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je défie qui que ce soit de me trouver en défaut. Et, si l'on me demande comment Philippe l'a emporté? tout le monde répondra pour moi: par ses armes, qui ont tout envahi; par son or, qui a tout corrompu. Il n'était pas en moi de combattre ni l'un ni l'autre ; je n'avais ni trésors, ni soldats.

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Mais, pour ce qui est de moi, j'ose dire que j'ai vaincu Philippe et comment? en refusant ses largesses, en résistant à sa corruption. Quand un homme s'est laissé acheter, l'acheteur peut dire qu'il a triomphé de lui; mais celui qui demeure incorruptible, peut dire qu'il triomphe du corrupteur. Ainsi donc, autant qu'il a dépendu de Démosthène, Athènes a été victorieuse, Athènes a été invincible."

Après avoir lu ce passage, on devine qu'Eschyne succomba dans son accusation; il fut envoyé en exil, et dut se réfugier à Rhodes: comme il allait partir, Démosthène l'obligea à recevoir une forte somme d'argent; sur quoi Eschyne s'écria: "Comment ne pas regretter une patrie où je laisse un ennemi si généreux, que je désespère de trouver ailleurs un ami qui lui ressemble!"

LA HARPE (Jean-François de),

Membre de l'Académie française, né à Paris en 1759, mort en 1803. Nous avons de cet auteur des pièces de théâtre, des Éloges et des ouvrages critiques d'un mérite distingué. Son plus beau titre de gloire est son Cours de littérature: la partie qui traite des auteurs modernes est un chef-d'œuvre d'analyse, et l'ensemble de cet ouvrage a mérité à son auteur le nom de Quintilien français.

INCENDIE DE ROME PAR LES PRÉTORIENS, SOUS MAXIME ET BALBINa.

QUAND on eut rompu les canaux qui portaient l'eau

• Maxime ou Pupien était fils d'un forgeron. L'an 236, il fut élevé à l'empire par le sénat, avec Balbin et le jeune Gordien. Maxime se préparait à porter la guerre chez les Parthes, quand la garde prétorienne se révolta et l'égorgea avec Balbin pour donner l'empire au jeune Gordien seul, l'an de J.-C. 238.-Sous le règne de ces empereurs, il s'éleva entre les soldats et le peuple une violente querelle, qu'ils n'eurent pas la force de réprimer.

dans leur camp, les Prétoriensa reconnurent aussitôt qu'il leur était impossible de se défendre derrière ces remparts où les insultes du peuple allaient toujours les assaillir, et ils se demandèrent, en regardant leurs armes, s'ils devaient attendre que la mort vînt les chercher là. Tout à coup, sans qu'aucune voix se fût élevée pour donner conseil, comme si le même péril eût inspiré à tous la même pensée, mille bras agitèrent à la fois les piques longues et pesantes, et un cri unanime et furieux se fit entendre jusqu'au forum: "Hors des portes! Hors des portes!" Et, en même temps, rangés en bon ordre sous la conduite de leurs chefs, ils s'avancèrent, d'un pas rapide et régulier, contre le peuple qui fit d'abord bonne contenance, et répondit, par de grandes clameurs et des coups portés au hasard, à la grêle de traits qui vint fondre sur lui. En avant de la foule, quelques gladiateurs, et, parmi eux, ce gladiateur à haute stature qui, sur tous les points de l'empire, ne manquait à aucun désordre, étalaient, avec une sorte de complaisance et de bravade, leurs formes athlétiques et leur dextérité à manier le bouclier et l'épée. D'un autre côté, Gallicanus b et quelques autres sénateurs, qui avaient poussé le peuple dans cette entreprise, et qui faisaient parade d'unir leurs intérêts aux siens, parcouraient les groupes avec des paroles tour à tour violentes et flatteuses, et des promesses qui ne donnaient à cette masse turbulente ni courage ni discipline. Aussi le premier choc des Prétoriens la dispersa; et, refoulée dans les rues de Rome, le désordre de sa fuite y porta l'épouvante et le désespoir. Les Prétoriens, en effet, qui la suivaient, l'épée aux reins, et dont on avait engagé si maladroitement l'existence dans cette lutte, justifiaient amplement ces terreurs par l'horrible carnage que faisaient leurs armes de toute cette populace, qui n'était plus là fuyant et tournant le dos, que pour se laisser tailler

Prétoriens. Troupes qui formaient la garde de l'empereur. Ils se rendirent bientôt tout-puissants, firent et défirent les empereurs à leur gré; ils allèrent même jusqu'à mettre l'empire à l'encan.

