Images de page
PDF
ePub

de soupçonner. Pour connaître la témérité d'un jugement, il faut avoir égard à la nature. de l'action, aux circonstances du temps, du lieu, de la personne et surtout à ce qui porte à juger; si e'est l'orgueil, l'envie, la haine, la légèreté.

Défions-nous des raisons que nous croirions avoir de juger. Tel croit aujourd'hui ne s'être pas trompé dans son jugement, qui demain en reconnaîtra la témérité. Si nous ne pouvons justifier l'action du prochain, exeusons du moins l'intention. Si une action avait cent visages, disait un saint évêque, il faudrait toujours la regarder par le plus beau. Il vaut mieux se tromper en jugeant favorablement, que de ne point se tromper en jugeant malignement,

CAS. Titia, mère de famille très-prudente, prend toutes sortes de précautions contre ses domestiques, elle met tout sous clef. Fait

elle un péché mortel?

JUIFS.

R. Non, c'est une supposition.

Les juifs sont ceux qui, dispersés parmi toutes les nations, observent encore la loi de Moïse, et rejettent celle de l'Evangile, ne reconnaissant pas Jésus-Christ pour le vrai Messie. Les 9 et 10° titres du premier livre du Code de Justinien traitent des juifs, et nous en avons aussi un titre dans le cinquième livre des Décrétales, Dagobert et PhilippeAuguste chassèrent les juifs de France. Louis Hutin les rappela, en 1315. Le parlement de Paris défendit par un arrêt rapporté par Bouchel, tom. I, p. 751, qu'aucun chrétien ne demeurât en qualité de domestique dans les maisons des juifs qui pouvaient encore être restés secrètement à Paris, et aux juifs d'en retenir aucun chez eux : ce qui est conforme à la défense qu'en fait Alexandre III, dans cinq de ses Décrétales. Bart. Fumus taxe même de tels domestiques de péché mortel, en cas qu'il y ait danger de subversion. Il n'est pourtant pas défendu de trafiquer avec eux dans le besoin, comme il est évident par le ch. 2 de Usuris. Ils ne peuvent être pourvus d'aucune charge, dignité, ni office public; ils ne peuvent même être admis en témoignage, suivant le canon 23, II, q. 7. Il leur est défendu d'acheter aucuns fonds immeubles dans le royaume, comme l'observe Gui-Pape, qui excepte le Dauphiné. Les juifs étant avec raison mis au nombre des infidèles, on doit leur appliquer ce que nous avons dit au titre, Empêchement de la différence de religion. L'Eglise ordonne d'éviter avec soin de contracter mariage avec les juifs, d'avoir aucune familiarité avec eux; et c'est pour cela que, selon Panorme, une femme chrétienne ne peut sans péché être nourrice de l'enfant d'un juif, ni un chrétien se servir d'un médecin juif dans ses maladies.

CAS I. Un souverain a chassé les juifs de ses Etats, et a confisqué les biens qu'ils y avaient acquis par usure, L'a-t-il pu faire sans injustice?

R. Saint Thomas, Opusc. I, répond à la duchesse de Brabant qui l'avait consulté sur ce cas, qu'un prince peut bien dépouiller les juifs des biens qu'ils ont acquis par usures, mais qu'il ne peut en conscience les retenir, à mains que lui-même, ou ses prédécesseurs n'aient été contraints par le besoin de leurs affaires, de les leur payer; et qu'il est tenu de les restituer à ceux à qui ces mêmes juifs étaient obligés de les rendre. Il ajoute que si l'on ne peut connaître ceux à qui ces biens appartiennent, le prince les doit employer en de pieux usages suivant le conseil de son évêque, ou d'autres personnes de probité, ou s'en servir pour le bien public, ou l'utilité

commune.

CAS II. Quand un magistrat a justement condamné un juif à une amende pécuniaire au profit du prince, est-il, au moins en ce cas, permis au prince de se l'attribuer, lorsqu'il est certain que ce juif n'a point d'autre bien que celui qu'il a acquis par usure?

R. Non; car aucun juge ne peut adjuger le bien d'autrui à celui à qui il n'appartient pas. C'est pourquoi, puisque tout le bien de ce juif appartient à ceux de qui il a exigé des usures, le prince doit employer de telles amendes de la manière qui vient d'être marquée dans la décision précédente.

