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qui paye une lettre de change avant son échéance est responsable de la validité du payement. Si le porteur d'une lettre de change non acceptée vient à la perdre, il peut en poursuivre le payement sur une deuxième, troisième, quatrième. Il n'en est pas de même de celle qui est revêtue de l'acceptation; si elle vient à s'égarer, le payement ne peut dans ce cas être exigé sur une seconde, troisième, quatrième, que par ordonnance du juge, et en donnant caution. Le propriétaire d'une lettre de change égarée est obligé, s'il veut s'en procurer une seconde, de s'adresser à son endosseur immédiat, qui est tenu de lui prêter son nom et ses soins pour agir envers son propre endosseur, et ainsi en remontant d'endosseur à endosseur, jusqu'au tireur de la lettre. Le propriétaire de la lettre de change supporte les frais que cette lettre nécessite. Si, malgré tous les soins qu'il a pu se donner, il n'est pas parvenu à se procurer une seconde lettre de change, il peut demander le payement de la lettre perdue et l'obtenir par ordonnance du juge, en justifiant de sa propriété par les livres et en donnant caution. Le refus de payement d'une lettre de change doit être constaté, le lendemain du jour de l'échéance, par un acte qu'on nomme protét faute de paiement. La clause de retour sans frais apposée sur une lettre de change est valable et dispense le porteur de faire prolêt pour conserver son recours en garantie contre les endosseurs. De plus, cette clause insérée dans le corps d'une lettre de change doit être entendue dans le sens, non d'une simple dispense, mais d'une prohibition de protet. La loi donne au propriétaire de la lettre le droit d'exiger, et impose conséquemment au tireur l'obligation de procurer l'engagement personnel du tiré de payer la lettre de change à son échéance: c'est cet engagement qui est connu sous le nom d'acceptation. Celui qui accepte une lettre de change contracte l'obligation d'en payer le montant; l'accepteur n'est pas restituable contre son acceptation, quand même le tireur aurait failli à son insu avant qu'il eût accepté. Le refus d'acceptation est constaté par un acte qu'on nomme protêt d'acceptation.

LITRES.

On appelle litres ou ceintures junèbres, des bandes de peinture noire d'environ deux pieds de largeur, qu'on trace en dehors et trop souvent en dedans d'une église, avec les armes du patron, en signe du deuil de sa mort, quoique souvent il ne lui ait rendu d'autre service que celui de la vexer, ou de lui donner d'assez mauvais pasteurs. On va proposer quelques cas sur cette matière, qui suffiront pour l'éclaircir.

CAS 1. Luc, curé, n'a pour église qu'une espèce de grange, qui n'est ni décente, ni commode pour les divins offices. Maximilien, nouveau seigneur du lieu, s'offre d'en bâtir une, à condition qu'après sa mort on mettra ses armes en dehors et en dedans, avec une ceinture funèbre en signe de reconnaissance. Le curé peut-il s'y prêter dans un pays où cela n'est point en usage?

R. Comme un théologien pourrait être suspect sur cette difficulté, on ne la résoudra que d'après les jurisconsultes. Claude de Ferrière, dans son beau traité des droits de patronage, pag. mihi 344, dit que cet ornement de vanité tire son origine des païens, qui mellaient, dans le lieu le plus élevé du temp'e, les images de leurs ancêtres. Il ajoute que ce n'est que par abus qu'on souffre la même chose dans les églises, qui sont des lieux saints; que l'ambition des hommes s'est venue placer jusque surle sanctuaire, eta voulu assujettir les choses les plus saintes à une es pèce de servitude, dont elles doivent être exemp tes; et que si par le reproche d'un bienfait, nous en perdons le mérite, ceux qui affectent ces sortes d'honneurs superstitieux et ridicules, les préfèrent à des récompenses infinies, dont Dieu reconnaîtrait leur libéralité envers l'Eglise. Maréchal ne condamne pas l'usage des litres avec moins de force. Il dit que l'abus est allé si loin, que quelques-uns ont fait noircir les croix, qui sont la marque de la dédicace des temples, et qui ont été consacrées par l'évêque. Si c'est un crime, poursuit cet auteur, d'effacer les armes du prince, c'en est un bien plus grand d'effacer ces croix qui sont signa Dei, et un encore plus énorme de les couvrir par des armoiries. Ainsi parlaient