Gallicanus, consul, natif de Carthage, excita une violente sédition dans Rome sous Maxime et Balbin, et excita le peuple à assiéger les Prétoriens dans leur camp.

en pièces. Ils reprenaient leur pouvoir d'assaut, et Rome avait tout à redouter d'être emportée ainsi de vive force. Aussi la population entière, qui s'était précipitée dans toutes les avenues, qui avait envahi toutes les maisons dont les portes avaient pu être forcées, dès qu'elle se vit hors d'atteinte de leurs lances, retrouva son courage avec sa haine, et, du haut des terrasses, des galeries, de toutes les ouvertures pratiquées sur les rues, où les cohortes étaient engagées, elle fit pleuvoir tout à coup des pierres, des meubles en débris, d'énormes poutres, et tout ce dont le désespoir armait ses mains infatigables.

Les Prétoriens, étonnés, lèvent la tête avec une dédaigneuse fureur, et entendent le peuple rugir de joie, alors que quelques-uns des leurs tombent accablés sous quelques débris: des deux côtés de la voie Appienne, c'est la même défense, ce sont les mêmes insultes, les mêmes dangers; ils regardent avec horreur les blessures que n'a point faites le fer d'une lance ou d'une flèche, et répondent par des imprécations aux coups qui les atteignent de si loin.

Mais un soldat gaulois, qui a vu son camarade renversé à côté de lui, sous une large dalle, lancée du haut d'un toit, fait un saut en arrière, et, saisissant, au coin d'un palais, quelques brins de foin qui avaient servi de couche à un malheureux Juif: "S'ils combattent comme des renards," s'écrie-t-il, "enfumons-les dans leurs tannières." Et, se précipitant dans un vestibule enfoncé, où brûlait une lampe en l'honneur d'un dieu lareb, il y allume le brandon

a Voie Appienne. La plus célèbre de toutes les voies romaines; elle fut construite par le censeur Claudius, l'an de Rome 442. Elle sortait de Rome par la porte Capène et s'étendait jusqu'à Brindes, à l'extrémité de l'Italie (365 milles). De chaque côté il y avait de superbes trottoirs, et le pavé était de pierres très-dures parfaitement jointes sans aucun ciment.

b Les dieux Lares étaient les dieux domestiques, les dieux du foyer, protecteurs de chaque maison et de chaque famille. Aussi les représentait-on quelquefois sous la figure de deux chiens; c'est de là que nous viennent nos chenets, autrefois chiennets, qui dans l'origine avaient deux petits chiens pour ornement.

Chenet (en anglais dog ou dog-iron), est un ustensile de cuisine et de chambre qu'on place par paire dans les cheminées, pour élever le bois et le faire brûler plus facilement.

qu'il agite, le montre à ses compagnons qui applaudissent, et pénètre dans la maison qu'il livre de tous côtés à la flamme. "Le feu! le feu!" répètent aussitôt les Prétoriens; et, se saisissant des débris de meubles et de toitures dont les rues sont encombrées, ils en font des monceaux sous les portiques des palais, et y mettent le feu, qu'ils attisent en vomissant d'horribles menaces contre un ennemi qui les force à ce genre de combat.