Mais parce qu'on peut objecter en faveur

du prince, que le dommage que les juifs causent à ses sujets par l'exaction des usures, retombe sur lui, en ce qu'il ne peut pas tirer d'eux autant de secours qu'il ferait, si ces exactions ne les appauvrissaient pas ; le même saint répond à cela, que le prince se doit imputer le dommage qu'il en souffre, puisqu'il n'oblige pas les juifs à travailler, comme on fait en Italie, et qu'il les laisse vivre dans l'oisiveté et dans la malheureuse pratique d'exercer l'usure. Certes, si un prince souffrait que ses sujets vécussent de brigandage et de vol, il ne pourrait se couvrir de ce prétexte pour s'attribuer les biens qu'ils auraient ainsi acquis, parce qu'il devrait impuler à son mauvais gouvernement le dommage qu'il pourrait souffrir par un tel désordre.

CAS III. Un juif, dont tout le bien ne provient que de ses usures, fait tous les ans un présent au seigneur du lieu où il est établi, afin de s'attirer sa protection. Ce seigneur peutil recevoir ce présent ?

R. Il ne peut le recevoir que dans le dessein de le donner à ceux à qui ce juif a fait injustice, supposé qu'il les connaisse, ou de l'employer en de pieux usages, ou au profit du bien public, si ces personnes ne lui sont pas connues. A moins pourtant que ces biens usuraires n'aient été donnés liberalement à ce juif par ceux de qui il les avait reçus, et à qui il aurait offert sérieusement et de bonno foi de les restituer, ainsi que l'observe le même saint Thomas.

JURER.

Jarer, c'est prendre Dieu, comme première et infaillible vérité, pour témoin de ce qu'on dit, soit qu'on l'affirme ou qu'on le nie, ou qu'on le promette, et le prier qu'il en fasse con naitre la vérité, quand il le jugera à propos. On peut faire un serment ou expressément, c'est-à-dire, en invoquant Dieu, ou quelqu'un de ses divins attributs, soit de vive voix, par écrit, par signe, etc., ou indirectement, par exemple en jurant par le ciel, par une telle église, par l'Evangile, ou par quelque autre créature. On divise le jurement en assertoire, en promissoire et en exécratoire. Nous en expliquerons ci-après la nature et la différence. Le jurement est licite, il est même un acte de religion; aussi en voyons-nous un grand nombre d'exemples dans l'Ancien et le Nouveau Testament. En effet, le jurement est sou→ vent nécessaire pour établir la certitude de ce qu'on promet, ou de ce qu'on se propose. Né nmoins, l'usage fréquent du jurement est dangereux, parce que l'habitude qu'on en contracte fait aisément tomber dans le parjure, et qu'on pèche même en jurant, lorsque le serment qu'on fait n'est pas accompagné des trois conditions, qui seules le peuvent rendre permis. Nous expliquerons bientôt ces conditions, Ceux qui, pour éluder l'obligation du serment, se servent de termes équivoques ou de restrictions mentales, trompent le prochain el se rendent coupables de parjure devant Dieu, qui ne peut être invoqué pour témoin que de la vérité et de la sincérité. Enfin l'on doit regarder comme une erreur l'opinion de certains casuistes qui prétendent qu'en jurant sans avoir intention de jurer, ou de s'obliger par le serment qu'on fait, on ne commet pas un parjure, et qu'on n'est pas obligé d'exécuter son serment. C'est ce qui a été condamné par le clergé de France en 1700, par la censure des propositions suivantes, qui sont du nombre des 127 qu'il proscrivit.

Propositio LX. Cum causa licitum est jurare sine animo jurandi, sive res sit levis, sive sit gravis.

Propositio LXI. Qui jurandi intentionem non habet, licet falso juret, non pejorat, elsi alio crimine tenetur, pula mendacii alicujus.

Propositio LXII. Qui jurat cum intentione non se obligandi, non obligatur ex vi juramenti.

Censura. Ha propositiones sunt. temerariæ, scandalosæ, perniciosa, bonæ fidei illudentes, et Decalogo contrariæ.

Propositio LXIII. Si quis vel solus, vel coram aliis..... quocunque..... fine juret, se non fecisse aliquid, quod revera fecit, intelligendo intra se aliquid aliud quod non fecit, vel aliam viam ab ea, in qua fecit..... revera non mentitur, nec est perjurus.

