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S. M. Hellénique devait attendre l'accueil que cette même proposition rencontrerait à Constantinople. Il en reçut un premier avis le 29 avril, par la communication que lui fit M. le ministre d'Autriche à Athènes d'une dépêche de M. l'internonce, en date du 25. Voyant par cette communication qu'il planait à Constantinople un doute sur l'acceptation du gouvernement hellénique, M. Colettis en renouvela l'assurance par une lettre au prince de Metternich, en date du 10 mai.

Cette déclaration réitérée du gouvernement grec s'était croisée avec une lettre adressée le 8 mai par M. le prince de Metternich, et arrivée le 20 à M. le ministre d'Autriche à Athènes. La double proposition était ainsi précisée. Il est utile de citer ici textuellement le paragraphe officiellement communiqué: « Vous êtes au fait des conseils que j'ai donnés simultanément à la Porte et au cabinet d'Athènes; mes conseils sont les suivants : Que le gouvernement hellénique annonce au divan qu'il recevra avec tous les égards qui lui sont dus tout envoyé du sultan, fût-ce même M. Musurus; que la Porte se reconnaîtra satisfaite de cette déclaration, et qu'elle ne renvoie pas M. Musurus à Athènes, ou si elle le renvoie, que ce ne soit pas pour y rester.

>> J'ai, en retour de cette double ouverture, reçu une lettre du grand-vizir, qui renferme l'acceptation de ma proposition. Le comte de Sturmer a ajouté à l'envoi de la lettre de RéchidPacha l'expression de sa conviction qui est, à vue de pays, que le sultan, satisfait par la déclaration ainsi conçue de la cour d'Athènes, ne renverra plus M. Musurus. M. Colettis, de son côté, m'a adressé une lettre renfermant son plein assentiment à ma proposition. Les lettres des deux ministres me sont arrivées à vingt-quatre heures de distance; il est clair que j'ai dû dès lors regarder la question comme vidée. »

Cette première annonce officielle de l'adhésion de la Porte fut confirmée par la réponse de M. le prince de Metternich à M. Colettis, en date du 22 mai. M. le ministre d'Autriche à Athènes accompagna la remise de cette lettre de l'information que la Porte insistait sur l'envoi de M. Musurus, et du conseil d'abandonner à l'entente directe et confidentielle du cabinet de Vienne et de Constantinople la question de la durée du séjour de M. Musurus

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A

à Athènes. Le gouvernement du roi reçut cette communication le 1er juin. Tout en regrettant que la Porte n'eût pas apprécié complétement la valeur politique du sage conseil de l'Autriche de ne pas renvoyer M. Musurus, tout en regrettant que, malgré l'espérance d'une résolution plus amicale qu'elle avait fait naître dans l'esprit de M. l'internonce, la Porte insistât de nouveau sur le renvoi d'un agent peu propre à maintenir les bonnes relations; tout en ne se dissimulant pas les graves inconvénients de ce retour, les dangers mêmes qu'il pouvait faire naître, le gouvernement du roi tint à honneur d'être fidèle à l'engagement pris envers l'Autriche; et respectant l'intention qui faisait désirer au cabinet de Vienne le changement indiqué dans les termes de la conciliation, il renonça à la fixation préalable de la durée du séjour de M. Musurus; il renonça à un acquiescement formel de la Porte à la condition du séjour limité, acquiescement qui, dans la première proposition, était la condition de celui de la Grèce au retour de M. Musurus. Le gouvernement du roi alla plus loin encore, il consentit à renoncer à l'énonciation même de la condition. Par ce sacrifice, le gouvernement du roi voulut donner tous les gages possibles de ses sentiments conciliants; il considérait, en outre, comme de son devoir de répondre par une entière confiance à la spontanéité de l'intervention bienveillante de l'Autriche.

Le 6 juin, M. le président du conseil adressa à M. le prince de Metternich la lettre pour A'ali-éfendi; l'accompagnant d'une nouvelle expression du désir de renouer avec l'empire ottoman des rapports de sérieuse et efficace amitié.

Par des instructions adressées à M. le général de Prokesch, en date du 28 juin, M. le prince de Metternich approuva le sens de la lettre de M. Colettis à A'ali-éfendi, la renvoya en recommandant quelques changements de rédaction, et conseilla la transmission directe d'Athènes à Constantinople. Par ces mêmes instructions, M. le prince de Metternich précisa le langage à tenir à M. Musurus à son retour, ainsi que les points d'étiquette convenus entre lui et l'ambassadeur ottoman a Vienne. A la même époque, M. le ministre d'Autriche informa le cabinet d'Athènes qu'une nouvelle lettre du grand-vizir à M. le prince de Metternich, en date du 2 juin, annonçait que la Porte avait admis les

conditions proposées par la médiation, telles qu'elles avaient été consignées dans les dépêches du cabinet de Vienne à Athènes, en date des 8 et 22 mai.

L'arrangement paraissait donc assuré; telle était encore la conviction du représentant de l'Autriche à Constantinople le lendemain de l'arrivée de la lettre de M. Colettis expédiée d'Athènes le 2 juillet. M. le général de Prokesch communiqua au gouvernement du roi le paragraphe suivant d'une dépêche de M. le comte de Sturmer, en date du 8 juillet :

« J'ai vu avec satisfaction que le gouvernement hellénique a suivi les conseils de notre cour dans toute leur extension. Quant à la crainte que vous m'exprimez que la réponse d'A'ali-éfendi ne renferme quelque chose de compromettant pour le gouvernement royal, je prie S. M. d'être complétement rassurée. J'aurai soin de veiller à ce que dans la rédaction de cette lettre, tout ce qui pourrait nuire au rétablissement des bons rapports soit soigneusement évité. »

Par le paquebot du 18 juillet, le gouvernement du roi reçut la réponse d'A'ali-éfendi. Elle était conçue en termes obligeants, disait que désormais tout était heureusement éclairci, et finissait par une exigence dont il n'avait jamais été parlé par le médiateur au gouvernement du roi. A'ali-éfendi demandait que M. Colettis lui fît parvenir l'autorisation de transmettre à M. Musurus l'expression des regrets de son gouvernement.

