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mens je trouve, ma chere Sœur, que c'est un étrange païs, que celui-ci ; les gens qui y font les mieux établis y avalent bien des Couleuvres; mais c'est un enfer pour les malheureux. Tout ce que je fçai, & tout ce que je vois fur cela, me fait trouver heureux dans ma Province. Vous croïez bien que votre voifinage ne nuit pas à mon bonheur, Monfieur de Montaufier n'eft pas encore mort, il y a dix jours qu'il eft à l'agonie. Il est abandonné des Médecins, & fes parens mêmes ne le voïent plus. J'en fuis trés-faché. Vous fçavez, ma chere Sœur, qu'il a difputé toute la vie contre tout le monde, à préfent qu'il ne voit plus perfonne, il difpute contre la mort. Deux ou trois jours avant qu'il fût à l'extrémité, Madame Cornuel l'étant allée voir, il lui manda par un Gentilhomme, qu'il la prioit de l'excufer, & qu'il ne voïoit plus de femmes. Elle répondit à l'envoïé: Je vous prie de dire à Monfieur de Montaufier, qu'à notre âge il n'y a plus de fexe entre nous.

Adieu, ma chere Sœur, quel que foir le fuccès de mon voyage, j'en veux rendre graces à Dieu, ou par résignation, ou par reconnoiffance. Je vous envoïe

une Lettre que Monfieur le Duc de Lorraine écrivit à l'Empereur en mourant; elle m'a touché.

LETTRE

Du Duc de Lorraine à
l'Empereur.

SA

Acrée Majefté, je ferois parti d'Inpruch pour aller recevoir vos ordres; mais un plus grand maître m'appelle, & je parts pour lui aller rendre compte d'une vie que je vous ai confacrée. Je fupplie trés-humblement votre Majefté de vous ressouvenir d'une femme qui lui touche d'affez prés, des enfans fans biens, & des fujets dans l'oppreffion.

LXXII. LETTRE.

De la Comteffe de Toulonjon au Comte de Buffy.

A Toulonjon, ce 3. May 1690.

E fuis fort touchée, mon cher Frere, de la préférence que vous faites de

moi à tout ce que vous voïez. J'aime a vous croire au premier mot, & je n'en veux rien rabattre. Vous avez raison de croire les nouvelles qui vous regarque dent me font plus de plaifir que celles de la Cour & de la Guerre ; & même que celles des Rois de Maroc & de la Chine. Il n'y a point de tête couronnée qui m'intéreffe tant que vous; mais fans badiner, rien ne me réjoüit plus en votre absence que vos lettres. Nous avons trouvé Madame votre fille & moi la description de la cérémonie, & des difcours des ombres chez Mademoiselle, fort plaifante; & nous avons jugé, qu'une partie de l'ennui que vous avez à la Cour vient de votre caractére naturel & fincére, qui vous fait fouffrir de ne trouver que des gens qui ne difent jamais que ce qu'ils ne penfent point; dont la diffimulation fait toute l'étude, qui ne paroiffent chagrins ou contens qu'autant que ceux à qui ils parlent, font l'un ou l'autre. Revenez vite, mon cher Frere, retrouver la nature. Mais j'ai bien peur que ma niéce de Dalet, qui va vous retrouver, ne vous retienne encore long-tems. Perfonne ne peut avoir plus d'impatience que j'en ai de vous revoir.

LXXIII.

LXXIII. LETTRE.

Du Comte de Buffy au Maréchal de Luxembourg, fur la Bataille de Florus.

A Verfailles, ce 4. Juillet 1690.

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Out le monde icy eft ravy de votre victoire, Monfieur, il y a pourtant des degrés de joïe, & je vous affure que la mienne eft extrême: car depuis 1647. vous vous en fouvenez, j'ai toujours fait profeffion de vous aimer & de vous estimer; & de l'air dont vous vous y prenez, je vois bien que vous ne diminuerez jamais en moi ces fentimens, & que je ferai toute ma vie,

&c.

Tome VII.

LXXIV. LETTRE.

Du Comte de Buffy à l'Abbé de Choify.

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A Buffy, ce 30. Juillet 1690.

E fuis party de Paris, Monfieur dans une conjoncture à donner de la curiofité, auffi en fuis - je tout remply. On attendoit le Roy d'Angleterre à faint Germain le jour que je partis de Paris; l'on ne difoit point le fujer ny le détail de fa retraite, ni en quel état il avoit laiffé Tirconel & Laufun.

Voila un courrier que le Roy envoïe à Soleurre qui me vient de dire, que Sa Majesté Britanique repart cette nuit de faint Germain pour Dunkerque. Va-t-il joindre notre flote pour faire une defcente en Angleterre ? cela ne feroit pas mal pensé de trocquer ceRoïaume contre celui d'Irlande. Mandezmoi, je vous prie, Monfieur, ce qui l'a obligé d'abandonner fi brufquement l'Irlande, le détail du combat qui s'y eft donné, & ce que font devenus nos deux Généraux; car nous fçavons la

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