Propositio LXIV, Čausa justa utendi his amphibologiis est quoties id necessarium est aut utile ad salutem corporis, honorem, res familiares tuendas..... ita ut veritatis occultatio censeatur tunc expediens et studiosa,

Censura. Ha propositiones temerariæ sunt, scandalosa, perniciosa, illusoriæ, erroneæ, mendaciis, fraudibus et perjuriis viam aperiunt, sacris Scripturis adversantur.

CAS 1. Josse se croît dans la nécessité de jurer en certains cas. Le peut-il faire sans péché?

R. Oui, sans doute; car quoique, selon le Sage, Eccli. xxIII, celui qui est accoutumé de jurer, se remplit d'iniquité, et attire sur sa maison les châtiments de Dieu : Vir multum jurans replebitur iniquitate, et non discedet a domo illius plaga; il est néanmoins quelquefois nécessaire de se servir du jarement, pour confirmer une vérité qu'on fait difficulté de croire : Ad confirmationem est juramentum. Hebr. v; et même dit saint Thomas, 2-2, q. 83, a. 2, le jurement est un acte de religion, actus religionis, sive latrie, dont on peut se servir comme d'un moyen propre à terminer les différends qui naissent entre les hommes. Soutenir le contraire, c'est tomber dans l'erreur de Viclef, dont le 43′ art. réprouvé par le concile de Constance, était : Juramenta illicita sunt quæ fiunt ad roborandum humanos contractus et commercia civilia. C'est encore condamner la conduite des saints patriarches, Abraham, Isaac, Jacob et Moïse, et celle même de l'Apôtre, qui, dans plusieurs (occasions ne s'est pas contenté de dire simplement la vérité, mais qui l'a quelquefois confirmée par serment en prenant Dieu pour témoin de la vérité qu'il avançait : Quæ autem scribo vobis, ecce co

ram Deo, quia non mentior, disait-il aux Galates. Or, dit saint Augustin, in Ep. ad Gal. Qui dicit: Ecce coram Deo, quia non mentior, jurat utique; et quid sanctius hac juratione?

Mais afin que le jurement soit licite, il doit avoir trois conditions: la vérité, le jugement et la justice. Jurabis: Vivit Dominus in veritate et in judicio, et in justitia, Jerem. iv, 2 car si le jurement se fait sans jugement, il est indiscret et imprudent; si l'on s'en sert dans une chose fausse, c'est un parjure; et sans la justice, il est illicite et injuste. C'est suivant ces règles que Josse se doit conduire dans le cas proposé, pour ne pas se rendre coupable de péché en jurant; et surtout il doit bien prendre garde de ne pas trop se flatter au sujet de la nécessité où il croit être de jurer, en prenant une nécessité apparente pour une véritable.

CAS 11. Juvénal jure souvent, mais il ne le fait jamais que dans des choses très-certaines. Pèche-t-il toujours mortellement en jurant ainsi sans nécessité?

R. Il n'en est pas du jurement comme da parjure, car le parjure renferme toujours un mépris de Dieu, qui ne peut être excusé de péché mortel; au lieu que jurer la vérité, quoique sans nécessité ne renferme pas toujours un mépris de Dieu. Unde, dit saint

[ocr errors]

Thomas, non oportet quod jurare sine causa, semper sit peccatum mortale, sicut jurare falsum. On ne peut donc assurer que Juvénal pèche toujours mortellement dans le cas proposé.

Cependant son péché pourrait devenir mortel à raison du mépris, du scandale, etc. Voyez mon II' vol. de Morale, ch. 4.

CAS III. Pansophius jure souvent sans nécessité en ces termes : Par le ciel, ce que je dis est vrai. Pèche-t-il ?

R. Oui sans doute, s'il le fait sans les trois conditions dont nous avons parlé. La raison est que, comme dit Jésus-Christ, Matth. xxIII: Qui jurat in cœlo, jurat in throno Dei et in eo qui sedet super eum. Si ces paroles sont dites sans intention de jurer, il n'y a pas de

serment.

CAS IV. Quand Ursin jure, il dit seulement : Sur ma vie, ou sur ma tête. Est-ce là un véritable jurement? et pèche-t-il, lorsqu'il le fait sans une juste nécessité?

