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De la réunion de cent années, on a formé le siècle, la plus longue période employée jusqu'ici dans la mesure du tems: car l'intervalle qui nous sépare des plus anciens évènemens connus n'en exige pas encore de plus grande.

C'est le roi de France, Charles IX, qui a fixé le commencement de l'année au 1er janvier. (Voyez ↳ août.) Auparavant l'année ne commençoit qu'après la bénédiction du cierge pascal, sur lequel on mettoit une inscription qui marquoit l'année de Jésus-Christ.

ÉTRENNES ET SOUHAITS POUR LA BONNE ANNÉE.

Nonius Marcellus en rapporte, sous les Romains, l'origine à Tatius, roi des Sabins, qui régna dans Rome conjointement avec Romulus, et qui, ayant regardé comme un bon augure le présent qu'on lui fit le premier jour de l'an de quelques branches coupées dans un bois consacré à Strenua, déesse de la force, autorisa cette coutume dans la suite, et donna à ces présens le nom de Strence.

Depuis ce tems, les Romains se faisoient, réciproquement, des présens de figues, de dattes de palmier, de miel, pour témoigner à leurs amis, qu'ils leur souhaitoient une année douce et agréable. Les cliens portoient ces sortes d'étrennes à leurs patrons, et y joignoient une petite pièce d'argent."

Mais pourquoi dans ces jours tous ces nouveaux souhaits,
Priere tour-à-tour et donnée et rendue,

Dont chacun à l'envi s'aborde et se salue?
« Il est, me dit Janus, sur son bâton penché,
» Au jour premier de l'an un auspice attaché ;
» L'oiseau le premier vu détermine l'augure,
Et de son premier cri la prophétie est sûre,

» Les temples sont ouverts en ces jours solennels,
» Et l'oreille des dieux écoute les mortels. »

Que veut dire la figue et la datte ridée,
Et ce miel que l'on donne? ...

« C'est un emblème, un vœu que l'an coule toujours

par

» Avec cette douceur qui commence son cours. » Je conçois la raison de ces dons qu'on s'envoie : Le bonheur est un miel. Mais l'argent, la monnoie, A quoi bon? « Si tu crois le miel plus doux que l'or, » Oh combien de ton siècle es-tu donc loin encor! » (Traduction des Fastes d'Ovide, DESAINTANGE. ) Sous l'empire d'Auguste, le sénat, les chevaliers et le peuple lui présentoient des étrennes, et, en son absence, ils les déposoient au Capitole; mais le produit de ces présens étoit employé à acheter des statues de quelques divinités, l'empereur ne voulant pas appliquer à son profit les libéralités de ses sujets. Parmi ses successeurs, les uns adoptèrent cette coutume, d'autres l'abolirent ; mais elle subsista toujours entre les particuliers.

Les premiers Chrétiens la désapprouvèrent, parce qu'elle rappeloit les cérémonies du paganisme; mais depuis qu'elle n'a eu pour but que d'être un témoignage d'amitié, d'estime ou de respect, l'Eglise a cessé de la condamner.

L'an 1640, le 1 janvier, Etrennes de M. de Montausier, à Julie d'Angennes de Rambouillet, depuis duchesse de Montausier, et gouvernante des enfans de France.

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Jamais, dit le savant Huet, évêque d'Avranches, » l'amour n'a inventé de galanterie plus ingénieuse,

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plus polie et plus nouvelle que la Guirlande de

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Julie, dont le duc de Montausier régala Julie d'Angennes, au premier jour de l'an, lorsqu'il la » recherchoit en mariage. Il fit peindre séparément » en miniature toutes les plus belles fleurs par un » excellent peintre, sur des morceaux de vélin de » même grandeur; il fit ménager, au bas de chaque » figure, assez d'espace pour y faire écrire un madrigal sur le sujet de la fleur qui y étoit peinte, et à la » louange de Julie; il pria les beaux-esprits de ce temps-là, qui presque tous étoient de ses amis, de » se charger de la composition de ces pièces, après » s'en être réservé la meilleure partie ; il fit écrire au » bas de chaque fleur son madrigal par un homme qui avoit beaucoup de réputation alors pour la » beauté de son écriture; il fit ensuite relier tout cela magnifiquement; il en fit faire deux exemplaires tout pareils, et fit enfermer chacun dans un sac de - peau d'Espagne : voilà le présent que Julie trouva

