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mais encore qu'un tel legs doit être privilégié. Et véritablement si ce legs a pu lui être fait sans incommoder les héritiers, il doit être confirmé dans toutes sortes de tribunaux, nonobstant les injustes plaintes des héritiers avides, qui pour la plupart ne sont jamais contents des riches successions dont ils profitent, et qui souvent même par leurs mauvaises chicanes, contraignent de pauvres et anciens domestiques à se contenter au plus de la moitié de ce qui leur a été lé gué par reconnaissance ou par charité, dureté dont nous avons des exemples récents, que la prudence nous oblige de supprimer. Il est vrai que si un confesseur s'était oublié, jusqu'à induire un testateur à lui laisser un legs, et qu'on l'en pût convaincre, il mériterait d'en être privé, et d'être traité comme un lâche mercenaire; mais quand on ne peut lui reprocher ni suggestion, ni dol, il n'est pas au pouvoir d'un juge de lui ôter ce qui lui a été libéralement donné, puisqu'il n'est aucune loi du prince qui défende aux testateurs de faire un tel don, ni qui rende un confesseur inhabile à le recevoir.

2o A l'égard des legs faits à un médecin ou à un apothicaire, les parlements les ont déclarés nuls, et même le parlement de Bourgogne, le 21 juin 1564, déclara nulle la donation faite par un homme malade d'un cancer, à une femme noble, qui ne l'avait pansé que par un pur esprit de charité. On a cependant maintenu ces legs en deux cas : 1 quand le légalaire était parent du testateur; 2° quand le médecin n'est pas le médecin ordinaire du malade qui lui a fait le legs, mais qu'il est seulement son ami. Or, ce que la jurisprudence des arrêts approuve dans ces deux cas, ne nous paraît pas moins juste en tout autre, où il n'y a ni fraude ni induction de la part du médecin ou de l'apothicaire, et lorsque la personne qui a fait le legs, n'y a été portée que par une pure générosité ou par une juste reconnaissance; parce qu'il n'y a aucune loi qui les rende inhabiles à en recevoir, et que les ordonnances et la coutume de Paris, art. 276, n'excluent que les tuteurs, curateurs, baillistres, pédagogues et administrateurs, à cause de la trop grande autorité qu'ils ont sur leurs mineurs et autres qui leur sont soumis. C'est à peu près le raisonnement que fit Omer Talon en 1665, en faveur d'un chirurgien légataire, à qui l'arrêt de la cour fut favorable. 3 Les arrêts ont toujours été plus favorables aux avocats et aux procureurs. Cependant, quand le parlement de Paris, par son arrêt du 22 juin 1700, confirma à Francois Pilon, procureur au Châtelet, le legs universel qu'on prétendait être de 150,000 liv. que lui avait fait la dame de Buat par un testament olographe, dont il était luimême le dépositaire, quoiqu'il fût prouvé au procès que Pilon occupait actuellement pour cette dame, lors de la date du testament, M. le premier président, après l'arrêt prononcé, déclara de la part de la cour, qu'elle ne prétendait pas autoriser les donations faites au profit de ceux qui ont l'administra

tion des affaires d'autrui; qu'elle ne venait d'adjuger à Pilon le legs qu'on lui avait contesté, que parce que sa probité était reconnue de tout le monde. Si l'on en pouvait dire autant de tous les autres, on ne se plaindrait plus, comme on fait quelquefois, de tant de suggestions indignes, qu'on est obligé de réprimer par les arrêts.

Nous concluons de tout ceci, que les quatre legs que Théochilde a faits, doivent être payés aux légataires, et que Paul ne peut sans injustice leur en refuser la délivrance, à moins qu'il n'ait des preuves positives, qu'il y a eu de leur part du dol, où une suggestion capable de diminuer considérablement la liberté que doit avoir un lestateur : joint à cela que les quatre legs ne se montent qu'à la somme de quatorze mille livres, une fois payée, qu'on ne peut regarder comme une libéralité exorbitante à l'égard d'une personne de qualité, qui a plus de trois cent mille livres de rente, et qui par conséquent en laisse encore plus de vingt-neuf mille à son héritier.

La loi est maintenant positive. Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé qui auront traité une personne pendant une maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre-vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. Sont exceptées les dispositions rémunératoires faites à titre particulier. Les mêmes règles sont applicables au confesseur du donateur pendant sa dernière maladie.

