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portées par le bail ou par la coutume; il est obligé de payer exactement, et dans le temps convenu le prix du louage au locateur; 5° il doit aussi répondre et de ses faits, et de ceux de ses sous-locataires, domestiques, enfants et semblables.

Quoique plusieurs des règles précédentes puissent s'appliquer aux baux à ferme, il est bon d'en traiter un peu plus en détail. On appelle Buil à ferme, le louage d'un fonds de terre qui produit des fruits en le cultivant, comme un vignoble; ou sans qu'on le cultive, comme un bois taillis, un pré, un étang, en quoi ces sortes de fonds diffèrent des maisons et des autres choses qu'on donne à loyer, et qui ne produisent aucuns fruits. Comme les fruits d'une terre affermée sont incertains, en ne fait un bail que sur la considération de l'espérance qu'a le fermier d'une abondante récolte, et du péril où il s'expose de n'en avoir qu'une très-médiocre et c'est pour cela que le bailleur peut stipuler avec le preneur, qu'il ne pourra prétendre aucune diminution en cas d'une mauvaise récolte.

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Le bailleur est tenu, comme dans un autre louag, de faire jouir le preneur, sous peine de lui payer ce qui sera convenu, ou ordonné, pour ses dommages et intérêts; comme il y est tenu sous la même peine, en cas que le preneur soit évincé de la possession. Quand un bail à ferme est fini, et que le fermier continue, du consentement du bailleur, à exploiter la ferme, le bail est censé renouvelé pour un certain temps; c'est ce qu'on appelle tacite réconduction; et elle doit durer au moins une année ou plus, selon la volonté des contractants, et l'usage communément observé. Mais alors si le fermier a donné une caution au bailleur pour sûreté du prix convenu, la caution n'est pas censée renouvelée, non plus que l'hypothèque du propriétaire sur les biens du fermier; ainsi il ne reste alors au bailleur que l'hypothèque naturelle qu'il a sur les fruits provenant de son fonds; à moins qu'elle ne soit faite par-devant notaires, auquel cas même l'hypothèque n'a lieu que du jour de sa date, comme l'observe Domat.

Le fermier a aussi plusieurs engagements envers le bailleur. Car, 1° il doit jouir du fonds qu'il tient à ferme en bon père de famille, sans le détériorer, et observer toutes les clauses de son bail. Ainsi, si ce sont des terres labourables, il ne peut ensemencer celles qui doivent demeurer en guéret, ni semer du froment quand on n'y doit semer que de menus grains; 2° quand le bail, fait pour plusieurs années, porte que le propriétaire aura une certaine portion des fruits pour le prix de son bail, au lieu d'argent, le fermier doit fournir de sa part les frais des semences et de la culture; et comme un tel bail tient de la nature d'une société, où chacun hasarde de son côté, il doit porter les cas fortuits à cet égard, sans pré endre aucun dédommagement contre le propriétaire, quand même le fonds n'aurait produit aucuns fruits; mais quand le bail est fait pour un an à prix d'argent, le fermier est exempt de payer le prix convenu, quand il ne recueille point de fruits par un cas fortuit, comme d'une grêle ou d'une irruption de gens de guerre, à moins qu'il ne se fût obligé par son bail à porter ces sortes de cas; 3° quand le fermier dont le bail n'est que pour une année, ne souffre que de légères pertes, soit par la petite quantité ou par la mauvaise qualité des fruits, il ne peut prétendre aucune diminution du prix qu'il s'est obligé de payer au propriétaire. Si néanmoins le dommage était considérable, il serait juste que le propriétaire accordât au fermier quelque diminution, dont l'un et l'autre peuvent convenir, ou qui doit être réglée par le juge ou par un arbitre équitable, quand même le bail serait de plusieurs annees. Si le fermier abandonne la culture de sa ferme, le propriétaire a droit de le poursuivre pour ses dommages et intérêts. Le propriétaire est tenu de rembourser au fermier les améliorations que celui-ci a faites, sur le fonds affermé, quand il les a faites sans y être obligé par son bail; comme s'il a planté un bois taillis, ou une vigne dans quelque terrain infertile, etc.