Quoique profondément blessé d'une demande aussi inattendue, le gouvernement du roi voulut tenir compte de la forme obligeante de la lettre d'A'ali-éfendi, et tint surtout à ne manquer à rien de ce qu'il devait au médiateur. S'abstenant donc de refuser ou de discuter, il s'empressa de faire part, le 25 juillet, à M. le prince de Metternich, de l'accueil que, contre la plus légitime attente, la lettre du cabinet d'Athènes avait trouvé à Constantinople, et il attendit le résultat de cette communication. C'est alors que furent adressées à M. le ministre d'Autriche les trois lettres ci-jointes. Elles avaient pour but de l'informer de la résolution prise de ne pas faire un pas en dehors de la route tracée par l'intervention; de faire observer que le gouvernement du roi, n'ayant pas mêlé son opinion sur la conduite de M. Musurus à la question

de son retour à Athènes, attendait la même réserve de la part de la Porte, de reconnaître ce qu'avait d'amical la rédaction de la lettre d'A'ali-éfendi.

Le gouvernement du roi fit prier M. le comte de Sturmer d'être l'interprète des sentiments et des idées contenus dans ces lettres.

Adressées à l'organe officiel de la cour intervenante, ces communications avaient pour but le retour du divan à des sentiments et à une conduite conforme à ses promesses formelles d'adhésion aux propositions de l'Autriche; propositions admises et mises en pratique par la Grèce avec la plus scrupuleuse exactitude, au prix de plus d'une concession importante.

Cet espoir a été trompé. La Porte, sans donner au gouvernement grec le temps de recevoir la réponse de Vienne à ses communications du 26 juillet, se hâta de déclarer, par l'intermédiaire de M. l'internonce, dont les dépêches sont arrivées à Athènes le 10 août, que si le paquebot partant d'Athènes le 10 même pour Constantinople n'apportait pas l'expression des regrets personnels à M. Musurus, la médiation de l'Autriche serait considérée comme terminée, et que les mesures coercitives seraient mises à exécution.

Le 10 août, le gouvernement du roi ne connaissait que la première impression produite à Vienne par la phase inattendue dans laquelle l'affaire était entrée par le fait de la lettre d'A'ali-éfendi ; il la connaissait seulement par la communication d'une lettre particulière de M. le prince de Metternich à M. le général de Prokesch, datée de Vienne le 24 juillet. Par cette lettre, le prince, sous l'impression du refus de la Porte et de l'appréciation de la valeur de la nouvelle exigence telle qu'elle lui était venue de Constantinople, conseillait de s'y soumettre. Le roi et son gouvernement étaient incontestablement en droit d'attendre encore pour leur part l'impression que produiraient sur la cour intervenante les éclaircissements fournis d'Athènes en date du 26 juillet. Le procédé inexplicable de la Porte, les propositions nouvelles et impérieuses sortant des limites des propositions du médiateur, les mesures prises dans le but évident de les faire violemment accepter, étaient loin d'être pour le roi, pour son gouvernement, pour la

Grèce, une raison de se départir de la résolution parfaitement régulière, officiellement énoncée le 24 juillet.

La Porte a nié, par la voie de la presse, son adhésion aux propositions de l'Autriche; le cabinet d'Athènes, par la voie de la presse, a rétabli la vérité. La Porte a remis aux grandes puissances un mémorandum pour justifier les mesures coercitives; le cabinet d'Athènes met purement et simplement sous les yeux des grandes puissances la série et la nature des faits. Ils suffiront à prouver l'injustice des exigences auxquelles le cabinet d'Athènes refuse de se soumettre.

Cependant le gouvernement de S. M. Hellénique ne méconnaît point qu'il n'a pas seulement à se préoccuper aujourd'hui de ce qu'il se doit à lui-même, qu'il y a dans la question d'autres intérêts engagés que ceux de sa propre dignité: aussi tient-il à déclarer que, sans tenir compte des procédés directs ou indirects dont il aurait le droit de se plaindre et d'être offensé, il est prêt à rester fidèle au projet de conciliation tel qu'il l'avait précédemment accepté; que si même les puissances indiquaient un nouveau mode de conciliation, la Grèce, qui vient de témoigner de ses sentiments par l'organe de ses représentants légaux, serait disposée à accueillir tout ce qui ne serait pas incompatible avec la dignité de la couronne et l'honneur du pays.

Athènes, ce 4/16 octobre 1847.

Réponse de la Porte au mémorandum qui précède.

Mémorandum.

Après un silence d'environ deux mois, le gouvernement hellénique a remis aux représentants des cinq cours à Athènes un mémorandum en réponse à celui de la Sublime Porte, daté du 21 août; mais ce n'est pas une réponse catégorique, c'est une reproduction d'assertions déjà appréciées à leur juste valeur. Le cabinet d'Athènes eût mieux fait s'il se fût borné à la communi-` cation de toutes les pièces relatives au différend qui nous occupe, sans aucune omission, et sans les accompagner de commentaires propres à éloigner du but qu'il importe d'atteindre.

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