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R. Non; car la maison, qui est le principal, étant léguée, le jardin qui en est l'accessoire, comme il paraît, s'il y a une porte de communication, est aussi censé légué; et il n'est pas plus nécessaire de le spécifier que la cour et les autres commodités qui sout jointes à la maison. La loi 91, ff. de Legatis, III, y est formelle, si le propriétaire aditum in hortum per domum habuit. C'est par cette raison qu'en léguant un fonds, on lègue les augmentations qui y ont été faites depuis la clôture du testament.

CAS XXIII. Romain faisant commerce d'épiceries à Bordeaux et à Rouen, et ayant fait un fonds particulièrement affecté pour le commerce de chacune de ces deux villes, a légué ses biens à ses deux neveux, Jean et Jacques. Il a donné à Jean le fonds du commerce de Rouen, et à Jacques celui de Bordeaux. L'un et l'autre s'étant rendus sur les lieux, Jean a reconnu par le livre-journal du défunt, que son oncle avait envoyé un mois avant sa mort, à Bordeaux, 12,000 liv. en argent, pour payer des marchandises qu'il avait fait acheter en cette ville-là pour son commerce de Rouen, où elles devaient être envoyées et débitées. Sur quoi il a écrit a Jacques qu'il devait lui tenir compte de cette somme. Jacques lui a répondu que, puisque les marchandises achetées n'étaient pas encore payées ni livrées, et que les 12,000 liv. s'étaient trouvées actuellement à Bordeaux au temps de la mort de leur oncle, ees effets devaient être censés faire partie du fonds de son commerce, et non pas de celui de Rouen. Jacques n'a-t-il pas raison?

R. Jacques est obligé de tenir compte à Jean des marchandises qui sont à Bordeaux et que son oncle avait destinées pour son commerce de kouen; et si ces marchandises n'avaient pas encore été achetées à Bordeaux, Jacques serait tenu de renvoyer les 12,000 liv. à Jean, puisque celle somme fait partie du fonds du commerce que le défunt faisait à Rouen. et qu'il ne l'avait pas destinée pour celui de Bordeaux qui a été légué à Jacques. Ce cas est ainsi décidé, leg. 35, ff. de Hæredit. instit. On ne peut trop remarquer à celle occasion, que la première règle qu'on doit suivre dans l'interprétation des ambiguïtés qui se peuvent trouver dans un testamen', est la volonté du testateur, dont la connaissance ne dépend pas seulement des termes clairs dont il s'est servi, mais encore des conséquences sûres qu'on en peut lirer, ou même des conjectures bien fondées qu'on peut former. Leg. 5, Cod. de Necess. servis, elc., lib. vt, lit. 27.

Cas XXIV. Hidulphe a légué à Gabriel l'usufruit de sa maison et de toutes les choses qui s'y trouveront au jour de son décès, à l'exception de l'argent comptant. Hidulphe étant mort, on y a trouvé pour 2,000 écus de marchandises, dont il faisait commerce. Gabriel prétend que ces marchandises font partie du legs: l'héritier soutient le contraire, Qui des deux a raison?

R. C'est l'héritier; parce que le testateur ne doit être présumé avoir légué à Gabriel

que l'usufruit des choses qui étaient destinées à meubler ou à orner la maison, ou à y demeurer pour toujours ; et que des marchandises qu'il n'avait que pour les vendre n'étaient pas de cette espèce. Leg. 32, ff. de Usu et Usufructu, lib. m, tit. 2.

CAS XXV. Marcellin ayant deux maisons contigues, en a légué une à Raimond, et l'autre à Médéric. Un an après, Raimond a voulu élever sa maison, ce qu'il ne pouvait faire sans ôter beaucoup de jour à celle de Médéric, lequel s'y est opposé. Le peut-il faire avec justice? De plus, Raimond voyant que le mur sur lequel les deux maisons sont appuyées avait besoin d'être refait, prétend obliger Médéric à porter la moitié de la dépense, à quoi Médéric ne veut pas consentir. Peut-il encore sans injustice contraindre Médéric de contribuer à cette dépense?