R. Le jurement exécratoire est le plus grand de tous, selon saint Augustin, in Psalm. vii, n. 3. Or, quand Ursin dit en jurant: Sur ma vie, ou sur ma tête, il profère cette espèce de jurement; car c'est la même chose que s'il disait: Je consens que Dieu m'ôte la vie, si je ne dis pas la vérité, ou sije ne fais pas ce que je promets. Donc son jurement est exécratoire, et par conséquent condamnable, puisqu'il le fait sans nécessité et par mauvaise habitude. Aussi Notre-Seigneur défend-il très-expressément ces sortes de jurements. Ego autem dico vobis, non jurare omnino, neque per cælum... neque per terram..... neque per caput tuumjuraveris. Matth. v.

CAS V. Eude étant pris à serment par son supérieur pour savoir la vérité d'une chose importante, dont il a eu connaissance, mais dont il ne se souvient pas, faute d'y penser, comme il le doit, jure qu'il n'en sait rien. Est-il coupable devant Dieu ?

R. Il l'est; parce que la seconde condition requise pour un jurement licite, qui est le jugement et la prudence, manque à son jurement, puisqu'il jure le faux pour n'avoir pas apporté toute la diligence qu'il devait, afin de s'assurer de la vérité avant que de jurer; et même quand on jurerait la vérité, on ne laisserait pas de pécher, si on jorait sans être bien informé, parce qu'on s'exposerait par sa faute à jurer aussi bien le faux que la vérité.

CAS VI. Alcime sait bien que, pour jurer sans péché, il faut la vérité, la justice et la discrétion. Mais il demande en quel cas la nécessité exempte de péché celui qui jure ?

R. Saint Thomas croit qu'il y a raison de jurer, 1° quand il s'agit de l'affermissement de la paix; 2° pour conserver a bonue réputation; 3° pour l'assurance de la fidélité à laquelle on est obligé; 4° pour autoriser l'obéissance qu'on doit à un supérieur; 5. quand il est nécessaire de donner une plus grande assurance d'une chose qu'on promet; 6° quand il est important d'attester une vérité que l'on fait difficulté de croire. Saint Thom. lect. 4, in Epist. ad Hebræos.

CAS VII. Othon jure quelquefois le nom de Dieu, sans faire attention actuelle à la malice que renferment les paroles qu'il profère. Pèche-t-il en cela ?

R. Oui, quoi qu'en ait dit Layman; car pour pécher, il suffit qu'on veuille la malice du péché en soi, ou en sa cause. Or Othon veut la malice de son péché in causa, puisqu'il a contracté librement l'habitude de jurer, à laquelle il n'a pas renoncé comme il devait. Si cela n'était pas ainsi, un blasphémateur d'habitude ne pécherait point en blasphémant, sous prétexte qu'il n'aurait aucune attention actuelle à la malice des blas

phèmes qu'il profère; ce qu'aucun théologien n'oserait soutenir.

CAS VIII. Diogène, en jurant qu'il ferait une certaine chose qu'il pouvait licitement faire. a eu une autre intention que n'avait celui à qui il a juré. Est-il obligé, nonobstant cela, d'accomplir son serment?

R. Oui et non. Oui, s'il a eu dessein de tromper; car alors il a péché, et en trompant son prochain, et en faisant à Dieu l'injure de le prendre pour témoin et pour prolecteur de sa duplicité. Non, s'il a eu de bonne foi une intention différente de celle de la personne à qui il a juré, comme s'il n'a voulu que s'engager à prêter, et que l'autre ait cru qu'il s'engageait à donner.

CAS IX. Papirius étant interrogé par Reinier, s'il s'était acquitté d'une promesse qu'il lui avait faite, l'a assuré qu'il y avait satisfait; quoique Reinier parût en être persuadé, il n'a pas laissé de prendre Dieu à témoin de la vérité qu'il affirmait. S'est-il rendu coupable de péché par ce jurement ?

R. Jurabis in judicio, c'est-à-dire, selon saint Thomas, ex necessaria causa et discrete. Or dans l'espèce proposée, Papirius a juré indiscrètement el sans nécessité, puisque Reinier n'exigeait pas de lui qu'il jurat, mais qu'il paraissait persuadé de la vérité qu'il lui disait. On ne peut donc excuser ce jurement de témérité, ni par conséquent de péché.