ces deux savants hommes. Il est vrai qu'ils croyaient en Jésus-Christ, et qu'aujourd'hui bien des gens croient faire grâce à Dieu en admettant son existence. En attendant le jour funeste qui leur dessillera les yeux, nous disons qu'un curé, quand il en est le maître, doit tenir ferme contre une pratique superstitieuse, ridicule, introduite par l'ambition, etc., et qu'il vaut mieux faire le service divin dans une grange, à l'exemple des premiers fidèles, que de le faire dans une église assujettie a une indigne servitude, Des prêtres d'or ont autrefois célébré avec des calices de bois; ils peuvent encore célébrer dans des églises couvertes de chaume.

CAS II. Lucien dessert une église où il y a des litres de tout temps. Le seigneur actuel veut les renouveler, et y mettre ses armes, qui sont une Vénus échevelée, ou une sirène, etc. Lucien peut-il le souffrir?

R. H serait honteux qu'un temple où le Dieu de pureté réside jour et nuit, fût déshonoré par des armoiries aussi indécentes. Lucien doit donc, après avoir fait de très

humbles et de très-vives remontrances au seigneur, implorer le secours du magistrat, qui, fût-il Turc, ne souffrira pas un pareil abus. A son défaut, l'évêqué doit interdire l'église.

CAS III. Marius, seigneur usufruitier do Bury, prétend avoir droit de litres; et en conséquence il veut empêcher que Fulvie, qui a donné une bannière à l'église, n'y fasse mettre ses armes. A-t-il raison?

R. Marius se trompe dans le principe et dan, la conséquence. Dans le principe, parce que l'usufruitier n'a point droit de litres. dans la conséquence, parce que le patron

même et le haut-justicier, qui auraient ce droit, ne peuvent empêcher ceux qui donnent des bannières ou autres ornements, ou qui font bâtir une chapelle, d'y faire mettre leurs armes.

CAS IV. Gaston, gentilhomme, ayant été enterré dans la chapelle de Saint-Pierre, son fils a fait mettre une litre d'étoffe autour de cette chapelle; le patron et le seigneur du lieu peuvent-ils s'y opposer?

R. Non; parce que les nobles, quoique

non seigneurs, peuvent mettre litres d'étoffe ou de velours, et écussons en la chapelle, piliers et endroits où ils sont enterrés, dans les paroisses de village, pendant l'année seulement, sans que le patron ou le seigneur puisse s'y opposer. Après quoi, l'étoffe appartient à l'église. Voyez les Mémoires du clergé, tom. XII, pag. 323, 342 et suiv. Voyez aussi le nouveau Dictionnaire de droit canoni-. que par M. Durand, v. Litres.

LIVRES DEFENDUS.

La Bible est le premier et le plus saint de tous les livres. Il y en a un grand nombre d'autres qui sont très-bons; mais il en est un nombre beaucoup plus grand de mauvais et d'inutiles. Nous ne parlons dans ce titre que des livres hérétiques, de ceux qui traitent de l'art de deviner, de ceux qui tendent à corrompre le cœur et la pureté des mœurs, tels que sont les livres de contes obscènes, les romans et les intrigues d'amour, les comédies, et autres de ce genre.

CAS 1. Thomas, docteur habile, et curé de N. où il y a encore plusieurs calvinistes, avec lesquels il se trouve souvent obligé de parler de religion, lit les livres de Calvin et de plusieurs ministres de la religion, dans le dessein de procurer leur conversion. Le peut-il faire sans la permission du pape ou de son évêque ?

R. I le peut par la seule autorité qu'il a reçue lorsqu'il a été créé docteur; car il n'est pas possible de réfuter des erreurs qu'on ne connait pas, ni de les connaitre sans lire les livres qui les enseignent. C'est le sentiment d'Alphonsus a Castro, que suit l'auteur des Conférences d'Angers de mai 1723.

CAS II. Firmin, simple prêtre, ayant des sein d'apprendre la controverse, lit plusieurs livres hérétiques, avec la seule permission de son évêque. Est-il en sûreté de conscience sur cela?

R. Oui; parce que les évêques de France. se sont toujours maintenus dans leur ancien droit d'accorder cette permission. C'est la décision de S. B. suivi et cité par l'auteur des Conf. d'Angers.

