de cet usage. En effet, dans la pensée qui doit préoccuper l'esprit de tout agent diplomatique d'un gouvernement représentatif, que les assemblées parlementaires pourront ne pas se trouver satisfaites de la production, par le ministre des affaires étrangères, de fragments ou de résumés de sa correspondance, l'agent se voit dans la nécessité, d'une part, de borner ses rapports à l'exposé exact, mais succinct, des faits, sans les accompagner de commentaires et de réflexions dont la divulgation pourrait nuire à sa position et à son crédit à la cour où il réside; d'autre part, d'entretenir avec le ministre des affaires étrangères une correspondance plus intime (en dehors de la série de ses dépêches officielles): c'est dans ces lettres confidentielles uniquement qu'il peut se livrer avec plus d'abandon, et souvent avec utilité, à des raisonnements sur l'état actuel des affaires, à des opinions conjecturales sur leur dénoûment. Le ministre des affaires étrangères, de son côté, est obligé, par le même motif, d'avoir recours au même système et d'entretenir avec ses agents une correspondance confidentielle en dehors de la correspondance officielle.

tion de principes opposés ('); qu'ils justifient une mesure prise ou appuient une opinion avancée : c'est encore par des lettres qu'ils réclament des audiences ou des passe-ports; qu'ils font part soit au gouvernement auprès duquel ils résident, soit à leurs collègues, des événements heureux ou malheureux qu'ils ont reçu l'ordre ou qu'ils jugent convenable de leur communiquer, et qu'à la fin de leur mission ils prennent congé du souverain s'ils sont absents de sa résidence au moment de leur rappel.

A côté des notes signées, l'usage admet la remise de notes dites verbales que l'Envoyé s'abstient de signer pour ne point engager sa responsabilité d'une manière définitive, ou lorsqu'il s'agit simplement de rappeler les points essentiels d'une conversation politique sur une question traitée de vive voix.

C'est au moyen des écrits dont nous venons de parler que l'agent s'acquitte de ses fonctions officielles auprès de la cour où il réside; quant aux relations qu'il entretient avec le cabinet qui l'y a accrédité, elles ont lieu au moyen de lettres, qualifiées dépêches, dans lesquelles il rend compte de toutes ses démarches, et transmet

(1) La protestation est l'acte par lequel l'agent diplomatique réclame contre une mesure quelconque prise ou à prendre par le gouvernement auprès duquel il est accrédité, et contraire soit au caractère public dont il est revêtu, soit aux droits et aux intérêts de son pays, de son commettant ou de ses nationaux.

Cet acte, sous forme de note ou de lettre, porte déclaration que ce qui a été ou pourrait être fait ne saurait préjudicier aux droits de la partie dont on soutient et défend les intérêts, et l'agent s'y réserve expressément la faculté de se pourvoir en temps et lieu contre ce qui fait l'objet de sa protestation.

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