R. 1° Raimond ne peut élever sa maison de manière à ôter le jour nécessaire à celle de Médéric. Car on doit présumer que le testateur n'eût pas voulu qu'il rendit inutile, ou très-incommode, la maison qu'il a léguée à l'autre légataire; 2° Raimond peut obliger Médéric à porter la moitié de la dépense nécessaire pour la réfection du mur dont il s'agit; car ce mur, qui ayant le legs n'appartenait qu'à un seul propriétaire, est devenu commun aux deux légataires, en conséquenco de la disposition qu'a faite le testaleur. D'cù il suit qu'ils sont tenus de porter chacun par moitié les frais qu'il faut faire pour le rétablir. La première partie de celle décision se trouve leg. 20, ff. de Servit. urban. præd. La seconde leg. 4, ff. de Servit. legat.

Dictionnaire de Cas de conscience, II,

CAS XXVI. Hypparque a légué à Clément le tiers du revenu d'une maison affermée 1,500 liv. depuis dix ans. Ainsi cette portion doit produire 500 liv. par an à Clément. L'héritier d'Hypparque vend cette maison 42,000 liv. Clément prétend que cet héritier lui doit payer son tiers sur le pied de l'intérêt que doit produire cette somme, c'est-à-dire 700 liv. au lieu de 500. L'héritier y est-il obligé ?

R. Non; car un legs assigné sur un fonds ne doit être réglé que sur la valeur du revenu de ce fonds, et non eu égard à l'intérêt que peut produire le prix de vente du même fonds, parce que le testateur n'a eu d'autre intention que de léguer ce que pourrait valoir chaque année cette portion. C'est la décision de la loi 22, ff. de Annuis legatis, lib. XXXIII, tit. 1.

-Cependant si l'héritier avait loué la maison 2,000 liv., il aurait été obligé de donne plus de 500 livr. au légataire.

CAS XXVII. Nicandre ayant fait son testament double, et tous les deux étant sans défaut et signés par le testateur, il s'est trouvé que par l'un il léguait 100 écus à René, et que par l'autre il lui léguait 200 écus. René demande 200 écus à l'héritier, qui prétend au contraire ne lui donner que 100 écus. De quel côté est la justice?

R. L'héritier ne doit à René que 100 écus: 1° parce que dans les cas obscurs comme est celui-ci, il faut suivre la règle : In obscuris minimum est sequendum; vu surtout que la

condition d'un héritier est naturellement plus favorable que celle d'un légalaire; 2° parce que l'héritier qui est le débiteur en peut user dans cette occasion comme il lui serait permis de faire dans le cas où le legs serait conça en ces termes alternatifs, c'est-à-dire, comme si le testateur avait dit: Mon héritier donnera 100 écus ou 200 écus à Réné: or en ce cas il serait au choix de l'héritier de lui donner laquelle des deux sommes il lui plairait, suivant celle autre règle de droit: In alternativis debitoris est electio, et sufficit alterum adimpleri. Cet e difficulté est ainsi décidée, leg. 47, ff. de Legatis, etc., II.

CAS XXVIII. Ferdinand a légué 150 liv. de pension viagère à Rodolphe, qui était condamné aux galères perpétuelles. L'héritier de Ferdinand prétend que ce legs est nul, parce que Rodolphe est mort civilement, N'agit-il point en cela contre la justice?

R. Oui sans doute, parce que l'humanité et les lois autorisent une pension alimentaire faite à des malheureux qui sont dans le dernier besoin, et qu'ils peuvent les exiger pour le passé et pour l'avenir, quand le prince leur fait grâce. Is cui annua alimenta relicia fuerant, in metallum damnatus indulgentia principis restitutus est. Respondi, eum et præcedentium recte cepisse alimenta et sequentium deberi ei. Il en serait de même d'un étranger à qui on aurait légué une pension alimentaire; car il n'y a pas plus de raison pour l'un que pour l'autre.