Ce fut un effrayant spectacle, sitôt que la fumée monta au faîte des maisons, de voir cette multitude qui s'y trouvait amoncelée, se regarder avec étonnement, s'interroger, pâlir et pousser enfin d'affreux gémissements à chaque jet de flammes qui, se faisant jour1 à travers les ouvertures que ses propres mains avaient pratiquées, lui montraient dans toute son horreur le danger qui la pressait. Où fuir? Où se sauver? Dans les maisons, le dévorant incendie; dans les rues, les lances prétoriennes. On courait en foule sur les toits des palais, où la flamme ne s'était pas encore montrée; et les flèches des soldats lancées contre une masse qui ne se cachait plus à leurs coups, car elle avait changé d'ennemi, harcelaient et décimaient cette foule, à laquelle ne restait plus aucun refuge. Pour comble de malheur, un vent furieux, qui soufflait du même côté que celui par lequel s'avançaient les cohortes, vint s'emparer tout à coup du désastre qu'elles avaient commencé, et, poussant l'incendie de maison en maison, semblait s'acharner à son tour, avec ses nuages de flamme, contre ces misérables dont la moitié était ensevelie sous les décombres embrasés.

C'était un des plus beaux quartiers de Rome, celui de la Subarra; c'eût été dans les provinces une ville entière, tant il y avait de palais et de temples. Les temples surtout étaient encombrés de peuple; mais l'incendie ne respectait rien, et les malheureux qu'il venait saisir au pied des autels, y succombaient avec la douleur de douter de leurs dieux. Aussi, dans toute sa vaste enceinte, la grande Rome fut frappée d'une soudaine terreur, au bruit effroyable qui partait de ce quartier désolé; car les lamentations, les cris de rage, les écroulements des toitures, les

sifflements de la flamme et des vents, les vociférations des soldats barbares, les hurlements des bêtes du cirque, que l'ardeur de l'embrasement épouvantait, se confondaient en un seul cri, comme celui d'un volcan qui éclate; et les vieillards se demandaient, en fuyant à travers la campagne, si Rome était livrée aux Scythes et aux Sarmates, ou s'il y avait, en haut de quelque tour, un empereur qui, une harpe d'or à la main, eût de nouveau besoin de s'inspirer à l'horreur d'un tel spectacle. ALEXANDRE Guiraud.

ALEXANDRE GUIRAUD (le baron),

Né en 1788, mort en 1847. Poëte dramatique et membre de l'Académie française.

COMBAT D'UN GLADIATEUR CONTRE UN TIGRE DANS UN AMPHITHÉÂTRE D'ALEXANDRIE.

On avait établi, selon l'usage, surtout sous le ciel d'Afrique, au haut des gradins, des poteaux surmontés de piques dorées, auxquels étaient attachées des voiles de pourpre retenues par des nœuds de soie et d'or. Ces voiles étendues formaient, au-dessus des spectateurs, une vaste tente circulaire, dont les reflets éclatants donnaient à tous ces visages africains une teinte animée, en parfaite harmonie avec leur expression vive et passionnée. Au-dessus de l'arène, le ciel était libre et vide, et des flots de lumière qui en descendaient, comme par la coupole, dans le Panthéon d'Agrippa, se répandaient largement de tous côtés,

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Quelqu'un ayant dit en présence de Néron: "Que le monde brûle quand je serai mort," il répliqua : "Qu'il brûle et que je le voie." En effet, peu de temps après, l'an 64 de J.-C., il fit mettre le feu aux quatre coins de Rome. L'incendie dura neuf jours. Dix quartiers de la ville et les plus beaux monuments de l'antiquité furent réduits en cendres. Néron monta sur une haute tour pour jouir plus à son aise de cet affreux spectacle.

Alexandrie, grande ville de l'Égypte sur le bord de la mer, à l'ouest du Delta. Elle fut, sous les Césars, la seconde ville de l'empire romain : sa population, sous Auguste, était de 900,000 âmes. La situation en était si heureuse qu'elle fut jusqu'au 7e siècle le centre du monde et le siége principal de la littérature et des beaux-arts.

Le Panthéon d'Agrippa, un des édifices les plus magnifiques et les plus célèbres de Rome. Il fut construit après la bataille d'Actium dans

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