CAS X. Sevère, homme fort solvable, a besoin d'une somme de 3,000 liv. pour son commerce; il la demande à emprunter à Gabinius pour trois mois. Gabinius, qui est riche, lui promet de le faire, et confirme sa promesse par serment; mais comme il n'a pas dessein de l'exécuter, il se propose en luimême de se faire dispenser de son serment, et de ne point tenir sa parole. Peut-il jurer avec cette intention, sans tomber dans le parjure?

R. Non, car quand la chose sur laquelle on jure est licite, tant de la part de celui qui jure, que du côté de celui à qui on fait le serment, on est tenu de faire tous ses efforts pour l'exécuter, afin que le serment ne soit pas illusoire. Or un homme qui sans raison veut se faire dispenser de son serment, est bien éloigné de faire tous ses efforts pour l'accomplir. D'ailleurs, il n'a aucune raison de se faire dispenser; et sa dispense, fût-elle accordée par le pape,

serait nulle, comme l'enseigne saint Antonin, part. 11, tit. 10, ch. 6, § 4. Voyez PARJURE, cas Laurent.

CAS XI. Lucilius a promis avec serment à Justin, qu'il ferait une chose avant le premier jour de mars. Il n'a pu la faire alors; mais il le pouvait trois mois après. Y était-il tenu, quoique le terme fût expiré ?

R. Il faut raisonner du serment comme du vœu; l'un et l'autre obligent quelque fois après le terme expiré, quelquefois non : et c'est ce qu'on ne peut définir que par l'intention de celui qu'a fait un serment ou un vœu. Si le terme qu'il a marqué, n'a pas été pour finir son obligation, mais pour n'en pas différer l'accomplissement, cette même obligation renaît avec le pouvoir de la remplir. Mais s'il a eu intention de n'être plus obligé a rien, en cas qu'il ne pût fire telle chose en tel temps, son obligation expire avec le temps. C'est donc à Lucilius à voir ce qu'il a eu dans l'esprit, quand il a fait sa promesse. Que s'il doute de sa propre intention, il doit suivre le parti le plus sûr pour la conscience, qui est d'accomplir, même dans un autre temps, ce qu'il avait promis de faire dans un temps déterminé. Au reste l'obligation d'un jurement peut cesser par la condonation qu'en fait celui à qui on s'est engagé. C'est pourquoi, si Justin remettait à Lucilius l'obligation qu'il a contractée par son serment de faire la chose dont il s'agit avant le premier jour de mars, il n'y serait plus obligé.

CAS XII. Pascal, officier, a fait vœu d'al-, ler en pèlerinage à Lorette, et a confirmé son vœu par serment. Le roi qui a besoin de son service, lui a défendu d'y aller. Peut-il obéir au roi dans cette occasion, sans se rendre coupable de parjure?

R. Le vieu n'a pas été institué pour être un engagement d'iniquité. Comme donc l'exécution du vou et du serment qu'a fait Pascal, devient illicite par la défense de son souverain, il n'est pas obligé de l'accomplir, jusqu'à ce qu'il en ait ob enu la permission, et même il ferait mal, s'il l'accomplissait contre la volonté du prince. C'est la décision de saint Thomas, qui dit que l'obligation du serment cesse, lorsque sa matière devient impossible ou illicile, comme il arrive dans le cas proposé, 2-2, q. 89, a. 7.

CAS XIII. Epimenide, prêtre savant et pieux, étant persuadé qu'il n'est pas digne d'être élevé à aucune supériorité, a fait serment de n'en jamais accepter aucune. A-t-il pu faire ce serment, et peut-il ou doitil l'exécuter?

[ocr errors][merged small]

partie mauvaise, ou bien qui est douteuse. Que doit-il faire ?

R. Comme l'on est tenu à garder le serment qu'on a fait, quand la chose jurée est bonne, et de ne la pas accomplir quand elle est mauvaise, de même lorsqu'elle est en partic bonne et en partie mauvaise, on est obligé de l'exécuter en ce qui est bon, et de ne le pas faire en ce qui est mauvais, pourvu que l'un puisse être séparé de l'autre. Mais quand il y a du doute, il faut avoir recours au supérieur pour en être dispensé, ou pour faire ce qu'il ordonnera. Quandoque aliquid sub juramento promittitur, de quo dubium est, utrum sit licitum vel illicitum, aut simpliciter, aut in aliquo casu, et in hoc potest quilibet episcopus dispensare. Saint Thomas. 2-2, 8, a. 9, ad 3.

