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destiné à rendre la justice en de certains jours déterminés et en de certains lieux fixes, et non autrement. La juridiction contentieuse ne peut être exercée ni licitement ni validement hors l'étendue du territoire qui dépend du juge ecclésiastique ou séculier. La juridiction volontaire peut au contraire être librement exercée par le supérieur ecclésiastique hors les limites du propre territoire. Ainsi un évêque qui n'est pas encore sacré, peut, hors de son diocèse, confesser son diocésain, pourvu qu'il soit prêtre et qu'il ait été confirmé par le pape. Car alors il acquiert la puissance de juridiction, quoiqu'il ne soit pas encore consăcré évêque ; et il la peut exercer, pourvu néanmoins que, comme l'enseignent Ducasse et les autres, il ait auparavant notifié ses bulles au chapitre de sa cathédrale, par la prise de possession de son évêché, soit en personne ou par procureur. Il peut donner des indulgences, approuver les prêtres pour la confession, conférer des bénéfices, etc.

La puissance de juridiction est ou ordinaire ou déléguée, ou subdéléguée. La juridiction ordinaire est celle qui est attachée à la dignité qu'on possède; telle est celle d'un évêque ou d'un curé. La juridiction déléguée est celle qu'on n'exerce que par la commission de celui à qui appartient la juridiction ordinaire; telle est celle d'un simple prêtre approuvé par l'évêque. La juridiction subdéléguée est celle qui est donnée par celui qui n'en ayant qu'une déléguée, avec la faculté néanmoins de subdéléguer, communique son pouvoir à un tiers. Non-seulement la juridiction de l'évêque est ordinaire, mais celle de l'official et du grand vicaire l'est aussi; l'autorité de l'un et de l'autre étant la même. Autrement on pourrait appeler de l'un ou de l'autre de ces officiers à l'évêque, ce qui est abusif selon le ch. 3 de Appell. in 6. Mais leur juridiction cesse, 1° par leur destitution ou par la révocation qué l'évêque peut faire de leur pouvoir; 2° par la translation du prélat d'un siège à un autre; 3 par la mort de l'évêque (1) 4° par la démission qu'il fait de son évéché, quand elle est admise par le pape. Il n'en est pas ainsi de la juridiction des délégués: car lorsqu'ils ont commencé à connaitre de l'affaire dont la décision leur a été commise, ils peuvent la continuer et la terminer, quoique leur commettant vienne à mourir, ainsi que le déclare Úrbain III, cap. 20 de Offic. etc. Judicis deleg. Néanmoins le pouvoir des officiaux et des grands vicaires continue après sa mort, quand elle est arrivée dans un lieu d'où l'on n'en a pas encore pd apprendre la nouvelle car en ce cas, comme ils passent dans le public pour officiers d'un évêque vivant, ce qu'ils font est censé légitime, suivant cette maxime de droit: Circa factum error communis facit jus.

CAS 1. Un monastère soumis autrefois à l'évêque diocésain, a prescrit par une possession pacifique de plus de 70 ans le droit d'exemption de la juridiction épiscopale. Prudence, nouvel évêque, n'a pas laissé de vouloir faire la visite de l'église de ce monástère; mais le supérieur avec tous ses religieux s'est fortement opposé à son entréprise. Ne peuvent-ils pas en vertu de la prescription continuer à s'opposer à la prétention de l'évêque, et soutenir contre lui le procès qu'il leur a intenté sur ce sujet?

R. Ils ne le peuvent pas. La raison est qu'il y a une grande différence entre la juridiction qui appartient à l'évêque et celle dont jouissent les exempts. Car, puisque c'est dans l'évèque seul que réside la plénitude de la puissance ecclésiastique, sa juridiction est si essentiellement attachée à son caractère, qu'elle n'en peut jamais étre séparée par aucune prescription acquise par quelque longue possession que ce soit; au lieu que le privilége d'exemption, fondé même sur un indult du pape et sur le consentement de l'évêque, peut être légitime ment prescrit par un autre évêque après une possession de 40 ans, étant à présumer que les exempts qui n'ont pas fait usage pendant un si long temps du privilége qui leur avait été accordé, y ont véritablement renoncé. Cum enim tanio tempore contra indulta privilegia decimas solcerint, eis renuntiasse tacite

