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l'horizon. Tous ces phénomènes, et beaucoup d'autres encore que je m'abstiens d'indiquer ici, quelque merveilleux qu'ils puissent paraître, n'en sont pas moins de la plus incontestable vérité. D'ailleurs ils ont été plus d'une fois décrits par les voyageurs de la véracité la moins suspecte, et je les ai moi-même presque tous observés en différentes parties des mers.

PÉRON. Voyages aux terres australes.

PERON (François),

Né en 1775, et mort en 1810. Principaux ouvrages: Voyages; Mémoires sur l'histoire naturelle; etc.

LA CATARACTE DE NIAGARA.

Nous arrivâmes bientôt au bord de la cataracte, qui s'annonçait par d'affreux mugissements. Elle est formée par la rivière Niagara, qui sort du lac Érié, et se jette dans le lac Ontario; sa hauteur perpendiculaire est de cent quarante-quatre pieds: depuis le lac Érié jusqu'au saut, le fleuve arrive toujours en déclinant par une pente rapide; et, au moment de la chute, c'est moins un fleuve qu'une mer, dont les torrents se pressent à la bouche béante' d'un gouffre. La cataracte se divise en deux branches, et se courbe en fer à cheval. Entre les deux chutes s'avance une île, creusée2 en dessous, qui pend, avec tous ses arbres, sur le chaos des ondes. La masse du fleuve, qui se précipite au midi, s'arrondit en un vaste cylindre, puis se déroule en nappe3 de neige, et brille au soleil de toutes les couleurs celle qui tombe au levant1, descend dans une ombre effrayante; on dirait une colonne d'eau du déluge. Mille arcs-en-ciel se courbent et se croisent sur l'abîme. L'onde, frappant le roc ébranlé, rejaillit en tourbillons d'écume qui s'élèvent au-dessus des forêts, comme les fumées d'un vaste embrasement. Des pins, des noyers sauvages, des rochers taillés en forme de fantômes, décorent la scène. Des aigles, entraînés par le courant d'air, descendent en tournoyant au fond du gouffre, et des car

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cajouxa se suspendent par leurs longues queues au bout d'une branche abaissée, pour saisir dans l'abîme les cadavres brisés des élans' et des ours.

CHÂTEAUBRIAND. (Voyez la page 63.)·

RUINES DES MONUMENTS GRECS.

L'INSOUCIANCE des Turcs a fait plus de tort aux arts que la lime du temps. Ils ne se donnent pas la peine de tailler des pierres, ils démolissent de superbes édifices antiques, et se servent des matériaux pour construire des baraques. J'ai vu les ruines d'un temple de la plus riche architecture, des blocs de granit, des marbres précieux, des bas-reliefs et des ornements du plus beau fini, servir à construire une digue grossière qui détournait les eaux d'un ruisseau pour faire tourner les roues d'un misérable moulin en bois. Ailleurs, ce sont des colonnes de tous ordres, arrachées à divers monuments pour servir de soutien au comble' d'une écurie. Ici, c'est un autel qu'on a creusé en forme de mortier, qui sert à dépouiller le grain de son enveloppe ; un tombeau antique dont on a brisé le fond, formera la margelle' d'un puits, et un autre servira d'auge3 où les troupeaux viendront s'abreuver; une statue qui par sa masse ne peut être déplacée, sera défigurée par les coups de la lance des fanatiques sectateurs du Koranb qui proscrit toute représentation humaine. L'on trouvera enfin dans un atelier de sculpteur, ou plutôt d'un barbare fabricant de tombeaux, des marbres dont il s'efforce d'effacer les inscriptions précieuses pour l'histoire de l'antiquité, et cela pour y substituer l'épitaphe d'un obscur descendant de Mahomet. On ne peut faire un pas sans gémir de voir dénaturer ces restes vénérables, et disparaître en un instant le témoignage de tant de siècles de gloire.

CASTELLAN. Lettres sur la Morée.

Carcajou ou glouton, quadrupède très-rusé qui se trouve dans les grandes forêts du Nord.

Koran ou Coran. Le livre qui contient la loi de Mahomet.

CASTELLAN (Antoine-Laurent),

Né en 1772, et inort en 1838. On a de lui des lettres sur la Morée, la Grèce, l'Hellespont, etc.

L'AMOUR MATERNEL.

TOUT Paris se souvient de cette nuit désastreuse qui fut si funeste à l'amour maternel. Un ambassadeur d'Allemagne faisait célébrer le mariage d'un illustre conquéranta; mille flambeaux éclairaient un palais magique élevé avec autant de célérité que d'imprévoyance'. Tous les arts avaient uni leurs merveilles pour enchanter ce beau lieu; les colonnes étaient couvertes de festons, de guirlandes, de chiffres enlacés2, et autres ornements symboliques, auxquels un vernis combustible avait imprimé les plus fraîches couleurs. Qui eût cru que les larmes étaient si près de la joie? Un torrent de feu naquit3 d'une simple étincelle, et enveloppa en un instant cette belle enceinte où tant de familles réunies se livraient à l'innocent plaisir de la danse. Des cris sinistres, les gémissements prolongés de la douleur succédèrent tout à coup au son des instruments qui avaient donné le signal de la fête; les voûtes de l'édifice tremblaient, et déjà plusieurs victimes étaient écrasées. Le peu d'eau que l'on jetait à la hâte ne faisait que nourrir ce vaste embrasement; tout s'engloutissait dans ce gouffre dévorateur. On s'embarrassait dans la fuite; mais ce qu'il y avait de plus touchant au milieu de ces scènes d'horreur et de désespoir, c'est le courage sublime d'une multitude de femmes, pâles, échevelées, s'élançant au milieu des flammes et disputant leurs filles à l'horrible