CAS IV. Chéron a légué trois mille livres à Léodegonde, sa nièce, en cas qu'elle entrât en religion. Cette fille y est entrée ; mais après y avoir passé six mois, elle en est sortie et a demandé son legs que l'héritier du défunt lui a refusé, sous prétexte qu'elle n'a pas accompli la condition sous laquelle Chéron le lui avait fait. Cet heritier peut-il en conscience persister dans son refus?

R. Si cette fille est entrée de bonne foi en religion et dans le dessein d'y faire profession, et qu'elle n'en soit pas sortie par sa faute, mais, par exemple à cause de sa complexion trop faible, le legs qu'on lui a fait sous une telle condition lui est acquis, et l'héritier ne peut sans injustice lui en refuser le paiement, puisqu'elle a accompli la condition autant qu'elle l'a pu. Mais si elle n'était entrée en religion que dans le dessein d'avoir son legs, et qu'elle en fût sortie par sa faute et sans qu'on la congédiát, le legs ne lui serait pas dû; car elle serait censée n'avoir pas accompli la condition sous laquelle le legs lui aurait été fait.

CAS V. Augustin, âgé de vingt ans, se voyant au lit de la mort, a fait son testament par lequel il a légué à Paulin, son tuteur, une somme de mille livres en reconnaissance des soins qu'il a pris de lui et de ses biens. Ses frères prétendent qu'il n'a pu faire ce legs à son tuleur. Ont-ils raison?

R. Oui, car François I", dans son ordonnance du mois d'août 1539, parle ainsi, art. 131: Nous déclarons toutes dispositions

d'entre-vifs ou testamentaires, qui seront ci-après faites par les donateurs où lestateurs au profit et utilité de leurs tuteurs, curateurs, gardiens, baillistres, et autres leurs administrateurs, être nulles et de nul effet et valeur. Et Henri II, dans sa Déclaration du mois de février 1549, ajoute que telles dispositions failes à des personnes interposées par lesdits tuteurs pendant leur administration, sont pareillement nulles, soit qu'elles soient faites entre-vifs ou à cause de mort. Il en est donc de ces sortes de personnes comme des bâtards, des étrangers et des personnes condamnées à mort, que la loi a déclarées inhabiles à succéder à leurs parents, soit ab

intestat ou autrement.

D'après le code civil, le mincur devenu majeur ne pourra disposer, soit par donation entre-vifs, soit par testament au profit de celui qui aura été son tuteur, si le compte définitif de la tutelle n'a été préalablement rendu et apuré.

CAS VI. Pierre a fait un legs de deux mille livres pour être employées par Isaac, son héritier, à un certain usage déterminé. Mais Isaac trouve à l'employer à un autre usage beaucoup plus utile et plus important. Ne peut-il pas, sans péché, changer cette destination?

R. Il ne le peut de sa propre autorité, parce qu'un héritier n'a aucun droit à la succession des biens d'un défunt, qu'à la charge d'exécuter sa dernière volonté. Néanmoins, comme il peut y avoir quelquefois de justes causes de faire ce changement, le juge séculier le peut ordonner sur la requête de l'héritier à l'égard des legs profanes, et le supérieur ecclésiastique à l'égard des legs pieux, cap. 3, de Testamentis, etc. Mais en cas de litige, le juge séculier connaît aussi des legs pieux selon no re usage.

CAS VII. Aumond a légué cinq mille livres pour la construction d'une salle dans l'hôpital de la ville où il demeurait; mais cette salle a été bâtie par les libéralités d'une autre personne, ou bien les administrateurs ont déclaré qu'elle était inutile. Gervais, héritier d'Aumond, a voulu profiter de ce legs, puisqu'il ne pouvait avoir son effet; mais ces administrateurs prétendent qu'il doit délivrer la somme léguée, pour être employée aux autres besoins des pauvres. Peuvent-ils justement l'y obliger?

R. Oui; car il est constant qu'Aumond a voulu distraire celle somme des biens qu'il laissait à son héritier, et la consacrer au soulagement des pauvres; et l'on doit présumer avec raison, que s'il eût prévu qu'un autre eût fait bâtir la salle dont il s'agit, etc., il eût destiné la même somme à secourir les pauvres de cet hôpital d'une autre manière plus utile. Or, on doit suivre exactement la volonté des testateurs, quand elle est suffisamment connue: Semper vestigia voluntatis sequimur testatorum, dit la loi 5, cod. de Necess. servis, etc. En un mot, cette somme ayant été consacrée à Dieu en la personne des pauvres, l'héritier ne peut, sans une espèce de sacrilége, la retenir.