(1) L'auteur remarque cependant d'après Loiseau, 1. in, ch. 6, qu'un Official n'est pas censé révoqué on d stitué de sa dignité ipso jure, par la mort de l'évêque, et qu'ainsi si quelques chapitres des églises cathédrales n'étaient pas en possession d'en nommer un autre, en ce cas l'official pourrait continuer

præsumuntur, dit Innocent III, cáp, 15 de Privileg. 1. m, tit. 53. A l'égard des exemptions, qui ne sont fondées sur aucun titre, mais seulement sur l'usage, ce sont des abus d'autant plus condamnables qué, comme le dit saint Bernard, 1. m, de Considerat. elles ôtent contre toute justice à une église une portion de son troupeau, c'est-à-dre une partie des membres dont elle est composée pour se l'altribuer. Ceux qui voudroni voir cette matière traitée au long, consulteront les Mémoires du clergé, tom. I, part. 1. Ils y trouveront les jugements rendus contre l'abbé et les religieux de Sainte-Geneviève, en 1668, l'abbesse de Jouarre en 1690, etc.

CAS II. Luc, official d'un évêque, exerce sa juridiction en tout temps et en tout lieu. Ne le peut-il pas ?

R. Non, car quoi qu'en ait statué Boniface VIII cup 7, de Officio ordin. l. 1, tit. 16, in 6, un official doit en France avoir des jours et un lieu fixe, pour exercer sa charge; les choses dont il a à traiter, étant si importantes, qu'il est à propos qu'on puisse en avoir une connaissance juridique. Voyez Cujas ad novel. 95.

Voyez ABSOLUTION, APPROBATIion, ConfesSEUR, CONFESSION, cas François; CHAPITRE, cas Florent; EXCOMMUNICATION, cas Marcellin; EVEQUE, cas Aumond; JUGE, cas Amable; RELIGIEUX et RELIGIEUSE, cas Gabriel et Colomban."

d'exercer sa charge comme auparavant. C'est ce qui se trouve autorisé par un arrêt du part. de Toulouse, rendu en faveur de Bernard Ducasse, contre le cha pitre de Lectoure, qui l'avait voulu destituer, lorsque le siége vaqua par la translation de l'evêque.

L

LAMPE ARDENTE

Les curés doivent faire en sorte qu'il y ait une lampe ardente devant le saint sacrement. One multitude d'auteurs mettent cet article au rang de leurs obligations. Pour en faire an précepte absolu et général nous souhaiterions quelques canons. Collet a insisté trèsfort sur cet article, il en fait une obligation grave. Il n'est pas, il s'en faut beaucoup, le premier qui ait ainsi pensé. Nous sommes très-disposés à seconder et appuyer le zèle de Collet. C'est pourquoi nous allons discuter les preuves et les titres de celle obligation, son étendue, et qui sont ceux qu'elle concerne principalement. Et d'abord est-ce un article de discipline générale et obligatoire de tenir toujours une lampe ardente devant le saint sacrement? nous n'en voyons pas de preuves bien décisives. On en a à cet égard de trèspositives et de très-anciennes pour la célébration du saint sacrifice. On en trouve pour l'exposition de l'Eucharistie, mais plus modernes, parce que cette exposition l'est aussi; et les canons, en se bornant à demander des cierges allumés dans ces circonstances, Lorsqu'on porte le saint sacrement aux malades, semblent ne pas exiger absolument de Jumière dans les autres circonstances.

et

2. On ne peut douter que l'intention de l'Eglise ne soit qu'il y ait toujours une lampe ardente jour et nuit devant le saint sacrement; c'est même une coutume universellement Stablie, coutume très-sainte et très-propre à témoigner le respect et la vénération que mérite la présence de Jésus-Christ dans ce mystère. Mais cette coutume fait-elle loi par elle-même? a-t-elle été introduite, s'est-elle soutenue dans ce dessein? c'est ce qui n'est pas évident.

3 S'il n'y a pas d'ordonnance générale sur cette matière, il y en a certainement de particulières et qui forment une obligation véritable dans les lieux où elles sont reçues. Obsercons néanmoins que ces lois ne sont pas uniformes. Les unes n'ont été portées que par forme d'exhortation; d'autres sont plus positives et renferment un précepte véritable; telle est celle de plusieurs conciles, de ceux surtout qui se sont tenus depuis le concile de Trente.

