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hellénique préféra rappeler son Chargé d'affaires à Constantinople plutôt que de satisfaire à l'honneur gravement offensé d'une puis. sance amie et voisine.

Le refus du gouvernement hellénique, non-seulement d'exprimer ses regrets à M. Musurus, mais même de consentir à son retour à Athènes, aggrava de plus en plus le différend. On n'exigeait du gouvernement impérial rien moins que de donner gain de cause aux hétéristes, dont il serait difficile de contenir l'audace dès qu'ils verraient que notre représentant aurait été puni pour avoir, conformément aux ordres de son gouvernement, défendu l'entrée de l'empire à un de leurs chefs, connu publiquement pour tel; et cela, lorsqu'on faisait ostentation de l'estime dont on continuait à entourer à Athènes M. Tzamis Karatassos, et qu'on nommait aide de camp du roi le général Hadji-Christo, président de l'hétérie traco-bulgaro - servienne, comme pour mieux manifester les dispositions dont on était animé à Athènes envers l'empire voisin.

Dès lors, forcée de poursuivre la réparation due à sa dignité, la Sublime Porte résolut de retirer l'exequatur aux consuls de Grèce, et d'interdire aux navires helléniques l'exercice du cabotage réservé au pavillon indigène.

Sur ces entrefaites, plusieurs des grands cabinets de l'Europe firent parvenir au gouvernement hellénique le conseil de satisfaire aux justes demandes de la Sublime Porte; la cour impériale d'Autriche surtout employa ses bons offices pour amener ce résultat. C'est par déférence pour cette cour que la Sublime Porte ajourna l'application des mesures arrêtées; et dans notre mémorandum du 21 août nous rendîmes un compte succinct mais fidèle de la conduite tenue respectivement par les deux gouvernements pendant la durée de la médiation, et du refus du cabinet d'Athènes de transmettre à M. Musurus, conformément à l'avis du médiateur, l'expression de ses regrets, refus qui mit la Sublime Porte dans la pénible nécessité de procéder à l'application des mesures précédemment annoncées.

Au lieu de répondre catégoriquement à notre exposé, le gouvernement hellénique y opposa, dans son mémorandum, une foule de détails superflus, n'aboutissant à aucune conclusion, et

quelques extraits de lettres de M. le prince de Metternich et de M. le comte de Sturmer à M. le comte de Prokesch, lesquels ne renferment que des conjectures et des espérances qui n'indiquent, dans le fait, que le désir de voir aplani au plus tôt un différend regrettable.

Nous aurions souhaité d'être, à notre tour, à même d'opposer aux citations du mémorandum hellénique des extraits de dépêches de M. le prince de Metternich à M. le comte de Sturmer, et de celles que M. l'internonce adressa à sa cour; mais, dans un esprit sans doute de délicatesse et d'impartialité que nous respectons, ce dernier se borna à nous en donner lecture, et aucune copie ne nous en fut communiquée.

Cependant nous tenons à constater ici quelques faits incontestables, qu'à en croire le mémorandum hellénique on serait porté à révoquer en doute, et sur la véracité desquels nous nous en rapportons au témoignage de M. le comte de Sturmer, digne représentant de son auguste cour, et dans le caractère honorable duquel nous avons une entière confiance.

Et d'abord, jamais la Sublime Porte n'a donné à espérer que, satisfaite de la déclaration que ferait le gouvernement hellénique de recevoir avec tous les égards qui lui sont dus tout Envoyé du sultan, fût-ce même M. Musurus, elle n'insisterait même plus sur le renvoi de ce dernier ; jamais elle n'a fait une condition de la durée du séjour de M. Musurus à Athènes; au contraire, nous avons toujours déclaré et nous déclarerons encore que jamais elle ne consentirait à rappeler cet Envoyé, en tant que ce rappel aurait le caractère d'une disgrâce qu'il eût encourue pour avoir fait son devoir, ou qu'il serait la conséquence du différend dont il s'agit.

La Sublime Porte n'accepta la médiation de la cour impériale d'Autriche que conditionnellement. Voici les bases dont nous convînmes avec M. le comte de Sturmer, en présence du ministre d'Angleterre, dans la conférence qui eut lieu à la Sublime Porte le 21 mai dernier: M. Colettis adresserait une lettre dans la→ quelle, en exprimant les regrets du gouvernement hellénique pour l'incident du bål, il donnerait l'assurance que M. Musurus serait reçu avec les égards dus à l'Envoyé du sultan. Au lieu de

la visite que la Sublime Porte avait, dès le commencement, demandée à titre de satisfaction, M. Colettis insérerait dans la même lettre un paragraphe par lequel il nous autoriserait à exprimer à M. Musurus ses regrets pour le même incident, et à l'assurer qu'il le reverrait avec plaisir à Athènes. Si, dans un mois, cette lettre ne nous était pas parvenue, la médiation de l'Autriche serait regardée comme terminée. Le mémorandum hellénique ne fait aucune mention de cet arrangement, tandis qu'il était porté à la connaissance de toutes les légations à Constantinople, et que certainement le gouvernement hellénique ne pouvait être le seul qui l'ignorât.

