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Une mere a sur nous une entiere puissance;
Et vous croyez en vain, par votre résistance...

SCENE VIII.

CHRYSALE, ARISTE, CLITANDRE,
HENRIETTE, ARMANDE.

CHRYSALE, à Henriette, lui présentant Clitandre.
Allons, ma fille, il faut approuver mon dessein.
Otez ce gant. Touchez à monsieur dans la main,
Et le considérez désormais dans votre ame

En homme dont je veux que vous soyez la femme.

ARMANDE.

De ce côté, ma sœur, vos penchants sont fort grands.

HENRIETTE.

Il nous faut obéir, ma sœur, à nos parents;

Un

pere a sur nos vœux une entiere puissance.

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Je dis que j'appréhende fort Qu'ici ma mere et vous ne soyez pas d'accord; Et c'est un autre époux...

CHRYSALE.

Taisez-vous, péronnelle; Allez philosopher tout le soul avec elle, Et de mes actions ne vous mêlez en rien. Dites-lui ma pensée, et l'avertissez bien Qu'elle ne vienne pas m'échauffer les oreilles. Allons vite.

SCENE IX.

CHRYSALE, ARISTE, HENRIETTE, CLITANDRE.

ARISTE.

Fort bien. Vous faites des merveilles.

CLITANDRE.

Quel transport! quelle joie! Ah! que mon sort est doux!

CHRYSALE, à Clitandre.

Allons, prenez sa main, et passez devant nous; Menez-la dans sa chambre. Ah! les douces caresses! (à Ariste.)

Tenez, mon cœur s'émeut à toutes ces tendresses: Cela ragaillardit tout-à-fait mes vieux jours;

Et je me ressouviens de mes jeunes amours.

FIN DU TROISIEME ACTE.

ACTE QUATRIEME

SCENE I.

PHILAMINTE, ARMANDE.

ARMANDE.

Oui, rien n'a retenu son esprit en balance;

Elle a fait vanité de son obéissance.

Son cœur, pour se livrer, à peine devant moi
S'est-il donné le temps d'en recevoir la loi,
Et sembloit suivre moins les volontés d'un pere,
Qu'affecter de braver les ordres d'une mere..

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Je lui montrerai bien aux lois de qui des deux Les droits de la raison soumettent tous ses vœux, Et qui doit gouverner, ou sa mere ou son pere, Ou l'esprit ou le corps, la forme ou la matiere.

ARMANDE.

On vous en devoit bien, au moins, un compliment;
Et ce petit monsieur en use étrangement
De vouloir, malgré vous, devenir votre gendre.

PHILAMINTE.

Il n'en est pas encore où son cœur peut prétendre.
Je le trouvois bien fait, et j'aimois vos amours;
Mais, dans ses procédés, il m'a déplu toujours.
Il sait que, Dieu merci, je me mêle d'écrire;
Et jamais il ne m'a prié de lui rien lire.

SCENE II.

CLITANDRE, entrant doucement, et écoutant sans se montrer; ARMANDE, PHILAMINTE.

ARMANDE.

Je ne souffrirois point, si

si j'étois que

de vous,

Que jamais d'Henriette il pût être l'époux.
On me feroit grand tort d'avoir quelque pensée
Que là-dessus je parle en fille intéressée,

Et que le lâche tour que l'on voit qu'il me fait
Jette au fond de mon cœur quelque dépit secret.
Contre de pareils coups l'ame se fortifie

Du solide secours de la philosophie,

Et

par elle on se peut mettre au-dessus de tout. Mais vous traiter ainsi, c'est vous pousser à bout. Il est de votre honneur d'être à ses vœux contraire; Et c'est un homme enfin qui ne doit point vous plaire. Jamais je n'ai connu, discourant entre nous, Qu'il eût au fond du cœur de l'estime pour vous.

Petit sot!

PHILAMINTE.

ARMANDE.

Quelque bruit que votre gloire fasse,

Toujours à vous louer il a paru de glace.

Le brutal!

PHILAMINTE.

ARMANDE.

Et vingt fois, comme ouvrages nouveaux, J'ai lu des vers de vous qu'il n'a point trouvés beaux.

PHILAMINTE.

L'impertinent!

ARMANDE.

Souvent nous en étions aux prises; Et vous ne croiriez point de combien de sottises...

CLITANDRE, à Armande.

Hé! doucement, de grace. Un peu de charité, Madame, ou, tout au moins, un peu d'honnêteté. Quel mal vous ai-je fait? et quelle est mon offense Pour armer contre moi toute votre éloquence, Pour vouloir me détruire, et prendre tant de soin De me rendre odieux aux gens dont j'ai besoin ? Parlez, dites, d'où vient ce courroux effroyable? Je veux bien que madame en soit juge équitable.

ARMANDE.

Si j'avois le courroux dont on veut m'accuser,
Je trouverois assez de quoi l'autoriser;

Vous en seriez trop digne : et les premieres flammes
S'établissent des droits si sacrés sur les amer,
Qu'il faut perdre fortune, et renoncer au jour,
Plutôt que
de brûler des feux d'un autre amour.
Au changement de vœux nulle horreur ne s'égale;
Et tout cœur infidele est un monstre en morale.
CLITANDRE.

Appelez-vous, madame, une infidélité
Ce que m'a de votre ame ordonné la fierté ?
Je ne fais qu'obéir aux lois qu'elle m'impose;
Et si je vous offense, elle seule en est cause.
Vos charmes ont d'abord possédé tout mon cœur ;
Il a brûlé deux ans d'une constante ardeur;

Il n'est soins empressés, devoirs, respects, services,
Dont il ne vous ait fait d'amoureux sacrifices.

Tous mes feux, tous mes soins, ne peuvent rien sur

vous,

Je vous trouve contraire à mes vœux les plus doux; Ce que vous refusez, je l'offre au choix d'un autre. Voyez: est-ce, madame, ou ma faute, ou la vôtre ? Mon cœur court-il au change, ou si vous l'y poussez? Est-ce moi qui vous quitte? ou vous qui me chassez ?

ARMANDE.

Appelez-vous, monsieur, être à vos vœux contraire,

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