On appelle bail à loyer celui des maisons et celui des meubles; loyer le louage du travail ou du service. Les devis, marchés, prix faits pour l'entreprise d'un ouvrage moyennant un prix déterminé sont aussi un louage, lorsque la matière est fournie par celui pour qui l'ouvrage se fait. On peut louer toutes sortes de biens, meubles et immeubles; sont exceptécs les choses qui se consomment par l'usage; elles ne se louent pas. On peut louer ou par écrit, ou verbalement. Voyez BAIL. La promesse de bail vaut bail lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Le preneur a le droit de souslouer et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite pour le tout ou partie : cette clause est toujours de rigueur. Si le locataire sous-loue malgré la défense qui lui en est faite par une clause de son bail, il s'expose à la résiliation. Si la location est verbale, comme il n'y a pas d'interdiction prononcée, le locataire conserve son droit de sous-louer. Le propriétaire ne doit connaitre que le principal locataire qui est toujours garant, non-seulement du prix du loyer de la chose qu'il a sous-louée, mais encore des dégradations que pourraient faire les sous-locataires. Le locataire ne peut, à moins d'autorisation écrite du propriétaire, sous-louer à des personnes exerçant une profession prohibée, ou qui ne pourrait convenir à l'usage auquel la maison aurait servi jusque-là. Les obligations, droits et priviléges du principal locataire envers les sous-locataires sont les mêmes que ceux du propriétaire envers le principal locataire. Le locataire principal est le seul que doive connaître le sous-locataire, à moins que le propriétaire n'établisse envers lui sa qualité par une signification d'acte. Lorsque le principal locataire ne paye point au propriétaire le prix de la location, les sous-locataires ne sont tenus de payer le propriétaire que s'il fait entre leurs mains des saisies-arréts, et s'il fait ordonner par justice qu'ils se

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ront tenus de le payer. Au surplus, les obligations et droits des sous-locataires vis-à-vis du principal locataire sont les mêmes que ceux du localaire vis-à-vis du propriétaire. Dans tous les cas, le locataire peut emporter les meubles et les ouvrages de menuiserie qu'il aurait fait sceller dans les murs, sauf à remettre ces murs dans leur état primitif. Il ne peut dégrader ni gâter les peintures qu'il a fait faire sur les murs; de même il ne peut arracher les papiers qu'il a collés sur le mur ni les dégrader, quand même le propriétaire ne voudrait pas lui en payer la valeur. Si pendant la durée du bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes, et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le locataire doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles causent et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles sc font, d'une partie de la chose louée; mais si ces réparations durent plus de quarante jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé; si les réparations sont de telle nature qu'elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du locataire et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail. Si le locataire a été troublé dans sa jouissance par suite d'une action concernant la propriété du fonds, il a droit à une diminution proportionnée sur le prix du bail, pourvu que le trouble et l'empêchement aient été dénoncés au propriétaire. Le locataire répond des dégradations qui arrivent pendant sn jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faule. Il répond de l'incendie. Voyez Incendie.

Le locataire à qui le propriétaire demanderait payement de plusieurs termes et qui ne pourrait produire de quittance ne serait pas admis à prouver par témoins qu'il a payé, et le propriétaire serait cru sur serment.

Avant le code civil, le bailleur pouvait faire résilier le bail, s'il voulait occuper lui-même sa maison ou cultiver lui-même ses terres; aujourd'hui, le bailleur ne peut exercer un pareil droit que lorsqu'il a été formellement stipulé par le bail. Le preneur ne peut, à raison de la vente, demander la résiliation; seulement il peut exiger que l'acquéreur déclare de suite s'il entend ou non entretenir le bail. Que le bail soit ou non authentique, qu'il ait ou n'ait pas date certaine, l'acquéreur ne peut expulser le locataire de maison, boutique ou appartement qu'en l'avertissant au temps d'avance usité dans le lieu pour les congés; et le fermier des biens ruraux qu'en l'avertissant au moins un an d'avance. Voyez BAIL. Les obligations de ceux qui sous-louent en garni leurs appartements sont les mêmes que celles des maîtres d'hôtels garnis, aubergistes, logeurs de profession.

CAS I. Laurent a loué 20 arpents de terre labourable à Janvier, pour cinq années: à la troisième année ces terres sont entièrement ravagées par une inondation, ou devenues inutiles par une grande stérilisé. Laurent est-il obligé à porter ce dommage?