CAS XXIX. Falcidius ayant légué à Cosme 200 liv. de pension viagère, à en commencer le payement au 1er avril 1705, et Cosme étant mort le 1" maí 1707 après avoir été payé des deux années précédentes, Sempronius son héritier veut obliger l'héritier du testateur à lui payer 200 liv. pour la troisième année; parce que, dit-il, une pension se doit payer par avance, et qu'ainsi la troisième année étant commencée, lorsqu'il entre dans les droits du défunt en qualité de son héritier, il en doit profiter. Cela est-il juste?

R. Qui; car la règle générale est que le legs d'une pension alimentaire annuelle est acquis au légataire dès que l'année est commencée, et qu'ainsi la somme léguée est due tout entière dès que l'année commence à courir, à moins que le testateur, pour ménager son héritier, lui eût seulement ordonné de payer la pension au légataire par avance, de quartier en quartier jusqu'au jour de son décès. Cela est ainsi statué par les lois: Si quotannis sit legatum, mihi videtur etiam in hoc initium cujusque anni spectandum, nisi forte evidens sit voluntas testatoris in annuas pensiones ideo dividentis; quoniam non legatario consultum, sed hæredi prospectum voluit, ne urgeretur ad solutionem. Leg. 12, § 4, ff. Quando dies, etc.

CAS XXX. Thibaud, ayant légué à Robert la somme annuelle de 300 liv., par forme de pension alimentaire, Robert a trouvé quelque temps après tous ses besoins, et même une pension de 500 liv., dans la libéralité de son oncle. L'héritier de Thibaud est-il,

malgré cela, tenu à lui continuer cette pension?

R. Qui; parce que, quoique le premier motif du testateur ait été de donner à Robert de quoi subsister, c'est néanmoins une charge qu'il a imposée à son héritier en lui laissant ses biens, de laquelle il n'est pas en son pouvoir de s'affranchir; et l'équité naturelle ne permet pas qu'une personne profile d'un bien qui a été donné à un autre, et sur lequel elle n'a aucun droit.

Le testateur n'impose pas plus de charge à son héritier qu'il ne s'en était imposé à lui-même. Or j'ai peine à croire que s'il avait promis à Robert 300 liv., uniquement pour lui donner du pain, il y fût resté obligé après que Robert n'aurait plus eu besoin de ce secours. Il semble donc que ce cas doit se décider par l'intention justen.ent présumée du testateur, à laquelle Pontas nous renvoie si souvent. Au reste, la loi 3, Cod. de Hæreditariis, et la loi 10, ff. de Alimentis, sur lesquelles ce docteur s'appuie, ne prouvent rien pour lui.

CAS XXXI. Papinien lègue à Sulpice, son domestique, six mois d'aliments, d'entretien et de logement. Sulpice a été nourri, logé et entretenu chez son père pendant ces six mois; ensuite de quoi il a demandé à l'héritier de Papinien qu'il lui payât la juste valeur de ses aliments et du reste. L'héritier y est-il obligé ?

R. Oui, parce qu'il est clair que l'intention du testateur a été de faire une grâce au légataire, et que la petite fortune qui lui est venue ne doit pas l'en priver.

CAS XXXII. Théotime, homme riche, qui donnait 300 liv. tous les ans à Barnabé, son cousin, pauvre écolier, lui a légué en mourant une pension viagère, mais sans spécifier de quelle somme elle serait. L'héritier de Théotime est-il obligé à lui payer 300 liv. de pension alimentaire?