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Elle doit donc être employée à procurer d'autres secours à cet hôpital, de l'avis de ceux qui sont préposés pour le gouverner.

CAS VIII. Philologue a légué 1,000 livres à une communauté religieuse, pour bâtir un dortoir, et a déclaré qu'il voulait que cette somme ne fût pas payée par son héritier au cas qu'elle ne fût pas employée à cet usage. Cette communauté n'est pas capable de recevoir ce legs, parce qu'elle n'a point de lettres patentes. L'héritier peut-il en conscience retenir à son profit les 1,000 livres ?

R. Il ne le peut pas, parce que les legs pieux ont cela de favorable, que s'ils ne peuvent être appliqués à l'usage auquel ils avaient été destinés par le testateur, le supérieur ecclésiastique comme interprète de la volonté des testateurs défunts, a droit d'en faire une autre destination, quelque clause que contienne au contraire le testament; une telle clause étant contraire au droit ecclésiastique, comme il est évident par ces paroles de Grégoire IX, cap. 17, de Testam: Cum in omnibus piis voluntatibus sit per ocorum episcopos providendum, ut secundum defuncti voluntatem universa procedant, licet etiam a testatoribus id contingeret interdici, mandamus, etc. Mais quand nous disons que le seul évêque est l'interprète de la dernière volonté des défunts, cela se doit entendre des cas où il n'y a point de litige formé sur le fond. Car, quand il y a litige, c'est selon la jurisprudence de France, au juge royal à en décider, nonobstant ce qu'en a statué le concile de Trente, sess. 22, c. 8, dont le décret sur ce point n'est pas reçu dans ce royaume.

CAS IX. Gentien ayant légué 50 livres de rente à l'hôpital de S. pour faire apprendre un métier à de pauvres enfants, à condition que ceux de sa famile soient préférés; Antoinette, pauvre femme, proche parente du testateur, obtenu, par grâce de l'administrateur de cet hôpital, la jouissance de cette rente sa vie durant, du consentement de ses autres parents, et a subsisté par ce secours pendant plusieurs années, après quoi elle en a fait remise au même hôpital, ayant profité d'une petite succession qui lui est échue. On demande sur cela, 1° si l'administrateur a pu accorder la jouissance de cette rente à Antoinette, au préjudice des pauvres enfants en faveur desquels ce legs avait été fait, et contre l'intention de Gentien; 2° si, supposé qu'il ne l'ait pu faire sans péché, il est tenu à la restitution de tout ce qu'Antoinette a touché de la rente depuis qu'elle en jouit, en cas que cette femme, qui y est obligée la première, ne fasse pas cette restitution; 3° si Antoinette y était obligée, et ne le pouvant plus faire à cause d'une donation qu'elle a faite à ses héritiers présomptifs de la plus grande partie de la succession qui lui était échue, elle est tenue de faire casser celle donation, si elle le peut, afin de se mettre en état de faire la restitution; 4° enfin, supposé qu'elle ne puisse faire casser cette donation, à quoi est-elle obligée pour mettre sa conscience en sûreté?

R. M. de S. B. consulté sur ce cas, y répond que l'administrateur de cet hôpital n'avait pu, sans une injustice visible, accorder la jouissance de ces 50 livres à Antoinette, quoique pauvre et parente du testateur, puisqu'il ne lui était pas permis de changer de son autorité particulière la destination de ce legs, sans frauder la volonté du testaleur, et sans faire une injustice évidente aux pauvres enfants à qui ce legs appartenait. Il faut donc dire, 1° qu'Antoinette est tenue la première à faire la restitution de tout ce qu'elle a reçu de celle rente, et de l'employer, conformément à l'intention de Genlien, à faire apprendre un métier aux pauvres enfants de la famille de ce défunt, s'il y en a, ou à d'autres, à leur défaut ; et que par conséquent elle doit se servir de tous les moyens possibles pour accomplir celte obligation; soit en révoquant la dona tion qu'elle a faite à ses héritiers présomptifs, s'il est encore en son pouvoir de le faire; soit en représentant à ces mêmes hériliers qu'elle n'a pu en conscience leur céder ce bien, et les exhortant à faire la restitution à laquelle elle est tenue; ou enfin en cas qu'ils refu sent de la faire, en épargnant tout ce qu'elle pourra pour la faire elle-même, au moins en partie, s'il ne lui est pas possible de la faire entière; 2° en cas qu'Antoinette ne puisse pas restituer, ou que le pouvant, elle ne le veuille pas, ni ses héritiers présomptifs non plus, l'administrateur de l'hôpital y est obligé à leur défaut, puisque c'est lui qui est la principale cause de l'injustice qui a été faite aux pauvres enfants, au profit desquels seuls les 50 livres de rente devaient tourner.