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Napoléon. La célébration du mariage de Napoléon et de MarieLouise eut lieu à Saint-Cloud le 1er avril 1810. C'est le 1er juillet suivant que l'ambassadeur d'Autriche à la cour de France, le prince de Schwarzenberg, donna à Paris une fête à l'empereur et à l'impératrice, à l'occasion de cette solennité. Cette fête fut troublée par un horrible incendie qui consuma la salle. Plusieurs personnes y périrent, et de ce nombre furent la princesse Pauline d'Aremberg, belle-sœur de l'ambassadeur, et la princesse de Leyen. Mères dévouées, elles trouvèrent la mort en voulant sauver leurs enfants!

incendie. Toutes les craintes personnelles s'évanouissaient devant les intérêts sacrés de la maternité malheureuse. En quelques minutes, ce théâtre d'allégresse fut converti en un monceau de cendres. Une princesse adorée y perdit la vie; et le lendemain, quand on fouilla les décombres, on trouva le cadavre d'une autre mère, qui tenait le corps de son enfant étroitement embrassé10; non loin d'elle, on apercevait les fragments d'un collier, des bracelets, des pierreries, quelques diamants épargnés par le feu, et autres ornements, tristes restes de la vanité humaine, dont la vue affligeait les regards, en rappelant à l'âme contristée la futilité de nos biens et la fragilité de notre nature.

ALIBERT (Jean-Louis),

ALIBERT.

Né en 1775, et mort en 1837. Principaux ouvrages: Éloges historiques; Physiologie des passions; La dispute des fleurs; etc.

EFFET PITTORESQUE DES RUINES DE PALMYRE,
D'ÉGYPTE, ETC.

LES ruines, considérées sous les rapports pittoresques, sont d'une ordonnance plus magique dans un tableau que le monument frais et entier. Dans les temples que les siècles n'ont point percés, les murs masquent une partie du paysage, et empêchent qu'on ne distingue les colonnades et les cintres de l'édifice; mais, quand ces temples viennent à crouler, il ne reste que des masses isolées, entre lesquelles l'œil découvre au haut et au loin les astres, les nues, les forêts, les fleuves, les montagnes: alors, par un jeu naturel de l'optique, les horizons reculent, et les galeries, suspendues en l'air, se découpent sur les fonds1 du ciel et de la Ces beaux effets n'ont pas été inconnus des anciens ; ils élevaient des cirques sans masses pleines pour laisser un libre accès à toutes les illusions de la perspective.

terre.

Les ruines ont ensuite des accords particuliers avec leurs déserts, selon le style de leur architecture, les lieux où elles se trouvent placées, et les règnes de la nature, au méridien qu'elles occupent.

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Dans les pays chauds, peu favorables aux herbes et aux mousses, elles sont privées de ces graminées qui décorent nos châteaux et nos vieilles tours; mais aussi de plus grands végétaux se marient aux plus grandes formes de leur architecture. À Palmyre, le dattier fend les têtes d'hommes et de lions qui soutiennent les chapiteaux du temple du Soleil. Le palmier remplace de sa colonne la colonne tombée; et le pêcher, que les anciens consacraient à Harpocratea, s'élève dans la retraite du silence. On y voit une espèce d'arbre dont le feuillage échevelé1, et les fruits en cristaux, forment, avec les débris pendants, de beaux accords de tristesse. Une caravane, arrêtée dans ces déserts, y multiplie les effets pittoresques. Le costume oriental allie bien sa noblesse à la noblesse de ces ruines; et les chameaux et les dromadaires semblent en accroître les dimensions, lorsque, couchés entre de grands fragments de maçonnerie, ces énormes animaux ne laissent voir que leurs têtes fauvess et leurs dos bossus.

Les ruines changent de caractère en Égypte; souvent elles étalent, dans un petit espace, toutes les sortes d'architecture et toutes sortes de souvenirs. Le sphinx et les colonnes du vieux style égyptien s'élèvent auprès de l'élé gante colonne corinthienne. Un morceau d'ordre toscan s'unit à une tour arabesque. D'innombrables débris sont roulés dans le Nil, enterrés dans le sol, cachés sous l'herbe : des champs de fèves, des rizières", des plaines de trèfles, s'étendent à l'entour. Quelquefois des nuages, jetés en ondes sur les flancs des ruines, les partagent en deux moitiés: le chacal, monté sur un piédestal vide, allonge son museau de loup derrière le buste d'un Panc à téte de bélier la gazelle, l'autruche, l'ibis 10d, la gerboiselle, sautent

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Harpocrate, dieu du silence.

En sculpture, sphinx se dit d'une figure qui a le visage et la partie supérieure du corps d'une femme, et le reste du corps d'un lion. Pan, dieu des campagnes, des troupeaux, et particulièrement des bergers.

C

L'ibis est un oiseau d'Égypte.

Gerboise. Genre de mammifères rongeurs qui ont es pattes de devant fort courtes, et dont la queue est garnie de longs poils à son extrémité.

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