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trouver plus longtemps dans la violation de ses promesses le moyen d'assurer paisiblement sa prospérité et de se procurer d'immenses bénéfices. S. M. l'empereur, mon maître, désirant changer un ordre de choses aussi opposé au système adopté par la presque totalité de l'Europe, m'a formellement chargé de presser, par les plus vives instances, S. M. Suédoise de déclarer la guerre à l'Angleterre ; d'ordonner en même temps la saisie des bâtiments anglais dans tous les ports, ainsi que la confiscation des denrées et marchandises anglaises ou coloniales partout où elles se trouveront, et sous quelque pavillon qu'elles aient été importées, contre la teneur du traité, et postérieurement à la déclaration du roi qui interdisait ses États au commerce britannique. Je dois de plus déclarer à V. Exc. que S. M. I. et R. attache une telle importance aux propositions que je viens d'énoncer en son nom qu'elle m'ordonne expressément, dans le cas où le roi ne jugerait pas à propos d'y consentir pleinement et sans restriction, de me retirer sans prendre congé, cinq jours après la date de la dépêche que j'ai l'honneur d'adresser à V. Exc.

Je prie V. Exc. d'agréer l'assurance de ma haute considération. Le baron Alquier.

Stockholm, le 13 novembre 1810.

Réponse du ministre des affaires étrangères de Suède à la lettre précédente.

Monsieur,

J'ai mis sous les yeux du roi la lettre que vous m'avez adressée en date du 13 de ce mois, et c'est par ordre exprès de S. M. que j'ai l'honneur de vous répondre ici que le roi, accoutumé à remplir avec exactitude toutes les obligations qu'il a contractées, a agi envers la France avec sa loyauté ordinaire : il ne s'est pas permis d'expliquer le traité de Paris, il a voulu qu'il fût observé par ses sujets selon sa teneur littérale. Le traité a été publié pour leur servir de règle; aucune permission n'a été donnée, comme vous paraissez le croire.

Le gouvernement suédois a fait cesser toute communication avec

l'Angleterre; les comptoirs de postes de la Suède ne reçoivent aucunes lettres venues de ce pays et n'y font aucune expédition.

Aucun paquebot anglais n'entre dans un port de la Suède qui se trouve sous sa surveillance. Il est pourtant très-possible que des communications puissent avoir eu lieu par fraude, et par conséquent à l'insu du gouvernement. Les côtes de la Suède sont d'une si grande étendue qu'il est impossible de les garder. Il faut croire que d'autres pays se trouvent dans le même cas, car nous voyons tous les jours, dans les gazettes, des nouvelles d'Angleterre arrivées par la France, et déjà, avant la paix de Paris, des lettres anglaises sont venues en Suède par l'Allemagne.

D'immenses convois ne sont assurément pas sortis des ports de la Suède pour l'Angleterre. Ce que vous appelez la rade de Gothembourg est apparemment Vingoë-Sund, éloigné de huit lieues de France du continent de la Suède, et par conséquent hors de la portée du canon. Les convois s'y assemblent parce qu'ils ne peuvent pas y être troublés. Les quinze cents bâtiments et au delà qui doivent s'être trouvés à Vingoë où sont-ils allés? assurément pas dans les ports de la Suède. S'ils ne sont pas confisqués chez nos voisins, il faut croire à la vérité des rapports qui annoncent des fraudes immenses commises chez ceux qui les mettent sur notre compte dans l'intention de nous nuire.

On n'a qu'à jeter les yeux sur la carte de Suède pour se convaincre de l'impossibilité de garder sur tous les points des côtes aussi vastes, remplies de ports et garnies d'une immense quantité d'îles toutes propres au débarquement. Si l'on parvient à en mettre une en état de défense, les Anglais s'emparent d'une autre, et tout ce qu'on peut faire est en pure perte. L'année passée, toute la puissance de l'empire russe ne fut pas en état d'éloigner les Anglais de Nargoë, île située à l'entrée du port de Rével, devant laquelle une partie de la flotte anglaise était stationnée. Il n'y a pas eu de condescendance de la part du gouvernement suédois. Il a dû souffrir ce qu'il n'était pas en état d'empêcher, n'ayant pas les moyens pécuniaires nécessaires ni les forces navales suffisantes pour éloigner les Anglais, qui sont maîtres de la mer. Si de là ils attendent et saisissent les moments d'introduire leurs denrées sur le continent, la Suède ne peut pas l'empêcher; et si cette impor

tation est partout favorisée, ce n'est pas à la Suède mais bien aux puissances continentales qu'il faut s'en prendre.

Vous me parlez, monsieur, d'immenses richesses accumulées en Suède par le commerce, et vous ne pouvez pas ignorer que l'argent de la Suède perd vingt quatre pour cent contre celui de Hambourg, et encore plus contre celui de France; et le cours du change étant l'unique échelle d'après laquelle on puisse juger du gain que fait le commerce d'un pays, je vous laisse à déterminer vous-même les avantages que la Suède a retirés du sien.

S. M. l'empereur ayant cru devoir faire de nouvelles demandes, qui donnent une plus grande extension aux traités subsistants entre la Suède et la France, et le roi mon auguste maître n'écoutant en cette occasion que ses sentiments invariables d'estime et d'amitié envers S. M. I. et R., s'est décidé à donner une nouvelle garantie de ses intentions et des principes qui le guident.