4 Ces lois ne disent pas que ce soit une charge de la cure et du caré; au contraire, c'est la fabrique, ou la paroisse à son défaut qu'elles en chargent. Le devoir du curé se borne uniquement à faire ses efforts pour procurer et soutenir cet établissement; et lorsqu'il s'en est acquitté, on ne peut lui faire aucun reproche légitime. Il y a plusieurs paroisses où cette lampe ardente est fondée. Il naît évidemment de cette fondation une obligation étroite de l'acquitter et pour le curé d'y donner tous ses soins.

5 S'il n'y a dans la paroisse aucune fondation pour cet objet, c'est à la fabrique à y pourvoir. Le devoir du curé n'est ici que d'y exhorter, de s'adresser à l'évêque dans le cas de besoin et de veiller à l'observation de ce que le prélat aura ordonné. Lorsque la fabrique est pauvre, il n'y a d'autre moyen d'y suppléer que par des quêtes, et ce moyen réussit toujours, lorsque le curé donne le premier l'exemple. Après tout, si c'est dans le diocèse une obligation positive, dans la paroisse un usage, au défaut des autres secours, celui qui est tenu par état d'y pourvoir, d'y veiller, nous paraît conséquemment tenu de fournir à la dépense, quand il le peut aisément et que les autres moyens manquent.

Ces diverses obligations sont-elles graves? Quelques théologiens, Collet en particulier, le pensent, du devoir en lui-même, et quant à son objet, d'avoir jour et nuit une lampe ardente dans les églises où le saint acrement est conservé; et l'on n'en peut douter, lorsque cette obligation est portée par une fondation, ou par une loi diocésaine communément pratiquée, et qui en fait un objet important, ou par l'usage du lieu soutenu et confirmé par les ordonnances particu ières des évêques. Comme dans les églises pauvres, personne n'y est directement obligé, on ne peut en faire un grand péché quand on y manque, mais seulement exhorter à la remplir.

Nous n'ajouterons pas que laisser un seul jour la lampe éteinte, comme le prétendent quelques théologiens, c'est une faute grave et mortelle. Nous ne voyons rien dans la nature de la faute, ni dans les ordonnances de l'Eglise qui autorise cette décision rigide. C'est à la prudence du confesseur, dans ces sortes de matières généralement prescrites, à juger de la gravité de la négligence, par les circonstances, la multiplication des actes, la qualité du motif, le principe du devoir, l'engagement qu'on a pris de le remplir. Et nous n'excuserions pas de faute griève un curé qui, trouvant cet usage établi dans son église, quand même il ne serait que l'effet d'une piété libre, le laisserait tomber par nonchalance, ou pouvant aisément l'introduire ou le rétablir n'aurait pas le zèle d'y travailler; car au moins c'est la part que leur donnent les conciles dans l'accomplissement d'une loi si juste et si raisonnable.

LEGS.

Le legs est un don qu'un homme fait par son testament à une autre personne. Personne ne peut faire de legs valide, 1° s'il n'a droit de faire un testament. Ainsi, un impubère, un insensé, un sourd et muet, un religieux profès, un criminel mort civilement, ou un homme Interdit en justice, n'en peuvent faire, parce qu'ils ne peuvent tester: et à l'égard du

testament d'un impubère, il demeure nul, même après qu'il a atteint l'âge de puberté, suivant cette règle de droit: Quod initio vitiosum est, tractu temporis non potest convale- r scere. Mais le testament d'un homme insensé, fait avant sa démence, serait valide; 2 si celui à qui il le fait, n'est pas habile à en profiter, etc.; 3° si les choses léguées ne sont pas de nature à le pouvoir être; c'est-à-dire, si elles ne sont pas en commerce parmi les hommes ainsi l'on ne peut léguer une chose publique, ni une chose sacrée, telle qu'est un cimetière. On peut néanmoins léguer une maison où il y a une chapelle domestique, parce qu'une telle chapelle n'est qu'un accessoire de la maison, comme un droit de patronage est censé l'accessoire d'une terre qu'on a léguée ou vendue. On peut léguer une même chose, comme une terre ou une rente à plusieurs personnes; et alors si les portions ne sont pas distinguées, elles partagent entr'elles la chose léguée, ou sa juste valeur par égales portions. Un légataire, à qui le testateur a fait plusieurs legs, peut accepter ceux qu'il lui plaît, et répudier les autres, à moins que le legs qu'il répudierait ne l'obligeât à quelque charge; car il ne pourrait en accepter un qui serait exempt de charges, sans être en même temps tenu des charges de l'autre. Nul legs ne doit être délivré qu'après toutes les dettes passives du testateur payées; et il en est de même de toute autre donation à cause de mort : c'est pourquoi si le testateur a laissé plus de dettes que de biens, les legs deviennent caducs.