-S'il n'y avait point eu actuellement d'autres pauvres enfants que les parents du testateur, Antoinette ne serait obligée à rien, parce que tous ses parents avaient con❤ senti. Je crois aussi qu'on devrait compler pour quelque chose le consentement présumé des autres pauvres, qui aiment mieux souffrir pour un temps, que voir souffrir la proche parente de leur bienfaiteur. Enfin, je crois que dans de petits cantons, où il y a peu de lumières, la bonne foi peut beau coup diminuer la faute et l'obligation de l'ad ministrateur; et plus encore, s'il a consulté le juge,

CAS X. Tertullus ayant légué à Mainfroi 2,000 livres en ces termes: Je donne 2,000 livres à Mainfroi, parce qu'il a pris de grands soins en la poursuite du procès que Jean m'a intenté, et qu'il me défendit l'année dernière contre des voleurs, etc. Mainfroi a demandé à l'héritier la délivrance de son legs. Mais l'héritier ayant en main des preuves que ce légataire ne s'est point mêlé du procès de Tertullus, et qu'il n'était pas avec lui dans le temps qu'il fut attaqué par 1 s voleurs, lui en refuse le payement. Ne le peut-il pas en conscience, puisque les deux moiifs du legs énoncé dans le testament sont faux ?

R. Il ne le peut. Car quand un testateur s'est exprimé nettement au sujet d'un legs qu'il fail, sa disposition ne laisse pas de sub

sister, quoiqu'il y ajoute des motifs pour lesquels il semble l'avoir faite, et que ces motifs se trouvent faux. La raison est que la volonté seule du testateur suffit indépendamment de tout motif, et que le motif qu'il a bien voulu y ajouter, marque seulement, ou qu'il s'est trompé en l'y ajoutant, ou qu'il a voulu faire honneur au légataire, et rendre sa disposition plus favorable: Falsam causam legato non obesse verius est, di la loi 72, ff. de Conditionib., etc., quia ratio legandi legato non cohæret. Mais ce serait le contraire, si le testateur avait exprimé son motif de manière à en faire une condition, de laquelle il voulait faire dépendre l'effet de sa disposition. Par exemple, s'il avait dit: Je donne 2,000 livres à Mainfroi, en cas qu'il se trouve qu'il m'ait aidé dans la poursuite du procès que Jean m'a suscité. C'est ce que dit Justinien, § 31, de Legatis, 1. 11, tit. 20.

-Si l'héritier prouvait solidement comme ce serait à lui de le faire, que le testaleur n'a légué que parce qu'il croyait vraies les raisons dont il a motivé son legs, le legs ne tiendrait pas, selon Ferrière. V. Legs fait pour quelque cause, pag. 155. Que si le lestateur avait légué à Jean, son cousin, et qu'il ne le fût pas, le legs tomberait encore plus aisément.

CAS XI. Pamélius ayant engagé une maison qu'il avait léguée par son testament, à Caïus pour tenir lieu d'hypothèque de la somme de sept mille livres qu'il avait ensuite empruntée de Thierri, et ayant même stipulé que cette maison demeurerait propre à Thierri, en cas qu'il ne lui rendit pas cette somme dans deux ans, il est venu à mourir un an après l'emprunt fai. Catus a demandé la délivrance de ce legs à l'hérilier du défunt, qui le lui a refusé, soutenant que le testateur avait assez fait connaître par son engagement avec Thierri, qu'il avait eu intention dans la nécessité de ses affaires de révoquer son legs. Cet héritier n'a-t-il pas raison?