R. Il doit le porter, selon Grégoire IX, c.3, de Locato, et selon la jurisprudence de ce royaume. Au fond, un pauvre fermier est assez à plaindre quand il perd ses semences et le fruit de ses travaux, sans être encore obligé à payer le prix des fruits qu'il n'a pas perçus, et sur la récolte desquels ce prix est néanmoins fondé. On convient pourtant avec Papon qu'ordinairement on n'accorde pas de diminution au fermier, quand son bail est de trois ans, et à plus forte raison quand il est de cinq ou plus; parce qu'on suppose avec raison que l'année qui ne lui est pas avantageuse est assez compensée par l'abondance des précédentes et des suivantes; mais on en doit juger autrement, lorsque le bail n'est que pour une année, ou quelquefois même pour deux.

Il faut néanmoins observer, 1° que si le locateur et le locataire avaient fait une convention contraire, ou que les terres affermées fus ent sujettes à la stérilité, comme sont celles qui sont situées le long d'une ri– vière qui les inonde souvent, le locataire n'aurait pas droit de demander une diminution, parce qu'ayant pu et dû prévoir la stérilité ordinaire d'un tel fonds, il est censé avoir bien voulu en courir les risques, et que par cette raison il a moins loué les terres qu'il ne les eût louées, si elles avaient été exemples du danger de cet accident; 2° que ce que nous venons de dire se doit seulement

DICTIONNAIRE DE CAS DE CONSCIENCE. II.

entendre d'un louage fait à prix d'argent; car, si le locateur et le locataire étaient convenus qu'ils partageraient le profit ou la perte, le localaire u'aurait alors aucun droit d'exiger aucune indemnité du locateur.Leg. 5, ff. Locati, etc., lib. xix, tit. 2.

CAS II. Vandel a donné à ferme pour 5 ans une métairie à Aquidan. Après que les blés ont éle engrangés, ils ont été consumés par le feu du ciel. Aquidan demande à Vandel une diminution de la moitié du prix annucl de son bail. Vandel est-il obligé d'entrer dans cette perte?

R. Pendant que les blés sont encore sur pied, le maître du fonds doit supporter une partie du dommage qui leur arrive, parce qu'alors ils sont censés faire partie du fonds, et qu'un fermier ne contracte l'obligation de payer le prix convenu au maître du fonds, qu'en conséquence de la perception des fruits. Mais quand les blés sont enlevés, c'est le fermier seul qui en devient le maître, sous la condition de payer ce qu'il a promis à celui qui est propriétaire du fonds: d'où il suit que la perte des blés que le fermier a recueillis, arrivée par un cas purement fortuit, doit tomber uniquement sur lui, et non sur le propriétaire de la terre; quoique la charité veuille que le maître entre alors dans une partie de la perte que le fermier a soufferte, un tel accident étant capable de le ruiner de fond en comble.

Nota. La loi et la coutume n'accordent au fermier le privilége d'exiger une diminution, en cas d'accidents fortuits, qu'à l'égard des fruits industriels, c'est-à-dire de ceux qui ne sont produits que par la culture et les peines des hommes. Car si les fruits naturels, tels

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que sont les foins et les bois, viennent à périr par l'incursion des ennemis, ou autrement, le fermier seul en doit porter toute la perte, et ne peut avoir d'autre recours qu'à la seule charité de son maître.

CAS III. Eustase a loué pour six ans une métairie à Bernard, et est conyenu avec lui, dans le bail, qu'il serait payé de cette somme entière, nonobstant les cas fortuits qui pourraient arriver pendant le cours de six années. Quatre ans après, la guerre venant à être déclarée, lorsqu'on y pensait le moins, les armées ont consommé tous les grains et autres fruits de cette métairie. Bernard prétend s'exempter de payer l'année à Eustase; celui-ci veut être payé, puisqu'il est porté par le bail que les cas fortuits tomberont sur Bernard, et que sans cela il lui aurait affermé bien plus cher sa métairie, d'où il a tiré un profit considérable les trois premières années. Qui a raison?

R. Une règle en toutes sortes de conventions est que les clauses qu'on y met ne doivent jamais être étendues à des choses qui vraisemblablement ne devaient pas venir dans la pensée des contractants. Iniquum est, dit la loi 9, ff. de Transact., perimi pacto id de quo cogitatum non docetur. Or, les cas fortuits, mentionnés dans le bail dont il s'agit, ne se doivent naturellement entendre que de ce à quoi l'on peut s'attendre, tels que sont la grêle, la gelée, la pluie continuelle et autres pareils accidents, et non pas de ce qui peut arriver par le fait des hommes, comme par une guerre ou par une violence, qui sont des choses où les contractants ne sont pas présumés avoir dû s'attendre. Donc Bernard a raison de vouloir s'exempter de la perte causée par le cas fortuit dont il s'agit ici. C'est la décision de Ferrière, de Domat et de Ménard qui le prouve par arrêt.