Toutes les causes qui peuvent rendre indigne un homme de la qualité d'héritier, rendent pareillement un légalaire incapable du legs qui lui a été fait. Outre ces causes qu'on expliquera au mot TESTAMENT, il y a un cas par iculier où le légataire perdrait son legs, quoiqu'il l'eût déjà reçu. C'est si ce légalaire s'inscrivait en faux contre le testament, et qu'il accusât injustement l'héritier institué de l'avoir fabriqué. L'inhabilité à recevoir un legs ne s'entend pas d'un legs alimentaire. Car puisque les aliments sont nécessaires à la vie de l'homme, l'équité veut qu'on puisse faire un tel legs à toutes sortes de personnes qui en ont besoin. Ainsi on le peut faire à un homme mort civilement.

Un testateur peut laisser un legs, 1° à une personne inconnue, par exemple à celui qui aidera son héritier à débrouiller les affaires de la succession qu'il lui laisse; encore qu'il ne sache pas celui dont son héritier se servira; 2° à une ville, ou à une communauté ecclésiastique ou laïque dûment établie.

3.

Si un testateur léguait une chose qui fût propre au légataire, le legs serait nul; car on doit présumer, que si le testateur eût su que cette chose appartenait au légataire, il ne la lui eût pas léguée: d'où il suit que l'estimation de la chose ne lui est pas même due. -L'auteur décide en partie le contraire, cas Eustatius.

Quand le testaleur lègue une chose qu'il avait mise en gage, son héritier est tenu de payer au créancier la somme pour laquelle elle était engagée, et de délivrer ensuite le legs au légataire; ou en cas que la chose engagée eût été vendue, lui en payer l'estimation: Nisi contraria defuncti voluntas ab harede ostendatur, dit la loi 6, ff. de Fideicom. 1. vI. tit. 42. On peut léguer une chose qui n'est pas encore existante; par exemple les fruits que produiront les arbres d'un jardin. Mais si le testateur avait spécifié une telle quantité de grains ou de vin, à prendre sur un tel fonds, et qu'il s'y en trouvât moins, le légalaire n'aurait pas droit d'exiger le surplus de l'héritier.

-L'auteur fera une exception à cette exception, cas Amable.

Quand un testateur lègue une chose comme à lui appartenante, v. g. un tel cheval, une telle montre, et qu'à son décès cette chose ne se trouve pas dans ses effets, parce qu'il l'a aliénée ou perdue, le legs demeure caduc, et le légataire n'en peut exiger la valeur. Ce serait tout le contraire s'il n'avait pas spécifié la chose, comme lui étant propre, et qu'il eût seulement légué en termes généraux un cheval ou une montre. Il y a des accessoires qui suivent si naturellement la chose léguée, qu'on ne les en peut retrancher; comme la boîte à l'égard d'une montre, quand même elle serait de plus grand prix que la montre; le harnais d'un attelage de chevaux de carrosse, etc. Mais lorsque le principal vient à périr, le légataire n'a aucun droit sur les accessoires. Par exemple si ces deux chevaux viennent à mourir, les harnais n'appartiennent plus à celui à qui ils avaient été légués. Il y a d'autres sortes d'accessoires qui ne suivent pas la chose. Tels sont les meubles d'une maison léguée, sur lesquels le légataire n'a rien à prétendre, à moins que le testateur ne les ait compris en termes formels dans son testament: mais les clefs de la maison, la cour, le jardin attenant, et ses autres dépendances, sont un vrai accessoire, et par conséquent doivent appartenir au légataire, quoique le testateur n'en ait fait aucune mention. Les augmentations faites par un testateur sur un fonds qu'il a légué, soit en bâtiments, en plans, en plus grande étendue d'un nouveau terrain, demeurent au légataire, comme si c'était un véritable accessoire, quand le testateur n'a rien changé à sa première disposition.