R. Lorsqu'il y a quelque chose d'obscur dans un testament, il faut avoir recours aux présomptions qui peuvent servir à découvrir la volonté du testateur. Puis donc que Théotime avait coutume de donner, chaque année, 300 liv. à Barnabé pour le faire étudier, il est à présumer que, s'il était encore vivant, il voudrait lui continuer cette pension, surtout en égard à ce qu'il était riche, que Barnabé élait pauvre et qu'il était son parent et ainsi, l'héritier du défunt ne doit pas refuser à Barnabé les 300 liv. annuelles qu'il lui demande; et c'est ce que décide la loi 14, ff. de annuis Legatis, 1. xxxm, tit. 1, qui dit : Si cui annuum fuerit relictum sine adjectione summa...verior est Nervæ sententia, quod testator præstare solitus fuerat, id videri relictum.

CAS XXXIII. Yves institue par testament son héritier Mævius, son fils aîné, sans faire aucune mention de Cassius, son second fils, parce qu'il était très-mécontent de sa conduite. Il ordonne néanmoins verbalement à Mævius de lui donner une somme considérable, ce que Mævius promet de faire. Deux ans après, Cassius meurt chargé de dettes,

contractées presque toutes par ses débauches ordinaires. Mævius, qui jusqu'alors ne lui a donné qu'une fort petite partie de la somme dont Yves son père l'a chargé, demande 1° si dans la rigueur il est tenu de payer ce legs verbal, dont il n'est fait aucune mention dans le testament; 2° si en cas qu'il y fût obligé, il est tenu de payer les dettes que Cassius son frère a laissées, jusqu'à la concurrence de ce qui lui reste entre les mains?

R. Mævius est obligé d'exécuter la dernière volonté d'Yves, comme il le lui a promis, en donnant à son frère la somme ordonnée par son père, en la manière qu'il le lui avait prescrit. Mais comme Yves n'avait fait ce legs à Cassius que pour le faire subsister, et qu'il a pu le faire en deux manières, c'est-à-dire en ordonnant à Mævius de lui donner d'abord toute la somme et de lui en laisser la libre disposition, ou bien de ne la lui donner que par parties, et autant qu'il en aurait besoin pour vivre, il est constant que dans le premier cas Mævius n'ayant pas délivré toute la somme léguée à Cassius avant sa mort, il est tenu d'employer le reslant à acquitter les dettes qu'il a contractées, ses créanciers étant entrés dans ses droits. Mais il n'est pas dans la même obligation dans le second cas, c'est-à-dire si son père lui avait ordonné de ne donner à Cassius cette somme que par parties et pour subvenir à la nécessité où il le verrait réduit; car en ce cas ses créanciers n'auraient aucun droit sur le restant de la somme qui serait demeuré entre ses mains. C'est le sentiment de S. B., t. 3, cas 106.

- Selon l'art. 1 de l'ordon. du mois d'août 1735, toutes les dispositions testamentaires, ou à cause de mort, qui ne seraient faites que verbalement, sont nulles. Reste à savoir si la promesse de celui qui accepte la disposition verbale est aussi nulle. Je ne vois pas pourquoi elle serait réputée telle, jusqu'à ce que la loi l'ait statué.

CAS XXXIV. Aurélius, ayant légué une maison à Prosper, à condition qu'il donnerait à Philémon 500 liv. par forme de legs, avant qu'il s'en mit en possession, et Philémon étant décédé un jour avant Aurélius, Prosper prétend que l'héritier du testateur le doit mettre en pleine possession de la maison, sans rien payer des 500 liv. à personne. Sa prétention est-elle juste?

R. Très-juste; parce que la condition sous laquelle Aurélius lui avait légué sa maison, étant devenue impossible à cause de la mort de Philémon, Prosper cesse d'y être soumis, et doit avoir la maison sans être obligé de payer les 500 liv., puisqu'un legs devient éteint par la mort du légalaire arrivée avant celle du testateur : et il en serait de même, si Philémon, étant vivant après le décès du testateur, refusait de recevoir les 500 liv. qui lui auraient été léguées; car Prosper profiterait dans ce cas, comme dans le preinier, de la somme qu'il était chargé de donner à Philémon, comme le porte la loi 1 de Condit., etc., Instit. 1. xxvii, tit. 7.