CAS XV. Memnas a rencontré des voleurs qui l'ont obligé de leur promettre avec serment, qu'il leur apporterait dans quatre jours 30 pistoles en tel endroit. Est-il obligé à tenir celle promesse ?

R. Cette promesse n'oblige pas par ellemême, puisqu'elle est extorquée par une injuste violence; mais elle oblige à cause du serment qui y a été joint, parce qu'il n'est jamais permis de prendre Dieu à témoin du faux: c'est pour cela que, selon Innocent III, cap. 8, de Jurej. l. 11, tit. 24. Non est tulum, quemlibet contra juramentum suum venire, nisi tale sit quod servatum vergat in interitum salutis æternæ. Cependant Memnas peut oblenir dispense de son serment, et même demander en justice la restitution de ce qu'il a donné.

CAS XVI. Mais que dire si Memnas avait fait serment de ne demander ni dispense de son premier serment, ni restitution en justice?

R. On est partagé sur ce point. J'ai dit dans le Traité des Contrats, part. 1, ch. 4. pag. 533, qu'il faudrait accomplir ces nouveaux serments, parce qu'ils sont de re licita, paisqu'autrement un homme ne pourrait les faire pour sauver sa vie. Il n'en serait pas ainsi du serment de ne pas dénoncer le cou pable; parce que dit saint Thomas, dont Pontas a ronqué le texte, tale juramentum vergeret in deteriorem exitum, 2–2, q. 89, a. 4; ce qui peut être vrai ou faux selon les différentes circonstances. Ceux qui le supposeront toujours vrai, doivent dire que je ne puis, pour éviter la mort, jurer à un voleur qui m'arrache une pi tole, que je ne le dénoncerai jamais aux juges.

CAS XVII. Mutius, juge, a obligé Claude, âgé seulement de douze ans, à jurer comme témoin dans une cause importante. L'a-t-il pu faire, et le serment de cet enfant estil valide ?

R. Les enfants qui n'ont pas encore l'âge de puberté, n'ont pas l'usage de la raison assez parfait pour connaître l'obligation qu'ont les hommes de respecter, comme ils le doivent, le saint nom de Dieu, dont ils invoquent le témoignage en jurant; et ainsi on ne doit ni les contraindre ni même les admettre à faire serment. Mutius n'a donc

pu, ni dû faire prêter serment à Claude, quoique ce fût dans une affaire importante, et il ne lui est pas permis de fonder le jugement qu'il doit prononcer sur le témoignage de cet enfant, parce que son sérment doit être considéré comme nul.

J'aimerais mieux dire avec Sylvius: Quod pueri, etsi ante annos ætatis quatuorde cim non possint compelli ad jurandum; si tamen jurare voluerint, et sufficientem habeant discretionem, non sunt repellendi a juramento: ce qui suppose que leur serment n'est pas absolument nul. Sylvius in 2-2, q. 89, a. 10, p. 664.

CAS XVIII. Guéric, chrétien, étant à Pékin, a prêté 100 liv. à un païen, qui les lui a déniées dans la suite. On demande si l'ayant appelé en justice, il peut exiger de lui qu'il prête serment, sachant bien qu'il jurera par ses faux dieux.

R. Guéric ne peut pas engager ce païen à jurer par ses idoles; mais si le juge exige qu'il prête serment, ou qu'il s'y offre de luimême, Guéric peut y consentir. Ce n'est pas là faire un mal, c'est le permettre comme fait Dieu, et s'en servir. Cette décision est de saint Augustin, Epist. 47, alias 154, où il la prouve par quelques exemples de l'Ecriture sainte (qui, selon Suarez, ne sont guère concluants ). C'est aussi celle de saint Antonin, et elle est communément reçue.

CAS XIX. Jérôme, chanoine de Noli, a fait serment à sa réception de garder tous les statuts du chapitre. Il a reconnu ensuite qu'il y en a un qui, quoique légitime, n'est observé par aucun chanoine depuis plus d'un siècle. Pèche-t-il contre son serment en ne l'observant pas à l'exemple des autres?