A l'égard des legs pieux, c'est-à-dire, de ceux qu'on destine à quelque œuvre de piété et de charité, soit qu'ils regardent le spirituel ou le corporel, ou tous les deux ensemble; si le testateur n'a nommé personne pour les exécuter, ni les curés, ni l'évêque même, n'ont en France aucun droit d'exiger les sommes léguées, mais ils doivent veiller sur leur exécution. Quand un testateur a légué une somme pour bâtir un hôpital ou une église paroissiale, et que depuis son testament fait, l'un et l'autre a été exécuté par un tiers, ou qu'il se trouve que le bâtiment n'est pas jugé utile, le legs ne laisse pas d'avoir lieu, et la

somme doit être employée en d'autres œuvres pieuses en faveur de cet hôpital ou de celté église.

Quand un testateur a deux choses de même nom et d'une valeur différente, comme une montre d'or et une d'argent, et qu'il en lègue une sans distinguer laquelle des deux, le choix appartient à l'héritier, qui peut s'acquitter du legs en donnant celle d'argent; car il est juste de présumer, à moins qu'il n'y ait des circonstances qui prouvent le contraire, que le testateur a eu intention de favoriser plus son héritier que le légataire. Cependant s'il s'agissait de plusieurs choses de même nature, comme de plusieurs chevaux de différents prix, l'héritier pourrait à la vérité retenir le meilleur, mais il serait de l'équité qu'il ne donnât pas le pire de tous au légalaire, mais un d'un prix moyen. Si un testateur avait légué un de ses deux chevaux à Jean, à qui il en aurait laissé le choix, et que l'héritier eût fait sommer Jean d'opter; si Jean était en demeure d'en faire l'option, et que le cheval vint à périr dans ces entre-temps sans la faute de l'héritier, la perte en tomberait sur le légataire en peine de son retardement ; et il pourrait même être condamné en un juste dédommagement qui serait dû à l'héritier, leg. 6 de Optione, etc. I. xxx, tit. 5. On doit dire la même chose de l'héritier, si le testateur lui avait déféré le choix, et qu'ayant été sommé d'opter par le légataire, il eût refusé ou négligé de le faire, ou que d'ailleurs il y eût du dol de sa part, soit pour avoir tenu caché le testament pour ne pas payer les legs, ou autrement. Quand les deux choses, dont l'une était léguée à Jean, viennent à périr après la mort du lestateur, et avant le choix fait, elles périssent pour le légalaire comme pour l'héri tier, soit que le choix fût déféré au premier ou au second, lorsqu'on n'en peut imputer la pe te ni à l'un ni à l'autre. Un légataire ne peut validement faire un choix avant que l'hé ritier ait déclaré qu'il accepte l'hérédité. Optione legata, placet non posse ante aditum hæ reditatem optari; et nihil agi, si optatur. Leg. Optione, 16, ff. eod. tit. Quand un testateur, entre plusieurs choses, en a donné quelques-unes à choisir à un de ses légataires, et le reste à un autre, si le premier refuse le legs, l'autre en profite. Mais si ce premier légataire vient à mourir avant le choix fait, son droit est transmis par sa mort à son héritier. Leg. 17, ff. de Optione.

Il y a des legs qui produisent des intérêts et des fruits qui en sont l'accessoire; comme quand l'héritier doit une somme d'argent au légataire, et qu'il manque de la lui payer après une sommation faite; car ils ne sont jamais dus que du jour de la demande. Les fruits d'un fonds légué, qui sont pendants par les racines, appartiennent au légataire, comme étant un accessoire de son legs; mais ceux qui en ont été séparés avant la mort du testateur appartiennent à l'héritier seul. Selon notre jurisprudence, ces fruits sont dus du jour de la sommation ou de la demande, qui tient lieu de contestation en cause, que les lois romaines exigeaient.