CAS XXXV. Satyrus, se voyant près de mourir, a donné 200 liv. à Barbe sa filleule, pour lui faire apprendre un métier, et a mis cette somme entre les mains de Catherine, mère de cette fille. Deux jours après Satyrus meurt, et Barbe deux mois après. On demande si le legs appartient à Catherine, comme héritière de sa fille, ou si elle est tenue de restituer les 200 liv. aux héritiers de Satyrus?

R. Si Catherine se trouve dans une coutume, comme celle de Paris et beaucoup d'autres, où père et mère succèdent à leurs enfants, nés en loyal mariage, s'ils vont de vie. à trépas, sans hoirs de leurs corps, aux meubles, acquets et conquêts immeubles, elle peut retenir cette somme. D'après nos lois actuelles, la mère hérite de sa fille morte sans postérité.

Cette décision est étrangère à la difficulté. Il ne s'agit pas de savoir si une mère doit hériter de sa fille, mais de savoir si, quand un legs a été fait sous une condition qui ne peut être remplie, ou plutôt pour une fin qui ne peut avoir lieu, il subsiste toujours. Si Satyrus avait de son vivant donnó les 200 liv. à Catherine pour faire apprendre un métier à Barbe, et que celle-ci fût morte deux jours après, Catherine pourrait-elle retenir cette somme sans un nouveau consentement du donateur? Or, l'héritier n'a pas moins de droit que son auteur.

CAS XXXVI. Népotien a chargé, par son testament, Félix, son héritier, de donner à Lambert son domestique de quoi ui faire apprendre un métier. Félix ne peut-il pas choisir le métier dont l'apprentissage coûtera le moins?

R. Il est de l'équité pour lui et pour Lambert, qu'il ne choisisse ni un métier trop coûteux, ni un métier pour lequel Lambert n'aurait ni goût ni disposition. Il faut donc qu'ils s'arrangent tous deux ex æquo et bono, ou qu'ils s'en rapportent à un sage arbitre, et, à la rigueur, au juge. Ainsi réglé, leg. 12, ff. de Legatis, etc., III.

CAS XXXVII. Mélétius, ayant légué à Suzanne, sa nièce, 400 liv., en ces termes : Je lègue 400 liv. à Suzanne, ma nièce, jusqu'à ce qu'elle soit mariée, Suzanne prétend que cette somme lui soit payée chaque année par l'héritier, jusqu'à ce qu'elle se marie. Mais l'héritier prétend que ce legs ne doit être que de cette somme une fois payée, puisque Mélétius n'a pas marqué que ce dût être une pension annuelle. Que dire?

R. L'héritier doit payer cette somme, chaque année, jusqu'à ce que Suzanne se marie. Car il est à présumer que le testateura voulu donner à sa nièce un fonds qui fût capable de la faire subsister jusqu'a ce qu'elle fût établie; ou, en cas qu'elle eût assez de bien pour fournir à sa subsistance, lui donner par cette pension le moyen d'augmenter son propre fonds, afin de trouver un parti plus avantageux. C'est ainsi que le décide la loi 15, fl. de Legat, annuis, 1. xxxm, tit. 1.

CAS XXXVIII. Agnès, ayant légué 200 liv. de pension annuelle à Marie, à condition

qu'elle demeurerait avec Marthe, sa fille, et Marie y étant allée demeurer, Marthe est morte trois mois après. L'héritier d'Agnès a payé 50 liv. à Marie pour les trois mois qu'elle a demeuré avec Marthe, et prétend qu'il n'est plus obligé de lui rien payer à l'avenir. A-t-il raison?

R. Non car les termes d'Agnès étant absolus, et la condition mise par elle ayant été remplie, on doit présumer que sa véritable intention a été que cette pension lui fût payée pendant toute sa vie, pourvu qu'elle demeurât avec Marthe, sa fille, jusqu'à sa mort; ce qui a été en effet exécuté, leg. 13, ff. de annuis Legatis, I. xxxm, tit. 1.