CAS III. Charles a quelques livres de chiromancie et pyromancie, qu'il ne garde que parce qu'ils sont rares, et par pure curiosité, étant très-résolu de n'en point abuser. Ne pèche-t-il point?

R. II pèche; 1° parce que ces sortes de lectures sont vaines et même dangereuses, surtout aux jeunes gens, et à ceux qui n'ont pas un grand fonds de religion et de piété; 2° parce que les fidèles d'Ephèse, qui avaient de semblables livres, ne crurent pas que ce fût assez, pour mettre leur conscience en sûrelé, de ne vouloir plus s'en servir, mais ils les regardèrent comme une pierre de scandale, et comme une occasion dangereuse, qui pouvait les faire retomber dans leurs premiers crimes et c'est pour cela qu'ils les jetèrent tous au feu. Act. XIX; 3° parce que plusieurs conciles, comme ceux de Tours et de Bordeaux, en 1583, ordonnent qu'on les brûle. Néanmoins si Charles était d'un caractère et d'une profession qui l'engageât à refuter par la prédication ou dans le sacré tribunal, ou autrement, ce qui est contenu dans ces mauvais livres, et qu'il

n'eût d'autre fin que de convaincre les impies des faussetés qui s'y trouvent, il lui se rait permis en ce cas de les retenir et de les lire, pendant le temps qui serait nécessaire à son dessein, et non autrement.

CAS IV. Iphigénie se récrée souvent à lire des romans, où sont décrites des intrigues d'amour ingénieuses et plaisantes, mais où il y a aussi des expressions qui choquent la pudeur. Cependant, comme elle est chaste, ces lectures ne font pas d'impression sur son cœur, et satisfont seulement son esprit. Son confesseur veut qu'elle brûle ces livres, quoiqu'elle en ait pour vingt écus. Elle s'en défend sur ce qu'elles ne l'ont portée jusqu'à présent à aucun déréglement contre la pureté. Est-elle obligée d'obéir à son confesseur?

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R. Oui, et très-obligée; car sans parler de la perte du temps qu'elle emploie à ces mauvaises lectures, et de l'impuissance où elle est de prier, pendant qu'elle a l'imagination remplie d'idées malhonnêtes, il est sûr, 1°que, quoi qu'elle en pense, elle ne peut avoir le cœur bien pur, pendant que son esprit se repaît du malheureux plaisir qu'elle trouve dans ce tissu d'intrigues et d'amourettes; 2° parce qu'en aimant le danger, elle s'expose à périr. Il en a fallu moins pour en perdre bien d'autres. C'est pourquoi le célèbre Gerson, serm. 3 de Adventu, dit : Difficile est legere libros moventes ad luxuriam, quin sit peccatum mortale : et hi, qui eos retinent, deberent compelli per eorum confessores ad comburendos eos, aut lacerandos; ne ipsi vel alii amplius peccent. Lire ces sortes de livres avec une délectation charnelle, serait un péché mortel; mais ceux qui ne les lisent que par curiosité, ou par manière de récréation, ne pèchent que véniellement, à moins qu'il n'y ait danger prochain d'une délectation criminelle.

Quant à certaines tragédies, certains romans qui ne sont pas très-immoraux, quoiqu'on puisse les lire sans péché mortel, quand il n'y a ni grand scandale, ni danger de consentement honteux, ils ne laissent pas que d'être fort nuisibles. L'expérience appreud, dit Vernier, que de la lecture de ces ouvrages nait une incapacité de s'appliquer à un tra

vail soutenu, et l'extinction de l'esprit de ferveur et de piété.

CAS V. Castor, libraire, débite plusieurs sortes de contes, romans, comédies et autres livres remplis d'histoires amoureuses, d'expressions équivoques, capables de porter à l'impureté les jeunes gens, et ceux qui n'ont qu'une vertu médiocre. Son confesseur veut qu'il les brûle, ou qu'il les mette au pilon. Mais il s'en excuse, 1° parce qu'il ne peut en sacrifier une édition entière, sans en souffrir une perte considérable; 2° parce que tous ces livres sont approuvés du censeur royal, et munis de l'autorité du prince; 3° parce que ses pratiques le quitteraient, et iraient chez les autres libraires, qui font ce commerce au su de leurs confesseurs, et sous les yeux du magistrat. Que lui dire?