Un legs conçu en termes absolus et sans condition est acquis au légataire dès l'instant du décès du testateur; mais quand il est conditionnel, il ne lui est acquis que par l'événe ment de la condition. Mais il faut observer, 1° qu'un legs n'est pas toujours conditionnel, quand le testateur s'est servi du mot condition; car souvent ce terme se prend pour une charge imposée au légataire; mais on appelle condition proprement dite, celle de l'événement de laquelle le testateur fait dépendre la validité du legs qu'il fait. Comme si, par exemple il disait, Je lègue à Paul mon pré, à condition que Pierre y aura passage. Voilà une simple charge imposée à Paul. Si au contraire il disait: Je lègue ma maison à Paul, en cas qu'il soit marié au jour de mon décès, ce serait alors une vraie condition. D'où il suit que, dans le premier cas, le légalaire à qui le legs est acquis, le transmet à son héritier par sa mort; mais dans le second cas, le legs ne lui appartient pas, s'il n'est pas encore marié lors du décès du testateur; 2° Que si le testateur avail apposé quelque condition injuste, impossible, ou contre les bonnes mœurs, d'où il eût voulu faire dépendre la validité du legs, le legs serait censé pur et simple; une telle condition ne pouvant obliger à rien le légataire.

Quand celui à qui le testateur fait un legs est déjà mort, ou bien qu'il vient à mourir avant le testateur, son héritier n'y a aucun droit de quelque nature que soit le legs. Quand il paralt pár la nature d'un legs, ou par les termes du testament, que le testateur n'a eu in tention de le de tiner qu'à la seule personne du légataire; celui-ci venant à mourir après le testateur, ne le transmet pas à son héritier, mais il est éteint par sa mort. Tels sont les legs d'un usufruit et d'une pension viagère, lesquels ne passent jamais à l'héritier du légataire, à moins que le contraire ne paraisse par les termes du testament.

L'héritier qui est en possession d'une chose léguée, doit prendre un soin exact de la conserver; de sorte que, si elle vient à périr ou à se perdre par sa faute ou par sa négligence, il en est tenu envers le légataire; mais il ne répond pas d'une chose qu'il ne possédait pas encore quand le testateur est mort. Il n'est pas non plus tenu à la garantie du legs. quand le légataire en est évincé. Par exemple: Jules légué à Jacques un bois taillis, qu'i roit lui appartenir. Jaques, après s'en être mis en possession, en est évincé par Antoine. L'héritier de Jules n'est pas tenu à donner à Jacques un autre bois, ni l'estimation de celui qui avait été légué; car on doit présumer que Jules n'eût pas légué ce bois, s'il avait su qu'il ne lui appartenait pas. Il faudrait dire tout le contraire, si Jules ayant partagé ses biens entre ses enfants, il avait donné à un d'eux ce bois taillis; car celui qui en serait évincé dans la suite, aurait son recours de garantie contre les autres; parce que Jules avait eu intention, en faisant un tel partage, que celui-la eût sa portion de l'hérédité comme

les autres. Cependant si la sentence d'éviction portait que le prix qui avait été payé serait rendu, comme il peut arriver dans le cas d'uhe vente faite à faculté de rachat, ou d'un fonde qui est du domaine du roi, le prix qu'on restituerait appartiendrait au légalaire et non à l'héritier. Un legs conditionnel ou payable à un terme non encore échu peut être payé par l'héritier du testateur; car il est le maître de décharger le légataire de la condition et de son effel, pourvu que ce ne soit pas au préjudice d'un tiers, comme cela pourrait être à l'égard d'une personne substituée.

Un legs devient caduc, 1° par la mort du légataire, soit antérieure ou postérieure à la dale du testament, et avant celle du testateur; à moins qu'il ne contint quelque charge, comme de donner une telle somme ou une telle chose à un tel; car le legs subsisterait à l'égard de cette charge, parce qu'on la doit considérer comme un autre legs différent; 2° le legs devient encore caduc, quand le testateur l'a révoqué expressément, el la révocation même tacite le rend sans effet; 3 par la répudiation que le légalaire en a faite, et quand la choso léguée a changé de nature; tel que serait le legs d'un arpent de terre, qui dans la suite aurait été changé en un cimetière; par le paiement d'une somme léguée. Ainsi, si je lègue à Claude 1,000 livres qu'il me doit, le legs devient caduc dès que j'en ai reçu dans la suite le paiement; 5° par l'aliénation que le testateur fait ensuite de la chose léguée. Mais si cette chose n'est qu'engagée, le legs subsiste, comme il subsiste aussi à l'égard de la partie qui reste, quand le total n'a pas été aliéné; 6° quand la chose léguée change de forme ou d'état, quoique la matière demeure toujours la même. Ainsi, lorsque Jérôme a légué à Marcel une telle pièce de drap, et que dans la suite il en a fait faire des habits, Marcel n'a plus rien à prétendre à ce legs; 7° par cette même raison, si le testateur, après avoir légué un fonds, en retranche une partie pour agrandir son parc ou ses bâtiments, le legs est diminué d'autant; et même si tout le fonds légué avait été employé au même usage, le legs qui en aurait été fait deviendrait caduc pour le total.