CAS XXXIX. Ariste, ayant deux arpents de vignes, qu'on nommait la Plante, et en ayant planté depuis six autres arpents, à qui l'on a donné le même nom, a déclaré par son testament qu'il lègue à Jules sa vigne, appelée la Plante, sans distinguer entre l'ancienne et la nouvelle. Laquelle des deux l'héritier est-il obligé de donner à Jules?

R. Comme il est juste de présumer que le testateur n'a pas plus voulu de bien au légataire qu'à son héritier, celui-ci peut donner la moins considérable des deux vignes, selon cette loi 27, § 1, ff. de Legatis, etc. Si de certo fundo sensit testator, nec appareat de quo cogitavit, electio hæredis erit, quem velit dare. Il ne faut cependant pas étendre cette loi jusqu'à blesser la bienséance. C'est pourquoi si le testateur avait légué un de ses chevaux à Jules, l'héritier ne pourrait pas l'obliger à prendre un cheval poussif; car il n'y a aucune apparence qu'Aiste lui eût voulu faire un legs de cette nature. Ainsi il faudrait alors garder un milieu, i. e., ne donner ni le meilleur cheval, ni le plus mauvais. Id observandum, dit la même loi, ne optimus vel pessimus accipiatur.

CAS XL. Nicolas lègue à l'exécuteur de son testament une montre d'or et un diamant qu'il avait, et conçoit ce legs en ces termes Je lègue à Magloire, exécuteur de mon testament, ma montre d'or et mon diamant. Quelque temps après il change sa montre contre une pendule, et on lui vole son diamant, après quoi il meurt sans avoir rien changé dans son testament. L'héritier est-il tenu de payer à Magloire la juste valeur de ce legs?

R. Point du tout: car quand un testateur spécifie les choses qu'il lègue, comme étant à lui, le legs n'a lieu qu'au cas où les choses se trouvent en nature dans les effets de la succession qu'il laisse à son héritier. Species nominatim legate, dit la loi 31, ff. de Legat. 11, si non omnia reperiantur, nec dolo hæredis deesse probentur, peti ex eodem testamento non possunt. Mais si Nicolas se fût expliqué en termes indéfinis : Je lègue une montre d'or et un diamant à Magloire, ce legs serait dû au légataire, en sorie néanmoins que s'il se rencontrait plusieurs montres d'or et plusieurs diamants dans les biens de l'hérédité, ce légalaire ne pourrait pas choisir ce qui serait plus précieux, à moins que le testateur ne lui en cût donné le pouvoir, ni l'hé

ritier lui donner le moindre; mais le legs devrait être modéré selon l'équité, comme nous avons déjà dit.

CAS XLI. Fabricius ayant prêté 250 liv. à Philibert, dont il avait pris un billet, a fait ensuite son testament, par lequel il lui a légué cette somme, en ordonnant que son billet lui serait rendu. Mais quelque temps après, ayant eu besoin d'argent, il s'en est fait payer et lui a rendu son billet, après quoi il est mort dans l'année même, sans avoir rien changé dans son testament. Son héritier est-il tenu de donner 250 livres à Philibert?

R. Non parce qu'il y a ici une révocation tacite, qui suffit pour anéantir la première disposition, laquelle d'ailleurs était moins de donner 250 liv. à Philiber', que de ne les pas exiger de lui. C'est ce que dit la loi 7, ff. de Liberat. leg. lib. xxxiv, tit. 3 : Liberatio debitori legata ita demum effectum habet, si non fuerit exactum id a debitore, dum virat testator. Il faut dire la même chose, 1° si le testateur vend ou aliène ce qu'il avait légué. Car puisqu'il s'en dépouille lui-même, il a privé à plus forte raison le légataire du droit qui lui eût été acquis par sa mort; 2 si le testateur, après avoir légué une chose, la donne à un autre qu'au légataire. Car c'est une preuve qu'il a changé de volonté, et qu'il a voulu préférer le donataire au légataire. Rem iegatam si lestator vivus alii donaverit, omnimodo exstinguitur legatum, leg. 38, ff. de Adimendis, etc.