R. Non, ear quand la chose engagée appartient encore au lestateur dans le temps qu'il vient à mourir, le légataire en devient le maître. Or la maison dont il s'agit appartenait encore à Pamélius, lorsqu'il est décédé elle doit donc passer à Caïus, à qui il l'avait léguée. Car l'aliénation n'étant pas encore arrivée, et la propriété de cette maison étant demeurée au test leur jusqu'au moment de sa mort, son héritier, qui n'a pu accepter l'hérédité sans se charger en mêine temps des dettes qui y sont attachées, est tenu de dégager la maison et de la délivrer franche et quitte à Caïus, légataire. C'est ainsi que le Droit l'a décidé, leg. 3, Cod. de Legalis. Ce qui se doit entendre, supposé que I héritier ait d'ailleurs profité par la succession d'autres biens suffisants pour payer à Thierri les 7,000 livres qui lui sont dues.

CAS XII. Carpophore à légué sa maison à Théotime. Etant revenu en convalescence, il en a fait abattre et refaire une partie; six mois après, il fait la même chose à l'égard de l'autre partie, en sorte qu'en deux ans

de temps la maison se trouve toute rebâtie à neuf. I meurt ensuite sans avoir rien changé à son testament. Théotime demande à son héritier la délivrance de son legs: l'héritier soutient qu'il n'est pas à presumer que celui qui lègue une maison qui menace ruine, ait dessein que son légalaire en ait une neuve. L'héritier n'est-il pas bien fondé dans son refus?

R. Non, parce que le changement des parties qui composent un tout, n'empêche pas que ce tout ne doive être considéré comme le même; et que par conséquent cetle maison, refaite entièrement à différentes reprises et par parties, ne soit censée être la même maison. Si domus fuerit legata, licet particulatim ita refecta sit, ut nihil ex pristina materia supersit, tamen dicimus utile manere legatum, dit la loi 15, ff. de Legatis I. Ainsi, il en est de cette maison comme d'un troupeau de moutons qui, depuis qu'il a été légué, est tellement renouvelé qu'il n'en reste au temps de la mort du teslateur aucun de ceux qui le composaient. Car comme ce troupeau, quoique tout à fait changé successivement, est toujours censé le même et appartiendrait à un légalaire à qui il aurait été légué avant ce changement, de même la maison dont il s'agit, etc.

CAS XIII. Aristobule ayant fait un legs de quatre mille livres à l'église de S. à la charge que le curé et les marguilliers en feront l'emploi en un contrat de deux cents livres de rente pour payer l'honoraire d'une messe basse; Conrad, exécuteur du testament et héritier du défunt, offre de leur compter celle somme à cette condition; mais le cùré et les marguilliers répudient ce legs. Conrad peutil, sur leur refus, retenir pour lui les quatre mille livres?

R. Si Aristobule n'a par spécifié dans son lestament ou déclaré au moins de vive voix, que Conrad pourrait retenir pour lui les quatre mille livres sur le refus que le curé et les marguilliers feraient d'accepter ce legs, il est obligé d'employer cette somme en d'autres œuvres pieuses. 1° Parce qu'il se peut faire que le défunt ait ordonné qu'elle serait employée en cette bonne œuvre pour s'acquitter de quelques restitutions incertaines auxquelles il se croyait obligé de satisfaire en cette manière; auquel cas l'héritier, qui n'est censé qu'une même personne avec le défunt, en ce qui regarde ses obligations, serait également tenu comme lui. 2 Parce que, quoique Aristobule ne fût obligé à aucune restitution, son intention présomptive a été que cette somme fût en ce cas employée à quelque autre œuvre pieuse pour le soulagement de son âme. Cet héritier ne peut donc pas, sans pécher contre la justice, retenir à son profit ce que ce défunt avait retranché du bien qu'il lui laissait et qu'il avait consacré à Dieu et à l'Eglise. Il doit même s'acquitter promptement de cette obligation, puisque, selon saint Antonin, ceux quidiffèrent à payer les legs pieux,commettent une espèce de sacrilége.

Dans ce cas, i fut cu diminuer les

charges, ou porter à une église pauvre ce qu'une église plus riche ou déjà trop chargée, ne veut pas accepter. Le meilleur est d'agir de concert avec les supérieurs,

CAS XIV. Eradius ayant fait son testament par-devant le curé de sa paroisse, en présence seulement de deux témoins, et ayant légué trois cents livres aux pauvres, son héritier refuse d'acquitter ce legs, soutenant que le testament est nul, puisque, selon les ordonnances, un testament reçu par le curé du testateur, n'est valide que lorsqu'il y a quatre témoins. Cet héritier n'a -t-il pas raison?