R. Une seule chose : c'est qu'il est en état de damnation, s'il ne détruit tous ces livres, parce qu'il est la cause de tous les péchés

LOI.

que commettent ceux qui les lisent. Quant à ses excuses prétendues, elles sont toutes frivoles. En effet, la première servira à justifier un peintre, qui vend les tableaux les plus obscènes, ou un propriétaire, qui ne pouvant autrement louer sa maison, la loue pour les plus criminels usages. La seconde ne vaut pas mieux : toutes les approbations du monde ne peuvent faire qu'un livre propre à exciter et à nourrir l'impureté, ne soit pas essentiellement mauvais; et le privilége du prince ne justifie pas plus la comédie que les comédiens. La troisième revient à la première. Il vaut mieux perdre ses pratiques et une partie de son bien, que de perdre son âme. Au reste, s'il y a eu des casuistes assez impurs pour autoriser les plus grands excès, il peut bien y en avoir qui passent ce genre de commerce. Mais que veut-on en conclure devant Dieu ?

La loi est un précepte porté par une autorité légitime pour le bien public. Il y a plusieurs sortes de lois savoir, 1° la loi éternelle qui est la souveraine raison, selon laquelle Dieu gouverne toutes les créatures; 2° la loi naturelle, qui, quoiqu'elle ne soit pas écrite, est née avec nous, et que Dieu a inspirée à tous les hommes, en l'imprimant en l'âme de chacun d'eux. Ses deux principaux préceptes sont l'amour de Dieu et du prochain. Cette loi oblige tous les hommes, dès le moment qu'ils ont assez de raison pour discerner le bien et le mal; 3° la loi positive, qui est ou divine ou humaine.

La loi positive divine est celle que Dieu a donnée aux hommes dans le temps, à la différence de la loi naturelle qui est née avec nous. Telle est celle que Dieu donna à Moïse, laquelle, en ce qui concernait les préceptes cérémoniaux, ne regardait que le seul peuple juif; et celle que nous a donnée Jésus-Christ, qui oblige tous les chrétiens, 1° à croire tous les mystères, et tous les points de foi que Dieu a révélés à son Eglise; 2° à connaître tous les sacrements, les dispositions avec lesquelles nous devons les recevoir, et le temps où nous y sommes obligés; 3° à remplir les préceptes moraux qu'elle contient, et que Jésus-Christ nous a expliqués plus clairement que n'avait fait Moïse.

La loi positive humaine est ecclésiastique ou civile. La première dirige les actions des chrétiens à la béatitude éternelle,conme à leur fin; et elle renferme la foi, les mœurs et la discipline. Celle-ci peut changer; mais la foi et la règle des mœurs sont invariables. La loi civile est celle qui est faite par le prince. Mais, pour être valide et pour obliger, 1° il faut qu'elle ne contienne rien qui soit évidemment injuste; 2° qu'elle ait pour objet le bien commun; 3° qu'elle ail été légitimement publiée. Alors on est obligé en conscience d'y obéir.

Nous ne parlerons point des lois romaines en particuler, parce qu'elles n'ont d'autorité en France, qu'autant qu'elles sont conformes à l'équité naturelle et aux édits, déclarations et ordonnances de nos rois, qui nous tiennent lieu de lois, ainsi que nos coutumes dans les pays coutumiers.

Tout législateur ne peut mieux autoriser ses lois, que par l'exemple qu'il donne à ses peuples en s'y conformant; puisque, comme dit saint Grégoire le Grand, les bons exemples persuadent beaucoup mieux que ne le font les paroles: aussi est-ce ainsi que se conduisirent Lycurgue, Thémistocle, Auguste et plusieurs autres sages législateurs ou souverains.

CAS I. Plusieurs ecclésiastiques ayant agité la question s'il y a quelques préceptes de la loi ancienne que les chrétiens puissent ou doivent même observer, les uns ont soutenu l'affirmative, et les autres la négative. Que doit-on en penser?