CAS XLII. Gabriel, après avoir légué à Roland une maison avec quatre arpents de terre labourable, joignant au verger de la maison où il demeure, a ajouté un an après ces quatre arpents à son verger pour l'agrandir, et les a même fait enclore de murailles. Etant décédé un mois après, Roland, outre la maison, demande les quatre arpents de terre, conformément à la teneur du testament. L'héritier les lui refuse. Son refus n'est-il point injuste?

R. Non car quand le testateur, sans aliéner le fonds qu'il a légué, en retranche une portion et la joint à un autre fonds pour l'agrandir ou pour l'embellir, ce retranchement diminue le legs d'autant; parce que la portion retranchée devient partie d'un autre fonds, auquel le légataire n'a aucun droit, le testateur faisant voir par là qu'il a eu intention de diminuer le legs. Ainsi décidé, leg. 3, ff. de Legatis, etc., 1.

CAS XLII. Apronius ayant légué à Titius une de ses maisons de campagne, avec un enclos de dix arpents de vignes, a fait démolir cette maison un an après avoir fait son testament, dans le dessein d'en faire bâtir une plus belle, et est mort dans le temps qu'on commençait à la réédifier. Titius n'a-t-il pas droit de demander à l'héritier la valeur de la maison, puisque l'intention d'Apronius était même de lui en laisser une d'un prix beaucoup plus considérable?

R. L'héritier ne doit à Titius que les matériaux de la maison qui se trouveront sur les lieux, et l'enclos de dix arpents de vi

gnes. Car comme les améliorations que le lestateur aurait faites dans la maison léguée auraient tourné au profit du légataire, il est juste qu'ii porte la diminution faite par le lestateur. D'ailleurs on doit présumer que le testateur n'a pas eu intention que son héritier fût chargé d'un tel dédommagement envers le légataire, puisqu'il ne l'a pas déclaré dans son testament.

CAS XLIV. Bernard a légué cinq arpents Je pré à Joseph son cousin. Six mois après, il a légué par un codicille les mêmes cinq arpents à Ambroise son neveu, sans faire mention du premier legs qu'il en avait fait à Joseph. Peu de temps après, Ambroise est mort avant le testateur, qui est aussi mort un mois après ce second légalaire. On demande si le premier legs fait en faveur de Joseph doit avoir son effet, ou si l'héritier de Bernard en doit profiter?

R. Quand un testateur fait un second acte, par lequel il transfère à un second légataire la chose qu'il avait léguée à un autre, le legs qu'il avait fait au premier devient révoqué par rapport à lui; de sorte que, quoique le second vienne à mourir avant le testateur, le premier n'y a plus aucun droit. Ainsi puisque Ambroise est décédé avant le testateur, les cinq arpents de pré reviennent à l'héritier du défunt, et Joseph n'y peut rien prétendre. Leg. 8, ff. de Adimendis.... legatis.

CAS XLV. Gilles, fripier, étant fort malade, a légué à Godefroi, son ami, quatre pièces de drap qu'il avait dans son magasin. Etant revenu en santé, il a fait faire des habits de ce drap. Un mois après il est mort. Godefroi demande son legs à l'héritier, et dit que le drap dont ces habits ont été faits, étant encore en nature, quoique employé en habits, il doit au moins avoir ces habits jusqu'à la concurrence de la juste valeur du drap.

R. Godefroi a tort, 1° parce que qui lègue du drap ne lègue pas des habits, comme qui lègue de la laine ne lègue pas l'étoffe qui s'en est faite, leg. 8, ff. de Legatis, etc., II; 2 parce qu'il est clair que le testateur a changé de volonté, puisqu'il n'avait fait faire ces habits que pour les vendre. Et c'est à quoi on s'en tient en France.