CAS IV. Odon, ayant affermé à Landri une métairie pour cinq années, moyennant 400 liv. par an, Landri est troublé dans la jouissance de cette ferme par Godefroy. Ce fermier a-t-il son recours contre Odon, nonseulement pour être déchargé du prix du bail, mais encore pour ses dommages et intérêts?

R. Si Odon peut empêcher ce trouble, et qu'il ne le fasse pas, la perte du prix du bail doit tomber sur lui, et il est en outre tenu de tous les dommages et intérêts envers son locataire, et de tout le profit que cet homme eût pu faire pendant le reste de son bail. Mais s'il ne le peut pas, il en est quilte en remettant au locataire le prix du bail, à proportion de la non-jouissance, sans être tenu du profit qu'il aurait fait en jouissant. Leg. 23 et 24, ff. Locati, etc.

CAS V. Patrocle a loué sa maison à Sylvain. Celui-ci a eu querelle avec un voisin, qui a mis le feu à sa grange, laquelle a été consumée avec tous les grains dont elle était remplie. Patrocle veut obliger Sylvain à rebâtir sa grange. Sylvain prétend n'être pas même tenu de la perte des grains, parce que c'est un cas fortuit. Sur lequel des deux doit tomber le dommage?

R., Il doit tomber sur Sylvain, s'il s'est attiré cet orage par sa faute et son imprudence; parce que, qui occasionem præstat, damnum fecisse videtur. Mais si le voisin a été l'injuste agresseur, et qu'on ne puisse imputer aucun tort à Sylvain; si, v. g. dans un procès intenté par un autre contre ce voisin, Sylvain a été contraint de déposer contre lui, et que, pour s'en venger, il ait brûlé la grange de Sylvain, ce cas doit être considéré comme purement fortuit, et par conséquent il n'en serait pas responsable, mais le dommage du bâtiment de la grange tomberait uniquement sur le locateur. Voyez le cas CYPRIEN.

CAS VI. Prosper, ayant affermé vingt arpents de terre à Bénigne, pour neuf ans, à condition que Bénigne lui paiera 120 boisseaux de froment, la stérilité a été si grande la dernière année, que Bénigne n'a presque rien recueilli; sur quoi il demande à Prosper un dédommagement, tant pour ses semences que pour son labourage, ce que Prosper lui refuse. Lequel des deux a raison?

R. Quand un bail à ferme est fait pour un temps si long, non en argent, mais en certaine portion de fruits, et qu'il arrive dans quelques-unes de ces années des pertes causées par des cas fortuits qui ne sont pas extraordinaires, elles doivent tomber sur le locataire, et non sur le locateur. La raison est que, comme dans une année très-fertile le locataire ne doit rien de pus que ce dont il est convenu, de même, dans une année de stérilité, il ne doit rien de moins Smhil ertra consuetudinem acciderit, dɔmnum colori est. Leg. 15, Locati, etc

Cas VII. Geofroi, ayant loué pour sept ans 45 arpents de terre à Vincent, ce fermier veut ensemencer tous les ans ces terres de froment. Geofroi prétend qu'il n'en dot ensemencer que le tiers, et l'autre tiers de menus grains, et laisser le reste en guéret ou jachère, sans y rien semer. A-t-il raison?

R. Oui, pourvu que cela soit porté par les conventions du bail, ou réglé par l'usage général du pays; car, au défaut des conventions du bail, le locataire est obligé de s'y conformer comme à une loi qu'il doit suivre. Nam diuturni mores consensu utentium comprobati legem imitantur, dit Justinien, Instit. 1. 1, tit. 2.

CAS VIII. Gratien a affermé pour cinq ans une métairie à Bertin, qui y a fait de son chef des améliorations considérables, ayant planté une vigne dans un lieu qui était auparavant inculte. Le bail étant fini, et Gratien ne voulant pas le lui continuer, lui a demandé le remboursement des dépenses qu'il y a faites. Gratien lui a répondu qu'il les avait faites sans son ordre, et qu'ainsi il ne devait pas lui en tenir compte. Ce propriétaire est-il bien fondé dans son refus?