R. La loi ancienne avait trois sortes de préceptes les moraux, les cérémoniels et les judiciels. Les préceptes moraux, c'est-àdire, selon saint Thomas, ceux qui sont fondés sur le droit naturel, obligent dans la loi nouvelle, comme dans l'ancienne. Ma sil n'en est pas ainsi des préceptes cérémoniels; car comme ils n'étaient établis que pour annoncer aux Juifs que le Messic naitrail un jour, el que ce Messie est venu, on ne pourrait les observer sans préjudice de la foi chré

tienne. Pour ce qui est des préceptes judiciels, il est certain que leur obligation a cessé par la venue du Messie. Mais comme ils n'è aient pas établis pour signifier qu'il devait venir, ils n'ont pas tellement cessé par sa venue, qu'on ne pût encore à présent les observer sans péché, si un prince en faisait une loi, pourvu que ce ne fût pas à dessein de les ordonner comme tirant leur vertu de l'institution de l'ancienne loi. Car cette intention serait péché mortel, non-seulement à l'égard du prince qui les aurait ordonnés, mais encore à l'égard de ceux qui les observeraient dans cet esprit. Tout cela est tiré de saint Thomas, 1-2, q. 103 et 104.

CAS II. Le pape a fait publier et afficher à Rome une loi qui règle un point de disci

pline à l'égard de toutes sortes de chanoines. Ceux de Bordeaux, à qui on en a envoyé de Rome un exemplaire, refusent de s'y soumettre. Pèchent-ils ?

R. Les lois pontificales n'obligent en France que quand elles y sont dûment publiées. Et cela est juste, parce qu'il peut arriver que ce qui convient en Italie ne convienne pas ailleurs, ou qu'il soit contraire à des usages qu'on ne peut ni ne doit abolir. Ainsi puisque la loi dont il s'agit n'a pas été publiée en France par l'autorité royale, elle n'oblige pas ces chanoines sous peine de péché ils peuvent donc persister dans leur ancien usage, pourvu qu'il ne soit pas contraire aux bonnes mœurs.

CAS III. Le roi a fait une loi dont le peuple est bien informé. Hubert prétend n'être point obligé à y obéir, jusqu'à ce qu'elle ait été publiée. N'est-il pas dans l'erreur?

R. Non; car aucune loi n'oblige, si elle n'est connue de ceux pour qui elle a été faite; et elle n'est censée connue, que par la publication juridique qui s'en fait. Il n'est cependant pas nécessaire que chaque particulier entende ce te publication; il suffit que les uns en soient instruits par d'autres qui en ont été témoins. Dans les grands Etats, la publication qui se fait dans la capitale ne suffit pas. Et l'on sait qu'en France, une loi n'oblige que ceux du ressort du parlement où elle a été vérifiée.

CAS IV. Victor est informé qu'un grand nombre de désordres règnent dans son Etat. Est-il tenu de faire des lois qui les défendent tous sous de justes peines?

R. Non; car le prince doit tolérer certains maux pour en empêcher de plus grands et il aurait bientôt désolé tous ses Etats, s'il voulait punir tous les désordres. Il lui suffit donc de faire des lois pour empêcher ceux qui sont les plus dommageables à la société, et dont la plus grande partie des hommes peuvent s'abstenir, tels que sont les assassinats,les vols, les sacriléges, et semblables. De là ce mot de saint Augustin: Aufer meretrices de rebus humanis, turbaveris omnia libidinibus, lib. de Ordine. Tout ceci est encore de saint Thomas.

CAS V. Narcisse a souvent violé une loi qui n'est que pénale. A-t il péché mortellemen, s'il paraît par ses termes que l'intention du législateur est d'obliger sous peine de péché mortel ses sujets à l'observer?

R. On ne doit pas te régler sur l'intention d'un législateur, pour connaître si la loi oblige sous peine de péché grief, ou de péché léger. Car quand la loi est d'une grande importance au bien public, ele oblige toujours sous e'ne de péché mortel, quand même le législateur n'aurait pas intention qu'elle y obligeât; et au contraire, si la loi n'est pas importante, elle n'oblige que sous peine d'un peché léger, quoique le législateur ait eu intention qu'elle obligeat sous peine de péché mortel. La raison est que toute véritable loi doit être juste. Or elle ne serait pas juste, si, lorsqu'elle est peu importante, elle obligeait sous peine de péché

mortel; ou si étant fort importante, elle no commandait une chose que sous peine de péché véniel. C'est pourquoi, si la loi que Narcisse a violée est de peu d'importance au bien public, son péché n'est que véniel, en quelques termes qu'elle soit conçue. Au reste, lorsqu'une loi défend une chose sous peine d'amende, on n'évite pas le péché en la transgressant, quoiqu'on veuille bien s'exposer à la payer; à moins que cette loi ne soit pénale, mixte disjunctive, comme si elle portait qu'on fera telle chose, ou qu'on payera telle amende. Car lorsqu'elle n'est pénale que mixte conjunctive, comme si elle portait qu'on fera telle chose sous peine de ielle amende, on pèche en la violant, outre qu'on s'expose au payement de l'amende.