CAS XLVI. Fabius a légué à Sempronius une maison qui a été consumée par le feu du ciel la veille de la mort du testateur. Sempronius prétend que la cour, le jardin attenant et la place de cette maison lui appartiennent comme accessoire de son legs, et les demande à l'hériter du défunt. Sa prétention est-elle juste?

M. Domat croit que l'accessoire n'étant dû que quand le principal est dû, et le principal ne pouvant être dû quand il est détruit, la cour, le jardin et l'aire de la maison appartiennent, dans l'espèce proposée, à l'héritier et non au légataire. Nam quæ accessionum locum obtinent, exstinguuntur, cum principales res peremptæ fuerint, dit la loi 2, ff. de Peculio legato, 1. xxXIII, tit. 8. M. P. trouve le sentiment contraire assez conforme à l'équité. Pour moi, en par

tant de l'intention légitimement présumée du testaleur, je le trouve seul raisonnable. Peut-on présumer qu'un ami n'ait rien voulu léguer à son ami, parce qu'un incendie a détruit une partie de ses bonnes intentions? Mais ce n'est pas au tribunal des théologiens, c'est à celui des juges, que ces sortes de contestations sont terminées.

CAS XLVII. Attale ayant légué à Symphorien deux muids de vin qui étaient en sa cave, son héritier a négligé d'en prendre le soin nécessaire, en sorte que pendant l'absence de Symphorien les cerceaux s'étant pourris, le vin s'est entièrement perdu avant le retour de ce légataire. Sur qui en doit tomber la perte?

R. Sur l'héritier; parce que tandis que la chose léguée demeure en sa puissance, il est obligé de veiller, même avec un soin exact, à sa conservation, jusqu'à ce qu'il l'ait délivrée au légalaire. Si culpa hæredis res perierit, statim damnandus est. Culpa autem qualiter sit æstimanda videamus. An non solum ea quæ dolo proxima sit, verum etiam que levis est? An nunquid et diligentia quoque exigenda est ab hærede? quod verius est, leg. 47, ff. de Legat. 1. Ce serait autre chose, si le vin était perdu avant la mort du testateur, ou qu'après sa mort il se fût perdu, sans qu'il y eût de la faute de l'héritier. Si id postea sine dolo et culpa hæredis perierit, deterior sit legatarii conditio, leg. 26, eod.

CAS XLVIII. Samuel ayant légué à Michel deux muids de vin qui étaient en sa cave, ce vin s'est aigri avant que l'héritier du testateur l'ait livré à Michel. A qui est-ce à en supporter la perte?

R. Si Michel a demandé la délivrance de son legs, et que l'héritier ait négligé de la lui accorder, et que dans cet intervalle le vin se soit gâté, c'est à l'héritier seul à en supporter le dommage, parce que mora sua cuilibet est nociva; à moins qu'il n'ait eu de justes raisons d'en différer la délivrance : Non est in mora, qui potest exceptione legitima se tueri. Mais si l'héritier a offert à Michel de lui délivrer son legs, et que ce légataire ait négligé de le recevoir, c'est à lui seul à en porter la perte, et non pas à l'héritier; parce que, imputari non debet ei, per quem non stat, si non faciat quod per eum fuerat faciendum, Reg. 1, in 6.

CAS XLIX. Genebaud étant mort, on a trouvé que de deux chevaux de selle qu'il avait, il en léguait un à Louis, sans marquer lequel, et en laissait le choix à son héritier. Un de ces chevaux est venu à mourir. L'héritier est-il tenu de donner celui qui reste?

R. Il y est tenu, à moins qu'il n'eût déjà destiné à Louis celui qui est mort. La raison est que l'intention du testateur a été que le légalaire eût un cheval; et que comme son héritier no peut plus choisir, il faut qu'il donne celui qui reste.

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