R. Il aurait raison à l'égard de tout autre legs qui ne serait pas fait pour une cause pieuse. Mais ce legs ayant été fait pour une telle cause, c'est-à-dire en faveur des pau vres, il est obligé, en conscience, à l'acquit ter; car un legs fait pour une cause pieuse par un testament reçu par le curé, en présence de deux témoins, ne doit pas être moins favorable que celui qui est fait par le testament d'un homme de guerre. D'après nos lois, les curés n'étant plus aples à recevoir les testaments, il est bien clair que le testament en question est nul au for extérieur. Mais au for intérieur, Eradius n'estil pas obligé d'acquitter ce legs fait aux pauvres ? C'est ce qui est controversé. Or celuici n'a pas besoin de sept témoins, quoique les lois les exigent en tout autre testament, C'est pourquoi Alexandre III, cap. 2, de Testament., etc., enjoint aux juges de re onnaître pour valides les dispositions testamentaires, quoiqu'il n'y ait assisté que deux ou trois témoins. Nos meilleurs jurisconsultes, comme Carondas, Ménard, Papon, Mornac, etc., sont de ce sentiment. Cabassut, qui les cite, lib. vi, c. 20, n. 5, ajoute, 1o que les legs pieux ne doivent pas être sujets à la Falci die ni à la Trébellianique, ainsi qu'il est porté par l'authentique Similiter, Cod. de Leg. Falcid.; 2° qu'encore que selon le droit romain, les legs ne doivent être payés qu'a près que l'héritier s'est déclaré tel, les legs pieux doivent être payés etiam non adita hæreditate, ainsi que l'enseignent Bartole, Balde, Gui-Pape, et les autres juriscon sultes.

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CAS XV. Cécilius ayant fait un legs con çu en ces termes: Je lègue à l'Eglise et aux pauvres la somme de six mille livres à parta ger par moitié. Le curé du lieu prétend que ces termes se doivent uniquement entendre de l'église et des pauvres de sa paroisse; mais l'héritier de Cécilius soutient qu'il lui est libre d'appliquer ce legs à telle église et à tels pauvres qu'il voudra choisir, Ce choix appartient-il à l'héritier?

R. On doit présumer que l'intention du testateur a été de favoriser l'église et les pauvres de son domicile. On peut même ajouter que, quand Cécilius n'aurait eu qu'une intention indéterminée, l'église et les pauvres de sa paroisse seraient préférables à tous autres. C'est la décision de Justinien, Novel. 136, c. 9; et elle est suivie par M. Domat, part. 2, liv. Iv, tit, 2. sect. 6, g. 4,

Il n'y a en France aucune loi qui y soit contraire.

CAS XVI et XVII. Probus ayant légué à Thomas cent écus, et Thomas n'ayant survécu à Probus que d'un quart d'heure, ses héritiers ont-ils droit d'exiger ce legs?

R Oui, car dès qu'un legs est acquis à un légataire, il le transmet à ses héritiers, ainsi qu'il est porté par la loi 39, ff. quando dies, etc., lib. xxxvi, tit. 2, qui dit: Si post diem legati cedentem legatarius decesserit, ad hæredem suum transfert legatum. Ce serait autre chose si le legs eût été fait sous une condition qui ne fût pas encore accomplie lorsqu'il est décédé; car, en ce cas, le legs ne lui serait pas acquis par la mort de Probus, excepté si c'était sous condition qu'il vint à avoir des enfants; car si en mourant après le testateur, il laissait sa femme enceinte, les cent écus lui seraient véritablement acquis, et il en transmettrait la propriété à l'enfant qui viendrait à naître, selon la loi, Is cui, 18, eod. tit. lib. xxxvI, tit. 2.

- Tout ce que je vois de jurisconsultes décident que le legs non pieux n'appartient au légataire, que post aditam hæreditatem. Ainsi, en cas que cela ne fût pas encore, je consulterais les juges. A l'égard de l'enfant qui naît après la mort de son père, il est sûr qu'il remplit la condition: Si pater prolem habeat. La loi Is cui, 18, eod. tit. y est formelle. Is cui ita legatum est, quando liberos habuerit, si prægnante uxore relicta decesserit, intelligitur expleta conditione decessisse, et legatum valere, si tamen posthumus vivus natus fuerit. L'auteur l'a inutilement répété, cas LIX.

