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Réglemens de juges.

pour

Une poursuite est dirigée par le ministère public vol. L'information terminée, la chambre du conseil n'aperçoit dans le fait qu'un vol simple, sans circonstances aggravantes, et renvoie le prévenu devant le tribunal de police correctionnelle. A l'audience correctionnelle, on découvre que le vol a été commis à l'aide d'effraction. Dès-lors le fait prend le caractère de crime, et le tribunal correctionnel doit se déclarer incompétent.-Ce tribunal croit bien faire, en conséquence, en suivant littéralement ce que prescrit, pour ce cas-là même, l'art. 193 du code d'instruction criminelle, c'est-à-dire, en renvoyant le prévenu devant le juge d'instruction. – Point du tout; nous allons voir bientôt qu'en obéissant à la loi le tribunal a tort.

Je suppose maintenant que le tribunal correctionnel de première instance a, o mme la chambre du conseil, reconnu dans le vol un simple délit, mais que sur l'appel du ministère public, le tribunal correctionnel d'appel y voit un vol avec effraction, et qu'en observant exactement l'art. 214 du code d'instruction criminelle il renvoie le prévenu devant le fonctionnaire public compétent, autre que celui qui a fait l'instruction. Il semble qu'il ait bien fait de se conformer à la loi. —Point du tout encore; il faut casser sa décision.

Réglemens de " juges.

Oui, dans ces deux cas et dans tous ceux en grand nombre, qui leur ressemblent, la cour suprême pense qu'il y a lieu à réglement de juges; que le tribunal correctionnel, de première instance ou d'appel, doit se borner à déclarer son incompétence, sans prononcer aucun renvoi, parce que ce renvoi annoncerait que le cours de la justice suit sa marche quand il doit être réputé interrompu; et qu'il n'appartient qu'à la cour de cassation de renvoyer l'affaire devant tel ou tel juge d'instruction par voie de réglement de juges.

D'abord, après avoir examiné les seuls articles du code d'instruction criminelle sur lesquels la cour de cassation fonde son opinion, et qui sont les art. 525, 527, 528, 532 et 536 (arrêt du 7 septembre 1827, Bulletin criminel, page 768; arrêts des 11 et 27 septembre 1828, Bulletin criminel, pages 765, 820 et 822), et avoir reconnu que ces articles ne disent pas un seul mot du cas dont il s'agit, on pourrait demander respectueusement comment la cour de cassation a scule le droit de renvoyer devant un juge d'instruction, quand la loi n'en dit rien, et comment les tribunaux correctionnels de première instance et d'appel n'ont pas ce droit, quand la loi le leur donne.

Ensuite, en réfléchissant aux principes de notre législation correctionnelle et criminelle sur ce

juges.

Reglemens de point, on se demande à soi-même comment il est possible de trouver qu'il y ait interruption du cours de la justice, et par conséquent, matière à réglement de juges, dans les cas que j'ai indiqués.

Un fait paraît délit à la chambre du conseil; il paraît crime au tribunal correctionnel. Cette différence d'opinion peut tenir à deux causes : le droit ou le fait. Si, en droit, le même fait est qualifié délit par la chambre du conseil, et crime par le tribunal correctionnel, et que sur le nouveau renvoi qui lui est fait, la chambre du conseil persiste à n'y voir qu'un délit, sans que sa décision soit attaquée par le ministère public, il est certain qu'il y a là une interruption véritable du cours de la justice, puisque ce serait inutilement qu'on renverrait encore l'affaire au tribunal correctionnel qui a déjà déclaré ne pas vouloir la juger. Mais ce cas ne peut, pour ainsi dire, jamais se présenter dans l'état actuel de notre législation. La chambre du conseil et le tribunal correctionnel sont composés des mêmes juges, et l'on ne peut pas supposer que les mêmes hommes veuillent obstinément juger la même question dans un sens quand ils sont dans la chambre du conseil, et dans l'autre quand ils sont à l'audience. Si les développemens de principes fournis à l'audience leur ont fait reconnaître qu'on devait qualifier crime ce qu'à la

juges.

chambre du conseil ils avaient d'abord qualifié Réglemens de délit, ils persisteront, à coup sûr, dans la qualification de crime, s'ils sont de nouveau saisis de l'affaire en chambre du conseil ; il y aura ordonnance de prise de corps, et non renvoi en police correctionnelle, et l'affaire suivra sans obstacles la marche criminelle. Il faudrait un bien singulier hasard, produit par le roulement des juges dans un tribunal de plusieurs chambres, pour que les choses ne se passassent point ainsi, et que l'opposition dans les décisions se continuât.

Si c'est par des considérations de fait, c'est-àdire par la découverte faite à l'audience de circonstances constitutives d'un crime, que les juges correctionnels se sont déclarés incompétens, on peut tenir pour certain que ces mêmes circonstances, non établies lors de la première décision de la chambre du conseil, détermineront cette chambre, quand elle sera de nouveau saisie, comme elles ont déterminé le tribunal correctionnel à reconnaître un crime dans le fait objet de la poursuite. C'est là ce qui arrive ordinairement; on découvre à l'audience correctionnelle une circonstance d'escalade ou d'effraction en matière de vol, d'incapacité de travail en matière de blessures, de violence en matière d'outrage à la pudeur, que l'instruction écrite n'avait pas établies, et dont ainsi la chambre du conseil

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juges.

Réglemens de n'avait pas eu connaissance; le tribunal se déclare incompétent; et les juges qui le composent sont tous disposés à rendre, cette fois, une ordonnance de prise de corps si on la leur demande en chambre du conseil. L'opposition des décisions ne se continue pas, et, ainsi qu'à l'instant je le disais, l'affaire peut sans obstacles suivre la marche criminelle.

Comment se peut-il qu'on aperçoive là une nécessité de demander un réglement de jages? En quoi donc le cours de la justice est-il interrompu? Qu'est-ce qui s'oppose à ce qu'après le renvoi par le tribunal au juge d'instruction, celui-ci fasse, sur un nouveau réquisitoire, un nouveau rapport à la chambre, que la chambre rende ordonnance de prise de corps, la cour royale un arrêt d'accusation, et qu'enfin la cour d'assises soit saisie?

Mais, diront peut-être ceux qui n'ont pas présente à leur souvenir toute la jurisprudence de la cour de cassation, vous outrez les choses; la cour de cassation n'a vu la nécessité d'un réglement de juges que dans l'opposition existante entre la première ordonnance qui saisit le tribunal correctionnel, et le jugement par lequel ce tribunal se dessaisit; elle a pu craindre que, saisie une seconde fois, la chambre du conseil ne persistât dans sa première opinion, et ne voulût pas rendre ordonnance de prise de corps. C'est pour

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