- Nota. 1° Ce cas est mal proposé. Pourquoi appeler purement pénale une loi qu'on suppose portée avec intention d'obliger sous peine de péché mortel? 2° Je crois fort qu'en matière grave le législateur peut vouloir n'obliger que sub veniali, comme il pourrait conseiller, au lieu de commander. Voy. mon Traité des Lois, ch. 5, p. nunc 272. 3° Nous n'avons point de preuves qu'en France il y ait des lois purement pénales.

CAS VI. Juvénal voyant qu'une loi que son prince a fait publier, n'est pas observée par la plus grande partie de ses sujets, prétend qu'il la peut enfreindre sans péché. Ne pèche-t-il pas en la transgressant?

R. Une loi n'oblige plus, quand elle est abrogée par l'usage; et elle est censée l'être, quand la plus grande et la plus saine partie des sujets ne l'observe pas, et que le prince, qui le sait, ne réclame point. C'est par celle raison qu'un grand nombre de lois que l'Eglise même a faites dans les siècles passés, ont cessé d'obliger, l'usage contraire ayant prévalu.

CAS VII. Chaumond a commis un parricide secret. Peut-il garder son bien, quoiqu'il y ait dans le pays une loi qui en dépouille ipso facto les parricides.

R. I le peut, parce que ces sortes de lois ne sont regardées que comme comminatoires, et n'obligent à la peine qu'après la sentence du juge, à moins que la loi ne prescrivit formellement le contraire; comme il paraît par celle qui oblige les bénéficiers qui ne récitent pas l'office à restituer les fruits de leurs bénéfices, sans qu'il soit besoin d'aucune sentence qui les y condamne.

CAS VIII. Amédée a fait une loi pour le bien de son Etat. Est-il soumis lui-même à sa loi?

R.Il n'y est pas soumis quant à la force coac tive, parce qu'étant souverain il n'a point de supérieur qui puisse le punir. Mais il y est soumis quant à la force directive. Car, comme dit la loi IV, Cod. de Legib.: Digna vox majestate regnantis est, legibus alligatum se principem profiteri. Ainsi ce qu'on dit que le prince est au-dessus de la loi, ne se doit entendre que du pouvoir qu'il a d'en dispenser ou de la changer, quand il le trouve expédient pour P'utilité publique. Saint Thomas, 1-2, q. 96, a. 5.

LOTERIE.

La loterie est une espèce de jeu usité, selon les uns, dès le temps des Romains, selon d'autres, depuis le xv siècle. Ce jeu consiste en certains billets chiffrés, où l'on écrit. tel mot qu'on veut, et qui, après avoir été mêlés ensemble, sont tirés au hasard au profit de celui dont la sentence et le numéro s'y trouvent écrits. Le premier cas va expliquer cette matière.

CAS 1. Polycrate et Gabinius ont mis chacun une pistole à une loterie que Caïus a faite, et y ont gagné le gros lot. 1° Caïus n'a-t-il point péché en faisant cette loterie ? 2. Ceux qui ont eu des lots ont-ils acquis légitimement ce qu'ils ont gagné ?

R. Les loteries quoique sujettes à beaucoup d'inconvénients ne sont point mauvaises par elles-mêmes; puisque c'est une espèce de jeu, qui n'est condamné ni par le droit naturel ni par le droit divin, ni par les lois de l'Eglise ou de l'Etat. Elles sont cependant injustes, 1° si on retient plus d'argent qu'il n'en faut pour les frais nécessaires; 2° si par fraude on fait échoir de bons billets aux personnes qu'on veut gratifier; ou lorsqu'on ne tire pas fidèlement au sort tous les billets; 3° si on les fait de son autorité privée, et sans l'autorité du supérieur. A moins qu'il ne s'agisse de choses peu considérables. Cela posé, si la loterie faite par Caïus a été dans toutes les règles, ceux qui y ont gagné ont légitimement gagné. Et il leur était aussi permis de le désirer, qu'à un commerçant qui ne met sur mer que dans l'intention de faire du profit, et qui d'ailleurs attend tout de la Providence, et rien du hasard. A quoi il faut ajouter que, quand il s'agit d'une loterie en faveur d'une église, d'un hôpital, ou même d'un particulier qui perdrait beaucoup sur ses denrées s'il était obligé de les vendre, la première in

tention d'un vrai chrétien est de contribuer à la bonne œuvre.