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L'ambassadeur de la Sublime Porte à Vienne ne nous a rien écrit sur ce qui aurait été convenu entre M. le prince de Metternich et lui, soit pour le langage à tenir à M. Musurus à son retour à Athènes, soit sur certains autres points d'étiquette dont parle le mémorandum hellénique. D'ailleurs, notre ambassadeur n'y était point autorisé, et jusqu'à ce moment même nous ignorons en quels termes était précisé le langage dont il est question. Tels sont les faits que nous avons jugé nécessaire de signaler dans l'intérêt de la vérité.

Il reste donc prouvé que le gouvernement impérial ne pouvait se contenter de la lettre qui nous a été adressée par M. Colettis, puisqu'elle n'était pas conforme aux bases dont nous étions convenus ici avec le représentant de l'Autriche, en ce qu'elle ne renfermait pas l'expression de regrets personnels à M. Musurus, condition essentielle et qui constituait le fond de la satisfaction demandée. Le consentement du gouvernement hellénique à recevoir M. Musurus sans insister sur la durée de son séjour à Athènes, consentement que, dans son mémorandum, il représente comme une concession importante, comme un sacrifice, n'a nullement ce caractère aux yeux de la Sublime Porte; il prouve, au contraire, que toutes les imputations dirigées contre notre Envoyé, tous les efforts opposés à son retour et à son séjour à Athènes, n'avaient d'autre but que d'éviter de lui accorder une satisfaction personnelle, et d'imposer au gouvernement impérial un sacrifice, le désaveu d'un agent qui n'a fait que remplir fidèlement ses ordres.

Aussi, dans notre réponse à M. Colettis, avons-nous dû lui signaler l'impossibilité pour la Sublime Porte de consentir au retour de M. Musurus à Athènes avant de recevoir du gouvernement hellénique une lettre qui nous autoriserait à transmettre à cet Envoyé l'expression de ses regrets. Notre réponse fut approuvée en tous points par M. le prince de Metternich, qui s'empressa d'écrire à Athènes pour engager le gouvernement hellénique à faire droit à notre juste demande. Pourtant le cabinet d'Athènes, après que cet avis du médiateur lui eut été formellement communiqué dans les premiers jours du mois d'août, ainsi qu'il l'avoue lui-même dans son mémorandum, refusa, contre toute attente, de s'y conformer; et quoiqu'il eût été, de son propre aveu, informé le 10 du même mois, par l'intermédiaire de M. le comte de Sturmer, que s'il ne s'empressait pas de nous transmettre l'expression des regrets personnels à M. Musurus la médiation de l'Autriche serait considérée comme terminée, et que les mesures déjà annoncées seraient mises à exécution, la Sublime Porte n'en ordonna l'application que le 21, quand elle eut acquis la conviction que le ministère hellénique refusait de se conformer à l'avis du médiateur.

Dans son mémorandum, le gouvernement hellénique semble s'étonner qu'avant de procéder à l'application de ces mesures la Sublime Porte n'ait pas attendu qu'il eût reçu la réponse aux lettres qu'il avait adressées à Vienne. Mais il aurait dû sentir qu'elle n'était point tenue de subordonner sa conduite au résultat des correspondances qu'il croyait devoir entamer encore, lorsqu'elle venait de lui notifier que la médiation de l'Autriche était considérée comme terminée. Elle était d'autant plus intéressée à mettre fin aux lenteurs qu'il n'avait cessé d'opposer, qu'il venait d'insérer dans le discours d'ouverture des chambres un paragraphe relatif au différend et propre à provoquer de nouvelles complications.

Après avoir complété notre réponse au mémorandum hellénique, nous croyons de notre devoir de signaler que ce document, envisagé au point de vue de la pensée qui a dicté sa rédaction, est d'une haute importance aux yeux de la Sublime Porte, en ce qu'elle y puise la conviction que le cabinet d'Athènes a

résolu de persister à refuser la juste satisfaction réclamée par le gouvernement impérial. Aussi sommes-nous profondément peiné d'annoncer que la Sublime Porte se voit dans la triste nécessité de poursuivre la réparation qui lui est due par de nouvelles mesures, qui bien que plus efficaces n'en seront pas moins légitimes, ni moins compatibles avec sa dignité.

Sublime Porte, le 4/16 novembre 1847.

Notes diplomatiques.

Les notes diplomatiques se différencient des lettres et des mémoires plutôt par des nuances de forme que par des principes fixes de rédaction, l'objet en étant souvent le même et de même importance.

Le signataire y parle à la troisième personne; l'énonciation du caractère public dont il est revêtu y suit, en tête de l'office, la formule consacrée : Le soussigné, etc. L'agent diplomatique s'y déclare chargé par son souverain ou par le cabinet qu'il représente de transmettre telle communication, autorisé à faire part de telle réponse ou de telles mesures, etc. Il termine en saisissant cette occasion de renouveler au destinataire les assurances de sa haute considération, etc. La date se place au bas de l'office, au-dessus de la signature.

Nous abrégeons à dessein l'indication de ces formules, et nous nous dispensons d'en offrir les variantes; la lecture d'une seule de ces pièces en suppléera la fastidieuse énumération.

Plus ou moins affectueuse ou froide, ferme ou conciliante, évasive ou catégorique, selon l'objet qu'elle traite et l'intention qui la dicte, ce qui importe dans

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