R. Si ce locataire était obligé par son bail à faire ces améliorations, Gratien n'est tenu à lui en faire aucun remboursement; mais s'il ne s'y est pas obligé par son bail, et qu'il ait augmenté par là le revenu de la métairie, Gratien est tenu de le désintéresser. C'est ainsi que le décide la loi 15, cod. de Eviction.,

1. vin, tit. 43, qui dit : Impensas, quas ad meliorandam rem vos erogasse constiterit, habita fructuum ratione, restitui vobis jubebit (Præses provincia). Ces paroles habita fructuum ratione marquent que ceci doit s'entendre comme dans l'estimation des dépenses qu'un acquéreur, évincé d'un héritage, aurait faites pour l'améliorer, et qui en auraient augmenté le revenu; de sorte que si les jouissances de ces fruits étaient suffisantes pour acquitter le principal et les intérêts légitimes des avances faites pour l'amélioration du fonds, il n'en serait point dû de remboursement, l'acheteur ne perdant rien en ce cas ; et si au contraire elles étaient moindres, le remboursement du surplus lui serait dû, parce qu'il ne doit rien perdre. C'est ainsi que M. Domat décide la difficulté proposée, I, tit. 2, sect. 10, n. 17.

- Molina, Lugo, Lopez, etc., expliquent ces lois du cas où le locateur consent tacitement à ces sortes d'améliorations, ou bien de celui où elles ne lui sont pas fort onéreuses. Sans cela un homme pourrait à force de dépenses utiles ruiner son maître, ou du moins rester malgré lui dans sa terre, quoiqu'il s'y fût rendu odieux à tout le canton.

CAS IX. Célestin ayant loué sa maison à Martin pour cinq ans, moyennant 1000 liv. de loyer par an, et Martin l'ayant sous-louée 1200 liv. à Jean; un an après, Célestin la veut réparer et l'agrandir, et demande à Martin qu'il la lui remette vide: Martin le refuse, à moins qu'il ne le dédommage du tort qu'il en souffrirait. Célestin doit-il ce dédommagement?

R. S'il y a une véritable nécessité de réparer la maison, comme si elle menace une prochaine ruine, on doit regarder cela comme un cas fortuit, que le locataire doit subir sans qu'il puisse prétendre aucun dédommagement de Célestin, qui est seulement obligé à décharger son locataire du loyer qu'il était convenu de lui payer. Mais s'il n'y a point de vraie nécessité, Célestin est obligé à dédommager Martin de tout le profit qu'il faisait, et même de faire cesser à ses frais le trouble que le sous-locataire lui pourrait faire à cause de l'interruption du bail que Martin lui a fait. Tantum ei præstabis, dit la loi 33, ff. Locati, etc., quanti ejus interfuerit frui, in quo etiam lucrum ejus continebitur. Néanmoins si dans le cas de nécessité, la réparation se peut faire en peu de temps et avec une légère incommodité du locataire, il est de l'équité qu'il la souffre, sans en préLendre de dédommagement, ainsi qu'il est porté par la loi 27, eod. tit.

CAS X. Christophe a loué pour six ans sa maison à Jacques. Un an après voulant occuper lui-même sa maison, il a demandé à Jacques la résolution du bail qu'il lui en avait fait. Jacques s'est par crainte désisté de son bail, quoiqu'il en souffre un dommage fort considérable. N'y a-t-il pas d'injustice dans le procédé du propriétaire?

R. Il n'y en a point, pourvu que le locateur veuille de bonne foi habiler dans sa maison, et qu'il n'ait pas renoncé expressé

ment à son droit par le bail qu'il en a fait à Jacques. La raison est qu'un propriétaire n'est censé louer sa maison, que sous la condition tacite, qu'en cas qu'il en ait besoin, le locataire sera tenu de la lui rendre : Nisi propriis usibus dominus eam necessariam esse probaverit, dit la loi 3, cod. de Locato, etc. La loi dit moins que Pontas. Il faut qu'un locateur soit nécessité à occuper sa maison, et même qu'il n'ait pas prévu cetté nécessité, quand il l'a louée. Ce qu'il peut faire pour se loger, il le peut faire pour loger son père, sa mère, ou ses enfants. S'il avait une antre maison qui fût libre, il semble qu'il n'aurait pas droit de congédier son locataire. Cependant on juge le contraire au Châtelet. Voyez DOMAT.