CAS II. Théophane a fait une loterie dont le fonds était composé de différentes pièces d'étoffes. Matthieu a eu un lot, pour la délivrance duquel il a été obligé de le faire assigner par-devant le juge de police. Que doit faire ce magistrat?

R. Il y a trois sortes de loteries. Les unes sont défendues; les autres sont permises par le prince, ou par le magistrat ; el les autres sont seulement tolérées. Lorsqu'elles sont défendues, le juge, loin d'écouter ceux qui y ont intérêt, doit punir et celui qui a fait la loterie, et ceux qui y ont mis leur argent, par la confiscation des deniers qui y ont été portés. Quant aux loteries qui se font avec permission, ceux à qui des billets noirs sont échus, ont action pour se faire payer; parce que le prince, ou le magistrat qui autorise une loterie, doit donner les sûretés dont ont besoin ceux qui y mettent. A l'égard des loteries qui sont seulement tolérées, elles tombent dans le cas des jeux de hasard défendus en général. C'est pourquoi un particulier n'a point d'ac. tion en justice pour la délivrance de son lot; et s'il l'intente, il s'expose à la confiscation de son lot, et le maître de la loterie à la confiscation des deniers ou effets qui y ont été mis, et qui lui restent entre les mains, ou au moins à une amende arbitraire. LOUAGE.

Le louage est un contrat par lequel on donne pour un certain temps les fruits ou l'usage de quelque chose à quelqu'un pour une somme d'argent, ou pour quelque autre profit. Nous disons, 1 pour un certain temps, parce que si ce contrat était perpétuel, ce serait une vente; 2° ou l'usage, par où il diffère encore, et de la vente où l'on cède la propriété avec l'usage, et du prêt qu'on appelle mutuum; 3° ou de quelque autre chose: car outre les biens immeubles, on peut louer un cheval, des bœufs, et même une personne pour en retirer le service nécessaire. Mais il y a des choses qu'on ne peut louer, comme une maison à un usurier public; ni une servitude d'un champ, tel qu'est le droit qu'on a de passer par la terre de son voisin pour aller à la sienne.

Pour rendre juste le louage de la part du locateur, il faut; 1° qu'il demeure chargé du péril de la chose qu'il loue, comme en étant le propriétaire, excepté le cas où la chose viendrait à périr par la faute du locataire, ou lorsque le locateur s'en serait chargé; 2. que le locateur fasse toutes les réparations nécessaires à l'entretien de la chose louée, à moins que le locataire ne l'en ait déchargé ; 3° que le locateur avertisse le locataire des défauts nuisibles qui peuvent se rencontrer dans la chose louée, tel qu'est le vice d'un cheval ombrageux; autrement, il serait tenu du dommage causé au locataire par ce défaut, soit qu'il l'ail connu ou qu'il ait négligé de le connaître, car, comme le dit saint Antonin, In hoc etiam contractu venit culpa levis, cum gratia utriusque celebretur; et il y a même quelques cas où ce contrat admet une cause très-légère; 4 que le locateur fasse jouir le locataire de la chose louée pendant tout le temps convenu, faute de quoi il doit l'indemniser. Néanmoins cette dernière règle n'a pas lieu, quand le locataire ne paye pas le prix convenu, et quand il fait un mauvais usage de la chose qu'il tient à louage; comme s'il s'en sert pour des causes réprouvées par les lois.

Le locataire a aussi ses engagements envers le locateur. Car 1° il ne lui est permis de se servir de la chose louée, que pour l'usage dont il est convenu avec le locateur; et s'il en agit autrement, il est tenu de tout le dommage qui en peut arriver; 2 il ne peut quitter la chose qu'il tient à louage, qu'à la fin du terme convenu, à moins qu'il n'y soit contraint par quelque cause juste; auquel cas il doit en avertir le locateur, s'il lui est possible; 3 il doit user de la chose en bon père de famille, c'est-à-dire, la conserver, et faire les réparations

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