S. M. m'a en conséquence ordonné de vous annoncer, monsieur, qu'elle déclare la guerre à l'Angleterre; qu'elle ordonne la saisie des bâtiments anglais qui se trouveraient contre toute attente dans les ports de Suède; que, pour ne donner lieu à aucune imputation ultérieure touchant une connivence secrète avec la GrandeBretagne ou une introduction suivie et frauduleuse des denrées coloniales sur le continent, le roi fera renouveler de la manière la plus sévère la prohibition déjà existante contre l'introduction en Suède de denrées ou de marchandises coloniales, quels que soient leur origine et le pavillon sous lequel elles seraient apportées, et ne permettra plus, dès à présent et sans la moindre restriction, aucune exportation de Suède sur le continent des denrées ou marchandises anglaises ou coloniales. De plus, S. M. donnera les ordres nécessaires pour que, par des recherches, la totalité des denrées ou marchandises anglaises ou coloniales importées en Suède, sous quelque pavillon que ce soit, postérieurement au 24 avril de la présente année, soit constatée et mise à la disposition légale du roi.

En se portant à ces sacrifices, dont l'expérience prouvera la grandeur, le roi a principalement eu en vue son amitié constante pour S. M. l'empereur des Français, et son désir de contribuer aussi de son côté au succès du grand principe qui vient

d'être allégué contre la Suède touchant la paix maritime. Ce n'est
qu'en réunissant ses efforts à ceux du continent pour accélérer la
pacification générale que S. M. pourra justifier en partie aux yeux
de ses sujets les pertes immenses auxquelles les circonstances vont
les assujettir, et prouver à l'Europe qu'il n'a point dépendu d'elle
de voir en ce moment la paix régner sur les mers et le commerce
rendu à son indépendance primitive.

C'est avec ces sentiments que j'ai l'honneur d'être, etc.
Le baron d'Engestrohm.

Stockholm, le 18 novembre 1810.

Lettre du prince de Metternich, chancelier de cour et d'État d'Autriche, adressée de Vérone au Chargé d'affaires de l'empereur à Madrid, sur les affaires d'Espagne. (1822.)

La situation dans laquelle se trouve la monarchie espagnole, à la suite des événements qui s'y sont passés depuis deux ans, était un objet de trop haute importance pour ne pas avoir sérieusement occupé les cabinets réunis à Vérone. L'empereur, notre auguste maître, a voulu que vous fussiez informé de sa manière d'envisager cette grave question, et c'est dans ce but que je vous adresse la présente dépêche.

La révolution d'Espagne a été jugée par nous dès son origine. Selon les décrets éternels de la Providence, le bien ne peut pas plus naître, pour les États que pour les individus, de l'oubli des premiers devoirs imposés à l'homme dans l'ordre social; ce n'est pas par de coupables illusions, pervertissant l'opinion, égarant la conscience des peuples, que doit commencer l'amélioration de leur sort; et la révolte militaire ne peut jamais former la base d'un gouvernement heureux et durable.

La révolution d'Espagne, considérée sous le seul rapport de l'influence funeste qu'elle a exercée sur le royaume qui l'a subie, serait un événement digne de toute l'attention et de tout l'intérêt

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des souverains étrangers; car la prospérité ou la ruine d'un des pays les plus intéressants de l'Europe ne saurait être à leurs yeux une alternative indifférente; les ennemis seuls de ce pays, s'il pouvait en avoir, auraient le droit de regarder avec froideur les convulsions qui le déchirent. Cependant une juste répugnance à toucher aux affaires intérieures d'un État indépendant déterminerait peut-être ces souverains à ne pas se prononcer sur la situation de l'Espagne, si le mal opéré par sa révolution s'était concentré et pouvait se concentrer dans son intérieur. Mais tel n'est pas le cas cette révolution, avant même d'être parvenue à sa maturité, a provoqué déjà de grands désastres dans d'autres pays; c'est elle qui, par la contagion de ses principes et de ses exemples, et par les intrigues de ses principaux artisans, a créé les révolutions de Naples et de Piémont; c'est elle qui aurait embrasé l'Italie tout entière, menacé la France, compromis l'Allemagne, sans l'intervention des puissances qui ont préservé l'Europe de ce nouvel incendie. Partout, les funestes moyens employés en Espagne pour préparer et exécuter la révolution ont servi de modèle à ceux qui se flattaient de lui ouvrir de nouvelles conquêtes; partout la constitution espagnole est devenue le point de réunion et le cri de guerre d'une faction conjurée contre la sûreté des trônes et le repos des peuples.

Le mouvement dangereux que la révolution d'Espagne avait imprimé à tout le midi de l'Europe a mis l'Autriche dans la pénible nécessité de recourir à des mesures peu d'accord avec la marche pacifique qu'elle aurait voulu invariablement poursuivre. Elle a vu une partie de ses États entourée de séditions, cernée par des complots incendiaires, à la veille même d'être attaquée par des conspirateurs dont les premiers essais se dirigeaient contre ses frontières. Ce n'est que par de grands efforts et de grands sacrifices que l'Autriche a pu rétablir la tranquillité en Italie, et déjouer des projets dont le succès n'eût été rien moins qu'indifférent pour le sort de ses propres provinces. S. M. I. ne peut d'ailleurs que soutenir, dans les questions relatives à la révolution d'Espagne, les mêmes principes qu'elle a toujours hautement manifestés. Dans l'absence même de tout danger direct pour les peuples confiés à ses soins, l'empereur n'hésitera jamais à désa

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