Cette loi a été abrogée par le code civil; aujourd'hui le bailleur ne peut exercer un pareil droit que lorsqu'il a été formellement stipulé par le bail.

CAS XI. Ariston ayant loué sa maison à Basile pour cinq ans, peu de mois après un voisin a fait bâtir tout proche une haute muraille, qui en diminue notablement les jours. Sur quoi Basile demande à Ariston la résolution de son bail, ou un dédommagement proportionné à l'incommodité qu'il en souffre. Ce locateur lui refuse l'un et l'autre, et dit pour raison que c'est un cas fortuit qui n'est pas de son fait. Lequel a raison des deux?

R. C'est le locataire; car dès que l'usage d'une chose qu'on n'a louée que pour s'en servir vient à cesser par un cas imprévu, ce changement ne doit tomber que sur le propriétaire. Si vicino ædificante obscurentur lumina conaculi, dit la loi 25, ff. eod., teneri locatorem inquilino. Certe quin liceat colono vel inquilino relinquere conductionem, nulla dubitatio est.

CAS XII. Roch ayant loué sa maison pour huit ans à Pascal, l'a vendue à Julien Trois ans après le bail commencé. Julien est-il tenu de laisser achever le bail, ou peut-il sans injustice en déloger le locataire?

R. Un bail ne finit pas seulement par l'expiration du temps pour lequel il a été fait, mais encore lorsque le fonds loué change de maître. Car le nouveau propriétaire n'est pas obligé à tenir le contrat passé entre son vendeur et le locataire, ainsi que le décide la loi 9, cod. de Locato, etc., en ces termes : Emptorem fundi necesse non est stare colono, cui prior dominus locavit, nisi ea lege emit. L'héritier particulier du locateur n'y est pas même obligé, parce qu'il ne représente pas la personne du défunt, comme fait l'héritier universel. Et c'est par cette raison que celui qui succède à un bénéfice vacant par mort ou par démission n'est pas obligé à continuer au fermier le bail des fruits du bénéfice fait par son prédécesseur. Néanmoins le locataire ou fermier expulsé par l'acheteur a son recours contre le locataire pour les dommages que l'interruption de son bail lui peut causer, leg. 14, ff. Locati, etc.

La jurisprudence n'est plus la même à cet égard. L'acquéreur ne peut expu ser le lo

cataire de maison, boutique ou appartement, qu'en l'avertissant au temps d'avance usité dans le lieu pour les congés; et le fermier des biens ruraux, qu'en l'avertissant au moins un an d'avance, s'il n'y a pas de bail écrit; s'il y en a un, aux termes du bail.

CAS XIII. Ennius ayant loué une maison pour six ans, est mort un mois après le bail commencé. Son héritier peut-il sans injustice obliger le locataire à quitter la maison; ou bien ce locataire est-il tenu à continuer ce bail?

R. L'héritier n'étant qu'une même personne avec le défunt, il entre dans ses obligations comme dans ses droits. Il doit donc continuer le bail fait par son auteur; et le locataire par la même raison est obligé de s'y tenir. C'est la disposition de la loi 10 cod. de Locato, etc.

CAS XIV. Philémon a loué sa maison à Enguerrand pour cinq ans, sur le pied de 500 liv. par an, au lieu de 800 liv. qu'il eût pu la louer; mais à condition que, si la maison vient à périr par quelque cas fortuit, Enguerrand sera tenu de la rétablir. Ce cas est arrivé. A quoi est tenu le locataire?

R. En général c'est au locateur à supporter les cas fortui's, quia res perit domino. Mais quand le locataire s'en est chargé par une convention juste comme dans l'exposé, il en est tenu. C'est aussi ce que dit la loi Si quis ff. locati, etc., en ces termes : Julia nus.... dicit: Si quis fundum locaverit ea lege ut si quid vi majore accidisset, hoc ei præsta retur, pacto standum es›e.

CAS XV. Il suit de cette décision que l'auteur se trompe, cas Fou'ques, quand il dit qu'un homme n'a pu louer à 20 sous par jour un cheval qu'il loue ordinairement 40, à condition que le locataire lui répondrait du cheval, de quelque manière qu'il vint à périr. Et en effet cette sorte d'assurance, quand elle est bien payée, n'est pas contre la nature du louage : Est præter, non autem contra naturam locationis.