CAS XVIII. Fortunat ayant légué à Sébastien une somme de mille livres, et Sébastien étant mort une demi-heure seulement avant Fortunat, l'héritier de ce légataire prétend que celui de Fortunat lui doit payer celle somme. Lui est-elle due ?

R. Point du tout, parce qu'un legs, et par conséquent le droit de le transmettre, n'est acquis au légataire qu'au moment de la mort du testateur. Or le testateur n'est mort, comme on le suppose ici, qu'après le décès du légataire. Donc, etc. Si eo tempore, quo alicui legatum ascribebatur, in rebus humanis non erat, pro non scripto hoc habebitur, leg. 4, ff. de his quæ pro non scriptis, etc., lib. xxxiv, tit. 8.

CAS XIX. Macé ayant légué à Michel sa maison et généralement tout ce qui s'y trou verait au temps de sa mort, il s'y est trouvé deux sacs de mille livres chacun, et un contrat de trois cents livres de rente, avec quelques dettes actives. Michel prétend que tout cela lui appartient. Se trompe-t-il?

R. Il est vrai que ce legs contient toutes les choses mobilières qui se trouvent dans la maison au temps de la mort du testateur, sans excepter les deux sacs de 1000 liv. chacun; mais le contrat de 300 liv. de rente n'est pas censé y être compris, non plus que les titres des dettes actives, ni de tous les autres droits. La raison est que les droits et les dettes actives ne consistent pas vérita

blement dans les papiers qui en contiennent les titres, et qu'on ne peut pas dire qu'ils soient situés dans un lieu déterminé, comme le sont les choses corporelles. C'est la décision de Domat, et elle est fondée sur la loi 86, ff. de Legatis II.

CAS XX. Atticus ayant légué à Léonard sa maison de Paris avec tout l'ameublement qui s'y trouvera, il s'y est trouvé une tenture de tapisserie que le testateur avait enfermée dans un garde-meuble, dans le dessein de la vendre, ou d'en meubler sa maison de campagne, ce qu'il n'a pu exécuter avant sa mort. Léonard la demande avec le reste des meubles; mais l'héritier la lui refuse. Quid juris ?

R. Comme la volonté du testateur est la loi qu'il faut suivre en cette matière, et qu'il n'a pas légué sa maison avec tout ce qui s'y trouverait indéfiniment, mais qu'il a seulement exprimé l'ameublement, Léonard ne peut prétendre que cette tapisserie fasse partie de son legs, selon la loi 44, ff. de Legat., etc. III. Mais au contraire, si une tenture de tapisserie, qui servait ordinairement à cette maison, n'y était pas au temps du décès du testateur, parce qu'il l'aurait donnée à raccommoder, ou qu'il l'aurait prêtée à quelque ami, elle serai due an légalaire, comme laisant partie de son legs. Labeonis distinctionem valde probo, qui scripsit, nec quod casu abesset, minus esse legatum, nec quod casu ibi sit, magis esse legatum, leg. 16, ibid.

CAS XXI. Sigismond a légué sa maison meublée à Bernard, et s'est exprimé en ces termes Je lègue ma maison avec les meubles à Bernard. Item. Je l gue au même Bernard la tapisserie de Flandre, qui est en ma salle, et qui représente les Actes des apôtres. On demande, si deux autres tentures de lapisserie, qui sont dans les chambres de cette maison, doivent être comprises avec les meubles légués, comme le prétend Bernard contre le sentiment de l'héritier du. testateur?

R. Si le testateur avait dit: Je l'gue ma maison et mes meubles. Item: Je lègue mes tapisseries, cette seconde clause, ne changerait rien à la généralité de son legs, et on la regarderait seulement comme superflue: mais puisqu'il a spécifié une pièce de lapisserie, il est censé avoir voulu exclure les autres, et ne léguer que sa maison avec les autres meubles. Legata supellectili cum species ex abundanti per imperitiam enumerentur, generali legato non derogatur. Si tamen spec es certi numeri demonstratæ fuerint, modus generi datus in his speciebus intelligitur, dit la loi 9, ff. de Supell. I. xxxm, tit. 10. C'est aussi la décision du celèbre M. Domat.

CAS XXII. Flavius ayant acheté un jardin voisin pour l'utilité de sa maison, il l'a léguée à Valérius, sans faire mention du jardin. Valérius demande à l'héritier le jardin, aussi bien que la maison. L'héritier le lui refuse, sur ce que le testament n'en fait aucune mention. Le peut-il sans injustice?

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