R. Si la transgression de ce statut ne renferme rien de contraire au droit naturel ou divin, Jérôme ne pèche pas en ne l'observant point; parce que la loi la plus solennelle peut cesser d'obliger par un usage coniraire, lorsqu'il est général; et même, comme le dit Justinien, une telle coutume, lorsqu'elle ne renferme rien de vicieux, tient lieu d'une véritable loi: Diuturni mores consensu utent um approbati, legem imitantur.

CAS XX. Avez-vous pris Dieu à témoin d'une chose que vous saviez ou que vous vous doutiez n'être pas vraie, disant: Je jure, je fais serment, je le dis devant Dieu, Dieu le sait, ou en levant la main au ciel, en la mettant sur les saints Evangiles? Parjure, péché mortel, s'il y a pleine advertance et qu'on ait l'intention de prendre Dieu à ténoin. Le péché serait plus grave si, interrogé par un juge compétent, vous affirmiez oa niiez avec serment autre chose que ce que

vous savez et que ce que vous voyez. Les lois de tous les peuples ont puni le parjure avec sévérité; chez les Romains, il était déclaré infâme; le code civil des Français décerne contre le parjure la peine des travaux forcés. Dieu le punit souvent dès ce monde même.

CAS XXI. Avez-vous négligé ou refusé de faire une chose bonne que vous aviez juré de faire ? Il n'y a pas de parjure, mais un péché mortel, si la chose promise est importante. N'avez-vous pas promis avec serment quelque chose, ayant l'intention de ne pas tenir votre promesse ou sachant que Vous ne pouviez pas faire ce que vous promettiez? Parjure encore et péché mortel. Le serment, quand même il a pour objet des matières civiles, par exemple, la fidélité à une charte, est toujours un acte de religion; il n'y a pas de serment civil, ainsi que l'ont imaginé certaines personnes qui voulaient calmer leur conscience et conserver leur place.

CAS XXII. Lorsque vous avez prêté serment, ne vous êtes-vous pas servi de paroles équivoques ou de restriction mentale, au Ieu de jurer selon l'intention de celui qui exigeait le serment? Parjure. Vous êtesvous engagé par serment à faire une chose mauvaise? vous avez péché mortellement, si la chose est grièvement mauvaise; par exemple, de vous venger, de ne point pardonner; en l'accomplissant vous ne pécheriez pas moins contre la religion, de plus vous pécheriez contre la charitě.

CAS XXIII. Avez-vous juré avec exécration, ou imprécation, disant par exemple: Que Dieu me punisse, si je ne dis pas la vérilé; que je ne voie jamais Dieu. Péché mortel et parjure, si la chose affirmée est fausse et si l'on n'est point sûr qu'elle soit vraie. Le péché ne serait que véniel, si l'on était moralement sûr que la chose affirmée fût vraie, ou si l'on ne prononçait ces paroles exé ratoires que par manière de parler, sans scandale et sans grande colère.

CAS XXIV. Les paroles suivantes: Dieu sait si je dis la vérité... Dieu voit la chose.... Dieu connaît ma pensée.... n'étant proférées que pour mieux assurer qu'on ne ment pas, ne renferment point un serment, à moins qu'on n'ait l'intention d'invoquer le témoignage de Dieu.

CAS XXV. Avez-vous engagé quelqu'un à faire un faux serment? Sachant que quelqu'un ferait un faux serment, l'avez-vous exigé sans raison? Il y aurait en cela péché grave, si la bonne foi n'excusait.

Voyez DISPENSe de serment, Parjure.

JURIDICTION.

On appelle juridiction la puissance légitime qu'a un supérieur de gouverner ceux qui sont soumis à son autorité, soit en réglant selon l'équité ce qui les regarde, soit en faisant les lois, qu'il estime nécessaires pour les empêcher de mal faire ou pour punir ceux qui y contreviennent et pour les contenir tous dans leur devoir et dans la paix. Il y a deux sortes de juridictions, l'ecclésiastique et la séculière. La juridiction ecclésiastique dont il s'agit principalement ici, est ou volontaire ou contentieuse. La première qu'on appelle aussi gracieuse, s'exerce sans procédure ni formes judiciaires. La seconde s'exerce en procédant ju-diciairement et selon toutes les formalités prescrites par le droit et en tenant le prétoire

« PrécédentContinuer »