CAS XVI. François a une maison qu'il n'a pu louer depuis plus de dix-huit mois, quoiqu'il n'ait aucun autre revenu pour subsister. Peut-il, uniquement pour vivre, la louer à Lucine, qu'il connaît et qui est connue pour femme de mauvaise vie?

R. Cet homme ne peut sans un grief péché louer sa maison à Lucine, ni à toute autre personne qui ne la prendrait que pour s'en servir à des usages criminels. Car il en est de lui comme d'un homme qui vendrait ou qui prêterait une épée à celui qu'il croit probablement s'en devoir servir ponr se battre en duel. Or ce dernier pécherait mortellement, quoiqu'il n'eût aucune autre intention en la vendant, que d'en retirer de quoi vivre. C'est pourquoi saint Charles ne veut pas qu'un confesseur donne l'absolution à ceux qui tiennent des maisons preparees pour jouer aux cartes ou aux des, qu'ils

(1) Si cette maison n'est pas située de manière à fournir une plus grande occasion de pe hè et qu'e le ne puisse pas être lou e à d'autres, Frarços peut la kouer à ces files de mauvaise,vie, pourvu qu'elles

ne renoncent auparavant à cette mauvaise pratique. Or le péché de ceux qui tiennent des académies de jeu, n'est pas si odieux que celui d'une femme qui fait un commerce public de débauche. Disons donc avec sa nt Jérôme, 1. 11, in Matth. Melius est ut emolumentis carnalibus careas, quam dum vis lucrifacere, causam habeas ruinarum. Cepen. dant, dit Sylvius, in 2-2, q. 77, a. 4, si le prince ou ses magistrats permettaient aux femmes débauchées de se retirer dans un certain quartier de la ville, comme le permit Charles VI par son ordonnance du 14 sep tembre 1420, les proprié aires des maisons, qui en ce cas ne pourraient les louer à d'au tres personnes, pourraient les leur louer, afin de pourvoir à leurs besoins par le prix du loyer qu'ils en retireraient, pourvu qu'ils détestassent sincèrement la mauvaise vie de ces femmes perdues. Voyez le cas suivant (1).

CAS XVII. Clément a loué un appartement à une femme qu'il croyait sage, mais qu'il a reconnue pour débauchée. Est-il tenu de l'en faire déloger, quoique sa débauche soit secrète.

R. Oui; parce que c'est favoriser le vice, que de retenir chez soi ceux qu'on sait être dans la débauche; et un véritable chréien n'oserait, sans rougir, soutenir qu'il peut protéger les personnes dont la vie est si honteuse et si criminelle. Cette décision doit être modifiée par ce que nous avons ajouté au cas précédent.

CAS XVIII. Hilaire qui n'a que l'usufruit d'une maison, l'a louée à Julien, qui y a fait des dépenses considérables en réparations. Hilaire étant mort avant la fin du bail, Julien a-t il droit de répéter sur le propriétaire de cette maison les dépenses qu'il a faites?

R. Quand le locateur n'est qu'usufruitier de la maison qu'il loue, s'il vient à mourir avant que d'avoir dédommagé le locataire, celui-ci ne peut pas répéter le prix des réparations qu'il y a faites, parce qu'il devait juger que l'usufruitier, son locateur, pouvait mourir avant l'expiration de son bail, et que son droit de répétition cesserait par cette mort. C'est pourquoi, puisqu'il a bien voulu subir le danger de cette perte, il n'a pas lieu de s'en plaindre. C'est la décision de Domat.

CAS XIX. Damase a loué sa maison à Baudouin pour un an, moyennant 300 liv. Baudouin craignant qu'une maladie contagieuse ne se communiquât dans le lieu où est cette maison, s'en est retiré six mois après le bail commencé, et a envoyé 150 liv. à Damase sans l'avoir averti de sa retraite. Damase prétend qu'il lui doit payer les 300 liv. en entier, parce que ne l'ayant pas averti qu'il abandonnait sa maison, il est cause qu'il ne l'a pas louée à un autre. Quid juris?

R. Un locataire doit ne quitter la chose louee qu'à la fin du terme convenu, à moins ne nuisent pas gravement aux voisins honnêtes. Te est le sentiment de saint Liguori, de Suares et d beaucoup d'autres.

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