Au moins ne dites mot du choix de cet époux; SCENE IX. ARISTE, CHRYSALE. ARISTE. He bien ? la femme sort, mon frere, et je vois bien Que vous venez d'avoir ensemble un entretien. Oui. CHRYSALE. ARISTE. Quel est le succès ? Aurons-nous Henriette ? A-t-elle consenti? L'affaire est-elle faite ? C'est que pour gendre elle m'offre un autre homme. ARISTE. Un autre homme pour gendre? CHRYSALE. Un autre. ARISTE. Qui se nomme? Monsieur Trissotin. CHRYSALE. ARISTE. Quoi! ce monsieur Trissotin... CHRYSALE. Oui, qui parle toujours de vers et de latin. Vous l'avez accepté ? ARISTE, CHRYSALE. Moi! point. A Dieu ne plaise ! ARISTE. Qu'avez-vous répondu ? CHRYSALE. Rien; et je suis bien aise De n'avoir point parlé, pour ne m'engager pas. ARISTE. La raison est fort belle; et c'est faire un grand pas! Avez-vous su du moins lui proposer Clitandre? CHRYSALE, Non; car comme j'ai vu qu'on parloit d'autre gendre, J'ai cru qu'il étoit mieux de ne m'avancer point. ARISTE. Certes, votre prudence est rare au dernier point! CHRYSALE. Mon dieu! vous en parlez, mon frere, bien à l'aise, Pour peu que l'on s'oppose à ce que veut sa tête, On en a pour huit jours d'effroyable tempête. Elle me fait trembler dès qu'elle prend son ton; Je ne sais où me mettre, et c'est un vrai dragon; "Et cependant, avec toute sa diablerie, Il faut que je l'appelle et mon cœur et ma mie. ARISTE. Allez, c'est se moquer. Votre femme, entre nous, Son pouvoir n'est fondé que sur votre foiblesse ; Quoi! vous ne pouvez pas, voyant comme on vous nomme, Vous résoudre une fois à vouloir être un homme, Et prendre assez de cœur pour dire un Je le veux ? Pour six mots de latin qu'il leur fait sonner haut; Et votre lâcheté mérite qu'on en rie. CHRYSALE. Oui, vous avez raison, et je vois que j'ai tort. Mon frere. ARISTE. C'est bien dit. CHRYSALE. C'est une chose infâme Et je lui veux faire aujourd'hui connoître Que ma fille est ma fille, et que j'en suis le maître, Pour lui prendre un mari qui soit selon mes vœux. ARISTE. Vous voilà, raisonnable, et comme je vous veux. CHRYSALE. Vous êtes pour Clitandre, et savez sa demeure; ARISTE. J'y cours tout de ce pas. CHRYSALE. C'est souffrir trop long-temps; Et je m'en vais être homme, à la barbe des gens. FIN DE SECOND ACTE. ACTE TROISIEME. SCENE I. PHILAMINTE, ARMANDE, BÉLISE, TRISSOTIN, LÉPINE. PHILAMINTE. AH! mettons-nous ici pour écouter à l'aise Je brûle de les voir. ARMANDE. BÉLISE. Et l'on s'en meurt chez nous. PHILAMINTE, à Trissotin. Ce sont charmes pour moi, que ce qui part de vous, ARMANDE. Ce m'est une douceur à nulle autre pareille, BÉLISE. Ce sont repas friands qu'on donne à mon oreille. A notre impatience offrez votre épigramme. Hélas! c'est un enfant tout nouveau-né, madame. |