Un homme qui s'est déclaré héritier pur et simple est tenu à payer tous les legs, quoiqu'ils excèdent la valeur de l'hérédité. Du reste les legs souffrent des retranchements, quand les successions ne sulfisent pas pour acquitter les dettes, et satisfaire aux droits des héritiers.

Le légataire à titre universel sera tenu comme le légalaire universel, des dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout.

Les droits d'enregistrement seront dus par le légataire, à moins qu'il n'en ait été ordonné autrement par le testament. Le légataire à titre particulier ne sera point tenu des dettes de la succession, sauf la réduction du legs. Lorsque le legs sera d'une chose indéterminée, l'héritier ne sera pas obligé de la donner de la meilleure qualité, et il ne pourra l'offrir de la plus mauvaise. Le legs fait au créancier ne sera pas censé en compensation de la créance, ni le legs fait au domestique en compensation de ses gages.

CAS I. Hervé demeurant dans le diocèse de Paris, lègue par son testament à Denys, l'un de ses héritiers, quatre bœufs et un troupeau de moutons par préférencé aux autres, avec lesquels il veut néanmoins qu'il partage le reste de l'hérédité par égale portion. Denys accep e le legs, et veut partager le surplus de la succession d'Hervé avec ses cohéritiers; mais ceux-ci soutiennent que son legs lui doit tenir lieu de portion. Leur opposition est-elle juste ?

R. Elle ne le serait pas selon le droit romain, elle ne l'est pas non plus selon la loi qui nous régit; c'est ce que l'on appelle un préciput hors part.

CAS 11. Adolphe a fait à Gustave un legs conçu en ces termes : Je prie Titius, mon héritier, de donner 1,000 liv. à Gustave. Titius est-il tenu de donner ce legs au légataire, quoique Adolphe ne le lui ait pas expresséinent ordonné, mais qu'il s'est seulement contenté de l'en prier?

R. Il y est tenu. Car de quelque manière qu'on les aleur exprime sa volonté, l'héritier est obligé de l'accomplir, comme s'il le lui avait ordonné en termes formels Omne verbum significans testatoris legitimum sensum, legure vel fideicommittere volentis, utile alque validum est; sive direcsis verbis, quale est, JUBEO forte; sive precariis utatur testator,

quale est, ROGO, VOLO, MANDO, FIDEICOMMITTO: Nos enim, non verbis, sed ipsis rebus leges imponimus, leg. 2, Cod. lib. vi, tit. 43.

CAS III. Theochilde, femme riche de plus de 300,000 liv. de rente, a fail son testament huit jours avant sa mort, par lequel elle a fait plusieurs legs assez considérables, et entre autres, un de 1,000 liv. à son confesseur, un de 6,000 liv. à son avocat, un de 3,000 liv. à son procureur, et un de 4,000 liv. à son médecin, ou son apothicaire, Paul, unique héritier de cette dame, prétend faire déclarer ces quatre legs nuls, comme ayant été suggérés par des personnes que les lois ne jugent pas capables d'en profiter. Ce procédé n'est-il point injuste?

R. 1 Il y a des arrêts pour et contre les legs faits aux confesseurs. Ainsi, on n'en peut tirer aucune règle certaine pour la conscience. Ricard, dans son Traité des donations, dit que dans cette diversité d'arrêts il suivrait volontiers l'opinion de ceux qui déclarent nuls ces sortes de legs, particu lièrement, lorsque le legs est considérable, et qu'il est fait par une personne faible et susceptible d'impression. Il aurait fallu ajouter, et qu'il y a preuve que le confesseur a use de suggestion. Le président Fabert, jurisconsulle très-éclairé, tient qu'on peut nonseulement faire un legs à son directeur,'

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