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» à son réveil, sur sa toilette, le premier jour de ⚫ l'année 1633, ou 1634; car ce fut peu de temps » après la mort de Gustave, roi de Suède. Je re» marque cette époque, parce qu'elle s'y trouve mar

quée dans la Couronne Impériale, qui est une des » fleurs de cette Guirlande. Comme je la connoissois fort de réputation, j'avois demandé souvent à la » voir, et souvent elle m'avoit été promise. Mais enfin

madame la duchesse d'Uzès a bien voulu me donner ce plaisir. Elle m'enferma sous la clef, dans » son cabinet, une après-dînée, au sortir de table, » avec la Guirlande; elle alla ensuite chez la reine, » et ne vint me mettre en liberté qu'aux approches de » la nuit.

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M. de Montausier au madrigal de Chapelain, le ma drigal de Desmarets sur la Violette, et qui fait partie de la Guirlande de Julie, est le seul qu'on ait retenu ; le voici :

Modeste en ma conleur, modeste en mon séjour,
Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe;
Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe.

A la mort de madame de Montausier, le manuscrit de la Guirlande de Julie resta dans les mains de M. de Montausier; après lui, il passa à la duchesse d'Uzès, sa fille. Lorsqu'elle mourut, il fut vendu par ses héritiers à un particulier qui l'acheta quinze louis d'or, valant 200 livres. Ce particulier le revendit à un M. Moreau, premier valet de chambre du duc do Bourgogne, qui en fit présent à madame de Guignières. A sa mort, il passa entre les mains du chevalier de B..... Il fut acheté en 1726 à la vente des livres de ce chevalier, par l'abbé de Rothelin, qui le donna, quelque tems après à M. de Boze. M. de Cotte l'acheta des héritiers de M. de Boze, avec une partie de sa bibliothèque, et le céda à M. Gaignat, à la vente duquel il fut acheté 780 livres par M. de la Vallière. M. Payne, libraire de Londres, l'a payé à la vente de ce dernier, 14,510 livres.

- Le 1 janvier 1675, Mad. de Thianges donna en étrennes à M. le duc du Maine, une chambre toute dorée. Au-dessus de la porte, il y avoit en grosses lettres Chambre du Sublime; au-dedans, un lit et un balustre, avec un grand fauteuil dans lequel étoit assis M. le duc du Maine, fait en cire,

fort ressemblant; auprès de lui, M. de la Rochefoucauld auquel il donnoit des vers pour les examiner ; autour du fauteuil, M. de Marcillac, et Bossuet alors évêque de Condom; à l'autre bout de l'alcove, Mad. de Thianges et Mad. de la Fayette lisoient des vers ensemble; en dehors du balustre, Despréaux, armé d'une fourche, empêchoit sept-ou huit méchans poètes d'approcher. Racine étoit près de son ami, et un peu plus loin La Fontaine, auquel il faisoit signe d'approcher. Toutes ces figures étoient de cire; et chacun de ceux qu'elles représentoient avoit donné la sienne.

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- Le cardinal Dubois avoit un intendant dont les friponneries lui étoient connues. Au jour de l'an, cet intendant venoit rendre ses devoirs à son maître lieu de lui donner des étrennes comme aux autres personnes attachées à son service, le cardinal se contentoit de lui dire: Monsieur, je vous donne ce que » vous m'avez volé.» L'intendant faisoit une profonde révérence, et se retiroit.

Fontenelle, qui écrivoit tous les ans au cardinal de Fleury, à l'occasion de la nouvelle année, lui écrivit le 1er janvier 1727, la lettre suivante :

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MONSEIGNEUR,

» Parmi toutes vos dignités, il vous en manque une dont je suis revêtu, moi; et, comme je suis bon Français, je vous la souhaite de tout mon cœur bien entendu pourtant que j'en jouirai long-tems » encore, aussi bien que quelques successeurs que D j'aurai.

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Je suis avec un profond respect, etc. »

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